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Les organisations de soirées techno. Le loisir dans l'institutionnalisation du mouvement

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par Fabrice JALLET
Université Paris VII Denis Diderot - Master sociologie des politiques culturelles 2009
  

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II. Le militantisme libertaire

Sans aller jusqu'à l'analyse des facteurs socio-historiques de l'apparition du phénomène techno, l'organisation que je qualifie "à l'arrache" puise ses raisons dans des éléments antérieurs à son interdiction qu'il convient maintenant d'examiner. Au travers du discours des organisateurs deux types d'éléments sont apparus pertinents : les valeurs communes issues des "premières heures" du mouvement techno et des discours formatés relatant des origines mythologiques des fêtes.

II.1. Organiser une fête avec des valeurs héritées des nomades

J'ai pu constater que dans les organisations rencontrées au cours de mon enquête, les membres partageaient des valeurs communes que je peux imputer à cette "histoire commune" du mouvement techno que ceux-ci conservent en dépit des différences dans la manière de mettre en oeuvre leurs projets. J'en reparlerais donc dans tout le sujet et spécialement dans la partie consacrée à l'objet social de l'association. Bien sûr chaque individu, lorsqu'il raconte cette histoire commune, livre sa vision de cette histoire qu'il est nécessaire de restituer à son auteur.

"Moi, j'ai jamais arrêté de monter des soirées, mais des soirées underground [...] On montait des soirées underground c'est-à dire un peu plus à l'arrache, toujours sur un terrain privé pour pas être emmerdé, mais on va dire sans déclarer quoi que ce soit, avec un débit de boisson illégal, avec.. .pour le plaisir de faire des soirées" (Anthony). À partir de 2001, organiser une fête pour faire

43 Voir en annexe, le dispositif juridique p.212. J'ai souligné des éléments car ces formulations juridiques sont importantes dans la règlementation et pourtant difficile à appliquer en réalité.

44 Becker H.-S., op. cit. p.43.

la fête est devenu règlementé dès lors que l' "effectif prévisible" dépasse le seuil prescrit par décret, soit 250 personnes dès 2002 et 500 depuis 2006. "Pour mon anniversaire cet été, on a fait une soirée il y avait 2 sons. Il avait eu peut-être 350 personnes voire plus, dans la soirée entrée gratuite", raconte Anthony à propos d'une soirée "plus privée". Or, la communication de cette soirée avait été comme il le dit : "au bouche-à-oreille". Il est a fortiori difficile de prévoir le nombre de personnes présentes sur le lieu du rassemblement. Certainement du fait de sa gratuité, les organisateurs de cette soirée n'ont pas dû compter les personnes à l'entrée. Même sans la nommer ainsi, cette soirée était une free party, rassemblant les deux sens de la free, valeurs que Stéphane Hampartzoumian rattache à la tendance nomade 45: la gratuité et la liberté. Le nom de l'association d'Anthony, Melting Pot (For the Evolution of the Movement Techno), dévoile immédiatement l'intention de ses créateurs. Ceux-ci ont ajouté une dose de légalité aux pratiques pour poursuivre le projet lancé par les mentors du mouvement techno. La sédentarité, la conciliation de son loisir avec sa vie privée, l'ambition de monter de plus gros projets que des petites soirées privées sont autant de raisons pour adapter les valeurs premières du mouvement techno avec la réalité sociale. Le choix pour la clandestinité festive ne présume pas du choix pour une vie clandestine, la fête est un temps de la vie.

"Il y en a ça leur a pas plu de se prendre la tête dans les salles, dans les boîtes. Ils sont restés dans le mouvement pur, free party et voilà "on bouge pas, on reste là-dedans", il y en a pas mal qui restent comme ça ", rapporte Henri à propos des "résistants de la free party". Les plus résistants à l'institutionnalisation de la fête techno ont refusé de se conformer à la législation. Ce sont les défenseurs de la conception nomade du mouvement techno. Mais entre les deux extrêmes, de nombreux organisateurs composent avec les valeurs et la légalité. Il créent donc de nouvelles pratiques. De la confusion et même parfois de l'incohérence peut apparaître dans les soirées qu'ils organisent et dans leur discours, néanmoins chacun articule ses actions selon sa propre logique et la concilie avec celle des autres membres de l'organisation. C'est ainsi que l'on trouve des soirées métissées que l'on pourrait appelé des "free parties payantes" qui associeraient les codes de la free party et le besoin de rentabiliser les investissements d'une soirée. Beaucoup cite aussi Manu Le Malin, un dj issu du mouvement nomade qui s'est professionnalisé et donne des concerts payants. Ainsi, Henri défend des soirées payantes qui conserve les valeurs de la free : "Le Mas Bonete on a fait 6 euros. Notre intérêt, au départ, c'est vraiment la fête libre. Bon maintenant, les lois font qu'on peut plus faire la fête librement et donc il faut un minimum d'argent, faire entrée un minimum d'argent pour pouvoir assurer des soirées, des salles et tout. Donc on fait payer juste pour se rembourser et nous faire un peu de sous ".

45 Hampartzoumian S., op. cit. p. 222.

Julien, qui est originaire de Bordeaux, a analysé cette situation. Il prétend qu' "ici, le sud, en dessous de Clermont, c'est Hardtek, les free party. C'est pas pour rien qu'il y en a encore des free party ici." Je peux compléter ceci par l'hypothèse que se sont diffusées, chez les organisateurs locaux, des valeurs que continuent de revendiquer les tenant du mouvement de la tendance nomade, que Julien nomme "hardtek", comme si le choix pour ce courant musical induisait le choix de la clandestinité de la fête. Ce sous-genre de la techno est principalement diffusé dans des free-party clandestines mais les valeurs qu'il défend sont aussi partagées dans d'autres sous-genres. Lorsque ces valeurs sont en contradiction avec les normes de la société, ils doivent se conformer ou résister. Des organisateurs ont choisi le chemin de la résistance aux normes et de leur transgression systématique. Le caractère déviant de leurs organisations s'intègre dans un mode de vie déviant, le nomadisme. D'autres abandonnent l'organisation et recherche la liberté en produisant des oeuvres avec des labels indépendants. D'autres encore ont fait le choix de la sédentarité, mais en se reconnaissant ou en s'étant construit avec certaines des valeurs nomades, vont résister ou tout du moins agiront à leur manière en dépit des normes établies.

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