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problématique de la gouvernance en République de Guinée et l'appui de la Banque mondiale

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par Abdourahmane DIALLO
Université Sonfonia de Conakry - Maîtrise 2009
  

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CHAPITRE III :

DIFFICULTES D'INSTAURATION D'UNE BONNE GOUVERNANCE

La gouvernance, tant politique qu'économique, est aujourd'hui au coeur de la problématique du développement en Guinée. En dépit de ses potentialités naturelles immenses, le pays traverse une crise économique et sociale des plus sévères. Depuis 2000, année de lancement du processus de formulation et de mise en oeuvre d'une stratégie nationale de réduction de la pauvreté, la dynamique de croissance a baissé et l'inflation s'est fortement accélérée, pour atteindre 31,5% (moyenne annuelle) en Janvier 200613(*).

De nombreux diagnostics élaborés à diverses occasions ont permis d'identifier les principales causes du dysfonctionnement des administrations publiques et de la faiblesse des recettes:

· L'absence de distinction nette entre ressources publiques et ressources privées, et entre droits de propriété publics et droits de propriété privés ;

· L'instabilité, l'incohérence et le manque de rigueur du cadre juridique et du code de conduite favorisant les dispositions arbitraires ;

· Des réglementations qui empêchent l'affectation optimale des ressources et suscitent la recherche de rente qui encourage la corruption ;

· Les traitements et les avantages des fonctionnaires sans rapport avec la réalité ;

· Le contrôle insuffisant de l'activité des fonctionnaires, l'existence de travailleurs « fantômes », le népotisme et l'incompétence ;

· Le gaspillage et la corruption ;

· L'absence de système de comptabilité publique fiable et faible compétence des cadres de ce secteur.

Tableau :Les perceptions de la gouvernance en Afrique et en Guinée14(*)

Niveaux d'appréciation: 0 = pas de tout satisfaisant, 100 = très satisfaisant

Aspect de la gouvernance

Afrique

Guinée

% écart

Système politique

73

31

-58%

Liberté / sécurités des parties politiques

68

19

-72%

Equilibre des pouvoirs

66

9

-86%

Indépendance / crédibilité du processus électoral

61

9

-85%

Pouvoir incitatif des politiques d'investissements

59

16

-73%

Indépendance des organisations de la société civile

55

42

-24%

Indépendance des médias

55

45

-18%

Efficacité du pouvoir législatif

52

18

-65%

Efficacité du pouvoir judiciaire

52

12

-77%

Politique fiscale en faveurs de l'investissement

51

20

-61%

Efficacité du système anti-corruption

50

6

-88%

Organes chargés de l'application des lois

49

13

-73%

Droits de l'homme

48

27

-44%

Respect de l'Etat de droit

48

15

-69%

Efficacité de la gestion des structures étatiques

44

13

-70%

Transparence / responsabilité de la fonction publique

43

11

-74%

Efficacité / transparence du système fiscal

43

14

-67%

Efficacité des services publics

40

13

-68%

Décentralisation des structures

38

33

-13%

Accès à la justice

-

15

-

Sources:

· Pour l'Afrique: UNECA, L'Afrique sur la voie de la bonne gouvernance, Synthèse du Rapport sur la gouvernance en Afrique de 2005.

· Pour la Guinée: Propre sondage et calcul (déc. 2006)

En Guinée, l'aspect le mieux apprécié est l'indépendance des médias (45/100), suivi par l'indépendance des organisations de la société civile, OSC (42/100). Les aspects les moins appréciés sont l'efficacité du système anti-corruption (6/100), l'équilibre des pouvoirs et l'indépendance / crédibilité du processus électoral (chacun 9/100).

Prenant en compte les acquis et les insuffisances des politiques passées, les autorités guinéennes ont élaboré une nouvelle stratégie de développement socio-économique plus complète et plus ambitieuse intitulée Stratégie de Réduction de la Pauvreté (SRP). Tous les partenaires au développement de la Guinée ont adhéré à l'idée et à la substance de la SRP. Malheureusement, le caractère discontinu des efforts enregistrés au cours des dernières années en matière de gouvernance a engendré chez la plupart de ces partenaires un scepticisme accru sur la force des engagements du gouvernement au tour des objectifs de développement socioéconomiques définis dans les stratégies précédentes et reconduits dans la SRP. On estime que ce sentiment explique actuellement, dans une large mesure, la faible mobilisation des ressources financières extérieures.

Pour faire face à ces difficultés, le gouvernement élabore un Document de Stratégie de Réduction de la Pauvreté (DSRP), obtient son admission à l'initiative PPTE (Pays Pauvres Très Endettés) en Décembre 2000 et conclut avec le FMI un programme au titre de la Facilité pour la Réduction de la Pauvreté et la Croissance (FRPC).

Malheureusement,  en raison de la prolifération des marchés de gré à gré,  en violation du code des marchés publics, du laxisme dans la gestion monétaire,  de la persistance des dérapages budgétaires favorisés notamment par les exonérations abusives et les dépenses extra budgétaires, ce programme n'a  jamais pu être mené à son terme.

En conséquence, le point d'achèvement de l'initiative PPTE n'est toujours pas atteint. Ce qui prive la Guinée d'obtenir l'annulation des 2/3 de sa dette extérieure soit l'équivalent de  2 milliards de USD à raison de 1.2 milliards au titre de la dette multilatérale et 800 millions de la part des créanciers du Club de Paris.  Une telle annulation   aurait  permis à la Guinée de ramener le service annuel de sa dette extérieure  à moins de 60millions d'USD contre 185 millions actuellement15(*).

Sous l'effet conjugué de tous ces facteurs résultant de la détérioration de la qualité de la gouvernance, le taux de croissance décline pour n'être que de 1,2% en 2003, soit largement en dessous du taux d'accroissement de la population. L'inflation repart pour se hisser à  20,4% en 2004 ;  à 28% en 2005 et 34% en 2006. C'est également la descente aux enfers pour le franc guinéen. S'il fallait 2000GNF pour 1$USD en 2003, il en faut 7000 en 200616(*).

Depuis lors, le niveau de la pauvreté de la population guinéenne devient de plus en plus préoccupant : près de la moitié de population (49,2%) vit en dessous du seuil de pauvreté, c'est-à-dire avec 387.692 GNF (196 USD) par personne et par an, soit moins d'un demi dollar par jour. Parmi ces individus pauvres, 19,1% vivent en situation de pauvreté extrême, c'est-à-dire d'un revenu au dessous de 228.900 GNF (116 USD) par personne et par an, soit moins de 0,32 UDD par jour.

Depuis 2003, la pauvreté s'est fortement aggravée. Les estimations réalisées par la Banque mondiale et Direction Nationale de la Statistique (DNS - Ministère du Plan) indiquent que l'incidence de la pauvreté atteint 50% en 2003, 50,1% en 2004 et 53,6% en 2005. Cette dégradation du niveau de vie des guinéens est consécutive à la forte détérioration de la situation économique du pays à partir de 2003.

En effet, en l'absence d'un programme performant, toutes les aides budgétaires qui devaient accompagner les efforts d'ajustement du gouvernement ont été suspendues ou annulées par les donateurs. Plus grave, la plupart des créanciers bilatéraux et multilatéraux ont été emmenés à suspendre les décaissements en faveur des projets et programmes en cours d'exécution parce que la Guinée n'était pas  à jour  dans le règlement des échéances de sa dette extérieure. Ainsi,  beaucoup de projets vitaux identifiés et mis en oeuvre dans le cadre de la lutte contre la pauvreté furent-ils suspendus ou arrêtés. En outre, à cause du déficit démocratique, d'autres bailleurs de fonds comme le FED ont suspendu ou réduit leur coopération financière.

Ces contre-performances s'expliquent par des facteurs externes (poursuite de l'insécurité dans la sous-région, hausse des cours des produits pétroliers etc.), mais également par la crispation du climat politique au niveau national et les dérapages dans la gestion des ressources publiques

Compte tenu de la difficulté soulignée précédemment de faire des bilans individuels par projet et programme, l'inventaire des progrès réalisés et des faiblesses qui persistent dans le domaine de la bonne gouvernance s'appuie sur des bilans globaux, notamment ceux de la SRP et du Programme Cadre de Renforcement de Capacités et de Bonne Gouvernance , ainsi que des éléments d'analyse contenus dans le Rapport National sur le Développement Humain et d'autres évaluations de diverses sources

§ Dans le processus de démocratisation de la vie politique

Dans le cadre des changements politiques qui ont commencé en 1984, le passage du régime politique monolithique et personnalisé vers un régime démocratique a été amorcé par la mise en place de la Loi fondamentale et des lois organiques qui constituent aujourd'hui le cadre institutionnel de gestion du processus démocratique et du développement économique et social.

Les dispositions de la Loi fondamentale et des lois organiques instituent un régime présidentiel organisé selon le principe de la séparation des pouvoirs. Le pouvoir exécutif est détenu par le Président de la République, élu au suffrage universel direct avec un mandat de sept ans. Le pouvoir législatif est assuré par une Assemblée Nationale composée de députés élus au suffrage universel direct avec un mandat de sept ans. Le pouvoir judiciaire est exercé exclusivement par les Cours et Tribunaux. Dans ses dispositions autres que celles qui sont relatives à la forme républicaine de l'Etat, au principe de la laïcité et à la séparation des pouvoirs, la Loi fondamentale peut être révisée par référendum à l'initiative du Président de la République ou des Députés.

Le Conseil Economique et Social est le cadre consultatif de la représentation des syndicats, opérateurs privés, professions libérales, associations à caractère social et universitaires. Il est obligatoirement consulté sur les projets de lois de plan et les lois de programme à caractère économique et social. Ses membres sont choisis parmi les personnalités qui, par leurs compétences ou leurs activités, concourent efficacement au développement économique et social du pays. Depuis sa mise en place, le Conseil s'est saisi de questions d'intérêt national qui ont fait l'objet de rapports au Président de la République et il a organisé récemment un « forum national sur la société civile guinéenne ». Le Conseil National de la Communication est chargé de veiller au respect des lois et règlements qui organisent la liberté de la presse17(*).

La Loi fondamentale opte pour un multipartisme intégral. La Charte des partis politiques (promulguée le 23 décembre 1991) et de nombreuses lois organiques précisent les modalités de création et de vie de tout parti politique sur le territoire national. Selon la législation sur les partis politiques, la création de ces derniers n'est pas soumise à une limitation de nombre.

Elle nécessite en revanche que les membres fondateurs soient originaires des quatre régions naturelles du pays. L'autorisation de créer un parti politique ne peut être refusée par le ministre chargé des affaires intérieures que par une décision motivée qui peut faire l'objet d'un recours auprès des juridictions compétentes pour excès de pouvoir. L'institution du multipartisme intégral a permis la constitution de 45 partis politiques depuis 1991.

Depuis le référendum constitutionnel de 1990, les autorités guinéennes ont organisé de nombreux scrutins pour les élections nationales. Les élections locales et municipales de décembre 1991 ont permis de désigner les maires des communes et les présidents des communautés rurales de développement.

Au niveau du législatif, on estime que, dans la pratique, le rôle du Parlement est affaibli par le système du parti majoritaire et qu'aucun mécanisme de contrôle ne fonctionne de façon satisfaisante. De plus, la conscience d'un écart entre le parlement et la société civile est claire et on n'observe pas de tendance au renforcement du positionnement de l'Assemblée en tant que pouvoir distinct de l'exécutif pour consolider l'enracinement des institutions républicaines dans le contexte socio-économique du pays. La parution du bulletin de l'Assemblée est intermittente et le développement des programmes de vulgarisation sur le fonctionnement et les rôles des institutions est laissé aux rares initiatives des ONG et de quelques bailleurs de fonds.

Au niveau du processus électoral, la démocratisation de la vie politique du pays marque le pas depuis quelques années, Les dernières élections ont de nouveau suscité des débats houleux sur la transparence et l'indépendance de l'administration électorale et renforcé le doute sur la volonté du pouvoir exécutif à instituer une véritable compétition électorale. La forte adhésion initiale au Haut Conseil aux Affaires Electorales s'est progressivement relâchée. Une partie importante de l'opposition a estimé que le fonctionnement de cette structure a favorisé la manipulation des résultats sortis des urnes et réclamé son remplacement par un Conseil Electoral Indépendant (CEI). Ce que le gouvernement a toujours refusé ; une telle structure étant jugée non conforme à la constitution.

Aux élections communales du 25 juin 2000, le Parti de l'Unité et du Progrès (PUP) a gagné la quasi-totalité des communes du pays. L'impartialité de l'administration a été mise en cause de nouveau. Le 11 novembre 2001, le gouvernement a organisé un référendum sur la modification de certains articles de la Loi fondamentale, portant notamment sur les dispositions relatives au mandat présidentiel et à l'âge des postulants. Le référendum s'est déroulé dans un climat de crainte de graves violences, avec le boycott actif prôné par le Mouvement contre le Référendum et pour l'Alternance Démocratique. Ses résultats ont été sujets à des vives controverses : le gouvernement et les partis de la mouvance présidentielle situent le taux de participation à 96% et les votes favorables au référendum à 98%. Ces résultats sont bien évidemment contestés par l'opposition, une partie de l'opinion nationale, certaines chancelleries, les medias internationaux et les ONG étrangères en Guinée qui estiment le taux de participation à environ 10%.

C'est dans ce contexte délétère, où le dialogue entre les principaux acteurs de la vie politique du pays était rompu que les deuxièmes élections législatives ont été organisées en juin 2002. Le scrutin s'est déroulé sans aucune manifestation de violence. Mais selon plusieurs observateurs « indépendants », l'absence de neutralité de l'administration et plusieurs irrégularités ont jeté le doute sur les résultats proclamés le 8 juillet 2002 (72% de taux de participation et 85 sièges au PUP)18(*). Le boycott des dernières élections par plusieurs partis de l'opposition, le refus de certains députés de siéger à l'assemblée et la radicalisation de toutes les positions traduisent une rupture profonde du dialogue politique en Guinée et un recul incontestable du processus démocratique. Les raisons sont diverses :

· La faible capacité des partis politiques à promouvoir la culture démocratique, la prise

· de conscience insuffisante des impératifs de l'unité nationale et du développement et de la nécessité de la sélection qualitative des élites devant conduire les affaires publiques et l'éducation positive des militants ;

· Le caractère embryonnaire des composantes de la société civile, qui fait que la plupart des associations ou ONG peuvent se créer davantage dans le but de capter des financements extérieurs que pour leur objet social officiel ;

· Le manque de moyen et d'expertise de la société civile. Ce qui ne lui permet pas de jouer pleinement son rôle de contre-pouvoir et de servir de rempart contre toute velléité de résurgence autoritaire.

· Ces causes ont à leur tour engendré les comportements ou les situations suivants :

· La prépondérance des intérêts des partis politiques au sein de l'Assemblée Nationale dans le sens d'un détournement du mandat parlementaire. Un député se trouve davantage mû par les intérêt de l'appareil de son parti, voire même les intérêts personnels qui s'y cachent, que par le souci de défendre l'intérêt général par le contrôle de l'action gouvernementale et la promulgation des lois utiles ;

· Le manque de consensus autour de la structure en charge de l'organisation des scrutins électoraux ;

· Les désaccords profonds sur la confection des listes électorales imputables aux difficultés de constitution d'un état-civil fiable comportant une bonne identification de tous les citoyens, leurs âges et lieu de résidence, avec pour principales conséquences de nombreuses omissions, ou au contraire des doubles inscriptions ;

· L'effectivité de la participation dont le taux est souvent sujet à polémique;

· L'absence d'un statut de l'opposition et d'un modus vivendi clairs au niveau des rapports entre la majorité parlementaire et l'opposition. Tout est laissé à la merci des rapports de force, y compris le mode de répartition des postes de responsabilité au sein de l'Assemblée ;

· La tendance à l'exagération non constructive qui marque encore le comportement de l'opposition politique ;

· L'absence de dispositions légales sur les conditions de mise en jeu de la responsabilité du Président de la République en vue d'une destitution éventuelle pour incapacité19(*) ;

Il existe des raisons objectives qui permettent de soutenir que les taux de participation effective sont encore faibles. On pense notamment aux nombreux cas de vote nuls dus à l'ignorance, la marginalisation des jeunes et, dans une certaine mesure, des femmes au niveaux de la vie publique et les consignes de boycott de certains partis politique de l'opposition.

§ Au niveau de la justice et des droits de l'homme

On estime qu'en 1984 le système judiciaire guinéen était totalement sinistré. L'Etat de droit inscrit dans la loi fondamentale du 23 décembre 1990 ne pouvait manifestement pas être garanti par ce système où exerçaient des « juges populaires » non professionnels et démunis de moyens de fonctionnement. Les reformes entreprises dans le domaine de la justice ont reposé, formellement, sur la conviction que l'épanouissement d'un Etat de droit et d'une bonne gouvernance est largement tributaire de l'existence et du bon fonctionnement des organes en charge du contrôle juridictionnel.

Un effort important d'organisation et de mise en place des structures a été déployé. La structure pyramidale classique du système judiciaire est en place : une Cour suprême, deux Cours d'appel (Conakry et Kankan), dix Tribunaux de première instance et vingt-six Justices de paix. Les juridictions spécialisées (en matière sociale et pour les mineurs) sont constituées en chambres ou sections des tribunaux de première instance et une juridiction arbitrale a été créée en août 1998.

Dans les faits, le système judiciaire souffre de nombreuses faiblesses et des dysfonctionnements tant au niveau des structures elles-mêmes qu'à celui de leurs conditions de gestion. De même, l'indépendance et l'intégrité de la magistrature sont limitées par le poids du passé, qui a façonné profondément le fonctionnement du système, et les contraintes du moment qui engendrent ou renforcent des comportements délictueux. Sur ce dernier point, on relève que l'insuffisance notoire des crédits de fonctionnement pousse les greffiers à recourir à des facturations non réglementaires des frais de justice ; comportements qui favorisent la corruption et a tendance à se généraliser au niveau des auxiliaires de la justice. De sorte que, perçu par le justiciable, le juge traduit généralement de la crainte et des soupçons de corruption. On peut résumer les principales faiblesses du système, en rapport avec les problèmes de gouvernance dans les points suivants :

· Faiblesse des rémunérations qui prédispose à la corruption dans un métier directement impliqué dans des enjeux financiers élevés ;

· Persistance des séquelles de la coopération avec les pays du bloc socialiste qui ne favorise pas l'émergence d'une culture juridique bénéficiant de la séparation des pouvoirs ;

· Forte concentration des auxiliaires de justice, des avocats et des huissiers dans la capitale ;

· Non-conformité de l'organisation du registre du Commerce avec les règles de l'OHADA;

· Inscriptions effectuées dans le registre du Commerce sans contrôle des incompatibilités d'exercice;

· Caractère non effectif du Conseil Supérieur de la Magistrature et du statut des magistrats ;

· Interférences fréquentes dans l'exécutif ;

· Non opérationnalité de la Chambre des comptes pour diverses raisons : elle ne reçoit pas les comptes, elle n'est pas outillée pour en faire un contrôle exhaustif et indépendant, les textes qui la structurent ne permettent pas de distinguer ses responsabilités propres de celles du Président de la Cour Suprême, les lois de règlement ne sont pas soumises au vote de l'Assemblée Nationale ;

· Faible fréquence du recours au juge pour le règlement du contentieux administratif, imputable à une perception négative de l'Etat et de ses pouvoirs héritée de la Première République et à la faiblesse des juridictions de base en matière de recours pour abus de pouvoir.

L'ouverture du Centre de Formation Judiciaire devrait permettre de structurer des programmes de formation initiale et de formation continue en direction des magistrats et des auxiliaires de justice.

L'acte uniforme de l'OHADA sur le droit commercial général prévoit la tenue du Registre du Commerce par les Greffes des juridictions. Le registre des activités économiques guinéen est tenu au seul guichet du Centre de Formalités de l'OPIP, organisme placé sous la tutelle du Ministère du Commerce.

Plusieurs catégories définies (fonctionnaires et personnels des collectivités publiques et des entreprises à participation publique, officiers ministériels et auxiliaires de justice, experts comptables et comptables agréés, ...) ne peuvent s'inscrire au Registre du Commerce.

§ AU NIVEAU DES RESSOURCES

v La fonction publique

L'administration publique guinéenne a connu une évolution quelque peu tourmentée. Le choc brutal intervenu en 1958, qui s'est traduit entre autres conséquences par la réduction sévère des ressources financières, le départ massif des cadres et la perte des archives, a marqué profondément la mise en place d'une nouvelle administration nationale. Les efforts entrepris au cours de la Première République pour construire une administration moderne n'ont pas donné les résultats escomptés. Le système administratif a été marqué par un centralisme excessif des ressources humaines et matérielles, des rendements faibles, un manque de transparence et une mauvaise circulation de l'information. Les réminiscences de ce système marquent encore profondément les mentalités des administrateurs, des administrés et de la société civile de manière générale. Elles ralentissent les efforts de modernisation de l'administration qui sont des facteurs potentiels de réversibilité au niveau des progrès obtenus.

Les efforts déployés depuis 1985 ont certes produit quelques résultats en matière de rationalisation des cadres formels de l'administration, mais ils n'ont pas fondamentalement contribué à améliorer son fonctionnement interne. L'administration demeure inefficace à servir le développement et ne permet pas à l'Etat d'assurer sa mission d'orientation et de maîtriser les effectifs de la fonction publique. La qualité des services publics offerts est mauvaise à pratiquement tous les niveaux et la relation entre l'administration et les usagers est souvent exécrable; la perception dominante étant que la mauvaise gouvernance est érigée en méthode de gestion dans l'administration guinéenne; situation considérée comme l'une des principales causes des contre-performances enregistrées depuis quelques années en matière de mobilisation des ressources financières.

Les principales leçons à tirer de cette situation sont de deux ordres. Premièrement, on observe que la réforme administrative ne peut se réaliser uniquement sur la base de réponses techniques. Elle nécessite une volonté politique traduite par l'analyse rigoureuse des faits et la correction systématique des dysfonctionnements. En second lieu, la réforme administrative nécessite des moyens importants. En effet, si depuis 1990 des programmes pertinents de réforme ont bien été élaborés, ils n'ont pratiquement jamais trouvé les ressources nécessaires pour le financement de toutes leurs actions. Ces deux considérations renvoient respectivement à un déficit de gouvernance et à la prise en compte insuffisante des contraintes.

v Les ressources humaines :

- Les pratiques de gestion du personnel (recrutement, rémunération, affectation, promotion) se font souvent en marge des dispositions statutaires et réglementaires et n'incitent pas à l'amélioration de la productivité car elles sont peu liées au mérite et au rendement ;

- La persistance de comportements rétrogrades nuisibles à l'émergence de savoir-faire et d'attitudes nouvelles au sein d'une administration vieillissante pour cause de gel des recrutements20(*) ;

- L'absence de coordination globale des programmes de formation et de gestion prévisionnelle des ressources humaines21(*) ;

- Les faibles niveaux de rémunération des fonctionnaires et l'absence d'indexation des salaires au coût de la vie, aux spécificités des zones géographiques et aux priorités sectorielles.

v Les moyens d'intervention :

- Les défaillances enregistrées au niveau de la gestion et du contrôle des dépenses publiques qui se traduisent par les usages détournés des moyens de fonctionnement et le désoeuvrement dans les services publics ;

- L'acquisition des équipements, sans aucune planification globale et sans évaluation des charges récurrentes, notamment dans le cadre des projets ;

- L'absence de politique globale de maintenance des équipements des services publics et de comptabilité matière constatant leur appartenance aux services.

v L'organisation et les méthodes :

- La méconnaissance et la non application des nombreux textes, élaborés depuis 1985, qui fixent le cadre des missions et de l'organisation des services publics ;

- Le caractère non opérationnel des mécanismes de contrôle et la non application des sanctions qui est devenue pratiquement la règle dans l'administration ;

- Les graves manquements dans les pratiques actuelles des services publics en matière d'accueil, d'information et de communication à l'égard des administrés.

v La gestion des finances publiques

La gestion des finances publiques est au coeur des problèmes de gouvernance économique en Guinée. En effet, elle recouvre des domaines à la fois variés et complexes : fiscalité, budget, comptabilité de l'Etat et trésorerie. Certains aspects importants de ces fonctions ne sont pas encore suffisamment couverts dans les diagnostics actuellement disponibles.

Au niveau du système global de gestion de l'économie qui implique directement des directions et services des ministères chargés respectivement du plan et des finances publiques, l'instabilité organisationnelle de ces deux départements induit des réorganisations qui ne sont pas toujours sous-tendues par une analyse systématique des causes des dysfonctionnements des structures préexistantes. La principale leçon de cette instabilité est qu'avant toute restructuration par le haut, il faut nécessairement créer une dynamique par le bas à travers une mise en adéquation de l'organisation interne des directions et services avec les missions qui leur sont assignées. Dans le même ordre d'idées, on relève un manque d'harmonie entre le cadrage macroéconomique et la gestion budgétaire et une absence de vision macroéconomique de la fiscalité. Il en résulte entre autres conséquences une absence de système rationnel de régulation des flux de dépenses par rapport à l'évolution réelle des recettes. Et c'est l'inefficacité relative du système imputable en partie à ces facteurs qui pose un vrai un problème de gouvernance économique.

Mais, au-delà de ces considérations, qui sont davantage techniques et d'ordre organisationnel, il ressort de plusieurs analyses que la corruption constitue l'une des principales causes (voire la principale cause) des contre-performances enregistrées dans la gestion des affaires publiques d'une part et, d'autre part, du manque d'égard des citoyens pour leur administration.

En d'autres termes, la corruption est perçue comme l'obstacle majeur à la bonne gouvernance en Guinée. Elle a pénétré systématiquement au cours des dernières années tous les espaces de liberté qui auraient permis à la Guinée d'améliorer sensiblement la gestion des affaires publiques ; réduisant ainsi pratiquement à néant les effets positifs attendus des diverses réformes et des efforts déployés pour améliorer le capital humain et les outils de travail.

D'après les résultats d'une étude d'opinion récente faite par le PNUD dans son « Rapport National sur le Développement Humain de l'Edition 2002 », les administrations publiques les plus touchées par la corruption seraient celles des impôts, des marchés publics de la douane et de la justice; avec comme principales causes, par ordre d'importance :

- l'impunité et le manque de sanction ;

- les bas salaires de la fonction publique ;

- la pauvreté ;

- la rareté, voire l'absence de contrôles ;

- l'ambition des cadres ;

- la vénalité comme fond de caractère.

Les rapports de toutes les chancelleries et les organisations internationales présentes en Guinée convergent sur ce point au cours des dernières années. Cette perception est confirmée dans le « Rapport d'enquête sur la Gouvernance et la lutte contre la corruption » de l'Agence Nationale de Lutte contre la Corruption (ANLC) réalisé en 2005

Les facteurs permissifs sont dans la plupart des cas le dysfonctionnement des structures d'organisation et de gestion, les zones d'ombres dans les textes de réglementation, de procédures et de sanction, mais aussi la complicité de l'entourage par le silence (justifié du reste par le fait que les dénonciations ne déclenchent aucune enquête ni procédure disciplinaire et de sanction).

Les problèmes spécifiques suivants de gouvernance sont relevés :

- déformation, dans la pratique, des procédures selon lesquelles doivent se dérouler les dépenses. Ce qui altère le système d'information et de suivi et les capacités de réaction aux dysfonctionnements;

- contournement de la procédure des marchés publics par le morcellement des commandes ;

- difficultés de paiement du Trésor engendrant des pertes de changes et des charges supplémentaires d'intérêt dues au retard apporté aux ordres de paiement et des surfacturations de la part des fournisseurs ;

- faible tradition de contribution fiscale des Guinéens (incivisme), qui s'explique dans une large mesure par la perception que ces derniers ont de l'administration fiscale (qui serait foncièrement corrompue).

v Le système douanier

On relève :

- longs délais de dédouanement qui offrent aux agents indélicats l'occasion de multiplier les tracasseries ou de négocier frauduleusement avec les opérateurs économiques; une sorte de `'banditisme étatique'' ;

- droits de douane jugés trop élevés. Ce qui favorise la fraude ou la recherche systématique d'exonération ;

§ La décentralisation et le développement participatif

Environ trois décennies de centralisme ont caractérisé l'administration guinéenne sous la

Première République. Cependant, selon les principes du « centralisme démocratique », la structuration des organes dirigeants s'étendait jusqu'au niveau des entités villageoises. De sorte que, même si cette forme de décentralisation limitait considérablement les initiatives locales, elle a laissé place à une capacité et un goût d'auto-organisation à la base. A l'avènement de la Deuxième République, l'option prise par les nouvelles autorités est nettement différente. Elle vise une participation effective des populations au développement local et l'épanouissement des initiatives privées.

Malgré l'unanimité sur le choix de la décentralisation et les efforts déployés depuis plus d'une décennie pour la promouvoir , force est de constater que le bilan, en matière de développement et de gouvernance locale, de la société civile et de la presse est faible. De sorte que toute cette architecture semble être encore, à certains égards, purement formelle. Les raisons sont multiples à cause de la complexité du processus et de la gestion des interventions extérieures. Et c'est essentiellement dans la collecte et la gestion des ressources financières, le respect des mandats électifs dans les collectivités d'une part et, d'autre part, l'absence de vision consensuelle de tous les acteurs sur le rôle de la société civile que se posent encore quelques problèmes de gouvernance.

Préfets, sous-préfets et gouverneurs, représentant de l'Exécutif, ont la réputation de disposer d'un pouvoir excessif. Et leur difficile cohabitation avec les élus locaux n'arrange généralement pas les choses. Jusque dans la capitale. A Matam, une commune urbaine de Conakry, la municipalité a eu à voir le gouverneur de la ville faire main basse sur ses recettes fiscales. Les pressions de la Direction nationale des impôts, gênée par l'abus d'autorité, n'y ont rien fait. Le maire d'alors, analphabète et peu imbu de ses droits, avoue qu'il n'était « pas prêt à l'affrontement avec une tutelle qui aurait pu le révoquer ». Il en est jusqu'au représentant-résident de la Banque mondiale qui a eu à se plaindre du même gouverneur, auquel il a reproché de puiser dans les fonds du Programme de développement urbain n°3 dont la gestion revient aux collectivités locales22(*).

Autre type de conflit, nous avons vu, à Fria, la mairie et l'administration du marché de la ville à couteaux tirés pour le contrôle des recettes. Les marchands qui, souhaitant que ces fonds servent à l'évacuation des ordures, les ont vu affecter à d'autres priorités. L'arbitrage de la préfecture n'a rien donné. A Boffa, c'est la commune urbaine et le syndicat des transporteurs qui ont eu à s'affronter pour le contrôle de la gare routière de la ville. Pour en rajouter à ce tableau, le dernier référendum constitutionnel tenu en novembre 2001 a consacré une modification du mode de désignation des responsables de quartier. Au lieu d'être élus, ceux-ci sont désormais nommés par le pouvoir central. De quoi démotiver ceux qui croyaient encore à la décentralisation en Guinée. A la DND, on ne cache pas les difficultés rencontrées. « La résistance de certaines structures de l'administration au changement, la faible capacité des structures déconcentrées à concevoir, à élaborer, à gérer et à évaluer les actions de développement, la faiblesse des ressources humaines et financières, l'absence d'instance de concertation et de planification au niveau préfectoral et régional, et le défaut de renouvellement régulier des conseils communautaires sont nos handicaps », confie M. Cheick Souleymane Diaby23(*) de la DND. Ainsi pour dire aussi que le Les conflits de compétence minent le système de gouvernance guinéen24(*).

La déconcentration

Dans les faits, les démembrements de l'Etat au niveau décentralisé ne sont pas en mesure de jouer pleinement leur rôle d'interface entre le niveau central et le niveau local de l'administration publique et leurs capacités d'intervention sont réduites pour plusieurs raisons dont la plupart tiennent à un déficit de bonne gouvernance. La décentralisation a remis en question certains « contrats sociaux » ; cessez de décider à la place des populations et les laisser décider est un processus qui demande du temps. Parmi les difficultés, on relève notamment :

Ø au niveau des régions administratives, les organes consultatifs ne sont pas tous opérationnels;

Ø au niveau de l'administration préfectorale on dénote : l'absence de textes d'application et de procédures pour les Services Préfectoraux de Développement (SPD), non respect des procédures et absence également de textes d'application pour les Comités Préfectoraux de Développement;

Ø au niveau de l'Administration sous-préfectorale : déficit de représentation technique (présence des services techniques théorique dans certaines sous-préfectures), surtout dans les régions les plus pauvres ;

Ø le transfert de ressources financières vers les collectivités s'est traduit par une baisse ressources des préfectures et sous-préfectures qui devrait être compensée par des subventions d'équilibre. L'absence de ces subventions aggrave les difficultés financières des structures déconcentrées, notamment les préfectures en butent à des problèmes particuliers tels que la sécurisation des frontières et l'accueil de nombreuses missions officielles. Cet appauvrissement relatif des structures concernées constitue un facteur incitatif à la corruption et abus de pouvoir de la part des cadres de la tutelle qui ne peuvent ainsi exercer en toute quiétude leur mission.

* 13 Docteur Nassirou BAKO Arifari, « Corruption et Bonne Gouvernance : Quelles relations pour quelle Finalité? », Université de Kankan, du 20 au 22 Décembre 2002, 15P

* 14 Atelier de travail à Dalaba, Guinée, Ministère du Plan/Coopération technique allemande « La contribution des sciences économiques et sociales à la bonne gouvernance en Afrique » du 5 au 7 décembre 2006

* 15 El Hadj Saidou Diallo, « Présentation de l'état de la gouvernance en GUINEE », Bel Air /GUINEE, Mai 2007, 7P

* 16 Ministère de l'Economie, des Finances et du Plan, « Document de Stratégie de Réduction de la Pauvreté DSRP (2007-2010), Conakry, Août 2007, 142P

* 17 Décret n° 197/PRG/SGG, du 2 septembre 1998.

* 18 Archives Ministère de l'Administration du Territoire et des Affaire Politiques, Conakry, Rép. de Guinée, septembre 2005.

* 19 Cf. Programme National de Renforcement des Capacités et de Gouvernance, « l'Etat, les services publics et les institutions républicaines »

* 20 Enquête sur le Questionnaire des Indicateurs de Base du Bien-être (QUIBB), Ministère du Plan, 2002-2003.

* 21 Rapport à l'Assemblée Nationale du Ministre de l'Enseignement Technique et de la Formation professionnelle lors de la session budgétaire 2005.

* 22 Comité du Développement de la Banque Mondiale, « Renforcement de l'Action du Groupe de la Banque pour Promouvoir la Gouvernance et Lutter contre la Corruption », Conakry, S.D , 46 P

* 23 Chef de la Section coopération décentralisée à la Direction nationale de la décentralisation (DND),

* 24 Cf. Guinée, Rep. de. Ministère chargé de l'économie, des finances et du plan

« Guinée, vision 2010 », vol. 1 : Stratégie globale, Conakry, novembre 1996, p. 32.

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