WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

L'approche interculturelle en Prevention Specialisée

( Télécharger le fichier original )
par Yassine Jelouali
Université Paris 13 - IRTS - DEES-Licence 2003
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

CHAPITRE III : OMMENTAIRE ET APPROCHE INTERCULTURELLE

I/

L'intervention en prévention spécialisée se fait le plus souvent auprès d'individus ou de groupes d'origine ethniques variées (Afrique, Maghreb, pays de l'est) et connaissant des problématiques diverses.

En tant qu'éducateurs, nous sommes amenés à travailler avec ces jeunes de diverses origines culturelles tout en prenant en compte leur identité d'adolescent et de personne.

Le phénomène d'acculturation modifient sensiblement la vie familiale, le rapport aux autres et l'ensemble des conditions d'existence de la famille d'origine africaine, maghrébine ou de toute autre origine.

Cependant, les traditions, l'aspect culturel continuent d'imprégner les individus sur plusieurs générations avant que la société d'accueil ne modèle les comportements et efface toute référence à l'histoire particulière de la famille.

Les nouveaux migrants mais également les enfants des migrants sont marqués respectivement par leur culture ou par celle de leurs parents. Les traditions, les coutumes, les rîtes sont plus moins respectés dans les familles, malgré l'éloignement du pays et l'espoir qui s`amoindrit d'y retourner définitivement un jour. Parfois même les traditions se parent d'une aura plus intense, l'attachement à l'identité culturelle se fait plus sensible.

« Le facteur migratoire qui compromet la structuration culturelle compromet la structuration psychique » nous dit C. MESMIN.

Or les enfants migrants sont confrontés à la réalisation d'un enjeu différent de celui de leurs parents : En effet , l a plupart sont nés en France et sont imprégnés à travers les cadres intégrateurs tels l'école, les loisirs.. etc.. à un autre type d'immersion qui vont contribuer à réaliser une expérience de métissage . Selon Pons coté dans l'ouvrage de Marie Rose MORO10(*): « Pour l'adolescent , fils de migrants , comme d'ailleurs pour tout enfant, il semble que l'adolescence soit un moment particulièrement difficile où il doit élaborer à la fois sa place dans la filiation et ses affiliations, ses ressemblances et ses différences ; pour échapper au clivage qui le guette du fait de sa double appartenance, il est condamné à faire des liens, à inventer des stratégies de métissage plus ou moins créatives , plus ou moins douloureuses.. ;ce implique un travail d'élaboration de son parcours qui contribue à une reconstruction patiente d e l'estime de soi dans un processus souple.. ; ».

Or si ces stratégies identitaires qui contribuent au métissage , ne peuvent se mettre en place du fait : ( même auteur)

-d'exigences insurmontables.

-du refus de reconnaître cette nécessité par l'environnement et les parents.

-d'un refus de dialogue avec de proches.

-d'une absence de contact avec des tiers qui vont aider à comprendre le sens et faciliter les accès culturels à la société d'accueil.

-d'une adaptation insuffisante de la famille dans le nouveau milieu.

Cela pousse les adolescents à la révolte, à des symptômes de mal-être et à des conduites anti-sociales.

En effet cet enjeu est à la fois : - au coeur de la question identitaire (Selim ABOU)11(*)

-au coeur des pratiques éducatives à mettre en place .

Celles-ci vont donc directement concerné et impliqué les éducateurs qui eux même sont porteurs de leurs propres références culturelles, qui ont aussi leurs histoires, leurs milieux familiaux et sociaux. Ils sont aussi garants d'une institution, d'une société, avec ses lois, ses codes, tout ce qu'ils ont intériorisé. En somme, selon les particularités de leurs appartenances, ils ont eux-mêmes expérimentés un processus d'enculturation et de construction identitaire qui varient de l'un à l'autre. Il arrive que les éducateurs oublient cette donnée et imposent parfois inconsciemment leur idéal sociétal, c'est-à-dire qui consistent à choisir un accompagnement éducatif basé sur leurs propres référents identitaires sans tenir compte ou sans faire de liens avec celles d'autrui.

C'est donc par cet ethnocentrisme (défini par Strauss) qui va l'enfermer dans un accompagnement éducatif rigide, inadapté et peu propice à une relation d'échange, de partage.

II/ L'approche interculturelle 

Pour Abdallah-Preitceille12(*) « l'interculturel » doit être vu comme une modalité d'analyse et d'appropriation des problèmes issus d'une situation pluraliste. Quand à l'approche interculturelle, elle serait une méthode de communication et d'appréhension des problèmes débouchant sur un type d'intervention donnée.

Il existe à l'heure actuelle dix modèles de cette approche interculturelle. Pour ma part, je retiendrai ici le modèle proposé par Cohen-Emerique, car outre le fait que ce soit un modèle spécifique à toute relation d'aide il amène à une prise en compte de l'identité culturelle perçue dans ses multiples facettes : ethnique, nationale, religieuse, etc...

Pour Cohen-Emerique, psychologue française, l'approche interculturelle est « ...d'abord et avant tout un processus d'aide. Ce processus se fonde sur le respect de la personne, de sa vision du monde, de son système de valeurs. Toute relation d'aide, interculturelle ou non, s'appuie sur les mêmes bases ». cette approche interculturelle ne focalise pas uniquement son intervention sur « l'autre », l'usager, l'immigrant mais reconnaît le subjectif de l'intervenant.

Elle propose d'ailleurs trois étapes à l'approche interculturelle que je trouve très intéressante :

- La décentration qui va nous permettre de mieux cerner notre propre identité (personnelle et sociale).

- La pénétration du système de référence de l'autre (l'usager).

- La négociation et la médiation

Il est à noter que cette approche est à concevoir comme un processus, c'est-à-dire comme nous le dit Ghislaine Roy13(*) , elle n'est pas linéaire mais peut s'entrecroiser voire se chevaucher selon la complexité de la situation rencontrée

La décentration

Pour Cohen-Emerique, cette « décentration » consiste à prendre du recul par rapport à soi. C'est-à-dire prendre de la distance par rapport à ses présupposés.

L'éducateur doit donc en permanence remettre en question ses impressions, ses modèles et ses valeurs qui ne sont pas dans certains cas les mêmes pour l'usager. Car l'éducateur est avant tout un individu porteur d'une culture et de sous-cultures (nationale, ethnique, religieuse, professionnelle, institutionnelle, etc...). Cette décentration va lui permettre d'accéder à ce qu'appelle Abdallah-Pretceille une certaine : « neutralité culturelle ». Cela induira dans le cas contraire une incompréhension pouvant nuire à la relation, à l'accompagnement éducatif.

Grâce à cette décentration l'éducateur spécialisé va pouvoir pénétrer le système de référence de l'usager, de la personne.

La pénétration du système de références de l'autre

La pénétration du système de références de l'usager passe avant tout par l'écoute. Une écoute sans jugements, sans interprétations.

Cette écoute sera la base du travail de compréhension, l'éducateur pourra interroger le cas échéant s'il n'a pas saisit la vision de l'usager. C'est également aux travers de ses différentes rencontres que l'éducateur acquérra une certaine compréhension du système de références d'autres cultures.

Cette pénétration du système de références de l'autre va permettre à l'éducateur de créer un lien avec la personne basé sur une compréhension mutuelle.

Il s'agira pour l'éducateur de tenter d'établir une relation d'échanges réciproques.

Ainsi l'éducateur est en mesure d'accomplir un accompagnement et de mettre en place des médiations, des négociations avec l'usager.

Médiation et Négociation

La médiation est un processus par lequel un tiers tente, à travers l'organisation d'échanges entre les parties, de permettre à celles-ci de confronter leurs points de vue et de rechercher une solution.

Cette phase débute dans la résolution des problématiques. En effet, cette phase consistera pour l'éducateur à trouver avec l'usager un terrain d'entente et envisager une démarche contractuelle permettant d'établir le projet individualisé.

Par exemple, si l'éducateur se trouve face à une jeune fille musulmane qui dit ne pas pouvoir aller à la piscine à cause du refus des parents dans le cadre des activités scolaires, quel rôle pourra-t-il jouer entre cette jeune fille, l'institution scolaire et les parents ?

En effet, nous avons donc d'une part le refus des parents qui semble motivé par le fait d'une mixité de l'activité et qui de plus porterait préjudice à l'honneur de la jeune fille et sa la famille, et d'autre part l'école qui impose l'activité piscine.

Dans de telles situations l'éducateur peut jouer un rôle de médiateur entre la jeune fille, les parents et l'école. Cela va se traduire pour ce cas précis par exemple par une rencontre avec la famille afin de pointer les enjeux de ce refus pour la jeune fille en termes d'exclusion. En parallèle, l'éducateur se rendra à l'école afin d'organiser une rencontre entre les parents et l'institution. C'est ainsi que, peu à peu, un espace de médiation où un compromis sera peut être possible, pourra se créer.

Il est clair que chaque situation met en jeu des acteurs différents avec des systèmes de références plus ou moins variées et de ce fait, la médiation à trouver sera adaptée à chaque situation.

Ce travail de médiation peut être entrepris avec des partenaires tels que les associations communautaires pouvant aider à une meilleure compréhension de l'usager tant au niveau de la langue que dans le travail de décodage des propos tenus.

Le travail de négociation est donc avant tout un travail de compromis acceptable par tous. Cela permettra d'éviter d'une part « ...l'imposition de règles et de prévenir l'exclusion et la marginalisation.... » et d'autre part « ...de respecter l'empreinte identitaire de la personne »14(*)

Dans l'approche interculturelle l'éducateur, dans son accompagnement, peut aider l'usager, en valorisant sa culture, à construire son identité. A ce propos pour Selim Abou il serait d'ailleurs préjudiciable au migrants ou à l'enfant des migrants de « ...refouler son origine, son histoire, sa culture pour intérioriser d'emblée le monde de l'autre car c'est le plus sûr moyen de s'exposer aux dissociations psychiques qui caractérisent les maladies mentales ». En effet, si la culture de la personne est dénigrée ou montrée négativement, cela peut se traduire chez l'usager par une stratégie identitaire de repli pouvant être problématique si elle perdure (voire la première partie du mémoire). Le travailleur social devra lorsqu'il : « ...rencontrera la problématique de la différence et de l'identité chez les jeunes migrants et, à ce moment, il devra aider les jeunes à traiter leur différence et à éviter les pièges de l'intériorisation de l'image négative, du refoulement et de l'agressivité... »15(*).

III/ Approche interculturelle et catégorisation

L'approche interculturelle est certes un outil très intéressant pour l'éducateur dans la rencontre et cela qu'il soit marocain, malien, roumain, vietnamien ou même breton (en effet à l'intérieur même des cultures ils existent des sous-cultures plus ou moins affirmés) néanmoins cette approche doit être une prise en compte du particularisme culturel de l'usager et non une catégorisation, une stigmatisation de la personne. Il est vrai qu'une dérive de l'approche interculturelle serait de réduire l'usager à un être culturel.

D'ailleurs, selon Cohen-Emerique, une approche unidimensionnel de l'identité d'autrui serait réductrice et enfermerait la personne dans une identité assignée, une catégorisation. Faïza Guelamine souligne également cette dérive : « Il paraît donc opportun de se méfier des positions qui, en se voulant respectueuse des identités culturelles, finissent par classer des individus dans des catégories réductrices. Faut-il rappeler que ces derniers demeurent, malgré leurs caractéristiques communes, des individus au parcours singulier ».

Il m'est d'ailleurs arrivée au cours de ma courte expérience professionnelle de prendre, dans certaines situations, trop en compte cette dimension culturelle alors qu'elle ne constitue qu'un aspect singulier qui définit le sujet.

De plus, la construction identitaire est un processus ce qui implique une évolution, une dynamique, et par conséquent, la dimension et l'appartenance culturelle ne peuvent être envisagées par le travailleur social comme un aspect figé lors d'un accompagnement auprès des usagers.

Enfin, la culture d'origine est une notion trop large qui peut dans certains cas être mal interpréter. Par exemple, la culture d'un algérien musulman n'est pas la même qu'un français ou qu'un pakistanais musulman. Car bien qu'ils partagent certaines caractéristiques culturelles, ici, l'islam, d'autres spécificités culturelles peuvent les séparer. Il serait donc inapproprié de ne tenir compte que de certaines caractéristiques culturelles dans la relation éducative.

La relation éducative dans l'accompagnement de l'usager doit donc être une approche tenant compte de la globalité identitaire de l'individu. L'approche interculturelle peut se révéler un outil intéressant si l'on ne réduit pas l'usager à un être porteur de certaines particularités culturelles.

* 10 Marie rose Moro : « Psychothérapie transculturelle des enfants migrants », édition DUNOD, 1998, p88 

* 11 Sélim Abou, « L'identité culturelle » édit Hachette 1981) « Qui suis-je ? , Qui suis-je pour les autres et qui sont les autres pour moi ?

* 12 Abdulah-Preitceille : « l'interculturel en éducation et sciences humaines, editions Le mirail 1985

* 13 Gisèle Legault : « L'intervention culturelle »,Chapitre 5 Editions ..., Montréal,

* 14 Gisèle Legault : « L'intervention culturelle »,Chapitre 6, Editions ..., Montréal,

* 15 Hanna Malewska-Peyre : « choc de cultures », éditions l'Harmattan, p 131

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Nous voulons explorer la bonté contrée énorme où tout se tait"   Appolinaire