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VIH/sida: défi au développement de l'Afrique. Une étude de l'impact économique et social de la pandémie au Rwanda

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par Michel Segatagara KAMANZI
Université pontificale grégorienne - Licence en sciences sociales 2003
  

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1.3.2 Droit aux traitements

L'ONUSIDA affirme dans son rapport 2002 que « le VIH/SIDA a creusé plus profondément les clivages sociaux et économiques des communautés et des sociétés et il continue d'élargir le fossé. Partout dans le monde, ceux qui sont les plus affectés par le VIH/SIDA sont des personnes et des communautés qui ont un accès limité aux droits sociaux et économiques fondamentaux.199 » Cette situation d'accès limité aux droits sociaux et économiques fondamentaux est particulièrement flagrante en ce qui concerne l'accès aux traitements disponibles et l'accès à l'information adéquate pour combattre l'expansion du VIH/SIDA. Sans négliger l'importance du droit à l'information sur le VIH/SIDA, nous nous limiterons ici au problème de l'accès aux traitements

195 BIT, Recueil de directives pratiques du BIT sur le VIH/SIDA et le monde du travail, Organisation Internationale du Travail, Genève, 2001, p.5.

196 Ibid., p. 6.

197 Ibid., pp. 6-7.

198 Ibid., p. 7.

199 ONUSIDA, Rapport sur l'épidémie mondiale de VIH/SIDA, Genève, Juillet 2002, p. 63.

antirétroviraux, problème que nous avions déjà mentionné précédemment, et qui constitue, à nos yeux, l'une des principales entraves à la lutte contre le VIH/SIDA dans la majorité des pays en voie de développement.

Nous avons vu que, malgré les efforts louables du gouvernement rwandais, l'accès aux traitements antirétroviraux demeure limité pour la majorité des rwandais et rwandaises atteints par le VIH/SIDA. Selon le rapport du MINISANTE 2001, au 31 décembre 2001, seuls 1507 malades, enregistrés au CHK et à l'hôpital Roi Faycal de Kigali, avaient accès aux traitements antirétroviraux200. Ce nombre est insignifiant par rapport au nombre de personnes vivant avec le VIH/SIDA au Rwanda.

La raison de ce manque d'accès aux traitements a déjà été évoquée précédemment. Les traitements antirétroviraux sont le monopole de certaines firmes pharmaceutiques internationales des pays industrialisés, monopole que protègent notamment les Etats-Unis et les accords de l'OMC sur la propriété intellectuelle (TRIPS). Ainsi à cause de leurs prix élevés, les antirétroviraux demeurent-ils inaccessibles à la majorité des populations pauvres. Les intérêts économiques ont de fait pris la primauté sur les droits humains. Les différentes firmes pharmaceutiques qui refusent de rendre accessibles ces traitements aux pays pauvres, soit par une baisse significative des prix ou le retrait des brevets qui empêchent aux autres pays de produire ces médicaments à des coûts mineurs, se justifient par le droit à la propriété intellectuelle.

Il est certes vrai que le paragraphe 2 de l'article 27 de la déclaration universelle des droits de l'homme stipule que « chacun a droit à la protection des intérêts moraux et matériels découlant de toute production scientifique, littéraire ou artistique dont il est l'auteur », mais tout aussi vrai, et à notre avis plus important, est ce que le paragraphe 1 du même article stipule en déclarant que « toute personne a le droit de prendre part librement à la vie culturelle de la communauté, de jouir des arts et de participer au progrès scientifique et aux bienfaits qui en résultent ». Il nous faut aussi faire remarquer que l'article 25 de la même déclaration universelle est encore plus explicite lorsqu'il parle du droit à la santé: « toute personne a droit à un niveau de vie suffisant pour assurer sa santé, son bien-être et ceux de sa famille, notamment pour l'alimentation, l'habillement, le logement, les soins médicaux ainsi que pour les services sociaux nécessaires ; elle a droit

200 Cf. MINISTRE DE LA SANTE, Rapport annuel 2001, République Rwandaise, mars 2002.

à la sécurité en cas de chômage, de maladie, d'invalidité, de veuvage, de vieillesse ou dans les autres cas de perte de ses moyens de subsistance par suite de circonstances indépendantes de sa volonté. » Nous considérons que cet aspect doit davantage être présenté face au VIH/SIDA et en particulier dans le cas des traitements antirétroviraux. Il s'agit tout d'abord d'une question de droit à la vie et d'assistance à personne en danger de mort. Le catéchisme de l'Eglise Catholique a des paroles pertinentes à ce sujet : « la loi morale défend d'exposer sans raison grave quelqu'un à un risque mortel ainsi que de refuser l'assistance à une personne en danger~L'acceptation par la société humaine des famines meurtrières sans s'efforcer d'y porter remède est une scandaleuse injustice et une faute grave. Les trafiquants, dont les pratiques usurières et mercantiles provoquent la faim et la mort de leurs frères en humanité, commettent indirectement un homicide. Celui-ci leur est imputable201. »

Toutefois, des signes positifs vers une amélioration de l'accès aux traitements antirétroviraux proviennent des pays en développement comme l'Inde, l'Afrique du Sud qui ont pu produire des médicaments anti-rétrovirus à moindre prix, permettant ainsi de prolonger la vie des personnes atteintes par le VIH/SIDA dans leurs pays respectifs.

Malheureusement, l'OMC n'a pas permis à ces pays d'exporter ces médicaments bon marché vers d'autres pays qui en ont besoin. Ces pays courageux ont même été traînés en justice par les grands laboratoires pharmaceutiques producteurs des antirétroviraux. C'est notamment le cas de l'Afrique du Sud qui s'est vu accuser pour avoir adopté en 1997 une loi facilitant la production nationale et l'importation à moindre prix d'antirétroviraux génériques (non brevetés)202. Grâce à la pression internationale de plusieurs organisations non-gouvernementales, les trente-neuf grandes sociétés pharmaceutiques internationales ont fini par retirer leur plainte contre le gouvernement d'Afrique du Sud. L'exemple sudafricain est assez emblématique de la position des firmes pharmaceutiques et notamment de certains gouvernements qui les soutiennent, en particulier celui des Etats-Unis. Un autre exemple éloquent est celui de mars 2001 lorsque le Brésil présenta une résolution à la Commission des Droits de l'Homme de l'ONU affirmant le droit de toute personne à un traitement contre le VIH/SIDA, y compris les anti-rétrovirus ; la résolution fut adoptée à

201 Catéchisme de l'église Catholique, Editrice Vaticane, 1992, n. 2269.

202 Cf. HUMAN RIGHTS WATCH, «SIDA et Droits humains», in Rapport Mondial 2002, disponible sur Internet : < http://www.hrw.org/french/reports/wr2k2/sida.html>

l'unanimité avec la seule abstention des Etats-Unis203. Cette situation de veto de la premiere puissance économique mondiale, s'est reproduite encore lors de la rencontre de l'OMC à Genève en décembre 2002. Les Etats-Unis avaient carrément empêché l'aboutissement des négociations portant sur l'accès des pays pauvres aux médicaments génériques, en faisant prévaloir le préjudice que cela pourrait porter à l'effort de l'industrie pharmaceutique pour trouver de nouveaux médicaments204.

Nous restons sceptiques au sujet de ce dernier prétexte des Etats-Unis sur la recherche pharmaceutique, car il est suffisamment démontré que très peu de recherches pharmaceutiques sont menées en faveur des maladies qui sévissent dans les pays pauvres. Par exemple, pour la période allant de 1975 à 1997, sur la totalité des médicaments inventés au niveau mondial, seulement 4% des inventions concernaient les maladies qui frappent les populations des zones tropicales205. Dans le même sens, Michael Kremer, professeur d'économie à l'université Harvard de Cambridge (aux Etats-Unis), constate que, on investit davantage dans la recherche des médicaments sophistiqués contre le SIDA, médicaments qui sont utiles et adaptés aux pays développés, mais que très peu est fait pour les pays en développement, notamment avec la recherche des vaccins ; ceux-ci pourraient, pourtant, être plus abordables et bénéfiques que les autres traitements, vu qu'ils n'exigent souvent pas de grande dose et peuvent être administrés par du personnel avec formation médicale limitée206.

Nous assistons donc à une autre forme de stigmatisation et discrimination au niveau international, où, comme diraient les sociologues de la dépendance, le développement des pays du « centre " entraîne le sous-développement des pays de la « périphérie ". Ironiquement, c'est du même « centre " que nous provient la déclaration universelle des droits de l'homme, adopté le 10 décembre 1948, pendant que le Rwanda et plusieurs autres pays africains étaient encore des colonies. Ce sont les mêmes « pères fondateurs " des droits de l'homme qui les violent aujourd'hui, les inventeurs de la « welfare state " qui

203 Ibid.

204 Cf. « les Etats-Unis empêchent d'aboutir les négociations à l'OMC sur l'accès des pays pauvres aux médicaments génériques " disponible sur Internet : < http://fr.news.yahoo.com/021221/5/2wi5s.html>. Voir aussi A. GINORI, «Veto USA sui farmaci anti-AIDS. No agli sconti per i paesi poveri: Nuova apartheid», in La Repubblica, 22 dicembre 2002, pp. 14-15.

205 Cf. B. PECOUL et al., «Access to Essential Drugs in Poor Countries : A lost Battle ?», in Journal of the American Medical Association, January 1999, pp. 361-67.

206 Cf. M. KREMER, «Pharmaceuticals and the Developing World», in Journal of Economic Perspectives, Fall 2002, p. 69.

refusent aujourd'hui le droit universel à la santé, à la participation au progrès scientifique et aux bienfaits qui en résultent, à la dignité et à l'égalité en droits de tous les hommes et toutes les femmes, bref qui refusent le droit à la vie pour une partie importante de l'humanité.

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"I don't believe we shall ever have a good money again before we take the thing out of the hand of governments. We can't take it violently, out of the hands of governments, all we can do is by some sly roundabout way introduce something that they can't stop ..."   Friedrich Hayek (1899-1992) en 1984