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Les organisations de soirées techno. Le loisir dans l'institutionnalisation du mouvement

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par Fabrice JALLET
Université Paris VII Denis Diderot - Master sociologie des politiques culturelles 2009
  

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III. De la communauté à l'équipe

Après avoir observé dans le réel ce fond commun des organisateurs de soirées techno, il est légitime de se demander de quelle manière l'organisation unie les organisateurs. En d'autres termes, nous allons exposer ce qu'est la communauté dans une lecture du sacré pour ensuite l'envisager à la lecture du profane.

III.1. "La communauté trans(e)cendantale"53

Pour comprendre ce qu'anime certains organisateurs, on peut s'intéresser à la thèse du rassemblement sacré dans la réalité "post-moderne". Ces recherches sont celles qu'a accompli Stéphane Hampartzoumian dans sa thèse sous la direction de Michel Maffesoli. La fête techno y est interprétée comme "la forme rituelle la plus en phase avec l'époque contemporaine"54. La fête techno serait organisée et rassemblerait ses participants pour lever les contraintes sociales qui pèsent sur les individus. La "post-modernité" est cette époque romantique du retour à l'utopie après les ravages causés par la modernité : différenciation, urbanisation, individualisation, désenchantement etc., autant d'effets destructeurs de la communauté.

La fête techno s'est construite et a évolué sur la transgression d'un interdit légal, la limite. C'est le franchissement de ce seuil, la lime, qui confère à la participation à la fête techno son caractère de rite initiatique. "La procédure rituelle de la fête techno ne vise essentiellement qu 'à produire une effervescence sociale"55. L'auteur s'intéresse au caractère collectif plutôt qu'au caractère esthétique de la fête. Le groupe des participants de la fête se transforme au cours de la fête en une communauté venue ressentir la jouissance collective de la fête jusqu'au point de fusion sans toutefois parvenir à fusionner. Pour justifier son propos, il va puiser dans la littérature, les sciences humaines (où la

51 Mombelet A. et Walzer N., Metal et politique : pour une compréhension sociologique des références aux extrémismes politiques dans la musique metal. Cet article est tiré de leur interventions lors du Colloque LAREQUOI du 17 janvier 2005 et de leurs thèses à l'Université Paris-5, CEAQ.

52 Hebdige, D., Sous-culture, le sens du style, éd. La Découverte, Paris, 2008.

53 Hampartzoumian S., op. cit. p. 295.

54 Hampartzoumian S., op. cit. p.105.

55 Hampartzoumian S., op. cit. p.264.

psychanalyse tient une large place), ainsi que dans une enquête de terrain soumise à une "grille d'analyse durkheimienne" pôlarisant les discours de participants entre le profane et le sacré :

"J'ai eu l'occasion de montrer précédemment combien chaque élément constitutif de la procédure rituelle de la fête techno pouvait être lu à la lumière de cette grille d'analyse, c'est-à-dire comment chaque élément du rituel festif techno pouvait rendre compte d'une mise en condition sociale propice à l'éclosion d'une expérience sensible du sacré. Comment les caractéristiques propres du rituel de la fête techno, c'est-à-dire le secret, la temporalité, la spatialité et la transe, organisent le basculement de la réalité sociale ordinaire en une réalité sociale extra-ordinaire, basculement d'un registre profane à un registre sacré "56.

Enfin, il nomme le groupe mis en évidence "la communauté trans(e)cendantale" qui ne disparaît pas totalement lorsque la réalité sociale réapparaît. Le résidu de la fête demeure cette expérience de la communauté engendrée par l' "effervescence sociale" et deviendrait une "communauté neutre" dans sa "synthèse soustractive"57 (Hampartzoumian S., 2004).

Ainsi, le sentiment d'appartenance à une communauté trans(e)cendantale peut expliquer le choix de l'organisation pour les invidividus. Si l'échec de la fusion est "le point final de la liturgie techno ", il est aussi le point de départ du continuum de l'organisation de la fête techno, comme le retour à cette communauté. Des organisateurs m'ont fait part de ce sentiment comme Henri et je restitue la transcription pour nuancer ce propos :

"Et à quoi ça sert que les jeunes écoutent de la musique techno et organisent des fêtes où il y a de la musique techno ?"

"Je sais pas, c'est apporter... c'est l'évolution de la musique et c'est chercher une certaine sensation. On va dire ça à la trance, c'est s'élever, c'est oublier tout ce qu'on a, tout ce qu'on subit, tous nos problèmes, se lâcher sans réfléchir et rencontrer des gens sans préjugés, sans se soucier de son passé, de n'importe quoi. C'est sur le moment, sur l'instant, tout le monde partage quelque chose. Dans la musique, on cherche un état de bien-être. Moi, je le vois comme ça." (Henri)

Henri semble décrire ce processus d'effervescence sociale dans la fête techno dans des conditions différentes de celles décrites pécédemment. Le secret n'est plus respecté, l'organisateur détient cette informations. Et quand il dit "on va dire ça à la trance", il révèle un discours formaté par la techno, et exacerbé dans la trance. Par conséquent, je met en doute le caractère sacré du rituel mis en place

56 Hampartzoumian S., op. cit. p.265.

57 Hampartzoumian S., op. cit. p.295. Cette référence à la "synthèse soustractive" est un empreint à Emile Durkheim (tiré de), Les Formes Elémentaires de la Vie Religieuse, le Système Totémique en Australie, Paris, Quadrige, PUF, 1990.

par la fête techno concernant l'organisation. On peut en revanche parler de la mise en place de « rite profane », « sans référence à une quelconque mythologie religieuse »58 (Rivière C. 1995).

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"Les esprits médiocres condamnent d'ordinaire tout ce qui passe leur portée"   François de la Rochefoucauld