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Les OGM face à la question de la sécurité alimentaire: controverse et dilemme

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par Jean-Paul SIKELI
Université Cocody Abidjan en partenariat avec le Centre de Recherche et d'Action pour la Paix - DESS droits de l'homme 2005
  

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Section 2 : Les enjeux écologiques et éthiques

Nous aborderons tour à tour les questions écologiques et environnementales et les questions éthiques découlant de la problématique des OGM

Paragraphe 1 : les enjeux écologiques ou environnementaux

Considéré comme un droit de l'homme à part entière, le droit à un environnement sain est reconnu dans l'ordre juridique interne139 des Etats et dans l'ordre juridique international.

Le principe 1 de la Déclaration de Stockholm (1972) lie cependant les normes de protection de l'environnement aux droits humains stipulant que : « l'homme a un droit fondamental à la liberté, à l'égalité, et à des conditions de vie satisfaisantes, dans un environnement dont la qualité lui permette de vivre dans la dignité et le bien-être, il a le devoir solennel de protéger et d'améliorer l'environnement pour les générations présentes et futures ». Il existe bien sûr un lien étroit entre le droit à un environnement sain et les autres doits de l'homme, mais il est souvent plus facile d'aborder les problèmes liés à l'environnement par d'autres droits de l'homme que par le droit à un environnement sain lui-même. La détérioration de l'environnement affecte le droit à la vie, à la santé, au travail, à l'éducation, entre autres droits. C'est autant dire que le droit à l'environnement est un droit fondamental de l'homme.

Certains aspects de la problématique des OGM touchent à ce droit fondamental. En effet, le débat que les OGM suscitent dans le monde entier a donné lieu à des alliances entre groupes disparates s'intéressant à la sécurité sanitaire des aliments mais également à la protection de l'environnement. Il semble que les risques concernant l'environnement diffèrent à plusieurs

égards. De l'avis de certains écologistes, la pratique des plantes génétiquement modifiées est préjudiciable à l'environnement. En effet le développement de l'agriculture biotechnologique favorise la monoculture généralement pratiquée sur de grandes surfaces. Une telle situation peut conduire à l'évidence à une perte substantielle de la biodiversité à travers l'adoption d'un système agricole moderne bien aux antipodes des techniques culturales traditionnelles telles que adoptées en Afrique par exemple. En effet, en Afrique alors que la tendance est à une diversification des cultures sur une même parcelle de terre (diversité génétique), ce qui a pour avantage de sauvegarder la biodiversité, l'agriculture biotechnologique monoculturale repose sur l'uniformité génétique. De plus, les cultures génétiquement modifiées peuvent avoir une influence sur les autres cultures, mais aussi sur les autres organismes qui vivent dans les champs, dans le sol et autour des champs. On note donc des risques de dissémination, de pollution et de contamination liés à l'invasion des cultures génétiquement modifiées.

Les plantes génétiquement modifies se conduisent comme toutes les autres plantes, c'est-à-dire qu'elles se fécondent entre elles, se croisent avec les plantes du champ voisin, produisent des graines qui se multiplient et se disséminent. Les OGM plantés en plein champ vont donc se croiser avec les plantes voisines sous l'effet du vent ou par le canal des insectes et envahir leur environnement, contaminant les autres cultures. Les OGM peuvent donc se répandre de façon incontrôlée dans la nature sous l'effet de la pollinisation croisée. L'histoire de Percy SCHMEISER illustre bien cette possibilité. Agriculteur canadien, Percy SCHMEISER cultive du colza, une plante oléagineuse des pays froids, depuis des dizaines d'années. Il a développé sa propre variété locale qui résiste bien aux maladies et qui a peu de mauvaises herbes. En 1996, ses voisins achètent à Monsanto, la variété de colza transgénique qui tolère l'herbicide Round Up, lui-même commercialisée par Monsanto.

En 1997, Percy SCHMEISER pulvérise comme d'habitude de l'herbicide Round Up sur les bords de son champ afin d'éliminer les mauvaises herbes et les repousses de colza. Deux semaines plus tard, il remarque que ces plants de colza ont survécu et résistent à l'herbicide. Ce qui signifie que son champ de colza conventionnel a bien pu être contaminé par les cultures voisines de colza génétiquement modifié. La preuve : il récolte son colza et, comme il l'a toujours fait, il utilise une partie de sa semence pour l'année suivante. En 1998, Monsanto l'accuse d'avoir utilisé son colza transgénique breveté sans payer le prix de la licence d'utilisation. L'affaire est portée en justice140. La possibilité de la contamination des cultures biologiques ou conventionnelles par les cultures transgéniques pose le problème de la coexistence entre les différentes filières. En effet est-il techniquement possible de faire coexister les filières génétiquement modifiées et les filières non génétiquement modifiées sans que les premières ne nuisent aux secondes. Les scientifiques semblent être pour le moins unanimes sur la question. En effet suite à l'affaire Percy SCHMEISER qui constitue un exemple en la matière, une frange non moins négligeable de la communauté scientifique

Estime que le principe de la coexistence des différentes filières est un leurre. Dans un rapport présenté à la Commission Européenne en janvier 2002, l'Institut d'Etudes Technologiques Prospectives du Centre Européen des Recherches Conjointes affirmait que « La coexistence entre l'agriculture OGM et non-OGM ou l'agriculture biologique est impossible... »141. Des tests sur le flux de pollen ont montré que le pollen de blé peut voler au moins une heure, ce qui voudrait dire qu'il peut, selon la vitesse du vent, parcourir une distance très longue. Le pollen de colza, qui est encore plus léger, peut voler entre trois et six heures. Un vent normal de soixante dix kilomètres à l'heure, se « moque des distances de séparation de quelques centaines de mètres prévues par la loi » commente Percy SCMEISER qui semble tourner en dérision ceux des scientifiques qui estiment que le risque de contamination peut être efficacement contrôlé, à condition de prévoir des mesures rigoureuses qui sont entre autres, « L'établissement des zones-tampons entre les cultures des deux types, le recours à des pièges à pollen ou la bonne gestion des dates de semis et de récolte pour créer un décalage entre les périodes de pollinisation des plantes génétiquement modifiées et les autres plantes, le respect scrupuleux des distances d'éloignement entre ces cultures avec la possibilité de les moduler en fonction des espèces d'une part, et des conditions particulières de la zone, d'autre part.»142. Contrairement à Percy SCHMEISER, certains écologiques favorables aux OGM vont plus loin pour affirmer que l'utilisation des plantes génétiquement modifiées peut avoir des effets bénéfiques sur l'environnement dans certains cas, notamment par la réduction de quantité de produits phytosanitaires avec des plantes génétiquement modifiées peu exigeantes en pesticides ou en insecticides. On évoque même de plus en plus la possibilité de l'utilisation de produits moins polluants parce que biodégradables à partir des manipulations génétiques143.

Si ces solutions méritent qu'on y prête une oreille attentive, on ne peut néanmoins s'empêcher de se poser quelques questions sur la coexistence des différentes filières ; en effet, comment peut-on éviter que les graines de maïs génétiquement modifié tombent par terre et germent plusieurs années après ? Comment un agriculteur pratiquant les cultures biologiques ou conventionnelles peut-il être sûr que son tracteur, sa charrette et même ses bottes ne transportent pas de grains transgéniques ? Comment alors peut-on éviter les mélanges de semences sur les lieux de stockage ? C'est à autant de questions qu'il faudra répondre si on veut appliquer le principe de la coexistence des différentes filières.

Concrètement, il est extrêmement difficile de faire coexister deux filières étanches, l'une transgénique, l'autre biologique ou conventionnelle. En effet, quand les semences sont mélangées dans les charrettes ou les greniers, il est souvent difficile de faire le tri entre les OGM et les cultures traditionnelles, car les grains se ressemblent beaucoup. Seule une analyse technique complexe (analyse PCR) permet de vérifier si le patrimoine génétique d'une semence a été modifié ou non144. De plus en plus les transnationales intervenant dans le domaine des biotechnologies s'activent en vue de sauvegarder la diversité génétique des semences des plantes cultivées145. Pour certains observateurs à l'instar de Robert Ali Brac De La PERRIERE et Frederick PRAT, « Si les industriels promoteurs des cultures transgéniques prennent au sérieux la nécessité de sauvegarder les ressources génétiques des plantes, c'est parce que de nombreux indices attestent la contamination des plantes conventionnelles par les plantes génétiquement modifiées »146. La dispersion du pollen des plantes génétiquement modifiées dans la nature et précisément dans les mauvaises herbes pourrait rendre ces dernières plus résistantes aux herbicides et aux insectes, ce qui nécessiterait pour leur traitement l'usage de produits plus puissants et plus toxiques. De plus, on admet que l'utilisation répétée d'un même herbicide peut entraîner une modification de la flore car sous l'effet des pressions très fortes qui s'exercent sur elles, un processus de sélection fait apparaître des biotypes résistants aux herbicides associés aux plantes transgéniques conçues pour posséder une tolérance à l'égard de ces herbicides. Autre risque : la possibilité d'une colonisation du sol par les plantes génétiquement modifiées. Le génie génétique permet en effet qu'une fois utilisé, par exemple du soja génétiquement modifié sur un sol donné, il ne soit plus possible d'y cultiver du soja biologique. Les effets écologiques ou génétiques de l'introduction d'OGM dans l'environnement peuvent inclure :

- Des effets non voulus sur la dynamique des populations animales et végétales dans le milieu récepteur résultant des impacts sur les espèces non ciblées pouvant subir des répercussions directes du fait de la prédation ou de la concurrence, ou indirecte à cause des changements intervenus dans l'utilisation des terres ou les pratiques agricoles. Certaines recherches relatives à l'impact des OGM sur les espèces non ciblées ont donné des résultats qui ne sont pas de nature à rassurer. Il a par exemple été constaté que les variétés Bt secrètent des toxines Bt dans la rhizosphère ; ces toxines sont alors présentes dans des concentrations plus élevées que dans les conditions normales, ce qui pourrait avoir des conséquences sur les populations d'insectes du sol qui se nourrissent de ces plantes. Le vif intérêt suscité par les papillons Monarque (Danaus Plexippus) très populaire en Amérique du Nord a donné lieu aux travaux les plus importants sur l'impact des OGM sur les espèces sauvages, et les consommateurs s'intéressent de très près à cette question. Ces travaux dont les résultats ont été largement diffusés ont révélé la toxicité du pollen Bt pour les larves de Monarque élevés en laboratoire. Ces travaux vérifient ainsi l'hypothèse selon laquelle la biodiversité pourrait bien disparaître sur le long terme, sous la menace des OGM. Par le pollen, des échanges de gènes peuvent avoir lieu entre les plantes génétiquement modifiées et les espèces sauvages apparentées qui poussent dans les forêts, dans les prairies et les savanes. Ces échanges peuvent transformer les propriétés des plantes sauvages utilisées en agriculture pour l'obtention de plantes cultivées ou pour l'amélioration des plantes cultivées. Ces échanges peuvent également changer les propriétés des plantes sauvages utilisées par la médecine traditionnelle.

-On n'exclut pas la possibilité de contamination des micro-organismes du sol par les OGM. En effet, il n'est pas rare de rencontrer dans la nature des micro-organismes capables d'introduire des gènes de plantes dans leur propre patrimoine héréditaire à l'occasion d'un flux de gènes. Il pourrait donc y avoir un transfert de gènes entre la plante OGM et le micro organisme environnant. Une telle possibilité existerait, qu'elle conduirait sûrement à un

dérèglement de l'équilibre écologique, quand on sait que certains micro-organismes jouent un rôle catalyseur dans le maintien de cet équilibre.

Par sa nature même, le risque environnemental éventuellement associé aux OGM est souvent beaucoup plus difficile à appréhender que le risque sanitaire. D'une part, la sécurité sanitaire concentre ses moyens sur les effets directs pour l'homme, là où la sécurité environnementale doit évaluer un large champ d'espèces végétales et de populations animales, ainsi que leurs innombrables interactions. D'autre part, et surtout, les effets environnementaux sont nécessairement des effets à terme, et donc logiquement beaucoup plus difficiles à évaluer a

priori. Il convient d'insister d'emblée sur un point fondamental, qui explique les inquiétudes des populations : les OGM sont perçus comme une évolution irréversible. Dans ces conditions, le droit à l'erreur ne serait vraiment permis, ce qui confère au débat une tension dramatique qui explique sans doute les incompréhensions parfois animées de violences. Enfin le débat sur les OGM met en confrontation deux visions du développement durable : d'un côté les partisans d'une durabilité faible, estiment que l'épuisement et la dégradation de l'environnement naturel peuvent être compensés par l'investissement et le progrès technologique qui permettent la découverte de substituts. Cette hypothèse de substituabilité présente et future entre le capital naturel et les autres formes de capital, combinée à une vision très optimiste des possibilités de la technologie, aboutit à nier la spécificité des actifs naturels, et donc l'existence de contraintes écologiques absolues.

De l'autre côté, dans sa version la plus rigide, la durabilité forte souligne la spécificité du capital naturel. Alors que le capital technique reproductible peut toujours être modifié en hausse ou en baisse, la diminution du capital naturel est, elle, souvent irréversible. Le progrès technique est impuissant à y remédier et l'hypothèse de totale substituabilité entre le capital technique et naturel est rejetée147.

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"Qui vit sans folie n'est pas si sage qu'il croit."   La Rochefoucault