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Le chehabisme ou les limites d'une expérience de modernisation politique au Liban

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par Harb MARWAN
Université Saint-Joseph de Beyrouth - DEA en sciences politiques 2007
  

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1,2 - la mise en pratique de Taëf et sa retombée sur la modernisation de l'Etat

Ceci est dans les textes. Si la vérification de l'efficacité des textes est dans la pratique, l'accord de Taëf est loin d'avoir été pratiqué de manière intégrale et fidèle. Pour cette raison, il est très difficile d'évaluer les réformes introduites dans la Constitution ; à moins que certaines réformes portent en elle-même les germes de leur échec.

Si l'accord de Taëf a adopté de façon plus élaborée la vision nationale et la philosophie du chéhabisme, sa mise en pratique et son application ont trahi la stratégie de reconstruction et de développement mentionnée dans ses textes, notamment le développement équilibré entre les régions.

Tous les gouvernements post-Taëf ou presque, ont balayé l'expérience modernisatrice du chéhabisme et on opté pour le système économique et la philosophie politique qui furent appliquées après les années de l'Indépendance et avant la guerre de 1975, en refusant « de prendre acte que la morphologie économique du Moyen-Orient a profondément changé. »418(*) Le but fut « un retour déguisé à la vieille idéologie économique du Liban « Monte Carlo » de la bourgeoisie chrétienne traditionnelle commerçante, idéologie inscrite dans le contexte plus large des critères du « libanisme».419(*) C'est-à-dire le retour aux mérites injustifiés du libéralisme économique.

Dans son livre publié en 2005 et intitulé : « l'économie politique du Liban 1948-2002, dans les limites du libéralisme économique » que nous avons déjà mentionné, Toufic Gaspard analyse le fonctionnement du libéralisme économique au Liban « en période de paix » comme « en période de troubles » et montre clairement que malgré la présence de conditions idéales pour l'épanouissement du libéralisme économique, ce dernier n'a pas été à la hauteur du développement souhaité. Il en tire que « le libéralisme économique ne peut produire du développement lorsqu'il fonctionne dans un espace de corruption et d'institutions politiques sous-développées. »420(*)

 D'après ce qui a été mentionné nous pouvons donner une image schématique et générale des conceptions divergentes du système économique et politique du Liban et de la vision de l'Etat entre le chéhabisme et l'idéologie dominante. Par idéologie dominante, nous entendons l'idéologie qui est soutenue, appliquée, réellement par le pouvoir politique et qui ne peut être contestée par les autres :

Les principes du chéhabisme

Les principes de « l'idéologie dominante »

· Le développement équilibré et harmonisé entre les régions.

· Le développement axé sur la capitale Beyrouth

· Etat-Nation

· Ville-Etat

· La République humaniste

· La République marchande

· L'Etat régulateur et entrepreneur

· L'absence de l'Etat et le libéralisme économique

· L'équilibre confessionnel

· La marginalisation

· La souveraineté

· L'occupation

Si dans les textes l'accord de Taëf constitue en quelque sorte un dépassement du chéhabisme, et une stratégie de modernisation plus élaborée, ils se neutralisent par l'éclatement de la centralité du pouvoir et de l'autorité, sources et moteurs de tout projet de modernisation et de réformes politiques.

Ainsi, l'accord de Taëf consacre la formule communautaire mais cette fois-ci sous une forme écrite et le Préambule est une autre version de la démocratie consensuelle car il consiste à créer l'équilibre communautaire. Cette opération est une alternative jugée nécessaire à la sauvegarde d'une forme de cohésion nationale et à la légitimation de l'institution de nouvelles forces politiques sur la scène interne au Liban.

Avec l'accord de Taëf, le pouvoir se caractérise à la fois par l'absence d'une autorité supérieure et par le refus d'une prééminence communautaire : le pouvoir exécutif est diffusé entre les trois Présidences et plus encore à l'intérieur du Conseil des ministres. (Article 17 : Le pouvoir exécutif est confié au Conseil des ministres qui l'exerce conformément aux dispositions de la présente Constitution.) Le conseil des ministres a été incapable en tant que collège de devenir un organe d'élaboration de politiques ou même de prises de décisions. Ses fonctions ont souvent été assumées en pratique par une troïka non-constitutionnelle formée des trois Présidents.

Par la philosophie même qui le sous-tend, ce triumvirat, loin de débloquer l'impasse du centre décisionnel, consacre cette impasse par la multiplication du centre, ce qui sur le plan fonctionnel abouti à substituer à la dynamique de l'institution le poids inerte de rouages prétendument régulateurs. Aucun groupe n'est plus en mesure de s'imposer aux autres, sous peine d'éclatement de la structure collective, mais aucune autorité libanaise n'est plus, non plus, en mesure de réguler la compétition. En dépouillant la Présidence de la République de l'essentiel de ses pouvoirs, le pouvoir a été « disséminé » et en quelque sorte « éclaté » au sein du conseil des ministres.

Est-il possible de construire une politique de réforme et d'élaborer une stratégie de construction avec un pouvoir « éclaté » et une autorité « neutralisée. » ? Albert Mansour qui a participé aux discussions de l'accord de Taëf écrit : « Toutes les décisions importantes et fondamentales étaient prises en dehors du Conseil des ministres et lui étaient soumises ultérieurement pour ratification. En fait, les décisions n'étaient pas uniquement prises en dehors du Conseil des ministres, mais à sa place421(*). » Sur un autre plan, Nawaf Salam voit que : «  dans le cas du Liban, le danger est que le modèle de Taëf qui était censé neutraliser les force centrifuges de la société pourrait avoir mis le Liban sur « une pente à sens unique » entraînant un système auto-alimenté «d'appétits confessionnels422(*)». Enfin, Georges Corm constate que « La ÉÉe République, loin d'établir l'« entente nationale » et le fonctionnement de la démocratie, va ressembler à une véritable république bananière, mise sous serre par un puissant voisin et protecteur, la Syrie, avec le plein assentiment des nouvelles forces sociales sorties gagnantes de la guerre423(*). »

Sur la part de responsabilité des différents protagonistes qui ont gouverné la scène politique libanaise après l'accord de Taëf, Kamal Dib écrit que : « le projet du premier ministre Rafic Hariri n'a été sujet à aucune opposition susceptible de lui faire face, ni de Elias Heraoui, ni de Walid Joumblatt ou de Nabih Berri ou du « Hezbollah424(*) », ni de Damas ou des pays arabes, ni de la Communauté Européenne ou des Etats-Unis. Ils ont tous à titre personnel ou pluriel et à des degrés différents tiré profits politiquement et financièrement de ce projet. (...) Hariri était incapable d'imposer un autre, même s'il le voulait, parce que ce projet était en harmonie avec les ambitions et les objectifs des seigneurs de la guerre et des marchants du temple, avec la vision de l'Arabie Saoudite, de la France et du système économique mondial du début du 21éme siècle425(*). »

A ce sujet, Georges Corm critiquant la politique économique post-Taëf constate qu' : « On se prévaut alors de l'évolution économique internationale, de la réduction partout dans le monde du rôle des Etats, des grandes vagues de privatisations, etc., tout en oubliant de dire que, déjà, l'Etat libanais, en dépit des réformes dues à la reconstruction de type chéhabiste entre 1958 et 1964, souffrait non pas d'un excès d'intervention dans l'économie, en particulier dans le domaine social, mais plutôt de son effacement. Le rappel des politiques internationales de réduction du rôle de l'Etat dans l'économie est fort peu approprié au cas du Liban, où jamais le secteur public n'a pris l'importance qu'il a pu acquérir dans les pays industrialisés occidentaux ou dans les pays du tiers monde à économie dirigiste426(*). »

* 418 - Georges CORM, Le Liban contemporain, op.cit. p. 244

* 419 - Ibid, p. 238

* 420 - Toufic GASPARD, L'économie politique du Liban 1948-2002, dans les limites du libéralisme économique  op.cit. p. 23.

* 421 - Albert MANSOUR, La négation des accords de Taëf  ( en arabe) , Beyrouth, 1993, pp 188-189

* 422 - Nawaf SALAM, L'accord de Taêf: un réexamen critique, Dar Anahar, Beyrouth, 2003

* 423- Georges CORM,  Le Liban contemporain., op.cit. p. 230

* 424 - Les guillemets sont de l'auteur.

* 425 - Kamal DIB, Les seigneurs de la guerre et les marchants du temple, op.cit. p. 536

* 426 - Georges CORM,  Le Liban contemporain..  op.cit. p. 239

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