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Les Comités de Défense de la Révolution(CDR) dans la politique du Conseil National de la Révolution(CNR)de 1983 à  1987: une approche historique à  partir de la ville de Ouagadougou

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par Kakiswendépoulmdé Marcel Marie Anselme LALSAGA
Université de Ouagadougou - Maîtrise 2007
  

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V.4.2. Les ingérences clans la communauté musulmane

Pour commencer, il est important pour nous d'évoquer la conjoncture qui prévalait au niveau de la communauté musulmane à l'avènement de la révolution.

Cette appréciation nous amène à constater que la communauté des musulmans de la Haute-Volta souffrait d'une crise qui mettait mal en point son unité. Ainsi, on pouvait noter la coexistence de trois mouvements de musulmans :

ü la CMB (Communauté Musulmane du Burkina) ;226

ü le MSB (Mouvement Sunnite du Burkina) ; 227

ü l'AITB (Association Islamique de la Tijanyya du Burkina).228

Tous ces démembrements témoignaient bien de l'ampleur des dissensions au sein de l'ensemble de la communauté des musulmans. Restons sur ce point pour souligner qu'au début, la CMB fut la toute première organisation structurée qui représentait tous les musulmans de la Haute-Volta. Mais peu après son installation, l'immixtion du moog-naaba229 dans ses affaires et des luttes de prééminence générèrent des tensions aboutissant en fin de compte à son implosion avec la création du MSB et de l'AITB, respectivement en 1973 et en 1979.

Cependant, en dépit de ces scissions, la CMB restait l'organisation la plus représentative des musulmans. De ce fait, elle bénéficiait d'une assise populaire considérable que ses concurrentes n'avaient pas. Egalement, son importance numérique faisait d'elle une organisation dont les différents régimes politiques qui s'étaient succédé devaient tenir compte. Il faut ajouter que la CMB était un creuset dans lequel foisonnaient des intrigues qui tendaient souvent à détériorer le climat

225 Achille TAPSOBA : entretien du 27 août 2005 à l'Assemblée nationale.

226 La CMB (avant 1984 CMHV)

227 Le MSB (avant 1984 MSHV) fut fondé par une dissidence de la CMB en 1973.

228 L'AITB (avant 1984 AITHV) a été créée en 1979.

229 A partir du XVIIIe siècle les Moog-nanamsé s'étaient convertis superficiellement à l'islam. Ils avaient admis des marabouts dans la cour royale qui étaient chargés d'oeuvrer pour la consolidation de leur pouvoir. Ils avaient un imam qui était considéré comme dignitaire de la cour. A la création de la CMB, le Moog-naaba avait réussi à faire accepter son imam, comme imam national. Mais à la mort de ce dernier en 1966, la volonté de la CMB de se soustraire de l'influence du Moog-naaba pour le choix d'un nouvel imam national avait été à l'origine d'un conflit entre l'organisation musulmane et le Moog-Naaba, ce dernier oeuvra énergiquement à l'affaiblissement de la CMB qui avait pris ses distances vis-à-vis de lui.

84 sociopolitique du pays. Dans le souci de prévenir des débordements d'envergure, les pouvoirs qui se sont succédé depuis l'indépendance jusqu'à l'avènement de la révolution, ont dû intervenir pour apaiser la situation. Nous précisons que notre réflexion va surtout insister surtout sur la CMB, cela pour deux raisons. Primo parce que la majorité des musulmans s'y reconnaissaient. Secundo, elle était le milieu musulman où les tensions avaient connu une exacerbation et une permanence ayant nécessité l'intervention de l'Etat. La MSB et l'AITB, du fait de leur minorité, n'avaient pas une cristallisation de tensions comme au niveau de la CMB.

A l'avènement de la révolution, la CMB était de toute évidence agitée par son rituel de querelles intestines. La structure connaissait une division ouverte tenue en veille par la constitution de clans qui s'affrontaient.230 Ce malaise était un prolongement d'une grande crise antérieure occasionnée par la démission de Oumarou KANAZOE231 de la présidence de l'organisation. Sa succession provoqua des intrigues et intensifia les luttes internes. Après mille tractations, le grand imam Abdoul Salam TIEMTORE232 fut mandaté pour présider la CMB jusqu'à la prochaine rencontre. Celleci eut lieu en mai 1983 et retint une seconde fois Abdoul Salam TIEMTORE à la tête de l'organisation. Ce dernier pour régler les comptes à ses détracteurs procéda au limogeage de certains de ceux-ci des postes clés de l'organisation.

La tension devint explosive et les clans qui s'étaient constitués s'affichèrent définitivement : d'une part, il y avait le grand imam appuyé par les autres imams et les marabouts qui formaient un camp de conservateurs ; d'autre part, les intellectuels (formés dans les universités françaises et arabes) et les commerçants moyens préconisaient une levée de boucliers contre les marabouts dont les abus étaient reconnus.233 Ce fut dans cette conjoncture complexe que se trouvait la CMB au moment du déclenchement de la révolution.

Le projet de révolutionnarisation de tous les secteurs de la société entraîna une intervention du CNR dans la crise religieuse qui secouait la CMB. Il s'appuya sur les CDR et le Ministère de l'Administration Territoriale et de la Sécurité pour trouver une solution à la crise.

230 Assimi KOUANDA, « Islam et société au sud du SAHARA » in CAHIERS ANNUELS PLURIDISCIPLINAIRES, 1989, Paris, Edition de la Maison des Sciences de L'Homme (avec le concours de l'Université Paris VII), page 20.

231 Homme influent à cause de sa grosse fortune, Oumarou KANAZOE a été porté à la tête de la CMB en 1977 lors d'une assemblée générale. Mais en 1982, estimant qu'on le suivait seulement à cause de ses biens, celui-ci avait démissionné.

232 Celui-ci fut élu grand imam en 1966 en remplacement de Mahama BAGUIAN décédé. C'est sa désignation qui avait occasionné le conflit entre la CMB et le Moog-naaba.

233 Assimi KOUANDA, « Les conflits au sein de la communauté musulmane du Burkina, 1962 - 1986 », in CAHIERS ANNUELS PLURIDISCIPLINAIRES, 1989, Islam et sociétés au sud du Sahara, Paris, Editions de la Maison des Sciences de l'Homme, page 20.

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Se saisissant du problème, le ministre de tutelle, Ernest Nongma OUEDRAOGO proféra des menaces à l'adresse de la CMB tout en lui demandant de procéder à la création de CDR en son sein. Dans une lettre confidentielle234datée de 1986, il lui déclara ceci : « J'ai l'honneur de vous rappeler que depuis l'insurrection populaire du 04 aout 1983 et l'avenement du Conseil National de la Révolution, des efforts ont été suffisamment investis pour trouver un modus vivendi avec toutes les organisations et autres associations dont la communauté musulmane. [...]. Toutes les organisations religieuses du Burkina Faso semblent avoir compris définitivement cette ligne de démarcation ou ligne de violence révolutionnaire, sauf la votre. A cet égard, je voudrais rappeler a votre intention et a celle des membres de la communauté musulmane ce qui suit : l'ceuvre de construction patriotique entreprise par le peuple burkinabé depuis l'historique nuit du 04 aout 1983 ne tolérera aucune entrave, ni diversion, et l'ordre public révolutionnaire ne peut-être troublé sous quelques prétextes que ce soit, fut-il religieux ! Or les activités de votre association [...] marquées par des pratiques et complots inter individus, des communiqués de guerre de clans a la sicilienne, ne cessent de me préoccuper ... ». En poursuivant son réquisitoire contre la CMB, il exigea l'organisation d'un nouveau congrès en avril 1986 pour élire un nouveau bureau plus conscient de ses responsabilités devant le peuple et une restructuration de la CMB en associant les structures insurrectionnelles (CDR).

Malgré l'intervention directe du ministre, les remous à l'intérieur de la CMB ne connurent pas leur épilogue. Conscient de l'urgence de la crise, le CNR s'en saisit. Thomas SANKARA convoqua une réunion en juin 1986 avec tous les protagonistes de la crise. A l'occasion de cette rencontre, les autorités politiques déployèrent un dispositif militaire impressionnant pour assurer la garde de la salle où elle avait lieu. Pour dissuader les participants, l'ordre avait été donné aux militaires de liquider toute personne qui tenterait de quitter la salle avant la fin de la rencontre.235 Les discussions durèrent dix heures dans une atmosphère de peur. Dans son allocution, Thomas SANKARA accusa les musulmans de porter des habits blancs sans être intérieurement blancs et leur exigea une solution à la crise : « Je vous enferme ici - Tant que vous n'aurez pas trouvé un terrain d'entente, personne ne sort, personne n'entre - Personne ne boit, personne ne mange ».236 Ensuite, « devant nos inconciliables ahuris, il donna ordre aux gendarmes, gardes de corps et autres porteurs de kalach et grenades de tirer a vue sur le premier qui oserait pointer le bout du nez dans le couloir. Là-dessus, il

234 Lettre confidentielle N° 0629/MATS/CAB citée par Issa CISSE, 1994, Islam et Etat au Burkina Faso de 1960 à 1990, thèse de doctorat, Université de Paris VII/UFR Géographie, Histoire et Sciences de la Société, page 373.

235 CISSE Issa, 1994, Islam et Etat au Burkina Faso de 1960 à 1990, thèse de doctorat, Université de Paris VII/UFR Géographie, Histoire et Sciences de la Société, page 375.

236 L'INTRUS N°000 du 20 juin 1986 : « Ché~tane vaincu par le DOP A, pages 1 et 6.

86 claqua la porte ».237 A l'issue des discussions, les protagonistes consentirent à se pardonner et à resserrer leurs liens pour la fraternité islamique au Burkina Faso. Dans ce sens, ils prirent d'autres décisions d'apaisement : entre autres, le maintien du grand imam de Ouagadougou et de son bureau à la tête de la CMB.238

Malgré cela, l'esprit de ces clauses ne fut jamais respecté et les divisions persistèrent. Chaque clan chercha à bénéficier d'un appui au sein du pouvoir. Des congrès furent organisés parallèlement. Dans le cadre de la révolution des mentalités, le CNR décida l'interdiction de la mendicité. Les CDR furent chargés de veiller au respect de décision. Ceux-ci s'en prirent aux maîtres des écoles coraniques. De même, ils se mirent à persécuter les marabouts. A ce propos, Adama TOURE dit ceci : « On allait poster des CDR ou des policiers auprès des grands marabouts qui étaient bien connus a Ouagadougou. Le président pensait que ces gens allaient dire des choses contre le régime, qu'ils étaient puissants et de ce fait, ils pouvaient nuire a la révolution ».239

Enfin, le régime décida de prendre des dispositions pour émanciper la femme. Dans ce cadre, les CDR dénoncèrent la polygamie, accusant des musulmans d'être les promoteurs de cette pratique matrimoniale. Pourtant, l'islam admet cette dernière comme juste. Dans la foulée, ils interdirent aux gens de donner leurs filles en mariage et supprimèrent en même temps la dot. Or, c'était des usages courants dans le monde musulman qui se voyait du coup contrarié. Les CDR furent également chargés de contrôler l'organisation du pèlerinage à la Mecque240... Autant de mesures qui n'avaient d'autre connotation politique que l'affaiblissement des structures dirigeantes de la communauté musulmane pour mieux la subordonner.

Tout compte fait, on en vient à constater que la révolution n'a pas été une période de grâces pour la communauté musulmane. Un constat que partage largement le vice-président de la communauté en ces termes : « En ce qui concerne présentement, j'ai nommé notre organisation la Communauté Musulmane du Burkina Faso, la période qui l'aura singulièrement et fortement marquée depuis son existence [...], cette période exceptionnelle est incontestablement celle qui couvre les années 1983-1987. Cette période aura été la plus éprouvante, la plus dure, la plus sombre ... » .241

Pour conclure, les institutions religieuses sous la révolution sans exception ont subi des persécutions, lesquelles résumaient suffisamment la volonté du

237 L'INTRUS N°000 du 20 juin 1986 : N Ché~tane vaincu par le DOP A, pages 1 et 6.

238 Assimi KOUANDA, « Les conflits au sein de la communauté musulmane du Burkina, 1962 - 1986 », in CAHIERS ANNUELS PLURIDISCIPLINAIRES, 1989, Islam et sociétés au sud du Sahara, Paris, Editions de la Maison des Sciences de l'Homme, page, page 21.

239 Adama TOURE : entretien du 06 juillet au Lycée de la Jeunesse.

240 Issa CISSE, 1994, Islam et Etat au Burkina Faso de 1960 à 1990, thèse de doctorat, Université de Paris VII/UFR Géographie, Histoire et Sciences de la Société, page 377.

241 Propos cités par Issa CISSE, Idem, page 376.

87 CNR de voir dans toutes les institutions le reflet de la révolution. Les méthodes d'action qui ont été mises en oeuvre avec l'aval des CDR ont bien entendu mis à mal les organes décisionnels de toutes les religions, les empêchant résolument d'être des bases d'appui d'une contestation politique.

En définitive, le projet politique du CNR avait pour aboutissement l'élimination de toute contestation. La mise en scène des CDR pour cette cause a été irréfutablement révélatrice à travers des actions marquantes de ces derniers. La finalité fut l'exigence d'une soumission totale de gré ou de force afin que la révolution puisse être efficace. Ainsi, aucune institution n'avait pu échapper à l'intrusion des CDR qui devaient porter le flambeau de la révolution partout. On peut admettre le succès de cette fronde, mais au prix de combien d'égarements et de déviations ?

A la fin de cette partie, nous pouvons retenir que l'avènement de la révolution a été une logique du processus politique d'avant le 04 août 1983, qui avait nourri la prépondérance des idées progressistes. Bénéficiant d'un soutien populaire sans précédent, le CNR a cherché à garder celui-ci en créant les CDR, auxquels il convia toute la population à adhérer massivement, pour assurer la consolidation et la pérennité de la révolution. Avec leur sacre institutionnel et leur organisation qui se sont effectués respectivement par le DOP et la promulgation du Statut général des CDR, ces structures populaires jouèrent un rôle qui permit au CNR de s'imposer politiquement. Certes, la défense politique malgré ses débordements a été bénéfique au projet de totalisation et de pérennisation du régime. Mais, elle n'était pas à elle seule suffisante pour légitimer l'Etat révolutionnaire. Il fallait réussir la politique socio-économique. Des performances de cette dernière, dépendait la révolution. Les CDR allaient être la cheville ouvrière de cette bataille.

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"Il existe une chose plus puissante que toutes les armées du monde, c'est une idée dont l'heure est venue"   Victor Hugo