WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

L'émancipation familiale face aux institutions: des pères séparés dans l'impasse

( Télécharger le fichier original )
par Catherine Azémar
Conservatoire des arts et métiers Paris - Master de recherche: sciences du travail et de la société 2009
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

CHAPITRE 6 Les attentes des pères

La plus grande majorité d'entre eux sont en demande de conseils juridiques, et de soutien. Ils disent vouloir être plus souvent avec leurs enfants, voire pour certains pouvoir s'en occuper à égalité avec la mère, mais restent imprécis sur cette question. Confrontés à une procédure de séparation de la part de leur conjointe, ils découvrent ensuite avec stupeur des décisions de justice en leur défaveur. Isolés, désorientés par ce qui leur arrive, ils viennent exprimer aussi une demande de partage d'expériences avec leurs pairs, dans l'espoir d'être soutenus.

6.1. Conseils juridiques de défense : une recherche de l'appui de la loi

Quand des pères s'adressent à ces associations, ils sont en demande de conseils pratiques de défense, et sont le plus souvent déjà engagés dans une procédure, dans la majorité des cas initiée par la mère. Ils n'ont pas toujours des questions précises cependant, et malgré le fait qu'ils ont déjà pour certains un avocat, beaucoup d'entre eux attendent un soutien avec la perspective d'obtenir une aide d'ordre juridique :

« Venu la première fois à l'association dans les années 80, 84, j'ai connu l'association par la presse, et puis j'ai laissé et je suis revenu. Pour avoir un appui, une aide, une épaule. Car j'ignorais le système judiciaire. J'étais en cours de divorce. Je cherchais la solution pour faire barrage à cette demande de divorce ; c'était mon épouse qui faisait la demande de divorce. J'attendais une orientation, une idée sur mon cas, de la part de gens qui avaient l'expérience. » (Jean) « J'étais sans solution, je voyais que je perdais mes enfants et que je n'avais aucun moyen avec la justice actuelle.. je voulais me renseigner.. Je me suis dit, je vais apprendre des choses, connaître les tenants et les aboutissants, voir des expériences de papas et en tirer profit » (Etienne).

Anéantis par la nouvelle d'une demande de divorce ou de séparation, ils ne comprennent pas ce qui leur arrive, même s'ils vivaient une situation conflictuelle conjugale ancienne. On peut dire que dans un état de stupeur face à ce qui leur arrive, ils se trouvent dans une position d'inégalité où ils ont à se défendre. Ils sont en effet dans l'inquiétude permanente de ne plus voir leurs enfants, notamment du fait de l'éloignement géographique possible de la mère, en étant suspendu à ses décisions, avec l'idée qu'elle sera soutenue dans une procédure qu'elle aura initiée. Ils peuvent être sous le choc d'une séparation qu'ils n'acceptent ou ne comprennent pas dans un premier temps, comme pour Martin :

« Elle est partie du jour au lendemain. Mon couple allait mal, je suivais un début de psychothérapie j'essayais de faire quelque chose, et puis je suis rentré entre midi et deux heures, et il n'y avait plus personne, la clé était dans la serrure, elle était en train de déménager. » (Martin)

Dans leur premier contact avec l'association, ils sont parfois plutôt effrayés que rassurés. A la fois par les situations des autres pères, plus avancés dans leur parcours de rupture et de procédure, et à l'écoute des informations avisées données par les adhérents animateurs :

« Mes premiers sentiments, j'ai eu encore plus peur en partant car je n'étais pas en procédure, je portais toujours une alliance, dans ma tête j'étais marié et je voyais des gens qui ne l'étaient plus, et je ne pouvais pas accepter cette réalité là. Et quand j'ai adhéré, j'ai dit non je ne passerai pas par là et j'ai dit à une avocate je ne veux pas divorcer. »(Martin) Les pères viennent à l'association après leur « première claque » auprès du JAF, me confie un adhérent. Les témoignages et conseils prodigués par les associations, aux pères qui se présentent la première fois, tendent ainsi à les bousculer :

« J'avais très peur des gens en procédure. C'était très pénible les premiers jours, cela m'a aidé à vider mon sac, Et les gens ont commencé à me faire tomber de mon piédestal, et bien les dernières marches, on m'a expliqué ce qui allait m'arriver, que j'allais divorcer, que j'allais surement recevoir une requête, car je savais qu'il allait se passer quelque chose, pas la requête, mais la séparation .. Quand je suis revenu, le 8 aout, le 10 aout j'ai reçu la requête, et là j'ai compris que ce qu'on m'avait dit ici, un mois et demi avant et bien voilà, je ne voulais pas l'admettre mais ça allait se passer comme ça. Et puis là elle m'a réclamé la garde exclusive de la petite, x pensions etc. », (Martin)

La préparation au passage devant les tribunaux est un point travaillé par les associations, qui soulignent le fait que les pères, sûrs d'eux, pensent en arrivant devant le juge qu'il n'y aura pas de problème, et qu'ils bénéficieront de l'appui de la loi. Les associations soulignent le fait qu'être demandeur met l'autre sur la défensive, car le demandeur est dans la position d'avoir raison. Ce qui met le père en situation de culpabilité. Les avocats, en conséquence, déplorent les adhérents, conseillent pour la plupart de générer le conflit quand les mères veulent couper le contact, sachant que le conflit bénéficie au générateur de ce conflit, en l'occurrence le plus souvent la mère. Aussi beaucoup de pères, selon les représentants d'associations, sont conduits à formuler des demandes en matière de conseils juridiques, et disent se trouver « piégés ». Leur réaction à ce moment là par rapport à leur situation de père n'ayant pu obtenir la garde ou tout simplement des droits de visite, est de remettre en cause leur avocat, choisi le plus souvent par hasard. La première question qu'ils posent alors en venant s'adresser à l'association est la suivante : « avez-vous, ou connaissez vous un bon avocat. ». Désemparés, Ils sont ainsi dans la recherche d'un appui de la part du « judiciaire », de la loi, qui devrait, pensent-ils, les soutenir :

« Je suis venu donc pour avoir un bon avocat, spécialisé, et j'ai pu apprendre tout ce qu'il fallait faire.. Comment monter un bon dossier. Ma demande, c'était de le voir, étant donné la distance, la moitié des vacances et un WE par mois. » (Vincent)

Si l'avocat de permanence n'a pas pour fonction de prendre en charge leur dossier, il va néanmoins l'orienter, lui fournir les explications qui lui font défaut, leur consacrer, me précisent les adhérents, du temps que les avocats habituellement limitent en raison du coût des consultations. Cette attente vis-à-vis du judiciaire se manifeste par ailleurs à travers un lien fort qu'ils éprouvent avec les avocats :

« Donc la première vie d'avocat, c'est quelqu'un qui m'a tout appris sans faire de procédure, on a fait du coaching, de la stratégie, comme elle disait, elle était extrêmement forte là dedans.. Maitre T a bien géré les choses, on a fait un peu de tactique, d'ailleurs on a négocié un report, vous entendrez ça sans arrêt ici, il faut reporter. » (Martin)

Pour certains ils attendent ainsi beaucoup des avocats, même si dans les associations, les représentants, familiarisés et devenus de véritables techniciens du fonctionnement judiciaire, relativisent leur rôle. Les pères accueillis sont quoiqu'il en soit dans une posture d'allié ou cherchent à l'être, quand ce n'est pas avec un avocat, avec le connaisseur affirmé du système judiciaire qui va les recevoir dans les associations. Par ailleurs, les avocats sont aussi des rivaux, notamment quand ils sont de la partie adverse, venant témoigner d'un combat acharné quand les procédures sont enclenchées. Ce qui va s'opérer alors, à travers l'aide apportée par les associations, c'est tout un travail de réappropriation de leur dossier- l'expression « avoir la main », « reprendre la main », est souvent employée - Ainsi, se joue, dans l'interaction, un travail de réhabilitation de leur place parentale, d'une affirmation de leur place de père, comme nous le verrons par la suite. « Le but dans les permanences c'est de les faire redescendre sur terre, et de leur expliquer ce qui va se passer. Et de quelle façon il va falloir qu'ils attaquent, qu'ils abordent plutôt, leur procédure. Le plus important c'est qu'ils redescendent sur terre et qu'ils sachent bien qu'il va falloir qu'ils travaillent sur leur dossier, qu'ils présentent quelque chose au juge mais qui soit positif », m'explique un membre de bureau d'association. Ainsi la permanence devient un espace de remise en question qui les met face à la réalité de leur situation. Les associations constituent en cela un lieu d'émancipation par l'apprentissage à la négociation. Aussi, pour l'association MCP, qui n'offre pas de consultation d'avocats, mais détient l'expérience et les connaissances des rouages judiciaires, les réponses apportées, en dehors de l'écoute et du soutien, relèvent de conseils techniques parfois très précis, autour de stratégies à adopter. D'une part face à l'institution judiciaire des tribunaux, qui englobe juges et avocats, dans le but d'être le moins exclu possible de leur place de parent ; d'autre part, comme nous le verrons par la suite, à l'adresse de la mère de leurs enfants, afin que le conflit ne soit pas surenchéri à leurs dépens, l'idéal pour certains militants étant de tendre vers une médiation familiale.

« Elle me coupait sans arrêt les vacances, j'en ai ras le bol, je ne pouvais rien prévoir ; alors donc j'ai dit, je vais aller voir au tribunal. Et puis ma copine m'a dit, tu sais, il y a une association, c'est comme ça que je suis arrivé, la première fois[... ]le problème, c'est que je ne voyais pas mon fils, et si je ne me débrouille pas pour aller à Nancy, je ne le vois pas. Et au bout d'un moment, j'ai dit ça suffit, je veux qu'un juge décide des vacances, et j'ai bien fait car cela l'a fait réfléchir. » (Jacques)

« Je voulais voir ma fille.. Je n'étais pas d'accord pour le divorce, mais j'ai mis en place une résidence alternée dès le lendemain de son départ. Donc je suis arrivé ici pour avoir un conseil juridique et on m'a dit surtout, signez tout de suite ça vaut de l'or, un accord amiable. » (Martin)

Ainsi, ces hommes apparaissent désarçonnés face à la procédure juridique engagée par la mère de leurs enfants, leur aisance apparente dans l'utilisation du système judiciaire, comme de celui des services sociaux, et s'aperçoivent de leur impuissance même avec un bon avocat. Il s'agirait donc dans un premier temps, quand ils s'adressent aux associations de « reprendre la main » pouvant laisser entendre parfois, l'idée sous jacente de retrouver une certaine suprématie masculine dans le rapport de force engagé. De ce fait, ils acceptent plutôt bien le principe de payer, qui les maintient aussi dans une représentation de rôle masculin, et le proposent eux-mêmes souvent avant même la décision du juge, mais le rejettent, s'ils ressentent une exigence manipulatrice de la part de l'ex conjointe :

« Moi, mon souci, ce n'est pas la décision, c'est le fait que c'est injuste pour moi qu'on ne m'accorde pas les enfants, je serais prêt à payer une pension alimentaire pour voir les enfants. Je fais appel, je demande à payer une pension pour les enfants. Là je paie déjà une PA, alors que Mme gagne deux fois plus que moi. » (Valentin)

Même pour Lucien, qui n'est pas encore père, mais en attente de l'être, il demande des conseils juridiques en vue d'être plus armé pour affronter d'éventuelles difficultés, mais ce qui laisserait entendre aussi qu'il se repose sur le système judiciaire, l'institution, pour asseoir sa place de père :

«  Je suis venu pour une aide juridictionnelle. Au moment de la séparation, quand il y a des enfants, on ne sait pas toujours comment ça se passe, pour fixer un cadre, des règles, pour une éducation séparée. Je voudrais savoir comment ça se passe et m'assurer d'avoir un traitement égalitaire, par rapport à la mère. Déjà, en fait je ne sais pas du tout comment ça se passe, est ce qu'il est nécessaire de passer devant un juge ou pas, je cherche en fait des conseils d'ordre complètement procéduraux, administratifs. Je ne sais pas comment on va devoir fixer un cadre pour cet enfant. » (Lucien)

Ainsi, cette place de père ne serait pas acquise, dans la mesure où il est admis socialement que la mère la détient en priorité. L'institution est alors attendue comme un soutien, ce qui explique, comme nous le verrons par la suite, ce sentiment exprimé par les pères d'une institution déloyale à leur égard. «  Il y a à peu près 50 % des séparations ou des divorces, dans la population générale, qui se passent bien, mais c'est effectivement la maman qui est moteur, la mère va avoir ce pouvoir, qu'on va lui donner, de s'occuper entre guillemets beaucoup mieux des enfants que les pères ; et cela ne se vérifie pas dans tous les cas, malheureusement, il y a des enfants très malheureux qui vivent sans leur papa. », m'explique un membre de bureau.

Si les pères ne demandent pas la garde alternée, ce serait alors souvent parce que les avocats les en dissuadent.  Et le passage devant le juge se présenterait selon leur expression comme un « va tout », où tout se joue en dix minutes.

Au-delà de leur demande de conseils juridiques face à leur situation de séparation, ils sont en effet en général dans une attente de voir plus souvent leurs enfants, ou de les revoir car ils ne les voient plus, ou bien encore dans l'inquiétude de ne plus les voir. Désarmés face à leur situation, ils souhaitent dans l'idéal une résidence alternée, et même si concrètement leurs demandes ne s'expriment pas clairement, ils recherchent avant tout à retrouver un libre accès à leurs enfants.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Il ne faut pas de tout pour faire un monde. Il faut du bonheur et rien d'autre"   Paul Eluard