WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Le chehabisme ou les limites d'une expérience de modernisation politique au Liban

( Télécharger le fichier original )
par Harb MARWAN
Université Saint-Joseph de Beyrouth - DEA en sciences politiques 2007
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

1,2- La neutralité de l'Armée

En général, la troupe se montre avant tout soucieuse d'éviter d'être directement impliquée dans les combats. Son commandant, Fouad Chéhab, à tout particulièrement à coeur de préserver sa cohésion, de l'empêcher d'être contaminée par les querelles confessionnelles, risquant ainsi la désintégration à son tour.

Bassem El Jisr révèle qu'avant l'insurrection de 1958 de quelques mois, le général Chéhab avait confié à un officier du Deuxième Bureau de faire un sondage d'opinion dans le but de relever la position des officiers sur quatre points relatifs à la crise politique entre le président Chamoun et l'opposition. « Le président Chéhab m'a confié continue El Jisr, que les résultats de ce sondage ont été la principale cause qui m'a poussé à éloigner l'armée de cette profonde crise nationale115(*). » L'armée, en effet, est restée «la grande muette. »

Cela vaudra au général Chéhab d'être accusé d'avoir agi par perfidie, afin de se gagner la sympathie des adversaires du régime et de préparer ainsi le terrain à sa propre accession à la présidence de la République. Le procès d'intention fait, à Chéhab aura des séquelles graves dont les institutions du pays continueront à faire les frais bien des années plus tard.

Les causes profondes de la crise de 1958 et la compréhension personnelle du général Chéhab influenceront énormément le mandat présidentiel. Entre les deux extrêmes, seul le général Fouad Chéhab comprit cette crise d'après une perspective socio-économique qualifiée d' « idéale116(*) » par Kamal Salibi.

L'armée sous le commandement du général Chéhab a sauvegardé la légitimité de l'Etat, et a assuré une solution selon le critère du «ni vainqueur, ni vaincu ». Au Liban, écrit Ghassan Tuéni « il faut que les victoires des uns ne soient pas les défaites des autres117(*). »  En effet, le déroulement et les résultats de la crise dépendaient de l'utilisation ou pas de la force coercitive. La sauvegarde du système politique par le pouvoir militaire constitue une des principales caractéristiques du chéhabisme selon Georges Naccache : « Ce paradoxe politique - le sauvetage de la démocratie par le pouvoir militaire - est certainement le point central de l'expérience chéhabienne118(*). » 

Si les risques inutiles sont politiques, «la sagesse est militaire119(*) ». Une série de crises entre 1948 et 1958 ont poussé les présidents Khoury et Chamoun à faire appel à l'assistance du général Chéhab. Ce dernier coopéra durant la crise de Suez en 56, mais son refus de soutenir le président Khoury en 52 et le président Chamoun en 1958 a influencé énormément le cours des événements et accorda au général Chéhab le statut d'une forte figure politique, seule capable avec le consentement des différentes parties de stabiliser le système. La Constitution libanaise a laissé la relation entre la tête de l'Etat et le Commandant de l'armée au Liban ambiguë. Le président de la République demande la coopération du chef de l'armée au lieu de la commander.

Le général Chéhab jouait le rôle de l'arbitre dans la crise par le biais de la neutralité de l'armée. Les adversaires du général l'accuseront d'avoir ainsi voulu améliorer ses chances de succéder à Chamoun ; ses partisans assureront qu'il visait à préserver l'unité de l'armée et à sauvegarder les chances d'une réconciliation nationale.

La percée du général Chéhab dans l'arène politique a été favorisée par les divisions politiques, qui résultent essentiellement de la collision cyclique entre les parties politiques qui se disputent le pouvoir hors de l'arène démocratique.

Chéhab n'a pas eu besoin de faire un coup d'Etat ou de proclamer la révolution pour arriver au pouvoir ; la nécessité de son rôle stabilisateur pesait sur le compromis qui l'amena à la première investiture le 31 juillet 1958 avec 48 voix contre 7 pour Raymond Eddé.

Le caractère apolitique du général, loin d'être une barrière à la croissance de son autorité personnelle, lui a permis d'acquérir une popularité qu'il n'aurait jamais eu s'il était membre d'un quelconque parti politique.

Au cours de son fonctionnement normal, le système politique libanais n'aurait jamais pu emmener une personne telle que le général à la présidence120(*). C'est plutôt le dysfonctionnement du système politique qui fera émerger une personnalité apolitique, seule capable de redresser la situation.

La projection du général Chéhab sur la scène politique de cette façon, et son programme de modernisation montreraient que le système politique libanais, figé dans son fonctionnement, ne pourrait être modernisé que suite à des périodes de dysfonctionnement.

Chéhab va devoir redresser la situation et régler les conséquences des troubles. La tâche qui l'attend est difficile. Il doit recoller les morceaux épars d'un pays qui a frôlé un terrible naufrage, rétablir partout l'autorité de l'Etat, assainir les relations avec la RAU et à observer une neutralité entre les Etats arabes et les deux blocs mondiaux. Le Président va d'abord obtenir le départ des forces américaines débarquées en juillet 1958. Son programme exposé dans son discours d'investiture vise à rétablir le calme, reconstruire, dissiper la tension dans les relations avec certains pays arabes. Invitant les Libanais à réaliser l'unité nationale et les députés à respecter la Pacte national, il a annoncé des réformes et insisté sur le rôle de l'Etat qui doit assurer une justice égale pour tous, faire respecter les lois et les vertus morales, accroître la prospérité économique et le rayonnement culturel du pays.

Le général- président va réussir à calmer la situation et rétablir l'unité. Pierre Lyautey affirme que «lors du drame de 1958, si ce peuple avait été vieilli par sa longue Histoire, nous aurions assisté à un démantèlement, à une dispersion, les régions partant à la dérive rejoindre des constellations voisines. Nous allons au contraire constater un renforcement de l'Unité121(*) »

De même, Jacques Nantet dans « Histoire du Liban » considère qu'après l'oeuvre stabilisatrice du général Chéhab « le Liban est bien, de toutes les nations du monde, celle qui incarne le plus légitimement, sur le plan à la fois de la géographie, de l'histoire et de la politique, cette magnifique ambition de l'homme dont notre univers a aujourd'hui tant besoin pour survivre : la coexistence pacifique. »122(*) 

Ainsi naquit le chéhabisme de la crise de 1958 et accédera au pouvoir par la neutralité de l'Armée.

* 115 - Bassem EL JISR, Fouad Chéhab zalika al majhoul, op.cit. p. 27

* 116 - Kamal SALIBI, Lebanon under Fouad Chéhab. 1958-1964...op.cit. p. 7.

* 117 - Ghassan TUENI, Une guerre pour les autres, Dar An-nahar, Beyrouth, mai 2004. p. 27 (427 pages)

* 118 - Georges NACCACHE, «un nouveau style: le chéhabisme», les années Cénacle, Dar An-nahar, p. 369 ( p. 389 à 399)

* 119 - Ibid, p.369

* 120 - Voir R. Hrair DEKMEJIAN, Patterns of Political leadership....... op.cit. p.30

* 121 - Pierre LYAUTEY, Liban moderne , Julliard, Paris, 1964, p. 48

* 122 - Jacques NANTET, Histoire du Liban , préface de Maurice Duverger, éditions de Minuit, Paris 1963, p. 341. (342 pages)

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Entre deux mots il faut choisir le moindre"   Paul Valery