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L'émancipation familiale face aux institutions: des pères séparés dans l'impasse

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par Catherine Azémar
Conservatoire des arts et métiers Paris - Master de recherche: sciences du travail et de la société 2009
  

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5.4. Un investissement paternel dès le plus jeune âge

Les pères qui viennent, sont ceux qui veulent tenir leur rôle de parent, me rapporte un président d'association. Ils sont souvent plus impliqués que d'autres au quotidien avec leurs enfants avant la séparation. Ou bien il s'agit de pères moyennement ou peu impliqués à cause de leur travail, et qui découvrent ensuite avec stupeur la dure réalité, quand ils sont exclus comme parent après la séparation de leur couple.

J'ai pu relever chez les hommes qui font la démarche de s'adresser aux associations de pères, que beaucoup d'entre eux confient s'être occupés de leurs enfants au quotidien, et parfois s'être investis dès le plus jeune âge, témoignant d'un lien d'attachement précoce à l'enfant :

« Je veux assurer les finances, je veux assurer sa scolarité, je veux assurer son bien-être, je veux assurer le pouponnage. C'est pour ça, nous on dit, pouponner, ça se dit au masculin, et pas que au féminin. C'est normal, aujourd'hui on est au XXIème siècle, on évolue. Pour moi, les facteurs travail, la société professionnelle qui empêche d'avoir un équilibre avec son enfant, c'est un déchirement. Quand je ne peux pas assumer mon enfant, je ne suis pas bien, pendant une semaine, je ne suis pas bien. Et mon fils n'est pas bien non plus parce qu'il a besoin de moi, il le ressent. Et sa mère m'appelle pour me dire viens le chercher parce qu'il est intenable, il a besoin de toi. La société dit qu'un nourrisson, on ne peut pas l'arracher à sa mère trop brusquement. Il est vrai que là-dessus, moi, un enfant, mon fils, quand il est sorti du ventre de sa mère, ce n'est pas sa mère qui l'a vu en premier, c'est moi. Et, pour l'anecdote, mon fils pleurait, je l'ai pris dans mes bras, je lui ai parlé, et je lui ai dit : pleure pas mon garçon, c'est papa. Il s'est arrêté de pleurer. Moi, j'ai fait le travail au préalable. Quand elle l'avait dans son ventre, je lui parlais. Mais moi, naturellement, je suis très proche des enfants. » (Pierre)

« Avant qu'il y ait la séparation j'étais très présent auprès des enfants, j'intervenais à la fois sur les tâches quotidiennes, les faire dormir, les laver. Naturellement j'ai un très bon contact avec les enfants, les petits. Ils viennent me chercher pour jouer [...] Il fallait que je fasse tout il fallait à la fois que je surveille les enfants et que je fasse les travaux dans l'appartement. » (François)

« C'est moi qui m'occupais des enfants, on avait fait comme ça, elle avait un boulot, elle rentrait tard, c'est toujours moi qui me suis occupé des enfants, depuis tout petit, elle rentrait, elle n'avait rien à faire, tout était fait, la cuisine, les enfants prêts, la maison rangée, le ménage fait.., quand elle l'allaitait, il y avait des fausses routes, c'est moi qui me suis réveillé, elle a jamais entendu. Je donnais le biberon, je me levais. » (Valentin)

Ils relèvent le fait qu'ils sont en capacité de tout assumer comme une mère, sans être envahissant, et se posent ainsi en concurrence éducative avec l'autre parent :

« Mes enfants quand ils étaient petits, ma fille je la prenais le WE, j'assumais tout, et j'aurais pu assumer tout aussi bien, tu vois on a trop tendance à donner aux mères parce que les mères sont trop possessives de garder l'enfant, comme si je ne pouvais pas m'en occuper tout seul, alors que j'ai prouvé que je peux le faire. Mais moi, je fais la vaisselle, à manger, je me débrouille tout seul avec eux quand ils sont avec moi. Quand je les ais une semaine tous les deux, ou même trois semaines de vacances, ça ne m'a jamais posé de problèmes ça ; le rangement, coudre un bouton. Je vois ma fille, elle se débrouille toute seule, je n'ai rien à dire. Mon fils, il faut que je sois derrière, mais aussi sa mère lui fait tout, ça ne va pas. Avec moi, ce n'est pas ça, j'essaie de les rendre responsables » (Jacques)

« Cela me semble normal que les pères fassent la cuisine, qu'ils aillent chercher les enfants, qu'ils s'en occupent, qu'ils passent du temps avec les enfants, qu'ils leur racontent des histoires, qu'ils les bercent qu'ils donnent le biberon à leur bébé, qu'ils changent les couches, jouent avec les enfants, les câlinent. Même à l'époque où j'avais un WE 1, 3,5, un mercredi sur deux, je me suis rendu compte que j'étais le parent que mes enfants voyaient le plus. Je passais plus de temps, car mon ex prenait des baby sitters[...] Moi je parlais à mes bébés quand ils étaient dans le ventre de leur mère, et je parlais avec des sons graves, et ma fille, j'ai continué à lui chanter des chansons graves, à mon fils aussi, et ils ont immédiatement reconnu mes sons graves» (Michel).

Ainsi au-delà du fait de s'en occuper dans les tâches quotidiennes, ces pères révèlent avoir participé à l'acte de naissance de leurs enfants. D'où le ressenti d'un lien d'appartenance qui pourrait apparaître autant déterminant dans l'attachement précoce qu'un lien charnel vécu par la mère :

« Je travaillais beaucoup mais comme j'étais chef d'entreprise, l'avantage que j'avais c'est que je me donnais mes horaires, et que j'amenais mes enfants à l'école, j'allais les chercher le soir, je m'occupais d'elles, car mon ex conjointe faisant du sport à haut niveau, donc j'étais très très proche [...] Il faut savoir que la première je l'ai mis au monde. La seule chose que je n'ai pas fais, c'est couper le cordon, les pompiers sont arrivés après. La deuxième, elle a failli naître chez mes parents, à dix minutes près, j'ai eu le temps de l'amener à l'hôpital. La troisième, on s'est dit on va agir autrement, et là on a provoqué un déclenchement, et là j'ai passé 24 h de ma vie où j'ai eu l'impression que j'allais perdre ma compagne, on est tombé en plein conflits sociaux dans l'hôpital, il n'y avait personne. » (Patrick)

Et même si les soins au quotidien ne sont pas un réflexe pour eux, ils le font si leur compagne leur demande, et témoignent d'une volonté de participation et de présence auprès des enfants :

«  Sur mes trois enfants depuis tout petit je me suis occupé d'eux, je les changeais, je les faisais manger, les amenaient à l'école. Elle ne travaillait pas mais elle avait cette idée que toutes les charges soient partagées. C'est elle qui me le demandait, très honnêtement si cela n'avait pas été le cas je l'aurais laissé faire. Mais je le faisais sans problème et les moments où j'étais tout seul avec eux, je le faisais de toute façon. » (Léon)

« Pour l'école, moi je conseille aux parents, s'ils sont proches du lieu de scolarité de leurs enfants, qu'ils aillent dans les assemblées, les réunions de parents d'élèves, pour connaître le cursus scolaire des enfants, des idées, des contacts avec les autres parents. Il faut être en contact. Moi j'ai toujours été présent, au courant. » (Jean)

Une personne néanmoins parmi les pères interviewés reconnait avoir été pendant la vie commune surtout investie dans son travail, et c'est la séparation qui l'a rapproché de son enfant, bien qu'il vive à 400 km :

« Avant, j'étais un type qui allait au match le samedi soir au parc des princes, une fois sur deux, j'étais beaucoup à mon travail, maintenant je suis avec ma fille, je travaille à temps partiel. Je travaillais 70h, maintenant je travaille plus que 25h, oui, ça a changé beaucoup de choses, c'est une nouvelle vie [...] Alors, ma conception de la vie, j'étais attaché au mariage tout ça, ça a explosé, plus rien. Et puis d'un autre côté je me dis j'ai peut être une chance, au niveau du temps de vie, pendant quelques années, je vais pouvoir profiter de ma fille en prenant des vacances avec elle, ce que je n'aurais absolument pas fait avant, avant je j'aurai travaillé, je la mettais au centre aéré le mercredi.» (Martin)

Pour les plus jeunes pères, ils n'ont pas bénéficié de ce temps auprès de leurs enfants car ils ont été séparés dès la naissance, mais expriment pouvoir être à l'aise dans ce domaine :

« Pour moi, ce qui est important déjà, c'est être consulté pour sa santé, consulté pour sa scolarité, informé et consulté. Je n'ai pas eu d'informations sur sa santé pendant six mois. C'est une punition que de ne pas l'avoir vu pendant six mois. J'ai pris les devants avec le pédiatre au point rencontre [...]Je me suis très peu occupé au quotidien, j'étais plus occupé à faire le ménage. Et aussi par crainte de mal faire, je n'ai jamais changé la couche, jusqu'à il y a quelques mois, en fait, les visites au point rencontre ; ça s'est très bien passé, mais c'est aussi par appréhension, de mal faire. » (Vincent)

Ainsi, malgré la diversité du public accueilli, ces éléments pourraient laisser supposer que les pères qui en appellent aux associations militant pour l'égalité parentale, les pères « volontaires », selon le terme utilisé par Christine Castelain (Castelain Meunier, 2002), soient représentatifs d'un certain profil de pères, particulièrement impliqués. Par ailleurs, que ce fait soit l'indicateur d'une évolution sociale plus générale ne semble pas acquis dans la mesure où la fréquentation dans les associations ne varie pas de façon sensible, ce malgré le pourcentage important d'enfants confiés à la mère suite aux séparations conjugales11(*). Cependant en mettant en parallèle les études sur la mise en évidence d'une évolution générale des pères dans l'investissement aux soins du bébé, notamment par la prise du congé paternité12(*), le profil de ces pères ne ferait que refléter une réalité sociale en transformation ; sans compter que les associations militantes ont-elles mêmes participé à l'élaboration de cette loi sur le congé paternité. A partir de l'observation du profil de ces pères, on peut néanmoins relever, que les divorces et séparations, qui non seulement augmentent mais interviennent de plus en plus tôt dans la vie conjugale, font apparaitre l'existence de parents de nourrissons, séparés, voire avec absence de vie conjugale. Ainsi ces jeunes pères qui semblent former un public nouveau dans les associations militant pour l'égalité parentale, apparaissent comme un indicateur possible d'une évolution sociale de la famille, en cours. Grâce à une étude plus approfondie auprès de cette population de pères, il s'agirait alors d'apporter un éclairage plus significatif de l'évolution des rapports hommes femmes dans l'organisation des rôles parentaux.

Concernant ces profils de pères, un adhérent actif que j'ai interrogé sur le fonctionnement de l'association me présente les situations de la façon suivante:

« 100 % des pères qui passent la porte chez SOS papa sont des pères qui se sont occupés de leurs enfants et qui ne comprennent pas pourquoi la justice leur met des bâtons dans les roues, pour voir leurs gamins. Il s'agit de pères investis dans la mesure où ils poussent la porte mais beaucoup sont dans leur cas et ne feraient pas cette démarche, parce qu'ils ne sont pas assez motivés pour s'occuper de leurs enfants et malheureusement cela reste la majorité des pères. Mais les pères qui eux, veulent avoir une place et un rôle à jouer dans la vie de leur enfant, malheureusement ils paient les pots cassés pour ceux qui ne veulent pas s'en occuper, car la justice amalgame beaucoup en fait, et se dit que si les pères en majorité ne s'occupent pas de leurs gamins, ce sont tous les pères à priori, comme si la fonction paternelle n'était pas une fonction vitale dans le fonctionnement de la famille. Et c'est là qu'ils se trompent parce qu'il y a une partie de la population de pères qui sont très investis dans la vie de leur enfant. Et quand ils se séparent c'est un clash terrible. »

Ainsi les parents qui s'adressent aux associations de pères militant pour l'égalité parentale ont des souhaits, expriment des demandes. Je m'aperçois alors qu'au-delà de ces demandes affichées, c'est l'expression de sentiments liés à leur situation qui déterminent leurs préoccupations et attentes.

* 11 L'action de ces associations, néanmoins, viserait d'une part à faire modifier concrètement la législation sur les questions posées par la séparation des couples parentaux, d'autre part à faire évoluer les mentalités.

* 12 Entre 2003 et 2007,l'étude Babylus de TNS Sofres révèle que la prise de congé de paternité a continué de croitre : 69% des pères de bébés de 0 à 24 mois ont pris leur congé de paternité en 2007, pour 61% en 2003( dossier d'études n°111-2008).

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"Ceux qui rêvent de jour ont conscience de bien des choses qui échappent à ceux qui rêvent de nuit"   Edgar Allan Poe