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Les Comités de Défense de la Révolution(CDR) dans la politique du Conseil National de la Révolution(CNR)de 1983 à  1987: une approche historique à  partir de la ville de Ouagadougou

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par Kakiswendépoulmdé Marcel Marie Anselme LALSAGA
Université de Ouagadougou - Maîtrise 2007
  

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IV.4. La cohabitation difficile avec les institutions religieuses

Pour comprendre la nature des relations entre le CNR et les religions, il faut prendre en considération leurs enseignements. Leurs discours se démarquaient aisément l'un de l'autre.

La politique du CNR s'inspirait du marxisme. Or, le marxisme considère que la religion n'oeuvre pas en faveur de la concrétisation de ses projets sociaux, elle est plutôt une institution qui opère un travail de sape vis-à-vis du système marxiste parce

207 Discours de Thomas lors des premières assises des TPR.

77 qu'elle engourdit la société : « La base philosophique du marxisme [...] est le matérialisme dialectique, [...] matérialisme incontestablement athée, résolument hostile a toute religion. [...] a
· La religion est l'opium du peuple m. Cette sentence de MARX constitue la pierre angulaire de toute la conception marxiste en matière de religion
».208

Cette empreinte marxiste a manifestement répercuté sur les rapports entre le CNR et les institutions religieuses, rapports qui s'étaient inscrits dans une certaine conflictualité. En effet, dans le contexte de la RDP, les institutions religieuses n'avaient pas été vues comme des forces concourant à la quête de l'idéal politique poursuivi. La fidélité que les révolutionnaires proclamaient à l'endroit de leurs inspirateurs marxistes n'était donc pas de nature à garantir des relations saines entre eux et le monde religieux. De ce fait, on avait pu constater que sur le plan discursif ou pratique, des partisans du CNR avaient nourri une certaine hostilité à l'endroit des institutions religieuses qu'ils accusaient de prendre part à la réaction contre le régime.

La création des CDR était une stratégie du pouvoir révolutionnaire pour arriver à s'introduire dans toutes les organisations sociales et à faire de ces dernières des bases de soutien. Cette démarche ne trouva pas l'assentiment des institutions religieuses dont le mutisme remarqué constituait une sorte de résistance contre la visée dominatrice du CNR sur elles. Concernant cette question, Edouard OUEDRAOGO (Directeur du quotidien l'Observateur) laisse entendre ceci : « Un système révolutionnaire ne peut pas s'accommoder de bonnes graces avec tout ce qui est force organisée qu'il ne contrôle pas. Or cette révolution a éclaté dans un pays [Burkina Faso] oft il existait quand m-eme des forces organisées [religieux] qui n'ont pas été faciles a pénétrer ».209 Dès la veille même du 04 aout 1983, Babou Paulin BAMOUNI écrivait : « On ne peut pas parler d'évolution politique en Haute-Volta sans tenir compte des forces féodales et religieuses [...] qui jouent un rôle dans la vie politique voltaïque. [...] Les forces religieuses regroupent la communauté chrétienne et la communauté musulmane. Ces forces contribuent a l'orientation politique des différents régimes. Pour ce faire, la communauté chrétienne influence par ses messages les organisations syndicales et politiques. Le haut clergé, par le Cardinal Paul ZOUNGRANA interposé, prend chaque fois une position quant a l'orientation de la vie politique. Cette communauté contrôle la jeunesse voltaïque. Des organisations de jeunes ont été implantées partout : JAC (Jeunesse d'Action Catholique), JEC (Jeunesse Etudiante Catholique), JOC (Jeunesse Ouvrière Catholique), JTC (Jeunes Témoins du Christ), plus d'autres mouvements parareligieux : les Guides, les Eclaireurs, les Cceurs vaillants et Ames vaillantes, etc. Tous ces jeunes, hommes politiques potentiels, étant entre les mains du fatalisme et de la réaction rétrograde, il y aura pour longtemps

78 encore des esprits prêts a défendre le systeme qui nous exploite. Du coté de la communauté musulmane, la canalisation de la jeunesse est faite par le biais de l'école coranique oft l'obscurantisme enveloppe un esprit conservateur. En 1973, l'on comptait selon les statistiques 1 538 750 musulmans dans le pays. La communauté musulmane d'une facon générale agit avec l'occultisme, c'est-d-dire le maraboutage qui influence énormément les Voltaïques et plus particulièrement les petit-bourgeois qui luttent par tous les moyens pour conserver leurs postes ou leurs privileges politico-bureaucratiques ».210 Certes, on peut considérer ces affirmations comme personnelles, n'engageant pas forcément ou totalement tous les leaders révolutionnaires. Toujours est-il cependant, que ces procès des institutions religieuses ont influencé de nombreux révolutionnaires et justifié leur méfiance et leur agressivité vis-à-vis des responsables religieux. Soulignons qu'après le 04 aout 1983, Babou Paulin BAMOUNI a été promu à un poste politique important, celui de directeur de la presse écrite. Aussi était-il considéré comme un idéologue de la révolution à travers ses écrits dans l'hebdomadaire CARREFOUR AFRICAIN où il animait principalement la rubrique Idéologie.

Les tentatives du CNR pour mettre les institutions religieuses sous son contrôle exprimaient clairement sa crainte de voir ces dernières dont les théories sont à l'antipode du marxisme oeuvrer contre lui. Ces opérations allaient nourrir des relations orageuses que nous voulons exposer dans cette partie de notre réflexion.

Selon nos investigations, il n y a pas eu véritablement une politique concertée de l'instance suprême du CNR pour opprimer les institutions religieuses. Mais, comme le souligne Edouard OUEDRAOGO, à travers même la stratégie d'action des CDR, leurs déclarations, leurs veillées-débats, on savait que les forces religieuses étaient dans le collimateur du pouvoir révolutionnaire.211 D'après Achille TAPSOBA, audelà du discours, l'opposition entre la révolution et les religions n'était pas systématique, mais le message vulgarisé par celles-ci n'était pas toujours de nature à rassurer les révolutionnaires. Ceci étant, il y a eu des moments de tension entre certains religieux et les acteurs de la révolution, notamment les CDR.212

Nous allons limiter notre analyse sur les religions chrétiennes et la religion

musulmane.

210 Babou Paulin BAMOUNI, « L'évolution politique de la Haute Volta » in PEUPLES NOIRS, PEUPLES AFRICAINS N°34 - juillet - aout 1983, pp 53 - 74, dans les sites : http://mongobeti.arts.uwa.edu.au/ et http://www.thomassankara.net.

211 Ibidem.

212 Achille TAPSOBA : entretien du 27 juillet 2005 à l'Assemblée nationale.

IV.4.1. Le mutisme des confessions chretiennes

Nous allons aborder ce point en deux phases : la première partie concerne l'Eglise catholique et la seconde les communautés protestantes.

En ce qui concerne l'Eglise catholique, il faut noter d'entrée de jeu que l'avènement de la révolution a été une source de difficultés compte tenu des résonances marxistes que celle-ci avait. Et pour cause : « Le marxisme considere la religion et les eglises, les organisations religieuses de toute sorte existant actuellement, comme des organes de reaction bourgeoise servant a defendre l'exploitation et a intoxiquer [la societal ».213

En tout état de cause, la vision révolutionnaire sur l'Eglise catholique n'était pas sans tâche. Cette dernière étant assimilée à une force qui oeuvrait pour le dépérissement de la révolution. Pour Valère SOME, la dialectique pouvoir révolutionnaire - Eglise catholique tenait de la logique selon laquelle l'Eglise était une institution conservatrice : par conséquent sa vision sociopolitique ne pouvait pas aller de pair avec les idéaux de la révolution parce que proche de la droite.214

A l'avènement de la révolution le 04 août 1983, l'Eglise catholique, qui auparavant, faisait des déclarations à chaque changement de régime, brilla par son silence qui surprit plus d'un Voltaïque de l'époque. On ne connaissait donc pas la position ecclésiale face au nouveau régime révolutionnaire. En octobre 1983, suite à un entretien avec le président du CNR, son Eminence le Cardinal Paul ZOUNGRANA alors archevêque de l'Archidiocèse de Ouagadougou, soulignait une convergence des idées entre l'Eglise et le CNR dans la recherche de la justice sociale.215

Cette convergence déclarée par l'ecclésiastique devait-elle transcender les clivages idéologiques et garantir une base de confiance pour une coexistence pacifique entre les deux institutions ? Le premier responsable de l'Eglise catholique pouvait-il dire autre chose du moment que toute critique à l'endroit de la révolution était synonyme de réaction ?

213 LENINE, 1979, L'impérialisme, stade suprême du capitalisme, Moscou, Editions Sociales - Editions du Progrès, page 223

214 Valère SOME : entretien du 06 juin 2005 à l'INSS.

215 Myriam BRUNEL, 1996, Les relations entre l'Eglise catholique burkinabé et le pouvoir de 1960 à 1995, Mémoire de DEA, CEAN/ IEP, page 98.

Figure 11: Thomas SANKARA en conversation avec Son Eminence Le Cardinal Paul ZOUNGRANA. Source : Presidence du Faso/ Archives nationales.

De notre point de vue, certainement pas. Contrarier publiquement le CNR revenait à exposer l'institution ecclésiale comme une ennemie dangereuse de façon officielle : une telle situation n'aurait pas été avantageuse pour l'Eglise. A travers la démarche du prélat catholique, s'insinuait une certaine démission de la hiérarchie de l'Eglise, qui de toute manière préservait l'ensemble de son institution de toutes mesures de rétorsion de la part du régime révolutionnaire. A ce sujet, l'Abbé Patrice KABORE affirme : « L'Eglise catholique du Burkina Faso observe envers le pouvoir sous la révolution une attitude de méfiance que les uns qualifient de peur et les autres de prudence. Des milieux catholiques, tr.s peu étaient ceux qui osaient dénoncer le pouvoir en place ; peut-être était-ce par souci de ne pas envenimer un contexte déjà malsain qui ne profiterait pas a l'Eglise ».216

Ce qui est intéressant, c'est que malgré cette retraite que d'aucuns qualifient de forcée, le climat déjà malsain que souligne l'Abbé Patrice KABORE ne s'était pas apaisé. La prudence observée de l'Eglise n'avait pas détendu ses rapports déjà difficiles avec le régime dont les ultras ne s'étaient pas dispensés de développer une spirale de violence verbale et d'actions coercitives à son encontre. Cette démarche ne pouvait que dessiner parfaitement la volonté du pouvoir d'affaiblir l'Eglise. L'affaiblir afin qu'elle ne serve pas de creuset à une contestation organisée contre le régime, surtout lorsqu'on mesure l'influence que celle-ci pouvait exercer sur la population dont

216 Abbé Patrice KABORE, 1999, Révolution burkinabé d'Août et pratiques religieuses, impact et perspectives pastorales pour l'Archidiocèse de Ouagadougou, Mémoire de théologie, Grand Séminaire Saint Pierre Claver de Koumi, page 25.

la ferveur religieuse n'avait pas reculé d'un iota. En réalité, la peur présente au niveau de l'Eglise hantait également les esprits des dirigeants de la révolution.

Les méthodes et les comportements pour décourager ceux qui tenaient ferme dans la foi s'accentuaient et l'audience de l'Eglise auprès des populations faisait d'elle une organisation qu'il fallait désaxer.217 Dès mars 1984, à propos des grèves du SNEAHV, Ludo MARTENS écrit qu'au cours d'une réunion du CNR, Thomas SANKARA expliqua qu'elles constituaient des manoeuvres de déstabilisation orchestrées par le MLN de Joseph KI - ZERBO218 et par la hiérarchie de l'Eglise, cette dernière ayant reçu 250 000 dollars pour ameuter croyants et non croyants.219 L'interprétation de cette information montre très vite toute la difficulté qui allait régir le dialogue entre l'Eglise et les leaders de l'Etat révolutionnaire. Le pouvoir s'était appuyé alors sur les CDR pour mettre la pression sur l'Eglise.

Dans ce contexte, les émissions religieuses à la radio et à la télévision furent supprimées ; ce qui naturellement était une action pour contenir la voix de l'Eglise. Ensuite, le pouvoir tenta de créer des CDR dans les séminaires et d'y imposer une matière d'idéologie révolutionnaire et une formation militaire ; ce qui était inadmissible pour l'Eglise. Concernant cette formation militaire, les séminaristes du Petit Séminaire de Pabré et les soeurs du Noviciat des Soeurs de l'Immaculée Conception également basées à Pabré avaient été initiés au maniement de la kalachnikov. Ce qui est frappant, c'est surtout l'initiation des religieuses à l'art militaire, une première dans l'histoire du monde.

Nous avons pu approcher la responsable du noviciat, qui nous a confirmé la véracité des faits en faisant remarquer qu'elles n'avaient pas vraiment le choix et que psychologiquement elles avaient été agressées : « Pourquoi montrer a des religieuses comment Oter la vie ? C'est blamer notre charisme. Et d'ailleurs nous sommes des femmes, et la femme symbolise la vie, l'amour et la paix. Pourquoi lui donner une initiation pour tuer ? ». 220

Ajoutons toujours dans le cadre de cette pression contre l'Eglise que certaines propriétés des paroisses et de l'archidiocèse furent occupées par les CDR lors des opérations de lotissement ; par exemple l'Inter séminaire avait été transformé en un camp militaire. Aussi les CDR organisaient-ils des travaux d'intérêt commun et des

217 Abbé Patrice KABORE, 1999, Révolution burkinabé d'Août et pratiques religieuses, impact et perspectives pastorales pour l'Archidiocèse de Ouagadougou, Mémoire de théologie, Grand Séminaire Saint Pierre Claver de Koumi,, page 26.

218 Joseph KI ZERBO avait des relations étroites avec l'Eglise parce que non seulement son père était considéré comme le premier chrétien de la Haute Volta, mais aussi parce qu'il faisait partie de l'élite intellectuelle issue des séminaires catholiques.

219 Ludo MARTENS, 1989, SANKARA, COMPAORE et la Révolution, EPO International, page 113.

22F Propos de la soeur Emilia BOUDA, responsable des soeurs du noviciat : entretien à la paroisse de Gunghin le 10 août 2005.

82 meetings les dimanches aux heures des messes afin d'amoindrir la participation des gens à ces cérémonies.221 Il y eut également les contrôles de pièces d'identité après les messes et les répétitions de chorale.222

Malgré cette pression, la hiérarchie catholique s'abstint de toute prise de parole officielle. Cela n'empêcha pas certains prêtres de critiquer à titre personnel le comportement du pouvoir, mais souvent à leurs dépens. En effet, des prêtres subirent des tracasseries policières, parce que « coupables de prtches subversifs ».223 Ce fut le cas de l'Abbé André Jules BONKOUNGOU qui dans son homélie au cours d'une messe attaqua le régime. Celui-ci fut arrêté par les CDR et interné même dans les locaux de la Sûreté avant d'être relâché. C'est dire que le régime n'était pas prêt à accepter une remise en cause de sa politique de la part des hommes d'Eglise. Pour Achille TAPSOBA, les religieux catholiques ne devaient pas rejeter les principes de la révolution : « 1l y a eu effectivement des echauffourees sur des prises de position. Certains hommes d'Eglise étaient reputes etre en contact avec des milieux contre-révolutionnaires avec lesquels ils distillaient des informations contre la revolution. A certains moments lorsqu'on les retrouvait, ils étaient interpellés et on leur demandait des comptes ».224

Pour le cas des communautés protestantes, il faut retenir qu'elles ont partagé les mêmes désenchantements que l'Eglise catholique. Les pasteurs ne devaient pas au cours de leurs sermons fustiger la révolution. Lorsqu'ils ne transgressaient pas cette volonté du pouvoir révolutionnaire, ils n'étaient pas inquiétés.

Mais, ce qui est spécial au niveau des communautés protestantes à travers leurs relations avec le pouvoir, c'est qu'elles ne suscitaient pas vraiment une crainte de la part du CNR comme ce fut le cas avec l'Eglise catholique. Cette réalité put s'expliquer par le fait qu'elles ne bâtissaient pas une corporation structurellement hiérarchisée capable d'influencer fortement la société. En effet, il y avait une pluralité de sectes qui ne se reconnaissaient dans aucun charisme commun. Chaque communauté avait son autonomie.

Une seule communauté avait subi particulièrement les foudres des CDR : il s'agissait des Témoins de Jéhovah. Cette hostilité du régime vis-à-vis de cette communauté procédait du fait qu'elle diffusait des positions anti-étatiques, des positions contre ce qui symbolise le pouvoir des hommes. Ils n'hésitaient donc pas à

221 Abbé Patrice KABORE, 1999, Révolution burkinabé d'Août et pratiques religieuses, impact et perspectives pastorales pour l'Archidiocèse de Ouagadougou, mémoire de théologie, Grand Séminaire Saint Pierre Claver de Koumi, page 26.

222 Ibidem

223 René OTAYEK, « L'Eglise catholique au Burkina Faso : un contre-pouvoir a contretemps de l'histoire ? » in (sous la direction de) François CONSTANTIN et de Christian COULON, 1997, Religion et transition démocratique en Afrique, Paris, Karthala, page 239.

224 Achille TAPSOBA : entretien du 27 août 2005 à l'Assemblée nationale.

83 afficher leur méfiance de la révolution. « Il fallait a un certain moment que le pouvoir hausset le ton contre ces individus qui ne saluaient pas les couleurs de la revolution ».225

Tout ceci témoignait de la volonté du CNR de contrôler la pratique religieuse de toute la population. C'est dans cet élan révolutionnaire que la communauté musulmane allait à l'instar des autres confessions religieuses voir ses organes décisionnels investis par les révolutionnaires.

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"Je voudrais vivre pour étudier, non pas étudier pour vivre"   Francis Bacon