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L'émancipation familiale face aux institutions: des pères séparés dans l'impasse

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par Catherine Azémar
Conservatoire des arts et métiers Paris - Master de recherche: sciences du travail et de la société 2009
  

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7.2. Le combat pour une égale reconnaissance

Témoignant d'un empêchement à se faire entendre, leur demande à être considéré comme un parent à part égale, signifie pour eux un égal traitement quand il s'agit de contributions parentales. Ainsi ces pères luttent contre l'injustice qu'ils éprouvent due au fait d'être désigné comme coupables à travers les jugements rendus dans lesquels ils sont condamnés à verser une pension alimentaire. Une condamnation qui les stigmatise d'autant plus par le fait qu'elle les associe à des parents visiteurs. Leurs luttes les confrontent alors aux institutions, de la justice notamment, envers qui ils éprouvent un sentiment de trahison.

7.2.1. Sentiment d'injustice : la condamnation au paiement d'une pension alimentaire

Les pères rencontrés dans les associations acceptent en général le principe de payer une pension alimentaire, voire pour certains seraient prêts à payer plus si elle leur permettait de voir leurs enfants, même si par ailleurs, ils disent la trouver souvent trop excessive. Ils sont cependant atteints par le fait qu'elle leur soit présentée comme une condamnation, les désignant comme coupables, mauvais pères. Ils soulignent alors l'effet pervers du système qui consiste au fait qu'avoir la garde des enfants permettrait d'avoir un revenu. Ainsi, quand sont abordées les questions qui concernent la pension alimentaire, les pères font part de la convoitise de leur ex conjointes pour obtenir de l'argent ; ils dénoncent le soutien des institutions dans des comportements où l'attrait pécuniaire motive la demande des mères : « Mais parce qu'il y a des enjeux financiers, la justice engendre les enjeux financiers, et plutôt que d'apporter une solution, et bien c'est la prime. Pour les femmes qui veulent se séparer, ou divorcer, il y a un enjeu financier qui va leur permettre de gagner plus, arrêter, ou continuer à ne pas travailler, d'avoir la pension alimentaire », me rapporte un adhérent.

La situation de Patrick est un exemple de conflit extrême conduisant à des dérapages en rapport avec l'enjeu financier dans le mode de garde :

« Il se trouve que dans tous les organismes sociaux et autres, elle m'avait déclaré décédé, sauf pour la pension alimentaire. En 2007, elle m'a fait repasser au tribunal pour avoir une pension alimentaire explosive, injustifiée, j'ai fourni les justificatifs comme quoi je payais bien. Donc cela a déclenché tout un système, assistantes sociales, enquêtes. On verse des sommes folles, et on ne sait pas ce que devient l'argent. J'ai le cas avec mes propres enfants, tous les quinze jours depuis trois ans qu'on vient les chercher, on les récupère dans un état lamentable, à chaque fois on les rhabille de la tête aux pieds..Donc on a trouvé la pompe à fric, sauf que l'argent doit être là pour le bien des enfants, pour leur scolarité et leurs loisirs alors qu'il n'y a rien. Et quand la moyenne lui a dit je veux aller avec papa, elle m'a envoyé un message pour dire qu'il était hors de question qu'elle vienne chez moi, parce que ça allait lui diminuer ses revenus sociaux, elle avait besoin de la pension alimentaire, payer les loyers et les frais pour aller dans le midi. » (Patrick)

Ainsi, condamnés à verser une pension alimentaire, ils ont la sensation que cet argent qui représente leur contribution parentale non seulement leur échappe, mais ne répond pas à leur demande de pouvoir s'occuper de leurs enfants, comme l'illustre Valentin dans ses propos :

« Moi, mon souci, ce n'est pas la décision, c'est le fait que c'est injuste pour moi qu'on ne m'accorde pas les enfants, je serais prêt à payer une pension alimentaire pour voir les enfants. Je fais appel, je demande à payer une pension pour les enfants. Là je paie déjà une PA, alors que Madame gagne deux fois plus que moi, je vais négocier dans mon appel le fait de payer une pension alimentaire, mais je veux plus mes enfants (c'est à dire les voir davantage). » (Valentin)

Ce qui est exprimé alors c'est le sentiment d'une injustice à leur égard, qui viendrait témoigner d'une inadéquation entre leur volonté à s'occuper de leurs enfants en conformité avec l'évolution égalitaire de la société, et le fait en réponse d'avoir à payer pour cela :

- C'est important pour vous que le père tienne aussi ce rôle à travers la pension alimentaire ?

« Pour moi le père a son rôle de père et payer une pension alimentaire ce n'est pas un rôle de père, parce que vous savez il y a des pères, ils paient la pension et ils n'en n'ont rien à faire des enfants, moi je ne suis pas un père à payer une pension alimentaire et ne pas voir mes enfants, moi je ne vois pas mes enfants suffisamment. J'avais demandé la garde alternée, et elle au début c'est ce qu'elle voulait, mais avec en plus une pension alimentaire ; attend, si on a la garde alternée, je ne vais pas payer de PA. J'ai dis oui, mais j'ai des charges. Et bien les juges ont refusé la garde alternée, et j'ai eu 1, 3,5. Elle a demandé ensuite la garde totale avec 900 euros de pension alimentaire. » (Valentin)

Estimant être victime d'une injustice, la condamnation perçue comme une punition, les stigmatise d'autant plus :

« Alors après, il y a le principe de la pension, alors là, c'est une guerre sans fin, c'est des moyens de pression aussi, parce que des fois quand le père a des difficultés, et bien c'est le premier puni, pas la mère. Parce que quand la mère, elle refuse de remettre l'enfant, c'est une obligation pour elle, alors que pour nous ce n'est pas une obligation. En fait, nous sommes obligés de payer la pension, et la mère est obligée de nous remettre l'enfant. C'est-à-dire, c'est celui qui a la résidence principale qui est en obligation. Et là où est le déséquilibre, sur un point de vue juridique, c'est qu'elle ne fait rien pour rééquilibrer la balance. Alors que la justice, c'est la balance, et bien là, il y a toujours déséquilibre : Quand un père ne paye pas sa pension, on le punit, on le met quelquefois en prison, ou on le menace d'y aller ; une mère, si elle ne remet pas l'enfant, on lui dit rien, on lui dit seulement, il ne faut pas recommencer madame. « (Pierre)

Les pères dans ces associations, dénoncent au-delà des critiques qu'ils manifestent, les effets pervers d'un système alimenté par le conflit. Une logique institutionnelle qui maintiendrait les parents séparés dans un fonctionnement basé sur une distinction sexuelle des rôles en laissant des mères dépendantes des pensions comme sources de revenus, car seules avec leurs enfants, et des pères qui se disent spoliés, évincés de leur rôle de parent :

« Aujourd'hui, la pension alimentaire est une prestation sociale, payée par les pères aux mères, voilà comment fonctionne le système français. Donc il y a toutes les allocations et celle là elle se rajoute, et puis celle là, ça ne coûte pas cher de la demander, et on peut la faire réévaluer régulièrement. Par contre, quand vous baissez, le temps de ressaisir un juge, pour pouvoir vous en sortir, enfin moi ce n'est pas mon cas. Moi je l'ai payé en résidence alternée parce que j'estimais un, je voulais un accord, et je me suis dit si c'est ça le problème, ce n'est pas méchant. » (Martin)

Un effet pervers qui par ailleurs conduirait à alimenter le maintien de représentations stéréotypées sur les rapports hommes femmes, ce qu'illustrent les propos de Pierre :

« Il faudrait que je lui donne la moitié de mon salaire pour la satisfaire ; voyez, on revient toujours sur ce point matériel. Parce que, grosso modo, le pourcentage des mères en général se base sur le pécule. Qui est la source, c'est l'enfant. Donc, tant qu'on a cette source pécuniaire, tout va bien ; et si on change les données, et bien, la source, elle est tarie. Parce que moi, vous savez, ça ne m'arrange pas d'avoir une pension à payer, je préfère l'avoir en alternance. » (Pierre)

La question de l'argent est un problème récurrent et central dans l'évocation de leur problème de positionnement de parent. Est contesté notamment le fait que l'association mode de garde et paiement de pension alimentaire, contredit d'une certaine façon la fonction éducative, et ne permet pas finalement aux pères d'assurer leur responsabilité parentale, en ne prenant pas en considération par exemple les charges du père quand il accueille ses enfants :

« Je pense que c'est normal, qu'un parent paie quand l'autre a la garde, s'il a des frais pourquoi pas mais on ne prend pas en charge le fait que l'autre qui est non gardien a autant de frais parce qu'il est obligé d'avoir l'hébergement, l'ameublement, la literie, le linge, et tout quasiment en double, donc là-dessus zéro.. Il faut distinguer les pensions du mode de garde, car dès que vous n'avez pas la garde vous êtes obligés de payer une pension, ce n'est pas normal. Et moi je serais pour le paiement des prestations en nature, que j'ai fait un tout petit peu, déjà, c'est plus valorisant, vous payez les choses directement. » (Martin)

Ainsi sans s'opposer frontalement au principe du paiement d'une pension alimentaire, qui dans une représentation traditionnelle n'écarte pas le père de sa place de pourvoyeur et donc protecteur du foyer, ces pères estiment néanmoins le fonctionnement injuste dans la mesure où il ne leur permet pas de participer directement aux frais d'entretien des enfants, en les condamnant à verser une somme d'argent à leur ex conjointe14(*). Une pension qui, estiment ils, ne leur permet pas de voir leurs enfants, les éduquer, mais au contraire les écartent de leur rôle de parent sachant que cette source de revenus contribue au maintien de l'enfant seul avec sa mère, et est motivée par celui ci. Ils dévoilent ainsi les risques d'un fonctionnement qui d'une part alimente le conflit dans le couple parental en permettant une transaction directe d'une pension entre deux conjoints qui se séparent et se déchirent. D'autre part, ce système contribue à faire obstacle à la volonté des pères séparés à tenir un rôle éducatif plutôt qu'un rôle de père symbolique, sans correspondance avec les aspirations émancipatrices de la sphère privée :

« Les mères critiquent les pères sur l'éducation qu'ils donnent, et elles estiment que le père n'est là que pour le tiroir caisse. Ils sont là aussi pour donner l'amour à l'enfant, ils sont là pour les aider à avoir un modèle masculin, dans sa vie d'adulte, et deuxièmement aussi, les mères en fait, profitent plus de l'argent que l'enfant. » (Julien)

« Le père joue son rôle d'éducateur, le père est maintenant beaucoup plus disponible, n'a pas qu'un rôle de père. Ce n'est pas seulement celui qui va ramener de l'argent à la maison, on est complémentaire, parce que avant le rôle du père était surtout financier, social ce qui fait qu'il pouvait ne pas être là et la mère elle avait son rôle, c'est la femme qui faisait tout à la maison, qui élève les enfants. Je dis souvent aux femmes, quand il y a un mec macho, c'est la mère qui l'a rendu macho, ce n'est pas le père car l'éducation est faite par la mère. Même mon père qui était quelqu'un de très dur, qui était autoritaire, en réalité c'est ma mère qui menait la maison qui s'occupait de tout, qui dirigeait. » (Valentin)

Comme en illustration à l'analyse sociologique d'Ulrich Beck ou Thierry Blöss, référée en première partie, il se dégage à travers ces discours l'idée d'une inadéquation entre une fonction paternelle plus relationnelle portée par l'émancipation de la famille, et la résistance institutionnelle qui maintient voire renforce un schéma de division sexuelle des rôles, producteur d'inégalités. Ainsi que l'exprime Léon quand il met en exergue cette contradiction douloureuse :

« L'idée que mes enfants n'allaient plus être avec moi, c'était un déchirement, en poussant le bouchon, je dirais j'aurai estimé avoir droit à une indemnisation si je ne pouvais plus voir mes enfants ; c'était le contraire, ça ne m'avait pas traversé l'esprit, je le dis là, parce que je suis plus calme. Mais d'une part on vous enlève ce qui est pour moi, c'est toujours le plus important dans ma vie, et en plus on vous dit, tu vas payer pour qu'on te l'enlève, c'est d'une violence inouïe, , en plus on vous le renvoie en disant tu ne veux pas payer pour tes enfants, tu les aimes pas, et là le monde s'écroule, oui, c'est ça, on vous renvoie que vous n'assumez pas. Et cela permet même à certains de se décharger, on leur permet cela en disant, je paie, je n'ai pas besoin de m'investir davantage, je suis tranquille. D'ailleurs, le droit de visite et d'hébergement c'est un droit, ce n'est pas un devoir ; c'est effrayant ça, moi je trouve qu'on devrait dire monsieur vous êtes obligés de prendre l'enfant tous les quinze jours ; jamais un père n'est poursuivi parce qu'il ne prend pas ses enfants le week end. » (Léon)

Au-delà du conflit conjugal cristallisé autour de la question des enfants, les pères séparés dans ces associations parlent de leur sentiment d'une véritable trahison de la part des institutions. Effondrés le plus souvent par l'évènement de la séparation, ils misent sur le soutien de la justice, et s'adressent aux associations d'aide pour la condition des pères, avec l'espoir et l'assurance parfois de trouver une issue à leur situation.

* 14 Le règlement direct des frais pour les enfants, même s'il est prévu, ne peut en effet s'envisager qu'en l'absence de conflit.

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"La première panacée d'une nation mal gouvernée est l'inflation monétaire, la seconde, c'est la guerre. Tous deux apportent une prospérité temporaire, tous deux apportent une ruine permanente. Mais tous deux sont le refuge des opportunistes politiques et économiques"   Hemingway