WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Le chehabisme ou les limites d'une expérience de modernisation politique au Liban

( Télécharger le fichier original )
par Harb MARWAN
Université Saint-Joseph de Beyrouth - DEA en sciences politiques 2007
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

Chapitre II :

Une seconde tentative de modernisation avortée.

Section É

L'Accord de Taëf et le chéhabisme 

1,1 - la croissance équilibrée et la reconstruction des institutions étatiques.

L'accord de Taëf, autrement dit document d'entente nationale, adopté par les députés libanais réunis en Arabie saoudite en 1989, consiste une version remaniée de l'avant-projet présenté par le Haut comité arabe tripartite.412(*) Les principales réformes introduites par l'accord de Taëf comprennent : - la décentralisation de l'administration, - le renforcement de l'indépendance de la justice, - la formation d'un comité national chargé d'étudier et de proposer les moyens permettant de supprimer le confessionnalisme, - la promulgation d'une nouvelle loi électorale dans laquelle les circonscriptions électorales correspondent aux mohafazats.

Ainsi, à travers les modifications constitutionnelles introduites par l'accord de Taëf, nous montrerons les points qui reflètent une vision politique « chéhabiste » et/ou qui se basent sur la philosophie nationale du chéhabisme. Si ces points n'ont pas été directement puisés dans la philosophie du chéhabisme, au moins elles ont été appliquées par le chéhabisme en tant que praxis politique.

L'alinéa (b) du préambule (ce préambule a été ajouté par la loi constitutionnelle du 21/9/1991) stipule que « Le Liban est arabe dans son identité et son appartenance ». Le président Chéhab comme nous l'avons mentionné auparavant pratiqua une politique étrangère pro-arabe suivant les règles de la neutralité positive, sans pour autant déroger aux relations historiques du Liban avec l'Occident.

L'alinéa (g) du Préambule de la Constitution évoque clairement un des fondements principaux du chéhabisme et c'est peut-être là que se manifeste directement la philosophie du chéhabisme. Il est dit dans cet alinéa : « Le développement équilibré des régions, culturellement, socialement et économiquement constitue une assise fondamentale de l'unité de l'Etat et de la stabilité du système. » Cette affirmation est centrale dans la mesure où l'accord de Taëf avait comme dessein d'être la nouvelle base de reconstruction et d'unification des pièces éclatées d'un pays détruit et meurtri par quinze années de guerre civile. A savoir que la crise de 1958 et les événements de 1974 ont pour raisons principales le dénivellement des conditions des régions rattachées au Grand-Liban. L'attachement des habitants de ces régions à la souveraineté de leur pays était d'autant plus précaire qu'ils jouissaient moins des biens de la nouvelle République. La vision et la philosophie chéhabistes concernant la construction de l'Etat et le renforcement de la Nation ont été avec l'accord de Taëf transformé en doctrine politique nationale.

En effet, le Préambule engage le pays dans un projet de développement régional dans le cadre de l'unité du territoire, en refusant tout morcellement ou toute partition du pays. Cette unité ne peut être reconstruite que par le développement harmonisé et équilibré. L'unité d'un pays n'existe que par rapport à des éléments objectifs qui l'instaurent.

Ainsi, l'accord de Taëf appelle dans l'alinéa (g) du Préambule à instaurer une « communauté économique » entre les différentes régions du Liban. Si les clivages confessionnels et régionaux ont constitué et constituent toujours un terrain favorable aux troubles politiques et sociaux, «le développement équilibré des régions, culturellement, socialement et économiquement » pourrait être un facteur de stabilisation et d'intégration. Ceci est une autre manifestation de la philosophie du chéhabisme qui considère que les clivages confessionnels deviennent source de conflits lorsqu'ils sont alimentés par les frustrations sociales, l'absence de la culture et le sous-développement économique. En effet l'alinéa (c) affirme que « Le Liban est une république démocratique, parlementaire, fondée sur le respect des libertés publiques et en premier lieu liberté d'opinion et de conscience, sur la justice sociale413(*) et l'égalité dans les droits et obligations entre tous les citoyens sans distinction ni préférence. » La justice sociale a toujours été le but primordial du chéhabisme, la fin visée du développement harmonisé et des réformes sociales.

Cependant, ces affirmations se heurtent au problème concernant la « juridicité » de ce préambule. Le fait que de nombreuses formulations reste des principes philosophiques et théoriques, dépourvus d'efficacité nous amène à nous interroger sur sa valeur constitutionnelle. Actuellement, ce problème reste posé malgré la mise en place d'un Conseil Constitutionnel.414(*)

Malgré ce problème, le préambule conserve toujours un sens et une portée politique, il comporte un ensemble de représentations destinées à imprégner les esprits de la croyance en la légitimité, la nécessité et le bien-fondé de l'Etat libanais.

Il s'agit dans le préambule de la Constitution libanaise modifiée suite aux réformes inscrites dans l'Accord de produire l'image d'une société unie où les diversités et les particularismes seront dépassés, transcendés et intégrés au pouvoir. Ce dernier en se prévalant de l'idée de la « partie définitive », devrait être au service de la collectivité toute entière. Le discours intégrateur du Préambule veut affirmer la cohésion et effacer les traces des polémiques et des divisions internes, en adoptant un ton tenace et ferme au sujet de la nécessité de faire prévaloir l'intérêt général. « Matrice de tous les discours de légitimations des formes instituées l'idéologie de l'intérêt général, (le préambule) se présente comme une construction imaginaire, indispensable à l'exercice de tout pouvoir.»415(*)

Quant à l'équilibre confessionnel introduit par le chéhabisme dans les postes administratifs, il a été élargi pour toucher la représentation politique à la chambre des députés à travers l'article 24416(*) de la Constitution qui stipule que les sièges parlementaires à titre transitoire seront répartis « à égalité entre chrétiens et musulmans.» 

D'un autre côté, l'accord de Taëf a ouvert la voie à une modernisation du système politique libanais, par le biais du déclenchement du processus de déconfessionnalisation.

L'alinéa (h) du préambule considère la suppression du confessionnalisme politique comme « un but national ». Ici, l'accord de Taëf dépasse le chéhabisme. Puisque, ce dernier a oeuvré pour l'équilibre confessionnel en vue de son dépassement sans pour autant le manifester alors que l'article 95 de la Constitution décrit une stratégie de déconfessionnalisation417(*) « par étapes.»

* 412 - Ce comité s'était considérablement basé pour sa part sur les quatre projets suivants de réformes : « Principes fondamentaux pour résoudre la crise Libanaise» convenus au cours des discussions Salem-Shar' à Damas (1987), le Document de travail de Hariri élaboré en fonction du texte précédent (1987), le non-paper américain de Glaspie (1988) et la proposition conjointe Husseini-Hoss (1989).

* 413 - C'est nous qui soulignons.

* 414 - La loi No 250 du 14/7/1993 a institué le Conseil Constitutionnel.

* 415 - Jacques CHEVALLIER, Eléments d'analyse politique, PUF, Paris, 1985, p. 7

* 416 - Article 24 (modifié par la loi constitutionnelle  du 17/10/1927 par l'arrêté No129 du 18/3/1943 par la loi constitutionnelle du 21/1/1947 et par la loi constitutionnelle du 21/9/1990.)

La Chambre des députés est composée de membres élus dont le nombre et les modalités d'élection seront déterminés par les lois électorales en vigueur. En attendant l'élaboration par la Chambre des députés d'une loi électorale sans contrainte confessionnelle, les sièges parlementaires seront répartis conformément aux règles suivantes :

a) A égalité entre chrétiens et musulmans.

b) Proportionnellement entre les communautés de chacune de ces deux catégories.

c) Proportionnellement entre les régions.

* 417- Article 95 (Modifié par la loi constitutionnelle du 9/11/1943 et par la loi constitutionnelle du 21/9/1990)
« la Chambre des députés élue sur une base égalitaire entre les musulmans et les chrétiens doit prendre les dispositions adéquates en vue d'assurer la suppression du confessionnalisme politique, suivant un plan par étapes. Un comité national sera constitué et présidé par le Président de la République, comprenant en plus du Président de la Chambre des députés et du Président du Conseil des ministres, des personnalités politiques, intellectuelles et sociales.

La mission de ce comité consiste à étudier et à proposer les moyens permettant de supprimer le confessionnalisme et à les présenter à la Chambre des députés et au Conseil des ministres ainsi qu'à poursuivre l'exécution du plan par étapes. »

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"La première panacée d'une nation mal gouvernée est l'inflation monétaire, la seconde, c'est la guerre. Tous deux apportent une prospérité temporaire, tous deux apportent une ruine permanente. Mais tous deux sont le refuge des opportunistes politiques et économiques"   Hemingway