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Les OGM face à la question de la sécurité alimentaire: controverse et dilemme

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par Jean-Paul SIKELI
Université Cocody Abidjan en partenariat avec le Centre de Recherche et d'Action pour la Paix - DESS droits de l'homme 2005
  

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Section 2 : La responsabilité et la réparation des dommages découlant de l'utilisation des

biotechnologies modernes

Tous les systèmes de droit comportent, plus ou moins élaborés, des mécanismes organisant la responsabilité de leurs sujets. Cela suppose que les sujets de droit engagent leur responsabilité lorsque leurs comportements portent atteinte à l'ordre public ou aux droits et intérêts des autres sujets de droit.

Dans l'ensemble, les textes juridiques qui font l'objet de notre étude montrent que les biotechnologies ont un caractère ambivalent. En effet, s'il est reconnu que celles-ci peuvent contribuer au développement des sociétés, l'on ne saurait pour autant nier les risques que leur utilisation pourrait faire peser sur la santé humaine et l'environnement. Pour circonscrire ces risques et les minimiser ces textes organisent des régimes de responsabilité et de réparation sur les OGM. Les OGM posent un problème général lié à l'environnement. Les problèmes de la responsabilité qui seront traités ici le seront nécessairement dans le cadre du droit de l'environnement.

Paragraphe 1 : le problème de la responsabilité

La responsabilité environnementale se donne en droit comme le moyen par lequel celui qui occasionne une atteinte à l'environnement est amené à réparer le dommage qui en résulte. Les références à la responsabilité apparaissent dans de nombreux traités internationaux qui préviennent sur l'obligation de réparer les torts occasionnés. Dans la plupart des textes, cette obligation s'applique à des individus ou à des opérateurs privés auteurs de l'action211. La responsabilité est généralement stricte : le plaignant n'a pas à prouver que le responsable était bien en faute, mais simplement que l'activité ou le service fourni est bien la cause du dommage pour lequel il cherche compensation. La plupart des Etats sont déjà pourvus de lois nationales sur la responsabilité obligeant les responsables d'un dommage causé par leur activité ou leur produit à dédommager les victimes. Ces lois devraient aussi s'appliquer aux dommages causés par les OGM. De plus l'article 27 du protocole de Carthagène demande aux parties d'adopter « un processus visant à élaborer des règles et procédures internationales appropriées en matière de responsabilité et de réparation pour les dommages résultant de mouvements transfrontières d'organismes vivants modifiés ». Récemment, face à la diffusion des biotechnologies modernes, certains Etats et régions ont entrepris d'élaborer des régimes de responsabilité spécifiques aux dommages liés aux OGM, comme c'est le cas par exemple de la loi modèle africaine sur la sécurité en biotechnologie. Un régime international sur la biosécurité pourrait correspondre en partie au schéma des régimes de responsabilité fixés par traité, étant donné la nature transnationale de l'activité en cause et les risques qu'elle comporte. Certaines des solutions adoptées dans les régimes de responsabilité internationaux existants pourraient servir utilement de modèle aux Etats signataires du protocole de Carthagène lors de leurs débats sur l'article 27. Mais, sur d'autres aspects, le régime de biosécurité se montera plus novateur. Le degré d'incertitude quant aux effets des OGM sur l'environnement et le rôle du principe de précaution dans ce contexte seront probablement à l'origine d'âpres discussions lorsque les Etats aborderont la question de la mise en forme des règles et procédures de responsabilité dans ce domaine. L'avant-projet de loi sur le cadre national de biosécurité a été déterminant sur cette question dans la mesure où son mécanisme de responsabilité prévoit des sanctions pénales.

Le processus initié sous l'article 14 de la Convention sur la Biodiversité devrait particulièrement intéresser les signataires du Protocole de Carthagène. Cet article invite en effet la Conférence des parties à se pencher sur la question de la responsabilité et de la réparation pour les dommages causés à la diversité biologique sur la base des « études qui seront entreprises ». Ceci prend en compte des questions de restauration et de compensation mais omet d'examiner la responsabilité dans la mesure où celle-ci est « d'ordre strictement interne ». Même s'il y a quelque double emploi dans les questions abordées dans les articles 14 de la Convention sur la biodiversité et 27 du Protocole de Carthagène, d'importantes différences existent. L'article 14 se rapporte aux dommages causés par les organismes vivants modifiés et ne se préoccupe que des atteintes à la biodiversité en ignorant les autres types de dommages tandis que le régime de responsabilité du protocole devra finalement prendre en compte, les atteintes à la santé humaine et à la propriété.

En outre, il convient de rappeler que dans tout régime international de responsabilité, les parties doivent s'entendre sur la nature des dommages à couvrir. Certains instruments juridiques couvrent un éventail de dommages tels que la perte de vie, les dommages personnels et les atteintes à la propriété212, tandis que certains instruments précisent que pour entrer dans la définition du dommage, le préjudice subi par l'environnement ne doit pas être insignifiant. On peut se demander ce qu'il en est pour les dommages environnementaux imputables aux OGM : existe-il un niveau de contamination par du matériel génétiquement modifié suffisamment élevé pour constituer un dommage signifiant à l'environnement ? Doit-on fixer un seuil à partir duquel la contamination sera considérée comme effective et signifiante ? Sinon au regard du principe de précaution, est-il utile de fixer un tel plafond ?

Enfin, dans les régimes de responsabilité stricte, la responsabilité est portée sur une personne en particulier qui devient alors le référent pour toute poursuite ou demande d'exonération. Divers instruments viennent résoudre la question de qui doit être tenu responsable. Selon le cas, ce peut être l'opérateur ou la personne chargée de contrôler l'installation ou l'activité mise en question. Dans d'autres cas, le responsable peut être une personne qui n'est pas directement chargée de ce contrôle mais qui est partie prenante de l'activité à un moment donné, par exemple l'armateur dans les régimes sur la pollution par hydrocarbures. Dans un certain nombre de cas, le poids de la responsabilité peut être partagé entre les différents acteurs impliqués dans l'activité. Dans le cas des mouvements transfrontières des organismes vivants modifiés, si l'on adopte la responsabilité stricte, les Etats devront prendre en compte les différents acteurs de la chaîne : les fabricants, les producteurs, les exportateurs, les transporteurs et les importateurs. Ils devront aussi déterminer sur qui doit reposer la responsabilité tout en assurant une répartition équitable de la charge.

Paragraphe 2 : le problème de la réparation

Comme toutes les innovations, les OGM peuvent comporter des risques. La nouveauté de ces produits justifie que leur développement soit inscrit dans un cadre législatif ou réglementaire très exigeant. Une société créatrice peut-elle être une société sans risques ? Assurément non ; mais il convient de les encadrer.

Ce paragraphe sera consacré à l'examen de certains principes clés qui jouent un rôle moteur dans le déclenchement du mécanisme de la réparation. Le premier principe identifié est le principe de précaution. Il met en évidence les rapports entre le droit et la science. Il a pour ambition d'exercer un certain contrôle sur la technique et la science. Il s'efforce de remonter en amont alors que, souvent, le droit court, plus ou moins essoufflé derrière cette dernière. En termes caricaturaux, il se traduit par le dicton « Dans le doute, abstiens-toi » et aussi à un impératif : « Mets tout en oeuvre pour agir au mieux ». La mise en oeuvre du principe signifie soit ne pas agir c'est-à-dire respecter une obligation d'abstention, renoncer à une action non maîtrisée, soit prendre des mesures juridiques et autres pour limiter les futurs effets sur l'environnement et la santé. Il faut cependant reconnaître avec Jean-Marc LAVIEILLE que « plus on attend pour légiférer, plus il est difficile de le faire. Plus on attend pour résister, moins on est capable de dire non, d'effectuer des remises en cause »213. Il existe certainement une nuance entre prévention et précaution. En effet lorsqu'il y a certitude sur un phénomène et sur les conséquences d'une action face à celui-ci, on se trouve dans une situation de prévention. On a la connaissance du risque. Par contre la précaution est une attitude qui consiste à prendre des mesures face à un risque inconnu ou mal connu. Sur la responsabilité pour manquement aux obligations découlant du principe de précaution, on retiendra que peut être jugé responsable, non seulement celui qui n'a pas pris de mesures de prévention du risque mais aussi celui qui en cas d'incertitude n'aura pas eu une démarche de précaution. Le principe de précaution consiste désormais à dire que « non seulement nous sommes responsables de ce que de ce que nous savons, de ce que nous aurions dû savoir, mais aussi, de ce dont nous aurions dû nous douter. » Tel que présenté, le principe de précaution laisse peu de chance aux contrevenants (Etats ou individus) d'échapper à leur responsabilité pour dommage causé par l'utilisation des OGM, à l'environnement ou à la santé. Invoqué régulièrement, le principe de précaution est également controversé. Pour certains, sa mise en oeuvre va conduire insensiblement à le transformer en un principe d'inaction ou d'abstention. Cette dérive, forme de « mutagenèse dirigée » du principe de précaution, l'a progressivement éloigné du concept originel, qui désignait plutôt une forme d'action prudente. Cette évolution, voire cette dérive est, à en croire le sociologue Alain TOURAINE, l'expression de la société d'inquiétude dans laquelle nous vivons214. Concrètement, la première sanction découlant de la violation d'une règle de droit international est la réparation « in integrum » c'est-à-dire la remise de la chose dans son état initial. Généralement, cette sanction est difficilement

applicable. On a donc trouvé la solution dans le principe pollueur-payeur qui veut que celui qui pollue par exemple l'environnement s'acquitte d'une certaine somme d'argent en guise de compensation. Mais comme le fait si bien observer Jean-Marc LAVIEILLE215, certains sont inquiets de la mise en oeuvre de ce principe qui peut freiner l'esprit d'entreprise, remettre en cause des projets de développement. D'autres insistent plutôt sur les dérives possibles du principe. Autant le principe est nécessaire en termes de responsabilité autant il ne faut pas qu'il devienne ici une incitation à la pollution. Des opérateurs peuvent par exemple polluer l'environnement par une utilisation incontrôlée des OGM pour autant qu'il leur sera possible de payer l'amende ou réparer pécuniairement le dommage. C'est la raison pour laquelle les amendes doivent être dissuasives.

Il reste que le droit international de l'environnement remet en cause les règles traditionnelles de la responsabilité. En effet, comme peuvent le constater avec regret Patrick DAILLIER et Alain PELLET216, les mécanismes de responsabilité en Droit International de l'Environnement ont plutôt abouti à une dilution du domaine de la responsabilité avec l'apparition de mécanismes de responsabilité « molle » découlant de la conjugaison de plusieurs facteurs dont la fluidité et l'imprécision des normes, la difficulté dans l'appréciation des manquements, le caractère diffus des dommages, la difficulté dans l'identification de la source de pollution en raison des incertitudes scientifique, si bien que le lien nécessaire entre le manquement et le dommage, indispensable à la mise en oeuvre de la responsabilité, ne peut, dans bien des cas, être établi avec certitude. L'affaire Percy SCHMEISER que nous avons évoquée précédemment révèle peut-être bien toutes ces difficultés. Revenons sur cette affaire qui constitue un précédent historique dans les annales de la justice. L'histoire de Percy SCHMEISER est particulièrement tragique et met en exergue le flou juridique entretenu face aux nouvelles technologies.

En 1998, la firme Monsanto accuse l'agriculteur canadien d'avoir utilisé son colza transgénique breveté sans payer le prix de la licence d'utilisation. L'affaire est portée devant le tribunal. Monsanto déclare que sa variété transgénique est protégée par un droit de propriété intellectuelle, un brevet et que le brevet a été violé. Le géant agro-industriel réclame à Percy SCHMEISER le prix des semences, un pourcentage de la récolte et une amende de 175000 dollars c'est-à-dire plus 9 millions de FCFA. Percy SCHMEISER affirme devant le tribunal qu'il n'a jamais délibérément planté des semences génétiquement modifiées. Au contraire, la contamination de son champ par des plantes transgéniques fait que son travail en tant que sélectionneur, sa variété, son sol et ses bénéfices ont souffert de sérieux dommages puisqu'il ne peut plus vendre son colza comme « non OGM . Et pourtant en 2000, le tribunal rend son jugement en faveur de Monsanto qui déclare que « peu importe comment les gènes génétiquement modifiés sont parvenus dans le champ de M. SCHMEISER, il aurait dû donner sa récolte au propriétaire du brevet »217. Le verdict du tribunal condamnant SCHMEISER est stigmatisé par bon nombre d'observateurs qui estiment qu'il y a eu là une application à la renverse du principe pollueu-payeur, dans la mesure où plutôt que de faire payer le pollueur, c'est le pollueur qui a été payé.

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"Il y a des temps ou l'on doit dispenser son mépris qu'avec économie à cause du grand nombre de nécessiteux"   Chateaubriand