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L'émancipation familiale face aux institutions: des pères séparés dans l'impasse

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par Catherine Azémar
Conservatoire des arts et métiers Paris - Master de recherche: sciences du travail et de la société 2009
  

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CHAPITRE 7 les représentations et luttes des pères

7.1. Une représentation des rôles parentaux à la fois traditionnelle et égalitaire

La plupart des pères qui s'adressent à ces associations se sont investis au quotidien auprès de leurs enfants et témoignent ainsi sur ce registre de l'évolution égalitaire des rôles parentaux, dans la répartition des tâches domestiques. Ils font part néanmoins de représentations selon le schéma d'une répartition traditionnelle des places de chacun, tout en évoquant la réalité de l'évolution des moeurs et de l'éducation comparée à celle de leurs parents. Il faut préciser à ce titre, que le paramètre psychologique du parcours de ces parents, celui des pères et celui supposé des mères, même s'il n'a pas été traité dans cette étude, est indéniablement significatif et vient se surajouter à la problématique de ces pères. Un vécu qu'on imagine parfois douloureux, à travers l'évocation de leur vie de couple très conflictuelle, mais aussi qui demeure lié au souvenir de leur enfance, donc de leur représentation parentale :

« Au niveau de la répartition des tâches au quotidien, c'est par rapport au vécu d'un père, alors le mien, ma jeunesse n'a pas voulu que j'ai mes deux parents en permanence, j'ai eu un père à l'écart de ma vie, et la société n'a pas fait non plus des démarches pour imposer un père, d'être là pour son enfant..Mon père a été élevé dans un milieu de femmes, et quand il a été dans la vie sociale, une épouse, il a eu du mal à faire un chemin de père, et il s'est toujours tenu à l'écart : « c'est ton enfant, tu t'en occupe, moi je suis là pour assurer les finances, point barre. » Et aujourd'hui, moi, non. Je veux assurer les finances, je veux assurer sa scolarité, je veux assurer son bien-être, je veux assurer le pouponnage. » (Pierre)

Tout en restant attaché en effet à une distinction des rôles entre l'homme et la femme au foyer, ils font part en même temps de fonctions parentales qui peuvent être attribuées indifféremment au père ou à la mère, dans une demande d'être un parent à part entière. Cette ambivalence exprimée viendrait témoigner d'une évolution laissant place à une certaine égalité parentale dans la mesure où la barrière entre les fonctions d'un père et d'une mère est devenue plus floue. Une indifférenciation des fonctions qui n'aurait rien à voir cependant avec une féminisation des pères ; il ne s'agirait pas pour eux, comme l'exprime Martin, de « singer les mères », mais d'accorder une importance à la place de chacun. Ceci au nom de l `évolution sociale ayant permis aux femmes de s'émanciper et acquérir ainsi les mêmes droits que les hommes sur la scène publique, notamment par l'accès au travail et donc à l'argent :

« Moi, je pense, comme m'avait dit maitre C, ne maternez pas, ne singez pas les mères, jamais je n'ai oublié ça. Je ne suis qu'un père, c'est tout, moi je respecte la place de la maman, quand il faut prendre des décisions je concerte, je pose des questions. »(Martin)

« Le père dirige certaines choses, la mère aussi .La mère, c'est elle qui est plus proche, enfin je ne sais pas. Plus déterminée, si, parce que dans l'éducation de tous les jours, c'est elle qui gère plus ça, mais le père manque, il faut que le père soit là, le père est prépondérant et la mère aussi, il faut les deux, c'est indispensable. » (Jacques)

« Je vois le père et la mère avec deux places identiques et deux places différentes. Identiques dans les responsabilités, les activités. Ma vision idéale, c'est que sur les tâches ménagères la société a évolué, les femmes travaillent, les hommes aussi, donc elles sont exposées aux mêmes contraintes du monde du travail, des emplois du temps chargés, des problèmes de transport, enfin tous les problèmes de la vie quotidienne, et la responsabilité des enfants, de les amener à l'école etc., il y a à mon avis un partage d'égal à égal qui se fait, qui existe, qui est en place dans beaucoup de familles.» (Michel)

Ainsi les qualificatifs employés pour définir le rôle du père sont le plus souvent l'autorité, tout en reconnaissant cette fonction attribuée à la mère, mais aussi des qualités de protecteur face au monde extérieur, ou aussi comme pour Lucien, vis à vis à la fois de l'enfant et de sa mère, dans une vision d' « êtres » difficilement dissociables. Une vision troublée qui reflète une recherche de positionnement, pouvant être attribuée au regard de sa situation particulière d'homme futur parent, séparé de sa femme enceinte :

« Pour moi, la place du père, c'est la protection quand même vis-à-vis de l'enfant, pas forcément l'autorité, parce que la mère exerce aussi une autorité, mais le père est là pour protéger l'enfant, et son épouse quand il a une vie conjugale ; alors c'est une protection qui n'exclue pas, la tendresse, l'écoute, vis-à-vis de l'enfant, le père je pense qu'il est là pour protéger l'enfant face au monde extérieur. Il est là pour rassurer l'enfant et rassurer la femme quand il a une vie conjugale. Ce qui n'est pas le cas me concernant, mais il est là pour rassurer et protéger par sa présence. Il y a peut être une protection, aussi de la part de la mère. Ce n'est pas simple, elle est là pour prodiguer de la tendresse mais le père peut le faire aussi. Malgré tout je pense que la protection physique et morale de l'enfant, du couple, incombe surtout au père, Je ne dis pas que la mère n'a pas un rôle de protection, mais elle est peut être plus là pour rassurer l'enfant, plus le conseiller, le père aussi. C'est important que l'homme ait une certaine stabilité, une certaine sérénité face aux épreuves de la vie. Je pense aussi qu'une femme dans un couple cherche malgré tout la protection de l'homme, une femme elle aime se sentir protégée par un homme, se sentir en confiance avec un homme dans son couple, donc l'homme, il a cette obligation de sérénité, de protection. » (Lucien)

je note, à travers leur discours, que tout en étant attachés à leur identité masculine, ils n'ont pas de représentation tranchée sur la distinction des rôles parentaux, et soutiennent leur capacité à prodiguer des soins affectifs:

« Bien sûr, il y a un rôle paternel, Le père, c'est l'autorité, par rapport à l'enfant, quand il a fait une bêtise. Mais la mère aussi, elle a droit à sa partie. Elle peut avoir le droit de faire l'autorité et ne pas rester en arrière, je ne fais que m'occuper de mes enfants et le père est en avant à faire le costaud, non pas du tout. Dans la conception de parents, le père peut être aussi capable d'autorité que la mère, mais aussi être capable d'être là, pour faire un câlin à son enfant. » (Pierre)

Pour certains comme pour Etienne, selon ses propos, des résistances avec l'ambivalence qui les accompagne, existent également chez les femmes, qui s'opposeraient à une trop grande participation des hommes aux tâches habituellement maternelles.  Le vécu des pères dans les points rencontres venant témoigner par ailleurs d'une position d'emprise de la mère :

« Je pense que les hommes revendiquent de plus en plus leur paternité. On a l'impression de voir des hommes un peu femmes et des femmes un peu hommes. Ça choque certains qui pensent que la société prend une mauvaise tournure, où tout s'homogénéise, moi je crois que c'est plus fin que ça, c'est-à-dire que c'est un peu le partage des tâches. Pour moi, un homme qui change les couches, ou qui passe un balai, c'est ni un homo, ni un allumé. La première fois que j'ai passé le balai, avec mon ex, je me suis fais engueulé, la réponse a été ce n'est pas ton rôle. Parce que il y a aussi des femmes qui sont dans l'ancienne génération, même si elles sont jeunes parce qu'elles ont été éduqué dans une génération qui estime que un homme c'est un homme, une femme c'est une femme. » (Etienne)

Il y aurait alors au regard de certains témoignages dont celui de Valentin, le sentiment d'un retournement du côté des femmes, notamment quand elles décident de remettre en question un mode de garde partagé, ce qui peut être attribué à la culpabilité des mères de ne pas occuper la place qui leur est désignée socialement :

«  Que le père fasse tout ce qu'il peut, il n'y a pas de rôle de femme ou d'homme. C'est vrai que beaucoup de gens m'ont dit que je me suis mis trop au rôle de femme, que je me suis trop investi, et que à un moment elle s'est rendu compte qu'elle n'avait plus son rôle de femme, et ce qui lui a fait peur. » (Valentin)

Beaucoup d'entre eux évoquent par ailleurs l'influence néfaste de l'entourage social, qu'il soit familial ou amical, de leur ex compagne, dans ses décisions ou changement de décisions qui les étonnent parfois.

Les personnes interrogées posent à travers ces représentations des rôles, la question de l'importance des modèles dans la construction de l'identité. Ainsi, les rôles des pères et mères peuvent être similaires selon eux, sans pour autant porter atteinte à leur identité propre d'homme ou de femme :

« Ils peuvent s'occuper des bébés comme les mères, mais que ce soit chez l'homme et chez la femme, on a les deux parties qui nous complètent, donc la femme a son côté masculin, et son côté féminin. Un homme aussi a son côté masculin et un côté féminin, donc si un homme a toujours vécu avec que le côté féminin, il aura du mal à avoir son côté masculin s'il n'a pas eu de modèle masculin pour son identité propre. Pour moi le père autant que la mère a autant d'amour à donner à l'enfant, c'est pareil, il n'y en a pas un qui va donner plus que l'autre, c'est partagé mais chacun à sa façon, selon son identité propre. » (Julien)

Il s'agit même de transmissions de valeurs selon cette identité masculine ou féminine, d'où l'importance soulignée de fonctions qui elles, ne sont pas interchangeables, et donc justifient la présence d'un père et d'une mère, et non pas n'importe quel couple parental :

« Je pense que toutes les fonctions ne sont pas interchangeables, et que par rapport à la parenté dite biologique, je suis en opposition, par rapport à ceux qui prônent l'idée qu'on pourrait faire des enfants sans père, biologiquement [...] Je ne crois pas que les fonctions sont interchangeables, elles sont complémentaires et ce qui par contre crée le grave déséquilibre c'est quand il y en a un qui disparait de la circulation. Donc ce n'est pas de demander au père de faire comme la mère. Moi, je pense que j'ai peut être plus un rôle d'autorité, même si je suis loin, parce que le papa, il dit, bon, ça commence à bien faire, mais la mère l'a certainement aussi, une petite fille ce n'est pas pareil, mais je pense que, non, deux mères n'élèveront pas un enfant à la place d'un père et d'une mère. » (Martin)

Aussi quand le terme de rôle du père et de la mère est évoqué, il s'agit en réalité non pas du rôle éducatif à proprement dit, mais d'une transmission de valeurs selon son identité sexuée. L'autorité par exemple, ou le sens du risque, sont représentés plutôt comme des attributs naturels de l'homme. Ainsi dans leur revendication à avoir une place auprès de l'enfant, à égalité avec la mère, ces pères insistent sur leur différence, sans qu'il s'agisse de distinction sexuelle des rôles, mais soulignent l'importance d'une transmission de ces différences de sexe pour l'enfant, et se démarquent dans ce sens du discours qui reconnaît la légitimité de l'homoparentalité :

« Le schéma traditionnel du XIX è, l'homme au travail et la femme au foyer n'a plus court .En revanche, le rôle du père et de la mère pour un enfant est très différent. Pour l'équilibre d'un enfant, et d'un point de vue psychologique. Ce que le père va apporter ou pas et réciproquement, ce qui va venir de la mère, sera très différent, ce n'est pas une question d'inégalité, c'est qu'on fonctionne différemment, d'un point de vue sexuel, hormonal, cérébral. Déjà la mère, à la base, elle porte l'enfant, c'est elle qui va accoucher, et ensuite, elle va alimenter le bébé, elle va allaiter. Pour ma fille, maman, ça veut dire sa maman, et ça veut dire aussi manger. Les enfants reconnaissent bien l'odeur de leur maman, ils reconnaissent un peu moins bien l'odeur de leur papa. Ensuite, il y a la structuration du langage ; le papa, lui, a une voix plus grave et le papa quand le bébé est dans le ventre de sa maman, il parle. Il y a ensuite des choses qui sont apportées par le père, comme par exemple le sens du jeu, du risque, le sens de l'audace, et l'individuation, c'est-à-dire couper le cordon ombilical. Faire comprendre à l'enfant en devenir qu'il va devenir un adulte. Le père aide à couper des choses, mais la mère aussi. S'il y a un conflit, c'est une dynamique des deux et le père et la mère doivent aider à cet épanouissement. Le rôle de la mère, c'est aussi d'être un repère, un enfant qui va avoir peur, va aussitôt dire maman, ce n'est pas anodin, donc c'est quelqu'un qui va apporter un réconfort. Et puis l'autre chose qui est indispensable que le père va apporter, c'est l'autorité, le respect de l'autorité. Et ça, ça va aider des enfants à comprendre qu'ils ont des limites, c'est ce qui va les aider à se protéger aussi, de tous les dangers Je pense que c'est essentiel pour le bon équilibre des enfants. Dans les situations de séparation, il est donc indispensable que les enfants voient à parité égale, le père et la mère. Ils ont autant besoin des deux. La maman apporte des choses et le papa d'autres choses. (Michel)

Le père représente donc aussi celui qui va orienter son rôle éducatif dans le jeu et la prise de risques, celui qui permet la séparation, celle des enfants de leurs parents :

« Il y a ensuite des choses qui sont apportées par le père, comme par exemple le sens du jeu le sens du risque, le sens de l'audace, et l'individuation, c'est-à-dire couper le cordon ombilical. Faire comprendre à l'enfant en devenir qu'il va devenir un adulte, parce que le dessein des parents, c'est de devenir inutiles par la suite ; que l'enfant puisse se passer totalement de ses parents, que les parents ne deviennent plus qu'un souvenir par la suite. » (Michel)

Et parfois en faisant allusion à des images traditionnelles fortes et symboliques sur les places domestiques de l'homme et la femme :

« Le rôle du père c'est aussi l'autonomie du gamin, la mère, c'est la maison la décoration, le père c'est l'extérieur, c'est le risque : par exemple, moi, mon père m'avait offert un couteau et j'ai offert un couteau à mes enfants, pour manger, pas pour se battre, mais apprendre à s'en servir, à découper. C'est faire confiance à l'enfant, et c'est ça aussi les pères, la mère c'est l'intériorité, traditionnellement, c'est le cocon, et le père c'est l'extérieur, c'est ça aussi les rôles du père. Traditionnellement c'était des chasseurs et les mères des cueilleuses. » (Eric)

Pour d'autres, comme Paul, ils soulignent justement la situation rendue injuste par la permanence du caractère traditionnel de ces représentations :

« La majorité des gens hommes et femmes, pensent qu'il est plus normal que l'enfant soit avec la mère qui porte l'enfant, et l'homme représente la force. Par exemple pour les témoignages, très peu iront témoigner pour le père, contre la mère. Un ami m'avait dit qu'il trouvait que mon fils avait une meilleure relation avec moi qu'avec sa mère. Et au divorce ma femme a présenté une attestation de lui en sa faveur. Quand je l'ai questionné, il m'a répondu qu'un enfant était mieux avec sa mère. Cela me choque, le processus n'est déjà pas fait pour l'égalité. » (Paul)

Quant à Etienne par exemple, il relève l'importance surtout à ne pas élever seul un enfant, dans l'intérêt des femmes également qui aspirent à autre chose que d'être confiné dans un rôle exclusif de mère. Et quand des pères souhaitent ce partage, celui ci déplore la défaillance institutionnelle qui ne soutient pas, voire empêche cet élan :

« Je comprends que pour certaines choses c'est vrai, une femme ne sera jamais un homme et un homme jamais une femme ; par exemple en terme d'autorité, l'autorité du père, ce n'est pas qu'on veut revendiquer l'autorité, mais il y a une connotation différente vis-à-vis des enfants, donc elle et importante cette autorité, mais même dans l'autre sens d'ailleurs. Une femme qui veut tout prendre, un homme qui veut tout prendre, c'est quand même délicat à gérer, être à la fois le décideur, l'autorité, et après le câlin, c'est quand même des ambiguïtés qui sont pas faciles à gérer Je pense qu'il y a beaucoup de femmes qui veulent cette égalité parce qu'elles voient là le moyen de s'exprimer autrement. En tant que mère c'est bien, beaucoup ne veulent pas être que mères, elles veulent être femmes, avoir un rôle dans la société, et donc ce ne serait possible que si les hommes prennent le pendant, et c'est aussi ce qui se passe maintenant, donc c'est aussi fort de café d'être dans une situation comme moi, qui revendique ma paternité, qui dit je veux m'occuper de mes filles et il faut que je me batte pour ça, alors qu'il y a des femmes qui se battent pour obliger leur ex d'assumer leur enfant. Donc quand on entend quelqu'un comme moi qui dit je veux m'occuper de mes enfants, on a du mal à comprendre qu'un juge ne dise pas, écoutez, il y a un monsieur qui veut s'occuper de ses enfants, en quoi c'est mal, Madame, arrêtez. » (Etienne)

Ainsi, transparait à travers ces récits, la permanence de tensions entre des représentations traditionnelles de rôles sexués auxquelles ils demeurent parfois attachés, et le constat d'une évolution plus égalitaire au regard de la génération précédente, et à laquelle ils adhèrent. D'où la volonté que manifeste ces pères séparés, d'une égale reconnaissance de leur statut parental avec celui de la mère, de la part des institutions, derrière laquelle s'exprime un sentiment d'être victime d'une injustice.

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"Il faudrait pour le bonheur des états que les philosophes fussent roi ou que les rois fussent philosophes"   Platon