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L'émancipation familiale face aux institutions: des pères séparés dans l'impasse

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par Catherine Azémar
Conservatoire des arts et métiers Paris - Master de recherche: sciences du travail et de la société 2009
  

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6.2. Le libre accès aux enfants : une demande d'apaisement du conflit

Les pères qui s'adressent à ces associations ne viennent pas directement pour une demande précise concernant le mode de garde des enfants, sachant que cette demande se fait à l'adresse du juge aux affaires familiales via les avocats. Mais ils ne comprennent pas ce qui leur arrive, veulent en général voir davantage leurs enfants, quand parfois ils ne les voient plus du tout. Ils expliquent alors que la mère de leurs enfants, qui peut avoir déménagé avec eux, mais pas toujours, ne leur permet pas, en tout cas, d'exercer leur droit de visite, leur autorité parentale, Ces pères estiment de la sorte être victimes du pouvoir des mères soutenues en cela par les institutions. Leur demande d'une résidence alternée, est alors évoquée plutôt comme un idéal, l'enjeu étant celui de pouvoir voir, recevoir, et s'occuper de ses enfants, ce qui nécessite par ailleurs d'apaiser le conflit de couple.

6.2.1. La résidence alternée, un idéal

Soit ils bénéficiaient déjà d'une résidence alternée à laquelle la mère de leurs enfants met un terme concrètement, par l'éloignement par exemple, ou du fait d'une nouvelle vie de couple, (avec éventuellement d'autres enfants), ces deux éléments étant souvent liés. Soit ils demandent une résidence alternée suite à une première décision récente de droits de visite classique, c'est-à-dire, premier, troisième, cinquième « week end ». Ils restent cependant assez flous quant à leurs désirs, et les échanges interactifs qui s'opèrent dans l'association les mettent alors à l'épreuve d'exprimer leurs souhaits. Ainsi les adhérents permanents les interrogent sur leur positionnement de père autour de la préparation de leur dossier juridique, ce que ne font pas les avocats. Ils leur posent donc la question de ce qu'ils veulent exactement, des droits de visite plus élargis, des vacances, ou une résidence alternée, voire une résidence complète ; leur demandent d'exprimer jusqu'où et dans quels domaines sont- ils prêts à s'investir pour leurs enfants, et les invitent à consigner par écrit ces éléments avec l'objectif de préparer les points positifs de leur dossier, et les audiences. Ce qui se traduit par un travail d'apprentissage à la confrontation aux institutions et implique de leur part un repositionnement de leur rôle de parent. Ainsi certains bénéficiaient d'une résidence alternée, parfois remise en cause par la mère des enfants qui décide d'un déménagement éloigné, ce qui est le cas pour deux d'entre eux, Martin et Léon :

« J'étais divorcé, je suis passé en consentement mutuel, Mme a accepté la garde alternée.. Donc la résidence alternée a duré pendant trois ans, une semaine, une semaine, et ça tournait comme une horloge. D'ailleurs dans un premier temps, j'étais conciliant, comme elle travaillait à temps partiel, elle faisait en fait 6 jours chez moi et 8 jours chez elle pendant les six premiers mois Mme s'est remariée, a eu d'autres enfants et a fait le projet de déménager en province elle avait un nouveau mari originaire d'Epinal, donc elle me dit je vais déménager... Quand on a divorcé officiellement, elle faisait déjà des demandes de mutation pour partir..Elle demande la garde en disant Epinal est à 3 h de paris, tu pourras venir voir ta fille. » (Martin)

« En fait moi mon divorce s'est bien passé, j'avais une ex femme qui a voulu sortir rapidement de notre contrat de garde alternée qu'on avait mis en place. La garde alternée avait duré deux ans à peu près, elle a commencé à la remettre en cause. En fait je refusais de signer les documents nécessaires au renouvellement des passeports américains de mes enfants, car la mère est américaine. on m'a confié la garde étendue, un WE sur deux plus le mercredi. Donc j'ai fait appel, ça été confirmé, pendant l'appel, elle était partie aux Etats-Unis, elle a refusé d'envoyer les enfants. Donc la cour d'appel n'a ensuite fait qu'entériner le fait que mon ex femme habite aux Etats unis. » (Léon)

C'est également la situation vécue par Eric, qui après une période d'arrangement à l'amiable concernant l'accueil des enfants, ne les a pas vu depuis deux ans suite au départ de son ex épouse, partie en Corse suivre son nouveau compagnon. Il souhaite maintenant essayer de reprendre contact avec ses enfants.

Pour d'autres comme Valentin, ils n'acceptent pas la décision rendue d'un droit de visite classique car ils étaient, pour eux, le parent le plus investi avant la séparation du couple.

«  Le Week end, ça ne me suffit pas, un Week end sur deux ce n'est pas suffisant, mon temps je ne veux pas le consacrer à ma vie professionnelle, c'est ma conception de la famille.[...]J'ai réduit mon temps de travail étant donné que j'ai fait appel pour montrer que la disponibilité je l'avais toujours, c'était pour avoir la garde partagée. Vous savez quand elle a demandé le divorce moi j'étais en vacances, avec mes enfants, je ne suis jamais parti en vacances sans mes enfants, j'étais parti deux mois, ça arrivait souvent, durant toute notre vie en commun, je ne me suis jamais séparé de mes enfants, Et là je me retrouve sans rien. Elle pouvait jamais les chercher à l'école, maintenant elle a le temps, elle pouvait jamais, elle avait des réunions. » (Valentin)

Ils ne demandent pas toujours d'ailleurs un mode de garde pour leurs enfants strictement à égalité mais plutôt un libre accès à leurs enfants :

« Ce n'est pas une question de temps, car on m'aurait laissé un libre accès à ma fille, je pense que je n'aurai pas été dans une affaire de marchand de tapis... Moi, par exemple j'aurai pu voir ma fille deux heures par jour, ou autre chose, un rythme en étant proche, cela ne m'aurait posé aucun problème, mais là, ce n'est pas une question de 50/50. » (Martin)

Quant à une résidence principale, c'est rarement leur souhait, sauf des cas extrêmes, où ils estiment que l'autre parent met en danger les enfants comme c'est le cas pour Michel, et qui néanmoins ne quittera pas le domicile avec les enfants, dans l'espoir de préserver la place de la mère, et la protéger en quelque sorte. Mais le plus souvent quand il y a une demande de résidence principale, elle s'inscrit dans une stratégie qui est de demander plus pour avoir moins, conseillée parfois par les avocats :

« L'avocate avait voulu cette stratégie, mais moi je ne trouvais pas normal que j'ai la garde exclusive, dans l'idée de demander plus pour avoir moins, mais finalement je n'ai rien eu, et moi je lui avais dit que je ne voulais pas entrer dans un conflit de demander plus, et tomber dans le même schéma que ma femme que je contredisais. » (Valentin)

Ou comme pour Paul qui par dépit a fait ce choix stratégique :

« Dans ma situation, j'ai demandé le droit total pour mon enfant avec droit de visite pour ma femme, pour deux raisons : je n'ai pas beaucoup de chance d'avoir la garde alternée pour un enfant de trois ans. Et je ne suis pas du tout d'accord dans le rôle de ma femme dans l'éducation. » (Paul)

Il s'agit aussi derrière leurs demandes à voir plus souvent leurs enfants une revendication de leur statut parental qui n'est pas reconnu, et d'un refus à être maintenu dans un rôle de père pourvoyeur de revenu, ce dont il sera question plus en avant :

« Moi je ne veux pas être uniquement un père que l'enfant voit occasionnellement, pour les week end, les vacances, et uniquement là pour payer ; J'ai pas envie d'être un père contributeur, S'il faut payer je le ferai, je voudrais quand même que si je suis amené à contribuer qu'il y ait une contre partie, que je puisse exercer des droits et des devoirs aussi vis-à-vis de l'éducation de l'enfant, je ne veux pas être uniquement un père qui est là pour la pension et qui ne peux pas voir l'enfant. Si je suis amené à faire des sacrifices je le ferai, mais à côté de ça, il faudra que je puisse exercer pleinement mon rôle de père. » (Valentin)

Ainsi dans leur demande de traitement plus égalitaire, ils souhaitent surtout pouvoir librement voir et s'occuper de leurs enfants, ce qui implique aussi la nécessité d'une volonté d'apaisement de conflit :

« D'avoir la garde complète, enfin, moi je suis contre. Je ne l'ai jamais réclamé, sauf à l'article de la mort, je pense que ce n'est pas une solution satisfaisante, et même un système qui est un WE sur deux, et les droits élargis, ça veut rien dire les droits élargis, on vous accorde un mercredi sur deux, ce n'est pas un bon système, c'est l'archétype de la mauvaise solution et si je vous le dit, c'et que j'en ai discuté avec les avocats. Et puis la garde exclusive crée le conflit, vous êtes dans un rapport déséquilibré [...] Plutôt la garde alternée, mais égalité, non, pas du tout, il y a une connotation mathématique, qui me parait incompatible avec le critère d'humanité, on ne met pas les gens en équation. Moi on m'aurait donné un libre accès, j'aurais signé tout de suite. On m'aurait dit trois jours ou je ne sais pas quoi, j'aurai dit, c'est bon, ça marche. Mais la loi nous impose un truc c'est un trois cinq, ou c'est rien, donc, il y rien. » (Martin)

Certains estiment comme Léon, dont les enfants vivent aux Etats Unis, que l'institution devrait plutôt soutenir le parent le plus conciliant, et non pas celui qui empêche l'autre parent à voir ses enfants, le débat sur la résidence égalitaire, pour sa part, n'étant pas l'essentiel :

« je ne suis pas toujours d'accord sur faire de la résidence alternée, je m'en fous de ce que font les autres je n'ai pas de leçon à donner aux autres parents, qu'ils élèvent leurs enfants de manière équilibrée, et s'il y a des excès, la société devrait être là pour les limiter.. Mais dans la mesure où l'un des parents veut avoir accès à ses enfants et j'estime qu'on peut lui donner droit jusqu'à la moitié, il devrait pouvoir l'avoir. Celui qui met des bâtons dans les roues, c'est lui qui devrait ne pas avoir l'accès. » (Léon)

Ils font à ce propos le constat de l'importance de la qualité du lien avec l'enfant plus que la durée stricte, et du fait qu'en consacrant tout leur temps avec eux quand ils exercent leur droit de visite peut revenir finalement à les voir davantage :

« Ce n'est pas normal que certains juges donnent toujours la garde à la mère, ou toujours au père. Même à l'époque où j'avais un WE 1, 3,5, un mercredi sur deux, je me suis rendu compte que j'étais le parent que mes enfants voyaient le plus. Je passais plus de temps, car mon ex, elle, prenait des «  baby sitters. » (Michel)

« Et puis d'un autre côté je me dis j'ai peut être une chance, au niveau du temps de vie, pendant quelques années, je vais pouvoir profiter de ma fille en prenant des vacances avec elle, ce que je n'aurais absolument pas fait avant, avant je j'aurai travaillé, je la mettais au centre aéré le mercredi. Même quand j'avais la résidence alternée, je ne la prenais pas le mercredi, je la voyais le soir. Maintenant, je pose mes vacances, je gratte des jours. » (Martin)

Ils expriment le fait que se retrouver dans la situation de ne pas pouvoir voir et recevoir librement leurs enfants, les place ainsi dans une posture de parent accessoire, soumis à la volonté de l'autre parent, la mère :

« Moi quand j'ai été quelqu'un avec ma magnifique résidence alternée et que je me suis trouvé du jour au lendemain, alors moi, j'ai été formaté, avoir les mêmes droits. Après vous êtes plus rien, capacité de négociation zéro, vis-à-vis de l'extérieur zéro, et oui, il faudra que je demande l'autorisation à la mère» (Martin)

Ainsi la résidence alternée apparait davantage comme un idéal à atteindre, ces pères sachant que si elle est difficilement applicable, concrètement, c'est plutôt la mère qui obtiendra la résidence principale :

« A mon avis un partage 50/50 cela va être difficile, je ne me fais pas d'illusions on habite assez loin l'un de l'autre à 80km, je ne suis pas en région parisienne. Et puis je pense surtout qu'est ce qui va être le mieux pour l'équilibre de l'enfant, pour le moment je n'ai pas d'idées préconçues sur ce qu'on va pouvoir mettre en place, je n'ai pas encore vraiment réfléchi, c'est toujours en gestation cette réflexion. On s'oriente à mon avis vers une solution où l'enfant sera avec l'un en semaine et le week end avec l'autre, ce qui fera nécessairement un frustré. » (Lucien)

« Moi je me projette de l'avoir pour les vacances, parce que vu la distance, je n'aurai pas de résidence alternée.. J'y pense, peut être m'installer à Pau, et faire une requête de résidence alternée. Alors bien sûr que ce serait aussi pour voir plus mon fils, mais en même temps, moi, je n'ai pas envie de quitter paris, j'ai ma famille, mes amis. Je vais demander le plus possible pour les vacances et un week end sur deux. « (Vincent)

« Mon souhait dans l'idéal, ce serait de mettre à profit une résidence alternée, avec aussi un travail psychologique sur nous deux, de façon à ce qu'on arrête ce conflit permanent pour l'enfant, pas pour nous, juste pour lui, notre enfant qu'on a en commun. » (Julien)

Il y a aussi comme cela a été évoqué plus en amont, le problème des visites autorisées dans les points rencontres. Ainsi m'explique un permanent d'association : «  La demande, en majorité c'est de voir plus leurs enfants, ou dans de meilleures conditions, parce que certains ne les voient qu'un week end sur deux, ça ne fait que quatre jours par mois, ou alors dans des points rencontre, si ils ont une décision qui est hostile à leur égard. Au point rencontre c'est encore pire, le père arrive, parfois il paye pour voir son enfant, des frais de location de salle par exemple, c'est complètement abject de payer pour voir son enfant. Il peut avoir deux heures, parfois il y a des caméras, quelqu'un qui rentre toutes les 15 minutes pour voir si tout va bien, comme si on était le pire des criminels, c'est déstabilisant au possible pour quelqu'un qui n'a rien fait. Donc ils ne comprennent pas pourquoi ils ne voient pas leurs enfants, en majorité. »

Et pour ceux qui comme Etienne vivent cette situation, la résidence alternée, perçue comme une solution juste, ne représente qu'un idéal, dans la mesure où le conflit reste activé. « Franchement la résidence alternée me parait quelque chose d'important, parce que encore une fois quand on se sépare, je sais qu'il y a un enjeu, mais si on pose les choses bien à plat, un enfant il a deux parents, et à priori il en a pas trois, et si on s'est séparés, c'est qu'il y a quand même encore une différence et c'est bien qu'ils aient la touche de l'un et l'autre, c'est tout. Et que c'est assez égoïste de vouloir que les enfants soient nos clones à nous même, qu'on oublie qu'on a eu un mari, qu'on oublie qu'on a eu une femme. Même moi avec la situation que j'ai, je refuserai que ma femme soit écartée de son rôle, je refuserai que mes filles manquent de respect à leur mère, qu'elles éjectent leur mère. Je ne ferai pas ce qu'elle a fait, parce que mon plaisir personnel, et il y en aurait, c'est évident, mais il passe derrière l'intégrité des enfants. » (Etienne)

Si la problématique du conflit conjugal peut être très présente pour les pères qui arrivent la première fois, par la suite s'exprime une volonté d'apaisement du conflit en laissant la place à la mère, derrière laquelle s'exprime une préoccupation essentiellement centrée autour de l'enfant. Ainsi si cette préoccupation apparaît notamment dans les discours des pères ayant leur droit de visite aux points rencontre, c'est le cas également chez les jeunes pères :

« C'est pour ça que je viens voir cette association là. Quelles choses on peut mettre en place pour avoir un terrain d'entente, pour F, mes droits de visite et de contribution parentale, c'est normal, c'est mon enfant. » (Julien)

Ces pères soulèvent par ailleurs la question de la légitimité que peut avoir le parent qui ne voit son enfant que quatre jours par mois. Cette situation entrainant fréquemment une perte de contact au bout de trois ans, et de poser alors la question de l'autorité. Un autre problème est évoqué, celui de l'école qui ne reconnaît pas le parent « visiteur » comme parent, en ne prenant en compte et en ne s'adressant qu'au parent « gardien ». Malgré la consécration de l'autorité parentale partagée, le statut du parent qui n'a pas la résidence de l'enfant, estiment-ils, n'est pas reconnu par les administrations. Le seul cas où cela fonctionne, me rapporte un permanent, c'est quand il n'y a pas de conflit entre les parents car l'autre parent le fait exister symboliquement, favorise les visites, quand les parents sont capables de séparer les conflits conjugaux et parentaux. Aussi quand il y a conflit, c'est la faute qui est cherchée dans le couple parental, en statuant sur l'hébergement selon ce critère sous jacent.

Si se pose alors pour ces pères la nécessité d'une conciliation avec la mère pour accéder à leurs enfants, cet aménagement se conçoit pour eux du fait qu'ils n'excluent pas l'importance de la place de la mère.

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"Il faut répondre au mal par la rectitude, au bien par le bien."   Confucius