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L'émancipation familiale face aux institutions: des pères séparés dans l'impasse

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par Catherine Azémar
Conservatoire des arts et métiers Paris - Master de recherche: sciences du travail et de la société 2009
  

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1.4. Suspicion du père et contractualisation du couple autour de l'intérêt de l'enfant

Une amorce de la déchéance paternelle pendant la période révolutionnaire, tout en se prolongeant par le maintien de la suprématie du père dans l'ordre matrimonial, va se poursuivre sous la période de l'industrialisation. Avec les transformations sociales, va s'opérer un véritable déclin du pouvoir patriarcal, et on assiste alors à un dédoublement de la figure paternelle. A côté du père bourgeois toujours insoupçonnable, on découvre, principalement chez les ouvriers, l'existence de mauvais pères dont le comportement abusif en matière de travail des enfants, notamment, de refus de scolarité obligatoire ou de mauvais traitements graves, rend nécessaire une mesure de déchéance (loi de 1889). Puis en 1935, le droit de correction, celui de faire enfermer ses enfants, tombe en désuétude. Le père, écarté par l'Etat qui introduit du droit en condamnant les abus, devient alors également suspect. Dès lors, les conduites critiquables les plus diverses seront sanctionnées à la faveur d'une intervention croissante de l'Etat par l'intermédiaire des tribunaux et des travailleurs sociaux ; Avec le développement de la pédiatrie, de la pédopsychiatrie, se met en place une certaine forme de contrôle fonctionnel de cette puissance paternelle, par l'approche nouvelle d'attention aux enfants.

Dans ce mouvement démocratique, durant la première moitié du XXème siècle, l'effort législatif se tourne vers une reconnaissance progressive des droits de la femme et de l'enfant, toujours au détriment des privilèges du père, dans une logique égalitaire. Avec la fin de la puissance maritale, en venant restreindre le droit des pères, la notion d'égalité des époux fait son apparition dans le droit vers 1938, qui marque la suppression d'incapacité civile des femmes. Mais en 1942, pour maintenir la hiérarchie dans la famille et en l'absence de nombreux pères de famille partis à la guerre, la loi donne au père et mari, le titre de chef de famille, même si dans la pratique ce sont les femmes qui assurent cette fonction en subvenant aux besoins matériels durant cette période. On peut dire alors que le père est déjà situé dans une représentation paradoxale de place symbolisant toujours l'ordre familial, mais dont les prérogatives asservissantes pour la femme et l'enfant, sont remises en question, au nom d'un courant égalitaire en plein essor dans une volonté de démocratisation politique et sociale.

Ainsi le mouvement démocratique, concomitant avec l'industrialisation et l'entrée dans le monde du travail des femmes, s'est traduit par l'instauration du divorce par consentement mutuel, en 1975, une augmentation des divorces s `étant poursuivie dès 1965. Des dispositifs législatifs vont s'en suivre, tels que, l'égalité des époux dans les régimes matrimoniaux, instaurée par la loi du 23 décembre1985, puis l'exercice conjoint de l'autorité parentale après le divorce, en 1987. Enfin, l'esprit de la loi du 26 mai 2004, dans le prolongement de la réforme de l'autorité parentale, tente à réhabiliter les époux en tant qu'acteurs de leur séparation, par une volonté de simplification et de pacification des procédures. L'impératif de la responsabilité conjointe des parents dans l'éducation de leurs enfants s'affirme ainsi progressivement, la question du divorce pouvant apparaitre alors comme moteur à cette innovation. On peut ainsi subodorer que la conquête d'indépendance, dans le mariage, conduisaient hommes et femmes à s'émanciper de leur père. Plus récemment, la loi du 15 novembre 1999 instaurant le Pacte civil de solidarité, offre à deux partenaires, même de sexe identique, la possibilité d'établir un contrat de vie commune. Inscrite dans le code civil, cette formule contractuelle apparaît comme une alternative au mariage. Initialement instaurée en réponse à une revendication de la communauté homosexuelle, elle est en effet en grande majorité utilisée par les couples hétérosexuels.

Ainsi le mariage n'est plus le cadre de référence nécessaire à la construction d'une famille, et le principe d'indissociabilité matrimoniale a laissé place à une conception plus contractuelle du couple, qui vient bousculer celle de la filiation. I.Théry appelle ce phénomène, le démariage : « La fragilisation sans précédent de la paternité, dans tous les cas où les parents ne sont pas ou plus mariés, se prolonge par une incertitude plus générale sur les fondements de la filiation.. C'est la signification attachée à la composante généalogique qui s'est obscurcie, dès lors que le mariage a cessé d'être le socle commun de référence sur lequel s'élevait l'édifice symbolique de la filiation » (Théry, 1993).

C'est ainsi qu'à partir de 1964, tout le droit de la famille a été reformé. On assiste à une désinstitutionalisation de la famille autour de la puissance paternelle et une modification sociale des comportements. Le mouvement s'est poursuivi dans le sens toujours d'une plus grande égalité entre le père et la mère, et ce, plus particulièrement à partir des années 1970.

La loi du 04 juin 1970 marque en effet une étape essentielle, en remplaçant la puissance paternelle par l'autorité parentale. Ainsi le terme autorité fait place à celui de puissance, et n'est plus l'apanage du père. Le code civil stipule que : « L'autorité appartient au père et à la mère pour protéger l'enfant dans sa santé, sa sécurité et sa moralité. Ils ont à son égard droit de garde, de surveillance et d'éducation » (art. 371-2 Code civil). Cette autorité au lieu d'être paternelle est désormais parentale, c'est-à-dire exercée en commun par les deux parents. Il est à noter qu'après 1970, dans le cas particulier des familles naturelles, l'autorité parentale revient exclusivement à la mère. Le père peut reconnaître son enfant, mais il ne peut exercer l'autorité parentale, à moins d'en faire la demande expresse auprès du juge, et cela avec l'accord de la mère. Ce fait illustre non seulement la disparition du pouvoir des pères, mais son exclusion légale, et place les hommes, contrairement à la sphère publique, en position de retrait avec les femmes dans la sphère privée,. Cette perte progressive de puissance conduira à stigmatiser un père faible, absent, défaillant. Avec le droit des enfants, le droit des femmes est venu en quelque sorte affaiblir l'assurance du père.

A la suite de celle ci, une autre loi, celle du 03 janvier 1972 propose une refonte des règles de la filiation dans un souci de garantir, dans une certaine mesure, l'égalité de tous les enfants, légitimes et naturels, et en tenant compte le plus possible de la vérité biologique, quelque soit la nature de leur filiation (Revel, 1998). Elle constitue la base du droit de la filiation remaniée par les différents textes qui ont suivis, jusqu'à la dernière loi de 2006 qui supprimera les termes distinctifs de légitime et naturel. Par ailleurs, les progrès de la biologie ont rendu possible l'élargissement du champ de la recherche de la paternité. On observe d'une part une perspective d'égalité entre les hommes et les femmes à l'oeuvre, d'autre part une évolution tendant à renforcer le droit des enfants, à travers la notion d'exercice conjoint de l'autorité parentale, après divorce, et progressivement pour les parents d'enfants naturels (loi du 22 juillet 1987). C'est aussi dans cette volonté progressive à promouvoir l'intérêt de l'enfant, que la France signera la convention des droits de l'enfant le 06 janvier 1990. Puis l'égalité entre tous les enfants quelque soit la situation matrimoniale de leurs parents, sera inaugurée par la loi du 04 mars 2002 relative à l'autorité parentale. Elle s'attache à renforcer le principe de « coparentalité », selon lequel il est dans l'intérêt de l'enfant d'être élevé par ses deux parents, même lorsque ceux-ci sont séparés, prenant acte que la rupture du couple conjugal n'emporte pas celle du couple parental.

Ainsi, progressivement, les pouvoirs du père sont tombés en désuétude, avec la volonté d'instaurer une autre place au père. Ce phénomène est accentué par l'évolution sociale, sans pour autant venir réinterroger la place des hommes dans la société autour d'une remise en question de son organisation à « domination masculine » (Bourdieu, 1998). Simultanément, cependant, avec l'émancipation des familles, on assiste au déclin de l'institution du mariage qu'accompagne l'augmentation des divorces. La généralisation de la contraception, véritable révolution qui modifie en profondeur, au-delà des nouveaux rapports familiaux, la société elle-même, vient inaugurer un autre paysage des relations familiales. Elle signe ainsi après la fin du règne paternel, l'affaiblissement d'une conception matrimoniale de la famille.

L'évolution de la place paternelle et ses enjeux actuels se comprennent alors à la lumière de ce qu'a constitué le mouvement d'émancipation des femmes pour l'égalité des sexes. Aussi, pour mieux cerner cette question, nous allons voir comment ce concept même d'égalité a pris consistance avec la notion de liberté individuelle, dans un élan égalitaire inéluctable, mais à la fois générateur d'une organisation hiérarchique des sexes.

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"L'ignorant affirme, le savant doute, le sage réfléchit"   Aristote