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L'émancipation familiale face aux institutions: des pères séparés dans l'impasse

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par Catherine Azémar
Conservatoire des arts et métiers Paris - Master de recherche: sciences du travail et de la société 2009
  

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7.2.2. Le sentiment d'être trahi par les institutions.

Les griefs émis à l'encontre de leurs ex conjointes représentent alors surtout autant de plaintes adressées aux institutions, qui représentent la société :

« Le souci de la conception de parent, chacun a sa part différente mais aujourd'hui la société peut qu'on soit sur le même pied d'égalité. Alors qu'on donne l'investissement à un père dans la société, et à la mère dans la société, et là tout le monde sera content. » (Pierre)

Aussi le fonctionnement des administrations que sont la justice mais également l'école, est décrit comme un soutien aux mères dans l'exclusion que les pères subissent, les conduisant à dénoncer une injustice, ainsi que le souligne un adhérent quand il dit : « Quand ils font la démarche, c'est qu'il y a eu un grave problème en amont, ça peut être un enlèvement d'enfant international, mais aussi national..Les problèmes de non présentation d'enfants, ils portent plainte mais elles sont classées sans suite. L'éloignement géographique, c'est une des martingales, si je puis dire pour une mère qui veut mettre de la distance entre le père de ses enfants et ses enfants. C'est très simple, il suffit de les déscolariser, ça se passe sans aucun problème, c'est malheureux, mais c'est la vérité, les responsables d'établissements scolaires ne demandent pas l'autorisation expresse, ne s'enquièrent pas du jugement à partir du moment où la mère a décidé d'enlever les enfants et de les amener ailleurs, ils ne demandent pas l'autorisation du père. A partir du moment où le père a l'autorité parentale, il n'y a aucune raison d'enlever les enfants ». Le rapport à l'institution scolaire est en effet fréquemment évoqué, et vécu tout comme l'institution judiciaire comme non soutenant, dans une position de parti pris, en faveur de la mère. Aussi quand ils s'investissent pour obtenir de meilleurs droits auprès de leurs enfants, ils soulignent l'importance à tenter de maintenir un lien avec l'école, et quand ils ne le font pas, l'association les incitent à participer à la vie scolaire de leurs enfants, à consacrer du temps auprès d'eux de façon à s'investir dans leur rôle de parent. Comme pour Martin, qui malgré l'éloignement géographique ou en raison de cela, s'investi auprès de son enfant grâce au lien qu'il entretient avec l'école :

«  Je suis accompagnateur. Sa mère est à côté, moi je suis à 500 km, j'arrive. J'ai fais les sorties classe nature. Je le fais déjà c'est pour être avec ma fille, et puis après je fais un petit reportage photo, je l'envoie, j'ai les remerciements de tout le monde, les gamins ils sont contents. »(Martin)

Il se dégage de leurs discours qu'au-delà de la séparation conjugale, ils ont l'impression d'être lâché par la justice, par les institutions. Ils éprouvent le fait d'être exclu, et s'ils espèrent rétablir leur situation quand ils s'adressent aux associations, la tâche des animateurs est de les réveiller à la réalité : «  C'est une forme d'exclusion aussi, en plus d'être exclu par la mère, c'est un peu la double peine..  Donc c'est vrai qu'on a des gens qui n'ont peut être pas fait le deuil de leur relation et qui poussent la porte, et qui se disent tiens encore un espoir, quelque chose qui leur permettent d'espérer. Quand ils poussent la porte, ils veulent espérer même si c'est quelque chose qui n'est pas réaliste. Et nous, le but dans les permanences c'est de les faire redescendre sur terre, et de leur expliquer ce qui va se passer. »

«  On rentre dans un domaine totalement ubuesque, c'est-à-dire quand on est dedans, on réagit, et puis ça se retourne contre nous ; on ne comprend pas, on arrive avec la bonne foi, on essaie de s'expliquer, moi je suis rentré dans la procédure en me disant, il y aura peut être un décalage en faveur de la mère, ce n'est pas grave, mais je ne m'attendais pas à me faire laminer comme ça. Et il n'y a pas de moyen de lutter. » (Léon)

Persuadés d'être de bons pères, ils semblent en effet surpris par les décisions de justice, et ont le sentiment d'être trahis par l'institution, la justice en qui ils avaient confiance. Au-delà de la décision rendue, ils se présentent anéantis surtout par la façon dont ils sont traités, qui les désigne comme des parents accessoires et coupables. Au sujet des pères qui arrivent, me confie un président d'association, le plus souvent, soit ils pensent que l'avocat était mauvais, soit qu'effectivement ils sont de mauvais pères, d'où le fait qu'ils aient des difficultés à prendre la parole la première fois. Les pères arrivent ainsi dans un certain état d `esprit selon lequel : « pendant plusieurs années, ils ont été les meilleurs pères du monde, et brusquement, ils deviennent des parias, complètement détruits, inutiles » :

« Ma demande au départ, mon souci, c'est que quand je suis passé devant le juge, j'avais demandé la résidence alternée de base. Eventuellement après, un week end sur deux, un mercredi sur deux. J'ai vu la juge, alors, tout de suite, moi zéro. - Vous voulez quoi ?, la résidence alternée ? Ce n'est même pas la peine d'en parler, vous n'êtes pas capables de trouver un compromis entre vous deux, vous êtes toujours en conflit, et puis l'enfant est trop petit, deux ans et demi, c'est trop jeune, il ne pourra pas s'adapter. - Alors moi, j'étais un peu dans le coltard.- Donc, qu'est ce que voulez ? Et bien un week end sur deux, et un mercredi sur deux.- Ok, et puis terminé. » (Pierre)

Il peut s'agir pour certains, d'un concours de circonstances, dont une décision autoritaire d'un juge, qui les met face à une impasse, pour pouvoir occuper leur place de parent :

« Quand elle a commencé à remettre en cause la garde alternée j'ai pensé à l'association, mais je ne pensais pas être dans une situation catastrophique qui nécessite d'aller les voir, donc je n'y suis pas allé au départ, et puis surtout je pensais être de bonne foi, j'avais un contact très étroit avec mes enfants, et ça été - Je demande qu'on retire l'autorité parentale à monsieur- J'ai pris ça comme un coup de massue, et je suis allé voir l'association. J'ai expliqué le problème, et en fait c'est parce que je refusais de signer les documents nécessaires au renouvellement des passeports américains de mes enfants. » (Léon)

Amoindris par leur situation, ils se décrivent alors comme des pères maltraités par un système judiciaire que la mère de leurs enfants aurait déclenché :

« Donc cela fonctionnait (la résidence alternée), puis retour à la case départ. Alors là ça été terrible parce que j'ai vu tout ça partir en vrille, mais j'ai été prévenu parce que je suis venu ici, et là je savais ce qui allait m'arriver.

-Qu'est ce qui a été le plus dur à ce moment là pour vous ?

D'accepter, de savoir, que j'allais passer devant un mauvais juge qui allait rien me donner, devant qui j'allais perdre, parce que les avocats ici me l'avaient dit

- perdre, c'est-à-dire ?

Perdre la garde alternée. D'abord ne plus voir mon enfant, c'est terrible, deuxièmement juridiquement d'être battu, sur un terrain juridique alors que j'avais un excellent dossier. C'est inacceptable, de savoir que le magistrat allait me passer à la moulinette, je suis discriminé, et on me répond vous osez, réclamer, c'est ça le discours. » (Martin)

C'était un jugement, et on m'a traité de tous les noms, on m'a traité de gigolo, que ma femme gagnait plus que moi. Alors ce qui fait que je suis passé pour un gigolo. Ma femme, Elle s'est permis de m'insulter comme ça, c'est malhonnête devant le juge. la personne qui demande entre en premier, madame est restée vingt minutes, alors que moi, on ne m'a gardé que deux minutes avec le juge, j'étais pris.. (Valentin)

Les animateurs disent rencontrer des personnes « dans un état de nerfs assez avancé, de souffrance parce qu'ils sentent que la justice de leur pays n'est pas comme ils l'avaient idéalisée, et c'est l'étonnement total. »

« Dans toute cette histoire, le truc que je supporte très mal, ce que je ne suis pas près de pardonner, c'est l'incompétence des autorités. Où vous vous retrouvez avec des assistantes sociales de façon injustifiée, et quand vous demandez de l'aide et on n'en tient pas compte. Vous les alertez, on s'en fout, on vous balance, alors là, vous vous retrouvez avec des enquêtes sociales aux fesses. » (Patrick)

Une justice qu'ils estiment injuste à leur égard :

« Mon ex femme a refusé encore une fois d'envoyer les enfants pour cet été, c'est pour ça que je vais déclencher une autre procédure. Ce qui est extraordinaire c'est qu'elle refuse en se mettant en violation des décisions de manière flagrante, et jusqu'à présent ce qui a été fait, à chaque fois qu'elle était en opposition, et bien on a pris la décision de justice qui régularisait ce qu'elle avait fait, L'argumentation c'est que je refuse la signature des papiers américains ce qui a été traduit ensuite en cour d'appel par monsieur est incapable de prendre des décisions pour l'éducation de ses enfants. Donc pour les juges quand on prend une décision contraire à la maman, c'est qu'on n'est pas capable de prendre la décision. » (Léon)

Ils peuvent exprimer aussi le fait d'être dévalorisés au regard de la société, désignés en pères suspects, stigmatisés, un sentiment d'autant plus ressenti par les pères ayant des droits de visite dans des points rencontre :

« Et avec ce qui se passe à la télé, si en plus on parle de violence conjugale, vous avez une étiquette, si en plus, on parle d'attouchements, vous avez une étiquette, donc je passe mon temps à avoir des étiquettes et les enlever. Le problème avec la justice c'est que si on se met à mal avec un juge, on est mort. Donc on fait des grands sourires, on avance et on essaie de contre attaquer..Il faut être zen, car on ne vous regarde pas comme il faut, à l'école, on ne vous regarde pas dans les yeux, c'est immonde. Alors il y a deux solutions, soit on fuit, soit on reste sur ses pattes et on essaie d'être droit, c'est ce que j'essaie de faire. Mais ce n'est pas toujours évident. » (Etienne)

« En fait vis-à-vis de la justice je n'ai pas les arguments forts, mis à part le conseil du point rencontre où les relations se passent très bien avec les enfants, mais derrière, il n'y a rien et il y a que des accusations qui sont lancées sans arrêt, donc, à mettre le doute sur les relations du père avec les enfants. » (François)

Aussi, avec la sensation d'être méprisé par le système, de se trouver déstabilisé et en insécurité, ils se sentent trahis par l'institution, et à l'extrême disent éprouver une véritable rancoeur à l'égard de l'Etat :

« J'ai fulminé pendant des mois, en me disant je faisais parti des abrutis qui étaient capable de dire et qui l'ont dit, j'ai confiance en la justice de mon pays.. L'avocate elle est dans son rôle d'avocate à la limite, c'est la partie adverse, on peut comprendre. Mais la juge, je n'ose même pas dire de la République, on n'imagine pas ça, quand on est naïf comme moi en tout les cas. C'est effrayant, en plus je ne supporte pas quelqu'un qui abuse de sa force, ceux qui sont forts ont le devoir de protéger les faibles. Je pensais innocemment que ce qu'on appelait les valeurs de la République, c'était ça aussi, et là clairement dans la justice ça n'y est pas.. C'est terrible ce que je vais dire, mais on n'est pas en sécurité en fait... Et puis toutes les mains courantes que j'ai faites n'ont jamais servi à rien. Il y a un moment où on démissionne. » (Léon)

Les pères attendent un soutien de l'institution, qu'ils n'obtiennent pas, et sont effondrés de cela. Ce sont autant de situations qui viennent interroger la place du père dans la société dans le sens où le père qui fût un temps, devait symboliser la loi, se trouve trahi par l'institution judiciaire qui représente la loi :

« Et puis j'ai fais en partie, en tout cas j'ai commencé à faire mon deuil de la République. Parce que moi, vous savez, j'ai en 1986 travaillé aux Etats unis, ça s'est super bien passé, j'ai un esprit qui s'adaptait bien aux entreprises américaines, et on m'a fait des offres qui étaient très intéressantes, et je n'ai pas voulu. Et vous savez pourquoi, parce que je voulais offrir mes talents à la France, parce que je voulais travailler pour la France, alors je peux vous dire que ce que m'a fait la justice, ça c'est une blessure qui ne se refermera pas. » (Léon)

Leur espoir déçu, leur colère revendicative, se transforment ainsi en amertume et en lassitude, et le travail des associations va alors se situer à ce niveau, à partir duquel selon leur expression, il va falloir « redescendre sur terre », se ressaisir ou « reprendre la main », en préparant un dossier positif : « Déjà en fait ils ne comprennent pas pourquoi ils ne peuvent pas voir leurs enfants. Donc à partir du moment où on va leur expliquer pourquoi la justice leur met des bâtons dans les roues pour pouvoir voir correctement leurs enfants, là ils vont comprendre, malheureusement quand je dis qu'ils vont redescendre sur terre, c'est ça, c'est-à-dire qu'effectivement c'est là qu'ils vont comprendre que ça va être beaucoup plus difficile que ce qu'ils avaient en tête. Et donc il y a un gros travail de remise en question, il faut replonger dans ses souvenirs, essayer de voir où est ce qu'on a été un bon père ; il faut démontrer qu'ils ont été un bon père, ça ils ont du mal à le comprendre, alors qu'une mère n'a pas à démontrer qu'elle est une bonne mère, donc il y a une espèce de discrimination sur le sexe, qui est inacceptable. »

« J'étais très correctement indemnisé par le chômage, et je voulais trouver un travail bien, et je vois l'avocate cet après midi, elle me dit vous êtes au chômage, il faut travailler pour prouver que vous êtes bien.. » (Léon)

Ainsi ces pères se trouvent dans la situation paradoxale à devoir prouver qu'ils sont de bons pères en démontrant leur capacité à tenir leur rôle de pourvoyeurs de revenus, ou tout au moins d'hommes s'accomplissant professionnellement.

Parallèlement à une posture de résignation, alors qu'ils disent démissionner après avoir lutté dans l'espoir d'une reconnaissance de leur place de parent à part entière, les pères interrogés et observés au cours des permanences, s'inscrivent en se projetant dans l'avenir pour leurs enfants. Confrontés ainsi à la réalité, pour justement éviter la démission, qui peut aller jusqu'à une rupture totale des liens parent/enfant pour les pères qui ne parviennent plus à voir leurs enfants, ils vont grâce à l'aide proposée et aux échanges qui s'opèrent dans les associations, apprendre à se repositionner à leur place de parent par l'apprentissage à la restauration d'un dialogue avec leurs enfants et avec la mère de leurs enfants.

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"Aux âmes bien nées, la valeur n'attend point le nombre des années"   Corneille