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La commercialisation du gibier au Gabon

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par Georgin MBENG NDEMEZOGO
Université Omar Bongo - Maîtrise 2006
  

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Chapitre II : Les parcs nationaux, une approche conflictuelle

2 - 1 Un fait de culture

La gestion rationnelle prônée par l'Etat est effective à travers la création des parcs nationaux. Ces derniers occupent en ce moment les esprits des gouvernants protégeant ainsi la représentation occidentale. L'objectif ici est de faire ressortir les limites ou l'approche de l'écotourisme et des parcs nationaux. Le premier aspect de cet objectif est culturel. Nous n'avons pas l'intention de condamner ou de réfuter l'hypothèse de la politique de gestion rationnelle par les parcs nationaux ou l'écotourisme. L'intention est de présenter la représentation nouvelle de la faune sauvage, qui est culturellement extérieure et étrangère aux peuples gabonais. Il faut relever que cette politique est imposée au Gabon par les organisations non gouvernementales, les écologistes en général, qui s'imposent avec leur pouvoir financier.

Pour appuyer cet aspect culturel des parcs nationaux, Bernard Kalaora36(*) va soutenir nos propos. En effet, l'émergence d'une attitude esthétisante et contemplative, le traitement nouveau de la forêt comme paysage, la promenade comme activité culturellement valorisée, sont le produit d'une histoire sociale. Afin de saisir l'influence des modèles culturels, les enquêtes de Kalaora vont porter sur la forêt de Fontainebleau, sur les attitudes et pratiques des citadins qui viennent s'y récréer. De cette étude, trois attitudes types y sont mises en évidence. Il y a celle d'une élite sociale pour laquelle prime l'esthétisme et les activités culturelles et pédagogiques. Il y a celle des couches moyennes qui voient dans la forêt un substitut de l'espace pavillonnaire propice au loisir familial. Il y a enfin celle des couches populaires où la promenade en forêt n'est pas ressentie comme une activité possible ou familière. Pour ce qui est des parcs nationaux du Gabon, il est facile de ressortir deux attitudes types. Nous aurons celle d'une élite sociale pour laquelle prime l'esthétisme, les activités culturelles et pédagogiques et celle des couches populaires où la promenade en forêt n'est pas ressentie comme une activité possible ou familière, la promenade n'est pas dans leurs moeurs. Les aménagements des forêts de Fontainebleau et du Gabon s'inscrivent dans la perspective des modes de consommation élitistes et partagent les pratiques entre ordinaires et distinctives.

Il faut faire observer que l'usage actuel de la forêt est une consommation méconnue des peuples du Gabon. Pour ces derniers, cette nouvelle consommation de la forêt relève de l'anormal, c'est illogique. La logique traditionnelle veut que l'allée en forêt se fasse avec un objectif précis notamment y chercher de la nourriture, pour y chasser, pour y récolter des plantes médicinales, pour y célébrer ou encore pour y exploiter une ressource comme le bois. C'est une représentation différente de celle des Occidentaux. Se promener en forêt, c'est consommer une oeuvre, et, pour être apte à cette consommation cérémonielle, un apprentissage est indispensable. Lieu de détente, et de récréation, la forêt ne répond pas seulement à une exigence hygiénique ou fonctionnelle, elle devient un lieu de consommation et de pratiques culturelles. Et le conflit que nous vivons actuellement est un conflit de représentations. Deux sociétés différentes pour une même forêt. Le paysage n'est plus caractérisé seulement par ses parties, ses éléments, témoin de sa richesse, il devient une catégorie synthétique qui se rapporte à un tout. La forêt gabonaise est dans sa totalité nommée et parlée comme un lieu pittoresque, exotique, sauvage et naturel. Elle est un paysage unique dont la beauté est la principale caractéristique, et elle s'offre à la contemplation esthétisante du public élitiste. Et la loi gabonaise semble plus s'intéressée à ces parcs nationaux qu'à la politique faunique dans son ensemble et sur toute l'étendue du territoire.

2 - 2 Parcs nationaux, nouvelles forêts sacrées

Le second aspect de notre objectif vise à démontrer l'évolution progressive de nos forêts. Il s'agit ici de voir le nouveau mode de gestion des forêts gabonaises à travers les parcs nationaux.

Pour comprendre cette évolution ou le mode de gestion dont nous parlons, nous sommes tenus d'abord de faire un retour sur les sociétés dites traditionnelles. C'est une assimilation que nous ferrons ici. En effet, les parcs nationaux semblent s'assimiler aux forêts sacrées des sociétés dites traditionnelles. La forêt sacrée est un sanctuaire qui appartient à une communauté qu'à un clan. La forêt est fermée au public. Elle est gérée par un chef de clan qui dicte la conduite à tenir. L'exploitation est assurée par les membres du clan qui peuvent prélever un certain nombre de produits entrant dans l'alimentation, la pharmacopée ou la construction. Dans ces forêts aux superficies réduites, existent des zones ouvertes au clan et des zones réservées aux seuls responsables du clan détenteur d'un certain pouvoir. Il est interdit de faire des plantations sur brûlis. L'usage de la biodiversité qui s'y trouve n'est pas désordonné. Il respecte les règles de la régénération. Les pratiques cycliques, de manière générale, relèvent d'une stratégie de la production qui non seulement tient compte du respect des cycles naturels de la reproduction du sol, y compris des règles de restauration biologique de la femme après un accouchement, de restauration sociale et se conforme surtout à une loi générale de la démarche des hommes du Gabon sous forme de mise en jachère pour une exploitation nouvelle. C'est ainsi que la chasse, activité masculine par excellence, se pratique toute l'année. Elle donne lieu à des pratiques diverses. Ces pratiques sont cycliques et chacune d'elles occupent un moment précis de l'année.

Cet aspect de notre objectif nous amène à nous inscrire dans la logique de « campement » de Jean- Emile Mbot37(*). Le plus intéressant est sa décomposition en campement provisoire et le campement permanent, où le provisoire devient permanent. Nous allons lui emprunter les concepts de « provisoire » et de « permanent ». Car les pratiques cycliques énoncées plus haut aboutissent à une mise en jachère provisoire pour une exploitation nouvelle. Mais l'évolution actuelle nous présente des parcs nationaux qui, sur le plan formel, peuvent être assimilés aux forêts sacrées. Dans ces parcs, le seul usage possible est le loisir. Il n'y a donc pas véritablement de prélèvement dans ces espaces. Nous passons donc à une mise en jachère permanente avec des conséquences éventuelles. Nous arrivons au niveau où les espèces fauniques spécifiquement dépasseront la capacité moyenne que ces parcs pourront contenir en espèces. Un déplacement de ces espèces sera fréquent, attirant ainsi l'attention des chasseurs.

Tout chasseur devient un braconnier lorsqu'il enfreint les limites reconnues par la société à travers la législation en vigueur, en deçà de ces limites il reste chasseur, au-delà il devient braconnier. L'usage de ce concept ne nous sera pas fréquent. Nous utiliserons beaucoup plus celui de chasseur. Notre optique ici tend vers l'évaluation ou l'estimation de la pression que ces parcs nationaux vivront. Il faut d'abord rappeler que ces parcs reçoivent de nos jours la visite des chasseurs. En ce moment ce phénomène dénommé braconnage n'a pas une fréquence aussi inquiétante. Voilà pourquoi la politique générale sur la faune tenant compte de la mesure de tous les phénomènes y afférent s'impose, au lieu d'une politique des parcs nationaux, oubliant l'autre grande partie de la forêt. La chasse pratiquée dans cette forêt n'est pas réglementée. Elle est abusive. Et si nous constatons la raréfaction de certaines espèces, l'abus est l'une des causes de cet état de chose. Une raréfaction accentuée amènera les chasseurs à agresser les parcs nationaux. Il faut tout de même reconnaître que les prélèvements actuels sont importants et non négligeables. Ces parcs seront, avec leur mise en jachère permanente, des réservoirs de la diversité biologique. Ils connaîtront à cet effet un déplacement massif des populations animales et une pression forte des chasseurs. A long terme, la gestion rationnelle de la faune évidente à travers les parcs nationaux connaîtra des problèmes si la mesure de tous les phénomènes n'est pas prise en compte. Cela démontre de l'importance de tous les comportements ou des usages afférents à la faune, ne négliger aucun au détriment de l'autre.

Au terme de notre étude sur la question de la commercialisation du gibier au Gabon, nous sommes parvenue à certains résultats, et nous avons souligné que l'interrogation fondamentale ainsi abordée est un réel problème de société.

Du fait de toute sa complexité, nous n'avons pas eu la prétention d'avoir épuisé toute la question. Elle est complexe parce qu'elle fait intervenir plusieurs paramètres notamment écologique, économique, politique et socioculturel. Elle est complexe également parce qu'elle soulève des enjeux socio- politiques.

En matière de biodiversité, la situation la plus préoccupante est celle de la faune mammalienne. Si des extinctions n'ont pas encore été observées, au cours des dix dernières années, la pression sans cesse croissante des activités cynégétiques, entretenues par la demande urbaine de viande de brousse, a provoqué sinon la contraction des aires de répartition, du moins la raréfaction d'un nombre important d'espèces auparavant très communes. Cette évolution représente une menace sérieuse pour la biodiversité.

Toutefois, le secteur viande de brousse, avec « 10 000 actifs, 17 milles tonnes, soit un peu plus de 40% de la consommation gabonaise annuelle de viande, pour un chiffre de 20 milliards de F CFA, ne peut être considéré comme un épiphénomène »38(*). Par son poids économique et social, c'est une activité à part entière. Elle permet de réduire de 40% les importations de viande et de réaliser des économies substantielles de devises, dans un pays dont les perspectives de développement de l'élevage sont plutôt médiocres. Elle occupe un nombre considérable d'actifs désoeuvrés, que les estimations du PNAE (Plan National d'Action pour l'Environnement) situent à environ 10% de la main d'oeuvre salariée du secteur formel.

L'enjeu est donc, à court terme, de desserrer l'étau des activités cynégétiques et d'assurer la durabilité du secteur viande de brousse, et à moyen terme, de promouvoir une mise en valeur durable de la faune sauvage, qui génère des avantages économiques supérieurs aux formes traditionnelles d'exploitation de cette ressource.

Aussi est-il préconisé de passer d'une politique exclusivement répressive, limitée à l'interdiction de la chasse, à la protection réglementaire de quelques espèces charismatiques ou menacée et à la gestion de quelques aires protégées, à une politique globale de gestion durable du patrimoine faunique. L'objectif est de maintenir la productivité des écosystèmes en viande de brousse pour faire face à la demande, d'une part, et, d'autre part, de faciliter le repeuplement des espèces menacées afin de préserver la diversité biologique. L'entretien des deux secteurs (secteur du tourisme et secteur de la viande de brousse) profitera au Gabon. Le phénomène de la commercialisation du gibier pose également la question de la formalisation d'un secteur considéré comme informel comme celui de la viande de brousse. C'est grâce à cette reconnaissance, la gestion durable et efficiente sera possible et garantie. Dans le contexte socio-économique actuel, les populations exerçant cette activité ne sauront pas mesurer les quantités d'espèces qu'il faut pour une gestion durable.

Par ailleurs, il nous sera bon d'envisager la culture de très haut, afin d'embrasser ses manifestations les plus diverses. Il s'agit évidement de cette totalité où entrent plusieurs paramètres notamment les idées et les arts, les croyances et les coutumes... Que l'on envisage une culture complexe très évoluée ou bien au contraire une culture bien simple, nous avons affaire à un vaste appareil, pour une part matériel, pour une part humain, et pour une autre part spirituel, qui permet à l'homme d'affronter les problèmes concrets et précis qui se posent à lui. La commercialisation met effectivement en évidence deux cultures ou deux faits de cultures différentes. C'est un conflit qui oppose, d'une part, la consommation de la viande de brousse comme fait culturel gabonais et, d'autre part, la consommation contemplative ou du moins touristique comme fait culturel occidental. La représentation ou l'appréciation de la faune diffère selon que l'on est dans l'une des cultures. Et cela pose, depuis l'urbanisation des villes gabonaises, un véritable contentieux entre les deux types de population.

* 36 Bernard Kalaora, Au-delà de la nature l'environnement, Paris, L'Harmattan, 1998, p11

* 37 Jean- Emile Mbot, « Le campement comme mode de gestion de l'environnement » in Revue Gabonaise des Sciences de l'Homme : les formes traditionnelles de gestion de l'écosystème, Libreville, PUG, 2004, p180.

* 38 Ministère du Tourisme, de l'Environnement et de la Protection de la nature, Plan National d'Action pour l'Environnement, Libreville, cellule de coordination du PNAE, 1999, pp184-185

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"Piètre disciple, qui ne surpasse pas son maitre !"   Léonard de Vinci