WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

L'approche interculturelle en Prevention Specialisée

( Télécharger le fichier original )
par Yassine Jelouali
Université Paris 13 - IRTS - DEES-Licence 2003
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

II/ PRESENTATION DES SITUATIONS

Dans cette présentation, j'exposerai dans un premier temps la situation d'un jeune français d'origine sénégalaise, puis, dans une deuxième temps je vous présenterai l'accompagnement d'une jeune française d'origine malienne et enfin dans un dernier temps je vous proposerai un florilège de situations interculturelles.

Les deux premières situations ont été rencontrées durant mon stage dans le club de prévention, le reste des situations proviennent des trois stages que j'ai effectués durant ma formation d'éducateur spécialisé. Concernant mes deux stages de découverte je les ais effectué dans un institut de jeunes sourds et dans une association d'aide aux étrangers.

Situation M.

M. est né en 1987 au Sénégal dans une fratrie de six enfants. Il a une soeur et un frère aîné ainsi que deux demi-frères en bas âge. Ses parents ne sont pas divorcés mais le père de M. est polygame et a donc deux femmes qui vivent au domicile familial.

Son père est arrivé en France en 1964. Après avoir séjourné pendant 35 ans, seul, dans un Foyer Sonacotra (foyer de travailleurs étrangers), il décide d'effectuer un regroupement familial et oient un logement HLM (Habitation à loyer modéré). M. a deux ans lorsqu'il arrive en France.

Dès leur arrivée, tous les enfants sont scolarisés à l'école publique.

M. y suit une scolarité sans problème notoire jusqu'à la classe de 4e où à la suite d'un problème il est renvoyé du collège.

Suite à ce renvoi, M. vient nous voir au club de prévention sur les conseils de l'assistante socialedu collège.

En effet, le club de prévention entretient un partenariat actif avec le collège qui consiste à diverses interventions de la part des éducateurs au sein de l'établissement où à l'extérieur.

Il n'est pas rare de voir des établissements scolaires faire appel à un club de prévention lorsqu'ils estiment qu'un suivit individuel est nécessaire. Cependant, dans ce cas M. comme deux autres élèves durant l'année qui après avoir été renvoyés par le collège ont été dirigés par celui-ci vers le club de prévention afin qu'il puisse d'une part effectuer un suivit éducatif et d'autre part leur trouver un autre établissement.

Ce qui peut paraître assez bizarre lorsque l'on sait que l'établissement qui renvoie un de ses élèves âgé de 16 ans et moins, doit en collaboration avec l'académie lui trouver un autre collège. De plus, la personne passe généralement 4 à 5 semaines à attendre d'être scolarisé. Ce qui être source de marginalisation pour certains élève.s

M. arrive au club de prévention un jeudi, il a été renvoyé depuis plus d'une semaine, et nous explique qu'il a été exclu du collège et qu'il aimerait en trouver un autre afin de continuer sa scolarisation. Ce premier entretien dure environ deux heures durant lesquelles il nous explique pourquoi il a été exclu.

Le collège nous a expliqué que M. a été exclu car il répondait d'une façon véhémente voire violente à ces professeurs.

M. nous explique, lui, « je n'ais jamais insulté un professeur mais c'est vrai que je ne me laissait pas faire par eux. Je leur ait parlé correctement mais peut être que j'ai haussé un peu le ton ».

II est à noter que le physique de M. a eu peut être une influence indirecte sur son exclusion.

M. est un jeune homme physiquement imposant. Il mesure 1.90 et pèse environ 95 kilos. Son physique de « rugbyman » ainsi que sa voix grave peuvent faire peur à ses interlocuteurs.

D'ailleurs après le premier entretien, lors d'un débriefing que l'on fait après chaque rencontre l'éducatrice avec laquelle je faisais ce suivit m'a dit « ...il m' a fait flipper lorsqu'il a commencé à s'énerver en parlant de ces profs ». Cela n'est bien entendu qu'une hypothèse mais qui a eu a mon avis une influence sur la réaction des différents professeurs.

Après cette première rencontre nous décidons de proposer à M. de faire des chantiers afin qu'il ne reste pas sans occupation tout en nous permettant d'effectuer notre accompagnement.

Donc, lors de notre seconde rencontre, nous lui proposons qu'en attendant la réponse de l'académie il pourrai travailler avec nous ce qui lui permettrait de gagner un peu d'argent et de s'occuper.

M. nous répond positivement à cette proposition et se montre ravit car il s'ennuie et « ...en a marre de galérer avec les autres crickets du quartier ».

Ce terme de « criquet » sert à désigner chez les jeunes de son quartier ceux qui ne sont pas scolarisés et n'ont pas emplois.

Le lendemain, M. arrive et est ponctuel. Avant de partir faire le chantier nous discutons ensemble autour d'un café en attendant l'arrivée de ma collègue. Au cours de la discussion M. me demande si je suis « muslim » (musulman), je lui réponds par l'affirmative et s'ensuit une discussion sur notre pratique religieuse. M. me fait remarquer « que la plupart des jeunes ont oublié d'où ils venaient et qu'ils ne pratiquent pas la religion de nos parents ». La discussion continue jusqu'à l'arrivée de l'éducatrice et nous partons tous les trois pour le chantier.

Comme je voulais expliquer précédemment le club de prévention utilise comme outil éducatif les chantiers.

Le club de prévention effectue trois types de chantiers : l'affichage de documents administratifs dans la ville, la distribution de ces mêmes documents ainsi que le nettoyage des espaces verts. Nous avons porté notre choix sur ce dernier type de chantier car le cadre (parc boisé) et la longueur de la tâche (Trois heures) permettent d'instaurer un dialogue de qualité.

Nous commençons le chantier et M. se révèle consciencieux dans son travail. Il ramasse tous les détritus dans le parc et va jusqu'à fouiller dans les buissons. Cependant, l'échange avec M. est assez limité et répond à nos différentes questions par des réponses courtes : « oui, non, etc... ».

Il est vrai que lors des premiers entretiens, comme j'ai pu le constater au cours de ma formation, l'échange est assez limité. Ce qui s'explique tout simplement par la méconnaissance de l'interlocuteur. Et, pour instaurer un dialogue il faut avant tout installer une relation de confiance. Cela dit Les échanges avec M. étaient vraiment unilatéraux.

Après une heure de travail nous décidons avec l'éducatrice que je continuerais seul le chantier avec M.

Il est vrai que lors du premier entretien, nous avions constaté que M. avait dû mal à s'adresser à l'éducatrice. En effet aux questions posées M. s'adressait exclusivement à moi pou y répondre.

En l'absence de l'éducatrice, M. s'exprime plus facilement et est beaucoup plus disserte. Il m'expliquait que son exclusion « ...s'était n'importe quoi et qu'il en avait marre des français qui étaient tous des racistes et des mounafikouns (non-croyants)... ». Il continua son discours en disant : « qu'est ce qu'ils nous font chier à nous prendre la tête avec le foulard, j'ai mit une fois une chéchia et ils m'ont pris la tête avec ça, qu'est ce que ça peut leur foutre que je porte ça, ils mettent bien leur croix eux et personne les soûle ». Pendant une demi-heure M. continua sur le même ton.

Il est intéressant tout d'abord de voir qu'en l'absence de l'éducatrice M. est beaucoup plus expressif. Cela peut s'expliquer par sa relation avec le sexe féminin mais il est assez tôt dans la relation pour savoir si cette hypothèse est pertinente ou non.

que face à cette exclusion justifiée ou non M. a réagit en se sentant attaquer sur sa différence. D'une part sur son origine et d'autre part sur sa religion.

A la fin de ce chantier éducatif, qui m'a permis dans apprendre davantage sur M., je lui donnais rendez-vous après le week-end pour poursuivre nos recherches sur le collège.

Puis, une fois rentrer dans le club de prévention, je fis un point sur la situation avec ma collègue. Après lui avoir rapporté la situation, elle me dit que : « j'avais sentis qu'il était mal à l'aise avec moi,on a bien fait de se séparer comme ça on a pu en apprendre davantage sur sa situation personnelle ».

Le lendemain, M est toujours aussi ponctuel et je lui propose que l'on appelle l'académie afin d'avoir des nouvelles. Je lui donne le numéro de téléphone et, M. me demande : « Est-ce que vous pouvez les appeler à ma place, vous, vous parlez bien alors que moi je bafouille ». L'éducatrice lui répond : « non, c'est à toi d'appeler mais s'il y a un problème avec eux on pourra t'aider ». M. finalement accepte et appelle l'académie. Cet entretien téléphonique s'est bien dérouler car M. a su très bien exprimer sa demande malheuresement son interlocuteur lui a répondu qu'ils ne lui avaient pas encore trouvé de collège pour l'accueilir.

M. est déçu de la réponse : « j'en ai marre c'est quand qu'ils vont me trouver un collège, mon père n'arrête pas de mettre la pression parcequ'il comprend pas pourquoi j'ai pas trouvé e collège, il croit que c'est facile lui ». Devant cette situation l'éducatrice et moi-même lui proposons s'il veut que nous rencontrions ses parents afin de leur expliquer la situation. M. répond par l'affirmative : « ouais ça serait bien comme ça il verra que c'est pas si facile que çà ». Nous proposons alors à M. qu'il demande à ses parents de nous appeler pour que nous fixions un rendez-vous avec eux. M. part et nous dit qu'il dira à son père de nous appeler dès ce soir.

Il est intéressant de voir que lorsque nous proposons à M. de rencontrer ses parents, il ne parle que de son père comme si sa mère était absente.

Le soir même le père de M. nous appelle et est d'accord pour nous rencontrer, iol nous dit que son fils lui a expliqué que nous étiojns les personnes qui l'aidions à trouver un nouveau collège. Le rendez-vous est fixé deux jours plus tard.

Durant les deux jours qui précèdent le rendez-vous avec les parents, nous continuions avec M. de prendre des nouvelles avec l'académie (sans succès) et d'effectuer les chantiers éducatifs.

D'ailleurs les relations entre M. et l'éducatrice s'améliorent mais M. rest tout de même assez « timide ».

Le jour du rendez-vous M. vient au club de prévention pour nous amener chez lui. Nous arrivons chez M., son père nous accueille et nous fait asseoir dans leur salon. Une fois installé son père appelle sa femme et lui demande de nous servir des boissons. Le père nous demande en attendant si notre famille va bien, si nos enfants vont bien. La mère revient et après nous avoir servit, elle repart dans une autre pièce. A ce moment là le père nous demande comment se passe les recherches pour rescoloariser son fils. Ma collègue lui répond alors : « on va peut être attendre votre femme pour commencer ». Il lui rétorque alors en souriant : « ma femme est occupée, mais vous pouvez m'expliquer pour mon fils, c'est moi qui m'occupe de son éducation ».

Cette réaction du père peut nous choquer car nous avons une conception nucléaire de la famille basé sur une redistribution des rôles plus égalitaire. Néanmoins, dans la culture africaine la distinction entre la femme et l'homme est très marquée. Celle-ci se base sur des préssuôsés idéologiques ou religieux.

Nous n'insistons pas et nous lui présentons les démarches que nous avons effectué ainsi que la motivation de M pour trouver un nouveau collège. La discussion continue autour de la situation de M. et après une heure nous décidons de prendre congé. Nous donnons rendez-vous à M.pour le lendemain.

Le lendemain, M rappelle l'académie et celle-ci lui explique qu'il est rescolarisé dans un collège situé dans une ville liimitrophe et qu'il doit prendre contact avec le proviseur de l'établissement. Suite à l'entretien téléphonique M. est content et prend l'initiative d'appeler tout de suite le proviseur pour prendre rendez vous avec lui. Le proviseur lui propose un entretien l'après midi même. M. nous demande si nous pouvons l'accompagner à ce rendez-vous. Nous lui répondons par l'affirmative et partons l'après midi avec lui.

Le proviseur nous reçoit et après s'être présenté il s'adresse à M. : « j'espère que votre intégration ici se passera bien, j'espère également qu'il n'y aura aucun problème fâcheux avec vos nouveaux professeurs ? ». M. lui répond : « vous inquiétez pas il n'y aura aucun problème tant qu'on me respectera », je prends la parole et m'adresse à M. : « mais le respect cela marche dans les deux sens », M. sourit et me dit : « bien sûr mon frère ». La discussion continue sur les modalités d'entrée dans le collège et le proviseur donne rendez vous à M. deux jours plus tard pour intégrer l'établissement.

Nous nous séparons de M. à la fin de l'entretien et ce dernier nous remercie de l'avoir aidé.

Un semaine plus tard nous appellons M. pour savoir si tout se déroule bien dans son nouveau collège, il nous dit : « ça va pour l'instant, c'est je ne connais pas grand monde mais tout les profs et les autres sont sympas avec moi ». Nous demandons à M. de nous tenir au courant de sa situation scolaire et nous prenons congé de lui.

D'après les informations que j'ais pu avoir , après avoir quitté mon lieu de stage, M. continue tranquillement sa scolarité et malgré quelques difficultés d'adaptation à son nouveau collège, tout à l'air de se dérouler convenablement.

Commentaire

Ce cas m'a semblé intéressant car il permet de voir que certaines situations méritent une adaptation de l'éducateur permettant d'accéder à une « vraie » relation.

Ce que je souhaite pointer dans cette situation est la relation qu'entretient M. avec les femmes.

Dans un premier temps, pendant le chantier éducatif, nous avons tenter d'adapter notre intervention et d'établir une relation de confiance avec M..

En effet, en prévention spécialisé, l'absence de mandat, le principe de la libre adhésion ainsi que celui de l'anonymat imposent, avant même d'envisager un accompagnement éducatif, que l'on établisse cette relation de confiance permettant l'adhésion du jeune.

Ainsi, nous avons décidé que j'effectuerai seul l'accompagnement éducatif durant le chantier, car sans ça nous aurions mis sûrement plus de temps à entrer en contact avec lui.

Il arrive fréquemment que les jeunes que nous accueillons s'adressent plus facilement aux éducateurs du même sexe. Cependant, concernant ce jeune il m'a semblé que le refus de s'adresser à l'éducatrice et plutôt s'adresser à moi, était peut être dû à une donnée culturelle émanant de son éducation.

Cette donnée culturelle dont je parle est la représentation symbolique de la femme.

Pour expliquer cette représentation il faut se baser sur la cellule familiale et les rôles et statuts de ses membres. Dans la famille traditionnelle, c'est l'homme qui représente la famille dans la vie publique, la femme, elle, occupe le champ privé. C'est donc à travers ces représentations que va se construire chez le jeune une vision inégalitaire des sexes.

Dans la situation de M. ce qui me permet de dire qu'il y a un aspect culturel dans sa relation avec les femmes provient d'un coté, de l'épisode qui s'est déroulé durant le chantier éducatif et d'un autre coté les échanges qui ont eu lieu au sein du foyer familial.

Comme nous l'avons précédement signalé (voir situation) l'épisode du chantier éducatif à révéler l'attitude du jeune vis-à-vis des femmes et nous avons eu confirmation lors de notre rencontre avec ses parents. Dans cette dernière, l'attitude de M. semble reproduire celle du père dans le sens où ce dernier met à l'écart sa femme lorsque nous entamons la discussion au sujet de son fils (sa scolarité).

On comprend avec ma collègue assez rapidement que le père de M. « représente la famille vers l'extérieur, dans la vie publique » comme nous le suggère Gilles Verbunt8(*) à propos des rôles et statuts dans les sociétés traditionnelles.

Nous avons été marqués par la ressemblance d'attitudes entre le père et le fils, ces moments passés au sein du foyer familial nous ont permis de confirmer le constat établit lors du chantier éducatif et d'en déduire que M. se trouve bien dans un schéma de reproduction parentale qui constitue un trait culturel que l'on retrouve fréquemment.

Situation A.

A. est née en 1982 en France et est originaire du Mali. Elle fait partie d'une fratrie de 7 enfants tous nés en France et qui y suivent leur scolarité.

La première rencontre avec A. se déroule au club de prévention en décembre 2000. Elle y est venue avec une amie qui connaissait le club puisqu'elle y a été suivie par une éducatrice.

En arrivant, Aminata paraît triste et sa demande est de l'aider à trouver un logement afin qu'elle soit plus indépendante : « j'ai besoin de place, on vit à sept à la maison, on est les uns sur les autres, j'en ai marre,..., je veux me barrer ».

Nous prenons rendez-vous avec elle le surlendemain car d'autres entretiens étaient prévus à ce moment là.

Le lendemain, en réunion de régulation, l'équipe décide que je ferais le suivi d'Aminata avec ma tutrice de stage.

Le jour du rendez-vous, Aminata arrive cette fois-ci sans son amie. Une fois installée, Aminata nous reparle de sa problématique et nous dit en pleurant : « j'en ai marre, il faut que je trouve un appartement ». Après l'avoir réconfortée, nous lui demandons de nous exposer plus calmement son problème.

Aminata nous décrit sa situation depuis 1999 : elle part au Sénégal, son pays d'origine, en 1999 en compagnie de sa mère. La raison de ce départ serait la situation de sa grand-mère, gravement malade.

En arrivant à Dikha (un village du sud-ouest), elle trouve sa grand-mère en bonne santé et apprend par sa mère que ce voyage est : « pour te marier parce qu'il est temps maintenant ».

Malgré son refus, on l'oblige à se marier avec un homme : « à qui je suis promise depuis l'âge de 12 ans ». Aminata revient uniquement avec sa mère en France quinze jours plus tard et refuse de reconnaître son mari.

Elle décide de quitter le giron familial et part habiter chez une amie dans un département voisin. Quelques jours plus tard, elle apprend qu'elle est enceinte. Après certaines démarches auprès de la Mission Locale où elle suit le programme TRACE, elle va bénéficier, par l'intermédiaire de l'assistante sociale de cette structure, d'un début d'accompagnement pour faire une IVG (janvier 2000). Personne n'est au courant dans la famille : « c'est interdit chez nous d'avorter, on m'aurait obligé à le garder ».

Quinze jours après son départ du foyer familial, et une semaine après avoir appris qu'elle était enceinte, Aminata revient chez ses parents : « je m'étais disputée avec mon amie pour des conneries et donc je suis partie ». A son retour au domicile familial, son père est au pays et sa mère l'a acceptée sans problème d'autant qu'A. travaillait et donnait de l'argent à sa famille (nous dit-elle).

En effet, Aminata nous dit qu'elle travaille à la mairie J. dans un service administratif, elle y a signé un contrat CES (Contrat Emploi Solidarité).

Après nous avoir raconté cet épisode de sa vie, elle continue en nous expliquant sa situation actuelle :

« J'en peux plus maintenant, toute la famille fait pression sur moi : mêmes les cousins d'Espagne et d'Amérique m'appellent pour que je fasse venir mon mari en France. En plus, j'ai honte de ce que je vais faire » (concernant l'IVG).

A. continue en nous disant qu'elle a l'impression de tromper sa famille à propos de l'IVG et se sent très mal, même avec sa mère. Elle continue néanmoins à s'occuper de ses frères et soeurs ainsi que de ses cousins. En effet, son père les a adoptés à la mort de leurs parents (maladie ? en 1993).

Elle nous explique également : « mes parents ont des problèmes sociaux et je ne veut pas mélanger ma vie à la leur et je ne veux pas rencontrer l'assistante sociale du secteur qui ne comprend rien ».

Après tous ces éléments d'information concernant la vie personnelle et familiale d'A., nous décidons, avec ma tutrice et avec l'accord de la jeune, de prendre contact avec l'assistante sociale qui la suivait dans le programme Trace afin de faire le point sur l'évolution d'A. dans le cadre de ce dispositif et de donner suite à la demande d'IVG. Suite à ce rendez-vous en présence d'A., l'assistante sociale nous précise qu'A. suit une formation d'informatique (en parallèle avec son travail) dans le cadre du programme Trace.

Au cours de nos échanges, A. reformule sa demande en vue d'une IVG : « oui, je suis sûr je veux faire l'IVG, c'est pas mon enfant ».

Nous accompagnons dès le lendemain Aminata à la PMI et après un entretien avec une conseillère ainsi qu'un psychologue, une date est arrêtée pour l'IVG.

A. nous raconte après son IVG, que tout s'est bien passé mais que devoir répondre à tant de questions autour de ce choix : « c'était pénible, j'ai beaucoup pleuré avant et après l'intervention, j'avais peur ».

Après ces propos tenus par la jeune, nous lui demandons si elle souhaite bénéficier d'un soutien psychologique mais le refus est catégorique pour le moment.

A. revient très rapidement sur sa demande initiale,c'est-à-dire son désir de quitter le domicile familial : « la vie y est de plus en plus difficile, je dois m'occuper de la maison et de mes frères et soeurs. ».

Nous lui proposons alors de rencontrer sa mère pour tenter une médiation ce qu'elle refuse immédiatement. En partant de sa demande, nous commençons à envisager un accompagnement autour du logement. Nous discutons donc avec elle des différentes possibilités d'aides pour accéder à un logement : APL (allocation personnalisée au logement), FAJ (fond d'aide aux jeunes) ; puis les structures pouvant l'accueillir : Foyer jeunes travailleurs, Pavillon social de la ville. Nous nous quittons après avoir repris un rendez-vous pour le lendemain.

A. n'honore pas ce rendez-vous, alors nous l'appelons sur son portable et elle nous explique, un peu confuse, qu'elle n'a pas pu venir mais qu'elle sera présente le lendemain à 14 heures.

Ce jour là A. arrive avec une heure de retard. Nous faisons le point sur sa demande et les démarches effectuées dans ce sens. Nous lui proposons, après avoir contacté le Pavillon social de la ville, une chambre. Nous lui en expliquons le fonctionnement et les modalités d'accès à ce logement.

Après cette proposition, Aminata commence à se montrer réticente face au projet du départ : « je sais pas, là ça se passe bien avec ma mère, dans la chambre je serais toute seule et mes affaires je les mettrai où ? ».

Devant cette réponse, nous commençons à nous poser des questions sur la volontée de A. de quitter le giron familial. La suite n'ayant apporté aucun élément significatif, j'ai choisit de ne pas les retranscrire.

A l'heure actuelle, le club de prévention n'a aucune nouvelle de A., l'assistance sociale qui la suit dans le cadre du programme Trace a indiqué aux éducateurs qu'elle avait arrêté sa formation qualifiante en informatique mais continue son emploi dans la mairie.

Commentaire

A la suite de cette rencontre et des actions qui ont été proposées, plusieurs points d'analyse peuvent se dégager.

Tout d'abord, nous observons une très grande instabilité dû sans doute à un défaut de maturité et à une difficulté à se situer dans une culture donnée : l'IVG ne se pratique pas dans la société sénégalaise traditionnelle, pourtant la jeune fille ici en a le droit et en fait la demande.

Il est à noter que la famille de A. est très croyante (Confession chrétienne) ce qui « dans le cas de l'IVG, détruire ce que Dieu a crée »9(*) .

Mais A. est partagée, elle a du mal avec sa demande, qui est à la fois une aspiration profonde (elle ne veut pas qu'on lui impose un mari, ni des enfants) en même temps qu'un déni des valeurs qu'elle a acquises dans son éducation et que véhicule sa famille. Pour l'aider, peut être fallut davantage prendre en compte la situation culturelle de la jeune fille et l'aider mieux ainsi à prendre ses décisions. Il aurait fallu peut être également mieux l'ancrer dans la réalité, par exemple en lui faisant prendre conscience des difficultés et des avantages qu'offrit la prise d'un logement.

Il y a sans doute un peu trop de précipitation pour établir des véritables méditations avec la famille et ne pas brusquer la jeune. Rappelons à ce sujet qu'une des difficultés en prévention spécialisé réside dans le fait que l'on travaille sans mandat, l'anonymat et sur le principe de la libre adhésion. A tout moment, la jeune fille peut rompre, disparaître et mettre en échec ce qui a été tenté par elle au préalable.

Il faut savoir évaluer quelles sont les réelles motivations de la jeune fille.

En effet, une fois le logement pour A. trouvé, elle se fait réticente, signe peut être que sa démarche profonde résidait ailleurs et que l'on n'a pas su bien la décripter. Peut être

Situation n° 3 : Incompréhensions culturelles

Dans ces situations, je ne ferais pas une étude sur une situation interculturelle particulière. Mais un exposé de situations d'interactions entre deux cultures : celle de l'éducateur et celle de l'usager.

Ces situations se sont déroulées dans le club de prévention, ou j'ai effectué mon stage à responsabilité, mais également dans les deux autres stages (Institut de jeunes sourds et association d'aide aux étrangers).

Fuir de chez soi

Durant mon stage dans le club de prévention, une jeune fille française d'origine marocaine (18 ans) est venue au club de prévention pour une demande anodine.

Elle nous a expliqué (au second rendez-vous) qu'elle voulait partir de chez-elle car elle y trouve la vie pénible (son père et sa mère la dénigre et la traite de « bonne à rien).

En travaillant sur cette volonté de départ, une partie de l'équipe voulait accélérer les démarches pour aider cette jeune fille à quitter le domicile familial.

Cependant, le chef d'équipe, une éducatrice et votre serviteur avons estimé qu'il fallait peut-être faire des démarches sans les accélérer.

Notre argumentaire était basé sur un aspect culturel de cette rencontre éducative : En effet, dans la cellule familiale maghrébine est un tout formant selon certains ethnologues et professionnel (Faïza guelamine) une identité familiale ou chaque membre de la famille participe activement à la formation de celle-ci et ou cette identité fait partie intégrante de la personne.

La meilleure solution, si tant est qu'il en existe, est peut-être de ne pas l'éloigner de son milieu familial de peur de la couper de ces liens intrafamiliaux, indispensable à l'épanouissement de la jeune fille. En effet, le rôle de cette jeune fille au sein de sa famille est constitutif de la base de la base de sa personnalité Néanmoins, un départ peut être envisagé si la situation peut mettre en danger la jeune fille (autant physique que morale) mais une période d'observations, d'entretiens bref d'un accompagnement tenant compte de la personnalité culturelle de la jeune fille.

Magie et religion

Une grande partie de la population des clubs de prévention est d'origine immigrée voire étrangère. La population étrangère selon le pays et la région de sa provenance va avoir des codes, des modes différents de communication. Lors d'un entretien qu'a eu un éducateur du club de prévention avec un jeune d'origine étrangère (de la région de Zarzis, sud tunisien) qui avait apparemment certaines difficultés financières.

Au cours de l'entretien (que j'ai pu suivre), l'éducateur et moi-même l'écoutons avec attention lorsqu'il nous a dit : « ...on a écrit sur moi, on m'a filé la poisse ». L'éducateur ne comprenant pas lui demanda ce qu'il voulait dire par cette phrase. Se sentant mal à l'aise le jeune répondit : « non mais..., il me faut du travail en fait, il me faut de l'argent ». L'entretien continua sur les diverses possibilités pour trouver du travail et s'acheva sur une prise de rendez-vous ultérieure.

Après le départ de cette personne, nous avons commencé à discuter de la problématique de ce jeune et l'éducateur me demanda si j'avais compris ce que le jeune avait voulut dire par « on a écrit sur moi ».

Le hasard a voulu que ce jeune viennent de la même région que celle de mes parents. Ce qui m'a permit de saisir la teneur de sa phrase.

J'expliquai alors à l'éducateur ne comprenant pas que dans cette région la magie et les marabouts étaient partis prenante de la vie de ces habitants. Donc, lorsque le jeune dit que quelqu'un a écrit sur lui, cela veut dire que quelqu'un qui lui veut du « mal » est parti voir un marabout, un magicien qu'on appelle plus communément dans cette région : « quelqu'un qui écrit ».

Après m'avoir écouté l'éducateur m'a dit : « c'est vraiment n'importe quoi ». Ce à quoi je rétorquai : « non, ce n'est pas n'importe quoi car il existe énormément de personne qui croient dans le surnaturel car il tient une place importante dans la tradition arabo-musulmane », la discussion a continué sur ce thème et j'expliquai à l'éducateur qu'il nous fallait tenir compte de cet aspect culturel en demandant au jeune pourquoi il croyait qu'on avait écrit sur lui .L'éducateur me répondit que si on donnait du crédit à la « sorcellerie », cela ne ferait que l'enfermé dans ses croyances et nuirait à son insertion professionnelle.

L'échange a continué sur la façon d'aborder la problématique mais l'éducateur resta ferme sur ces convictions.

De plus, le jeune n'est jamais revenu au club de prévention (c'est d'ailleurs un des avantage mais dans certains cas comme celui là un inconvénient des clubs de prévention car le jeune est libre de venir ou de ne pas venir ce qui nécessite d'instaurer une relation de confiance avec l'usager).

En conclusion, ce cas est intéressant car l'on peut voir d'une part le malaise de l'usager de parler de certaines de ces croyances et d'autre part un éducateur qui en se référant à ces normes, à sa culture aurait pu (si le jeune était revenu) ne pas tenir compte de cette donnée culturelle et aurait donc « rater » sa rencontre avec l'usager. Il est vrai que le surnaturel n'est pas l'apanage de certaines cultures mais il tient une place importante dans la vie quotidienne des maghrébins.

L'éducateur en niant la particularité culturelle de l'usager, il aurait à mon sens nié l'identité même de l'usager car elle est un tout indissociable.

Qu'est ce que la famille ?

Au cours de mon stage dans l'institut de jeunes sourds, j'avais en référence (en compagnie de ma tutrice) une jeune fille d'origine ivoirienne arrivé il y a trois ans en France.

Elle a une surdité peu accentuée et s'exprime par le langage verbal sans trop de difficultés. En discutant avec le chef de service et ma tutrice j'apprenais que cette personne était venu en France sans sa famille (resté en Côte d'ivoire) mais habitait chez son oncle paternel.

Sur ce point mes collègues m'ont dit « qu'il était tout à fait anormal de laisser cette jeune fille venir seule dans un pays étranger et que cela pouvait poser certains problèmes pour son équilibre ».

Cela peut sembler être une difficile épreuve pour cette jeune fille que de venir en France sans sa famille. Cependant je pense qu'il faut nuancer ces difficultés car la cellule familiale africaine est différente de la famille occidentale.

En effet, la cellule familiale ne comprend pas uniquement le père, la mère et les frères et soeurs mais elle est élargie à la famille satellite, c'est-à-dire les grands-parents, oncles et tantes. D'ailleurs en discutant avec la jeune fille, elle n'utilise pas le terme d'oncle mais celui de « mon père » pour désigner celui-ci. Je ne tiens pas à minimiser cet éloignement familial difficile pour tout usager mais plutôt expliquer qu'en fonction de l'origine des jeunes la conception de la cellule familiale varie.

Je peux ajouter également, de part mon expérience personnelle, je suis originaire de la Tunisie, que lorsque j'étais enfant (6 ans) l'un de mes frères a suivi une partie de sa scolarité dans le pays. Cette scolarisation en Tunisie n'était pas un choix de la part de mes parents mais une volonté de l'un de mes oncles ainsi que de mon grand-père paternel. La famille élargie se sent responsable de chaque enfant constituant la cellule familiale.

4, 5, 6, 7 enfants !

On a souvent entendu (et on l'entend encore malheureusement) de la part de certaines que les africains procréaient un nombres élevé afin de toucher des allocations familiales conséquentes (certaines personnes appellent cela également « l'argent braguette »).

Lors de mon dernier stage, dans une association d'aide aux étrangers, je travaillais souvent avec des bénévoles. Certains de ces bénévoles étaient d'anciens travailleurs sociaux et au cours d'une matinée je discutais avec une de ses bénévoles, une assistante sociale à la retraite. Cette ancienne assistante sociale a essentiellement travaillé dans une CAF (Caisse d'allocations familiales), elle y a travaillée durant ses 20 dernières années d'activité professionnelle.

Au cours de cette discussion cette personne me dit : « c'est dommage que les parents africains fassent autant d'enfants car c'est difficile de les éduquer après,..., en plus c'est uniquement pour toucher les alloc (allocations familiales) ». Je lui rétorquai : « qu'il ne faut pas généraliser certaines situations ». Il est vrai que certains ont cet objectif mais ce n'est qu'une infime partie de cette population. La bénévole me déclara : « oui, bien sûr mais bon il y en a qui abuse quand même ». La discussion s'arrêta là et se détourna sur un autre sujet moins polémique.

Cette vision est malheuresement encore présente chez certains travailleurs sociaux alors quelle est à mon avis trop simpliste.

En effet, la famille africaine n'a pas cette préoccupation, cette planification si précise.

D'une part la femme africaine jouit d'un prestige proportionné au nombres d'enfants (surtout les garçons) ce qui va la pousser à avoir un plus grand nombre d'enfants afin d'être reconnu. D'autre part, les parents pensent également aux enfants en terme d'investissement. C'est-à-dire que d'un côté les enfants vont permettre à travers les mariages de nouer des alliances avec d'autres familles et d'un autre côté les enfants subviendront aux besoins des parents lorsqu'ils ne pourront plus travailler. Cette dernière donnée concerne essentiellement les enfants mâles car les filles lorsqu'elles se marieront n'apparteneront plus à la cellule familiale malgré l'existence de liens entre les familles, et ne sera pas considérer comme un investissement financier. Il y a un dernier aspect culturel, qui a tendance à disparaître, est que la mortalité infantile dans les pays africains était élevé, ce qui poussait les parents a avoir plus enfants.

Enfin, ces données sont en train d'évoluer pour les familles qui se sont installés en France car les mères au contact de la femme occidentale voient que sa quête de reconnaissance peut passer par un aspect autre que l'enfantage (le travail par exemple). De plus, les parents qui travaillent cotisent pour leur retraite et pourront ne pas compter sur leurs enfants. Cette acculturation va je pense influer sur le nombre de naissances par familles.

Religion musulmane

Au cours de mon stage à responsabilité, j'ai été confronté à une situation où l'usager était un jeune français d'origine musulmane.

T. est un jeune de 17 ans habitant un quartier défavoriser de la ville et selon les dires de mes collègues complètement déstructuré.

Il arrive au club de prévention habillé d'une « djellaba » (habit traditionnel) et d'une « chéchia » (petite calotte souvent blanche). Ces deux objets ont une forte connotation religieuse et représente pour le jeune qui les portent une volonté de montrer son appartenance à la « oumma », c'est-à-dire la communauté musulmane. T. en entrant nous salue en nous disant « Al salam aleïkom », ce à quoi un éducateur lui dit « ici on est en France, on dit bonjour monsieur », T. lui rétorque : « bonjour en arabe ou en français, c'est la même chose mon frère », l'éducateur lui répond : «oui mais nous on comprend pas l'arabe donc tu nous parles en français et en plus je suis pas ton frère mais éducateur ». La discussion continue et T. nous donne de ces nouvelles. Il nous explique que maintenant il s'est calmé et que grâce à Dieu il est maintenant sérieux. Il nous explique que : « maintenant je fais la prière et toutes les conneries d'avant s'est terminé, j'ai un Taf (travail), la famille ça va, tout est clean».

Cette rencontre avec T. nous montre que face à ses différentes difficultés il a mis en avant sa culture en revendiquant sa spécificité de musulman.

La méconnaissance ou une connaissance tronquée de l'islam va nous pousser, nous travailleurs sociaux, a estimé que ces personnes sont inadaptés à la société actuelle.

Pourtant, l'important n'est pas de savoir si l'islam est une religion adapté ou non à notre société mais plutôt de comprendre pourquoi cette personne s'est « islamisé » et ce que peut lui apporter cette religion. Il ne faut pas regarder la personne à travers un prisme de représentations mais tenter de comprendre sa relation avec cet aspect culturel. Il est vrai qu'en ce moment les divers médias nous bombardent de reportages plus racoleurs que pertinents sur l'islam et qui ont consciemment ou inconsciemment une influence néfaste sur notre représentation de cette religion. L'éducateur doit donc remettre en question en permanence ses représentations afin de pouvoir discerner, comprendre la vision de l'usager.

* 8 Gilles Verbunt : Les obstacles culturels aux interventions sociales, CNDP, 1996, P96

* 9 Gilles Verbunt, « les obstacles culturels aux interventions sociales », P 129, éditions CNDP

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Des chercheurs qui cherchent on en trouve, des chercheurs qui trouvent, on en cherche !"   Charles de Gaulle