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L'émancipation familiale face aux institutions: des pères séparés dans l'impasse

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par Catherine Azémar
Conservatoire des arts et métiers Paris - Master de recherche: sciences du travail et de la société 2009
  

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CONCLUSION GENERALE

Cette étude circonscrite aux associations de pères militant pour l'égalité parentale, sans représenter la situation générale des pères, soulève le problème dans un contexte d'éclatement de la cellule familiale, d'une revendication de la place paternelle. Il s'avère que le conflit conjugal est au premier plan quand il s'agit du mode de garde des enfants dans les séparations des couples. En effet, quand ils se présentent aux permanences des associations, les pères sont en demande d'aide dans les cas suivants : ils sont passés devant le juge et ne comprennent pas pourquoi ils sont relégués à une place secondaire, la séparation conjugale s'étant passée à l'origine dans le conflit. Ou bien après une période de séparation organisée à l'amiable, et après avoir bénéficié d'une période de résidence alternée, cette situation est remise en question par la mère. Elle peut en effet avoir décidé d'un déménagement, en général consécutif à une nouvelle vie de couple. Elle peut souhaiter aussi reprendre une place maternelle auprès des enfants, car davantage disponible dans sa vie professionnelle par exemple, ou par culpabilité, influencée en cela parfois par son entourage familial ou amical. D'autres pères se présentent victimes, quand ce n'est pas d'éloignement géographique, de non présentation d'enfants, voire même d'accusations mensongères. Dans la majorité des cas quoiqu'il en soit, le conflit conjugal est bien le moteur qui alimente le conflit parental. Le problème à observer par ailleurs, comme le souligne le sociologue Claude Martin, ne serait pas tant celui des effets du divorce ou des séparations, mais celui posé par la question du traitement du conflit. (Martin, 1997)

Les couples de parents séparés, face au traitement juridique de la question de résidence des enfants, sont ainsi confrontés à une surenchère des conflits par avocats interposés, d'autant plus quand les pères revendiquent leur place auprès des enfants. Aussi il en résulte que dans ces situations conflictuelles, les enfants restent majoritairement confiés à la mère par les juges, en raison même de ce conflit. En effet dans ce cas, le doute étant posé, c'est la place maternelle qui est privilégiée, car estimée plus sûre, la représentation demeurant celle d'une place paternelle incertaine. On se retrouve donc face à ce paradoxe qui est que plus les pères sont en revendication d'une place auprès des enfants au même titre que les mères, moins ils obtiennent la garde en cas de séparation, la position de revendication laissant supposer un conflit de départ. En effet, les couples parvenant à gérer ces situations, soit organisent une garde alternée à l'amiable qui fonctionne tant que la mère l'accepte, et les juges dans ce cas entérinent ces situations. Soit ils se trouvent dans la configuration classique d'une résidence principale chez la mère avec un droit de visite classique pour le père, accepté par celui-ci. Le lien avec le père étant dans ce cas malgré tout maintenu, dans la mesure où il se satisfait d'un droit de visite, et dans la mesure aussi où le conflit conjugal apaisé permet la qualité de ce lien. D'où la difficulté pour ces pères en revendication d'une place à se situer, et se faire entendre dans ce contexte de tensions, alors que la société moderne demande justement aux pères de s'impliquer, d'être présent. Face à ces obstacles, les pères accueillis dans ces associations, s'orientent autour d'un travail d'apprentissage à la négociation afin d'apaiser au maximum le conflit, auprès des juges, et auprès de leur ex femme. Le but étant finalement de parvenir à voir leurs enfants, et éviter le risque le plus redouté, celui de l'éloignement de la mère avec les enfants, qui contribue avec le temps à rompre progressivement le lien du père avec les enfants.

La motivation des mères dans ces cas d'éloignement, aux dires des pères, pourrait relever parfois d'une volonté à mettre fin à la relation conjugale, faire « table rase du passé », au risque de priver ses enfants de leur père, pour éventuellement le remplacer par un beau père. Les pères quant à eux, semblent installés dans une stupeur indécise. Ce comportement de la part des femmes pourrait alors témoigner en quelque sorte de la difficulté pour ces dernières à se séparer de leurs enfants pour les laisser à un homme qu'elles n'aiment plus. Et si au nom de l'émancipation des femmes, il avait été question d'échapper à l'emprise des maris tout en gardant les enfants auprès d'elles, les hommes de leur côté, parviendraient difficilement à assumer leur rôle de père seuls, sans autorisation. Ainsi des pères rencontrés dans les associations relatent qu'ils ne peuvent accueillir leurs enfants un week end, ou une journée, par exemple, au motif d'un désaccord de la mère, ou quand le juge n'a pas encore statué sur la question. Face à ce déséquilibre, les conseils techniques donnés par les associations sont alors de l'ordre de l'information sur leurs droits, et d'une stratégie de défense afin de perdre le moins possible, au niveau des enfants. Se dévoilant maltraités psychologiquement, ils sont dans une posture d'apprentissage, d'aide à la négociation, pour trouver une place de parent à part entière. Leur combat porte sur le manque de soutien de la part des institutions, de reconnaissance, dans leur statut de parent.

Tous les sociologues s'accordent à dire que le grand bouleversement du XIXè siècle, aura été la libération des femmes, le changement révolutionnaire de la condition féminine. « les femmes étaient esclaves de la procréation, elles se sont affranchies de cette servitude immémoriale » ( Lipovetsky, 1997). A leur tour mais dans une démarche inverse, les hommes ont à s'affranchir de leur statut de procréateur tout puissant, par la paternité ; Dans la même logique que celle utilisée par Jack Goody pour expliquer l'évolution de la famille,( Goody, 2001) il n'y aurait pas une transformation linéaire d'un père autoritaire à un père relationnel (aimant, paternant), mais le modèle du père tout puissant fait place aux pères multiples. Dans le modèle du père autoritaire qui préexistait, des pères relationnels et affectifs, prodiguant des soins aux bébés, pouvaient exister. L'époque industrielle a aussi érigé la norme d'une division sexuelle des rôles, et pourtant le féminisme faisait son chemin. Le problème posé par la société de la nouvelle modernité, c'est non pas l'absence mais la multiplicité des modèles. Les pères ont ainsi la tâche à se chercher un rôle qui leur est propre, sans référence normative, à s'émanciper. Ainsi, contrairement aux femmes qui ont eu à s'émanciper de leur statut de mères et d'épouses, pour exister en tant que femmes libres et indépendantes sur la scène publique, l'enjeu pour le sexe opposé serait de s'émanciper en tant que pères, de leur statut d'hommes éloignés de la sphère privé, perçus comme seuls pourvoyeurs de fonds.

Si l'émancipation des pères peut être perçue alors comme une impasse au regard des pratiques individuelles et institutionnelles, marquées par la permanence des représentations traditionnelles des places parentales situant le père comme secondaire, il n'en demeure pas moins que la démarche de pères en situation de conflit conjugal, dans les associations, révèle, au-delà d'une revendication d'égalité, une dynamique d'apprentissage à un nouveau positionnement parental et à de nouvelles représentations, par l'expérience, la connaissance, et autour d'une quête de reconnaissance.

Ainsi dans cette optique, l'observation faite du nombre sensiblement en augmentation de séparations de couples avec des nourrissons, dès l'arrivée d'un enfant, voire avant la naissance, apparait me semble t il une entrée pour la poursuite de l'analyse. L'intérêt à poursuivre cette étude, au regard de l'évolution des rapports sociaux de sexes, serait d'analyser les nouveaux comportements qui s'opèrent à partir de ces situations de jeunes pères séparés. Eloignés de la mère et du bébé, il semblerait selon les témoignages relevés dans les associations, que des pères revendiquent leur place auprès du nourrisson. J'envisagerais donc dans cette optique pour approfondir la recherche de m'intéresser cette fois non pas aux pères des associations militant pour l'égalité parentale, mais élargir le terrain et circonscrire l'étude au public de pères séparés au moment de la naissance d'un premier enfant. Il s'agirait d'observer les nouveaux enjeux d'une évolution qui aurait enterrée l'époque des « filles mères » pour faire place aux pères, seuls, absents ou présents auprès de leur nouveau- né.

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