WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

L'énergie et le processus de mise en valeur du Cameroun français (1946-1959)

( Télécharger le fichier original )
par Moà¯se Williams Pokam Kamdem
Université de Dschang - Maitrise 2007
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

II. LE PLAN D'EQUIPEMENT DU CAMEROUN ET SON FINANCEMENT

La planification au Cameroun sous administration française est contenue dans un plan décennal (1946-1956). Ce plan, dans sa pratique, avait été réalisé en deux tranches : le premier plan, entre 1949 et 1955 ; le deuxième plan, entre 1953 et 1958.

Un troisième plan88(*), à l'étude en novembre 1957, resta lettre morte ; il faut certainement voir ici la conséquence de l'évolution politique du Cameroun89(*) et de la fin du FIDES en 195990(*).

A. Le plan d'équipement du Cameroun après la Deuxième Guerre mondiale

Les plans d'équipement étaient spécifiques à chaque territoire, bien que tous agissaient dans le même but. Ainsi, chacun de ces territoires se devait d'apporter sa contribution à la restauration de la grandeur de la métropole. Dans le cas spécifique du Cameroun, il s'agit ici de s'interroger sur les objectifs et le contenu de son plan.

1. L'objectif du plan au Cameroun

Dans un rapport anonyme adressé au ministre de la France d'outre-mer en 1947, et qui étudiait les problèmes juridiques conditionnant l'essor du Territoire, le rédacteur mentionnait :

Pratiquant la prudence, la France a mené au Cameroun une politique de père de famille jusqu'à la guerre de 1939-1945. Politique modeste mais sure dont il faut seulement regretter qu'elle se soit donnée de trop modestes objectifs. En fait le Cameroun nous permet de plus larges ambitions qu'on ne l'aurait imaginé et nous avons le devoir de mettre à profit ses possibilités.91(*)

Bien que cette déclaration laisse percevoir des relents de paternalisme et soit postérieure à la loi du 30 avril 1946, elle illustre bien l'ambition que la France et les Français nourrissaient pour l'Outre-mer dans son ensemble, et pour le Cameroun spécifiquement, après la Deuxième Guerre mondiale.

La loi n°46-860 du 30 avril 1946 établissant des plans d'équipement et de développement des territoires d'Outre-mer visait deux principaux objectifs : d'une part, satisfaire aux besoins des populations autochtones et généraliser les conditions les plus favorables à leur progrès social ; d'autre part, concourir à l'exécution des programmes de reconstitution (reconstruction) et de développement de l'économie de l'Union française, tant sur le plan métropolitain que sur celui des échanges internationaux. Ceci devait passer par la transformation de l'équipement public et privé devant servir à la production, la transformation, la circulation et l'utilisation des richesses de toute nature des territoires d'Outre-mer.92(*) Touna Mama développe une réflexion moins conciliante, lui qui écrit que ces plans, en plus du développement des colonies, visaient avant tout une exploitation rationnelle de celles-ci au profit de la métropole française93(*). D'ailleurs, les nouvelles industries à installer dans l'outre-mer au cours du plan ne risquaient pas de concurrencer le secteur productif métropolitain. Pour cause, elles intervenaient principalement dans la transformation des produits élémentaires ; on a alors dénombré des conserveries de fruits et légumes, des industries d'extraction minière, des scieries et des fabriques de pâte à papier.

2. Le contenu du plan d'équipement du Cameroun

Dans le cas spécifique du Cameroun, il serait intéressant de relever que la version finale du plan décennal94(*) fut présentée en 1951. En 1946 et en 1948 déjà, deux premières versions avaient été soumises à l'approbation de l'Assemblée Représentative (ARCAM) mais rejetées parce que non conformes aux prescriptions de la loi du 30 avril.95(*) "On comprend donc, souligne Georges Ngango, que les premières années (1946-1949) n'aient été véritablement que des années préparatoires des plans..."96(*)

L'application du plan décennal en deux plans distincts relève en réalité d'une différence dans l'objectif à atteindre.

Graphique I : Répartition des crédits par rubriques d'activités en pourcentage

Premier plan 1949-1955

Second plan 1953-1958

Source : Nous, d'après Service des statistiques d'Outre-mer, Outre-mer 1958. Tableau économique et social des Etats et Territoires d'Outre-mer à la veille de la mise en place des nouvelles institutions, 1958, p.528.

Le premier plan portait sur la réparation de l'infrastructure existante et qui avait subi des dégradations du fait du manque d'entretien pendant la guerre. Mais également sur l'adaptation du réseau de chemins de fer au tonnage escompté par l'amélioration de la production et la création de nouveaux axes pour développer les régions restées en dehors du circuit économique97(*). Le second plan quant à lui était consacré aux projets ayant pour effet l'accroissement rapide de la production, avec d'importants crédits consacrés au développement agricole. Néanmoins, il serait intéressant de relever ici que très peu de grands chantiers d'infrastructures furent lancés au cours du second plan, notamment à cause des difficultés de financement. Nombreux sont ceux qui considèrent alors que : "C'est pourquoi les grands travaux prévus par le premier plan, une fois achevés, eurent à illustrer jusqu'aux indépendances, l'efficacité de l'intervention économique de la métropole aux colonies..."98(*) La place réservée aux dépenses sociales montre bien qu'il s'agissait davantage d'un plan économique que social. Les différents plans prenaient ainsi en compte :

- des travaux d'intérêt social (urbanisme, santé et hygiène, enseignement) ;

- des travaux touchant la production du sol, l'équipement agricole, l'élevage, la pêche, l'activité minière, la production de l'électricité et l'industrialisation ;

- des travaux d'amélioration des moyens de transport et des voies de communication ;

- des études générales.

Le financement de toutes ces initiatives constituait lui également, un aspect majeur de la loi du 30 avril 1946.

B. Le financement du plan d'équipement

Le financement du plan d'équipement a été un élément déterminant dans la mise en oeuvre de ce plan. D'où l'intérêt d'analyser les mécanismes de financement du plan et d'évaluer les moyens alloués à cette initiative.

1. les mécanismes de financement

Le FIDES avait constitué le bras financier des plans d'équipement de 1946 à 1959, avant son remplacement par le Fonds d'Aide et de Coopération (FAC).99(*) Ce remplacement donna l'occasion à Raphaël Saller de commenter : "Il ne pouvait plus être question de fixer les objectifs et les méthodes de développement, encore moins d'assortir publiquement l'aide d'obligations et de règles générales."100(*) Créé par l'article 3 de la loi du 30 avril, le FIDES avait pour mission de procéder au financement de ces plans. Les ressources dont il disposait étaient de deux catégories :

- une dotation de la métropole, qui était fixée chaque année par la loi de finances ;

- des contributions des territoires intéressés, constituées sur leurs ressources propres ou sur avance à long terme de la Caisse Centrale de la France d'Outre-Mer (CCFOM) à 1% par an.

Le décret du 16 octobre 1946 permit, en plus, d'instituer des budgets spéciaux annuels pour la mise en application des plans. Il fallut cependant admettre qu'"à une forme très simple, à l'origine, du financement par appel du territoire au Fonds (...) succèdent, tout naturellement des modalités complexes"101(*). Ainsi par exemple, l'intérêt sur les emprunts à long terme souscrits auprès de la CCFOM passait au-delà des 2%102(*). L'ensemble de ces mécanismes a fait l'objet d'études.103(*) Il convient de retenir que le financement des plans reposait sur un triptyque : les fonds publics du territoire camerounais, les fonds publics métropolitains (dont le FIDES) et les investissements privés.

Graphique II : Répartition du financement des plans d'équipement au Cameroun (situation à la fin 1957) en pourcentage

Source : Nous, d'après Rapport annuel du gouvernement français...année 1957, p.108.

Ce graphique représente la répartition du financement des premier et second plans d'équipement jusqu'à la fin 1957. Le financement total porte sur la somme de 58.902 millions de francs CFA. On constate bien évidemment qu'avec près de 40.000 millions, les investissements publics d'origine métropolitaine constituaient le gros de l'apport de fonds. Cette rubrique comprend une part du budget d'Etat français (qui s'appuyait entre autres sur le plan Marshall) et les fonds FIDES proprement dits. Également la part des investissements privés dans ce financement est importante, et qui recouvre la forme de participation à des entreprises nouvelles. Les fonds propres du Territoire regroupe ici quant à eux le budget camerounais et les emprunts du territoire et des communes, soit près de 4.700 millions de francs CFA. Ainsi, les fonds FIDES représentaient à eux seuls les deux tiers des fonds mobilisés.

2. Les moyens alloués pour la réalisation du plan

On considérait en 1948 que la réalisation du plan demanderait un effort considérable d'environ 25.200 millions de francs CFA104(*). Mais, a posteriori, il faut constater que cette évaluation a été largement dépassée. Le tableau suivant l'illustre :

Tableau IV : Financement des dépenses d'investissement de la section locale FIDES du Cameroun (situation en 1959) en francs CFA constants 1958

 

Total

Dotation de la métropole

Ressources propres

Avances consenties par la CCFOM

Premier plan

18.239.117.000

9.293.650.000

-

8.945.467.000

Second plan

16.163.542.000

14.978.511.000

-

1.185.031.000

Total

34.402.659.000

24.272.161.000

-

10.130.498.000

Source : Nous, d'après Ngango, Les investissements d'origine extérieure en Afrique noire..., p.98.

Les chiffres sus - mentionnés permettent d'apprécier l'effort d'investissement de la France au Cameroun. Il faut encore le préciser, ces chiffres ne représentent que l'implication propre du FIDES. L'écart que l'on constate entre les prévisions de 1948 et les chiffres définitifs est dû à deux principaux facteurs : de nombreux rapports d'administrateurs soulignent le renchérissement après évaluation des prix de matériels et de matières premières devant servir à la réalisation du plan ; mais surtout, il faut faire prévaloir, comme le pense Salomon Njoh, une certaine précipitation dans l'établissement de ces plans, 105(*)de nombreux aspects n'ayant pas été pris en considération initialement.

Quoiqu'il en soit, les plans d'équipement, nous l'avons souligné plus haut, étaient dirigés vers la réhabilitation de l'infrastructure et l'amélioration de la production.

Tableau V : Dépenses engagées par la section locale du FIDES du Cameroun (situation en 1958) en millions de francs français constant 1958

Chapitres

Total du 1er plan à la clôture

Total du 2e plan au 30-6-58

Ensemble des 2 plans au 30-6-58

Dépenses générales

381

94

475

Agriculture

Hydraulique agricole

Forêts - chasse

Elevage

Pêches

Mines

Industrialisation

Electricité

941

-

179

270

42

90

146

2.193

7.731

1.834

565

629

333

-

-

-

8.672

1.834

744

899

375

90

146

2.193

Total  production 

3.861

11.092

14.953

Chemins de fer

Routes et ponts

Ports

Voies navigables

Aéronautique

Transmissions

5.803

13.074

7.855

77

1.231

690

920

7.736

1.030

168

1.175

1.015

6.723

20.810

8.885

245

2.406

1.705

Total  infrastructure

28.729

12.044

40.773

Santé

Enregistrement

Urbanisme et habitat

Travaux urbains et ruraux

1.018

966

312

1.211

1.806

1.834

708

872

2.824

2.800

1.020

2.083

Total  social

3.507

5.220

8.727

Total Général

36.478

28.450

64.928

Source : Service des statistiques d'Outre-mer, Outre-mer 1958..., p.528.

Au cours du premier plan, l'infrastructure avec plus de 14 milliards de francs CFA, révèle le désir de l'administration française de mettre sur pied les conditions nécessaires au développement ultérieur du pays106(*). L'amélioration de la production ayant été considérée comme l'objectif principal du second plan, les dépenses d'infrastructure s'en sont trouvées réduites, au détriment des dépenses de production. Il faudrait néanmoins retenir qu'il ne s'agit ici que des engagements effectués au titre de la section locale du FIDES107(*).

La section générale servait presque "exclusivement à financer des études et des recherches et à assurer la participation de la puissance publique dans le capital des sociétés d'Etat ou d'économie mixte" 108(*); la section générale intervenait donc pour le financement des projets et activités communs à l'ensemble des territoires, la métropole comprise, et des réalisations d'envergure. A côté de la recherche scientifique, du développement agricole et des oeuvres sociales, la section générale finança au Cameroun la recherche minière et d'hydrocarbures et la réalisation du barrage et de la centrale hydro-électrique d'Edéa.

* 88 ANY, Vt3/55, Rapport de la réunion préparatoire du plan quadriennal 3, 19 novembre 1957.

* 89 Dès le 9 mai 1957, jour de l'entrée en vigueur au Cameroun du statut d'Etat sous tutelle, certaines compétences furent transférées aux autorités locales. La planification faisait partie de celles-ci. Le décret n°57-501 du 16 avril 1957 mentionnait en son article 12 que " l'Etat sous tutelle du Cameroun continuera à bénéficier des dispositions de la loi du 30 avril 1946...". Cependant, on peut penser que cette perte de l'initiative de planifier par la France n'ait pas contribué à maintenir sa politique d'investissement dans l'Outre-mer.

* 90 Ngango, Les investissements d'origine extérieure..., P.99.

* 91 ANY, 1AC3823, Rapport sur le développement économique et social du Cameroun, 1947, p.1.

* 92 F.Etoga Eily, Sur les chemins du développement : essai d'histoire des faits économiques du Cameroun, Yaoundé, CEPMAE, 1971, p.503.

* 93 Touna Mama, "Planification du développement et commerce extérieur de sous développement", Thèse de doctorat 3e cycle en Sciences économiques, Yaoundé, Université de Yaoundé, 1981, P.151.

* 94 Cf. ANY, 2AC49, Plan de modernisation et de développement, 1951. Annexe III.

* 95 ANY, 2AC49 (1), Introduction. Plan de modernisation..., p.1.

* 96 Ngango, Les investissements d'origine extérieure..., p.93.

* 97 Njoh, "Le FIDES et son impact...," p.

* 98 Bancel et alii, Images et colonies..., p.227.

* 99 Ngango, Les investissements d'origine extérieure..., p.99.

* 100 R. Saller, "Vingt-cinq années de développement dans quatorze Etats francophones", in Marchés tropicaux et méditerranéens, supplément n°1306, 21 novembre, 1970, p.193.

* 101 ANY, 2AC49, Moyens. Plan de modernisation, p.5.

* 102 Ibid.

* 103 Nous faisons ici allusion aux travaux soulignés jusqu'ici ; à savoir ceux de Ngango, de Atangana et Njoh.

* 104 Rapport annuel du gouvernement français à l'Assemblée générale des Nations Unies sur l'administration du Cameroun placé sous la tutelle de la France. Année 1948, p.85. La mise en valeur de l'outre-mer était évaluée à 285 millions de francs métropolitains en 1946. Au final, ce ne furent pas moins de 700 millions qui durent être mobilisés.

* 105 S.Njoh, "Le FIDES et son impact..., p.62.

* 106 Y. Morel, Tableaux économiques du Cameroun, Douala, Collège Libermann, 1978, p.162.

* 107 Il faut distinguer dans les engagements du FIDES ceux relevant primo de la section générale et segundo de la section locale ; cette dernière était réservée au financement des projets et activités spécifiques à chaque territoire.

* 108 Rapport annuel du gouvernement français...année 1957, p.113.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Soit réservé sans ostentation pour éviter de t'attirer l'incompréhension haineuse des ignorants"   Pythagore