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Les Comités de Défense de la Révolution(CDR) dans la politique du Conseil National de la Révolution(CNR)de 1983 à  1987: une approche historique à  partir de la ville de Ouagadougou

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par Kakiswendépoulmdé Marcel Marie Anselme LALSAGA
Université de Ouagadougou - Maîtrise 2007
  

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V.2. Les CDR et l'execution des programmes populaires du CNR

L'observation minutieuse des méthodes de gestion économiques prônées par le CNR enseigne que la base de la conception socio-économique de développement de la révolution était foncièrement imprégnée d'un ascétisme. Par l'ascétisme, le CNR marquait sa volonté d'éduquer le peuple à vivre en fonction des réalités économiques du pays. Ainsi, l'esprit de sacrifice et d'abnégation fut imprimé avec récurrence dans les discours pour cet effet. Si le peuple veut construire son bonheur, il faut qu'il se sacrifie.

L'austérité devait se traduire par l'abandon des dépenses et des investissements de prestige, la compression budgétaire, des cotisations... Elle

260 La première conférence nationale sur le budget eut lieu le 03 décembre 1984 à la Maison du Peuple.

261 Bruno JAFFRE, 1989, Burkina Faso : les années sankara, Paris, L'Harmattan, page 148.

262 Ibidem.

97 impliquait aussi une pédagogie pour amener les gens à refuser l'enrichissement facile et déloyal aux dépens de l'Etat et de les aider à avoir du respect pour la chose publique.

Au fond, la démarche du CNR était de conscientiser le peuple et de le faire prendre part activement à son projet d'édification d'une économie indépendante et auto- suffisante. La construction d'une telle économie était chimérique sans un peuple conscientisé et engagé véritablement à travers les CDR.

L'engagement du peuple devait se traduire d'une part, par son acceptation d'une gestion rigoureuse des biens de l'Etat en vue de constituer des bases de financement concrètes. D'autre part, cet engagement devait se concrétiser par des sacrifices physiques, matériels et financiers : c'est dire que le peuple devenait artisan de son développement économique. Il ne fallait plus attendre que les gestes de financement viennent de l'étranger. Le peuple pouvait se doter d'une base économique indépendante et auto-suffisante en acceptant de faire non seulement des dons pécuniaires ou matériels à l'Etat, mais aussi en allouant sa force physique.

Ce fut ainsi que le CNR initia deux programmes populaires en comptant sur la mobilisation du peuple canalisé par les CDR. Le premier fut le Programme Populaire de Développement (PPD) et le second, le Plan Quinquennal de Développement Populaire (PQDP).

Toutes les économies obtenues par la politique d'austérité économique et les fonds récupérés à travers les TPR furent utilisées pour la réalisation de ces programmes.

Le PPD fut lancé officiellement le 1er octobre 1984 avec pour finalité l'amélioration des conditions de vie de la population et le développement de l'infrastructure du pays par la construction d'habitats, de routes, de magasins, de dispensaires, d'écoles... Comme l'a indiqué Basile GUISSOU, le PPD devait servir de socle dans son ensemble à une croisade contre la pauvreté.263 Il affirme à ce propos : « Ce programme qui ambitionnait de réaliser les deux objectifs fondamentaux d'indépendance et d'autosuffisance économique en comptant en tout premier lieu sur la force de travail des masses populaires mobilisées au sein des Comités de Défense de la Révolution (CDR) consistait en un ensemble d'opérations ponctuelles sectorielles dont la réalisation devrait permettre d'apporter [...] une solution a divers problèmes vécus par les masses populaires rurales et urbaines dans des secteurs tels la production vivrière, l'alimentation en eau, l'habitat, les infrastructures socio-économiques de base ».264 Le coût global de ce vaste programme fut évalué à 160 milliards, soit trois fois le budget

263 Basile GUISSOU, 2002, « Histoire et pauvreté au Burkina Faso » in La pauvreté une fatalité ? Paris, UNESCO/ Karthala, page 107.

264 Ibidem.

98 national.265 Le CNR comptait sur la mobilisation populaire pour baliser les lacunes de ce programme. Chose acquise, puisque la participation populaire a été très significative permettant la réalisation de bon nombre d'investissements sociaux. La concrétisation du PPD a été estimée entre 70% et 80%.266 Ce qui est vraiment intéressant ici, c'est l'effectivité de la participation populaire ayant donné du succès au projet.

Le PPD au-delà de ses objectifs constitua une école d'éducation socioéconomique dont l'essentiel de l'enseignement fut d'aider le peuple à compter sur ses propres forces : « A travers la réalisation des chantiers, le Programme Populaire de Développement vise l'affirmation de notre volonté d'indépendance, la manifestation de notre capacité a -etre nous-m-emes ».267

Le succès du PPD incita le CNR à lancer un autre projet le 03 avril 1985, le Plan Quinquennal, une sorte de PPD bis, en ce sens qu'il poursuivait les mêmes objectifs que le PPD. Sa différence se situait surtout au niveau de sa durée ; il s'étalait sur cinq ans. En fait, le PPD a été une expérience ayant servi de base pour le plan quinquennal.

Le CNR se basa fondamentalement sur les CDR pour la conception et la mise en route de ce plan quinquennal. Pour l'élaboration du plan, les trente secteurs de la ville de Ouagadougou conçurent chacun un avant-projet de ce programme. C'est ainsi que des plans quinquennaux de secteur furent élaborés. Par exemple, le secteur 20 mit l'accent sur les investissements tandis que le 22 misa davantage sur l'alphabétisation, les campagnes de reboisement et les activités économiques telles l'élevage et le maraîchage.268

Pour conférer davantage au plan quinquennal une envergure populaire, le CNR entreprit d'amoindrir le rôle politique et militaire des CDR au profit du rôle socio- économique. Cette reconversion fut éloquemment exprimée lors de la deuxième conférence des CDR tenue à Dédougou du 30 mars au 03 avril 1987 avec pour thème : Rôle des CDR dans l'édification d'une économie indépendante.

De cette conférence, Sylvy JAGLIN affirme qu'elle a conforté l'effacement des fonctions politiques et militaires initialement privilégiés, au profit d'une approche plus socio-économique de la mobilisation locale.269 Les CDR furent alors désignés comme les principaux acteurs de l'exécution du mot d'ordre « Produisons et consommons burkinabé ». Ils durent également participer à l'inauguration des grands travaux

265 Bruno JAFFRE, 1989, Burkina Faso : les années sankara, Paris, L'Harmattan, page 140.

266 Ibidem.

267 Propos de Thomas SANKARA lors de son discours introductif du PPD in CNR, 1984, Programme Populaire de Développement : octobre 1984-décembre 1985, page 3.

268 Sylvy JAGLIN, 1995, Gestion urbaine partagée à Ouagadougou : pouvoirs et périphéries, page 506.

269 Idem, page 269.

99 nationaux. Pour ce faire, il fut créé le Service Populaire de Construction de la Patrie (SPCP)270 auquel tout Burkinabé avait le devoir de consacrer trois semaines dans l'année.

La redéfinition du rôle des CDR en faveur du secteur socio-économique avait pour but certes de consacrer l'effectivité des objectifs du plan quinquennal par la mobilisation des ressources de la population. Il faut cependant mentionner qu'elle procédait d'une diplomatie du CNR pour accorder aux CDR de base des circonstances leur permettant de renouveler leur popularité, leur légitimité au sein de la population dont la confiance à leur endroit était corrodée à cause des abus. Thomas SANKARA leur lança un appel à profiter de l'opportunité pour améliorer leur image de marque.271

Dans l'ensemble, les programmes populaires de développement du CNR furent exécutés avec succès grâce au sursaut populaire créé par les CDR. Ces programmes offrirent aux neuf millions de Burkinabé de rassembler eux-mêmes les moyens et les énergies utiles pour changer quantitativement et qualitativement leurs conditions de vie. « Ainsi, furent brisés des mythes tenaces dans les esprits d'une population littéralement matraguée jusgu'ici par une propagande misérabiliste, vouant le pays a sous-estimer toutes ses réserves d'espérances ».272

La suite de notre travail ponctue sur les grandes oeuvres qui ont été opérées dans le cadre de ces programmes pour rendre meilleures les conditions de vie.

V.2.1. La bataille du rail

Le CNR lança la bataille du rail en février 1985 dans l'ambition de construire une ligne ferroviaire reliant Ouagadougou à Tambao, localité située au Nord sahélien du Burkina Faso. Une telle réalisation permettait non seulement de désenclaver le Sahel, mais aussi et surtout, elle exposait l'opportunité d'exploiter 17 millions de tonnes de manganèse273 prisonnières du désert inaccessible du Nord, et 6,5 millions de tonnes de calcaire274 pouvant alimenter une cimenterie à Ouagadougou au service des entreprises de construction obligées à l'époque de se tourner vers les pays limitrophes pour le ravitaillement en ciment. Enfin, le chemin de fer allait créer des traits d'union entre l'Ouest, le Sud, le Centre et le grand Nord engendrant ainsi des conditions favorables aux échanges commerciaux.

270 Voir CARREFOUR AFRICAIN N°982 du 10 avril 1987 à la page 14.

271 SGN-CDR, « Conférence nationale des CDR : le canevas pour les syntheses » in CARREFOUR AFRICAIN N°974 du 13 février 1987, page 10.

272 Basile GUISSOU, 1995, Burkina Faso : un espoir en Afrique, Paris, L'Harmattan, page 123.

273 Ludo MARIENS, 1989, SANKARA, COMPAORE et la révolution, Paris, EPO International, page 168.

274 Ibidem.

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La réalisation du projet coûtait très cher puisqu'il fallait 380 km de chemin de fer pour faire la liaison entre Ouagadougou et Tambao, soit un coût global de 40,380 milliards de francs CFA.275 Pourtant les financiers internationaux avaient dédaigné d'adjuger leurs rentes pécuniaires pour la cause. A ce propos, Helmut ASCHE affirme : « La ligne ferroviaire a été tout au long de l'histoire du Burkina, un des plus grands projets de développement, mais aussi un des plus contestés par ceux qui pensent "etre dépositaires de la bonne méthode d'évaluation ».276

Malgré tout, le CNR tenta l'aventure avec volontarisme en s'appuyant sur ses structures populaires de mobilisation. Les CDR firent alors oeuvre de propagande active pour intégrer la population tout entière à travailler pour la finalisation du projet qui devint très vite symbole de construction de la patrie.

L'effectivité et l'efficacité de la participation de la population furent ainsi gagnées. En effet, les populations à travers les CDR, et même des sympathisants internationaux, se mobilisèrent largement pour cette bataille. Hormis les matériels et matériaux de construction, l'Etat était exempté des dépenses liées à la main-d'oeuvre. Les travailleurs pourvurent eux-mêmes à leur restauration. On enregistra même des dons de matériels ou de matériaux et des dons d'argent émanant de particuliers ou de sociétés pour la réalisation du projet.277

Au total, la canalisation des contributions de toutes natures de la population par le biais des CDR, conjuguée avec les efforts du gouvernement, permit la pose du rail sur une distance de 100km reliant ainsi Ouagadougou à Kaya. Certes, en fin de compte, on n'a pas réussi à conduire le chemin jusqu'à Tambao et le désenclavement du Sahel est resté jusqu'à nos jours une équation non résolue. Toutefois, on peut consentir que la bataille du rail a connu du succès eu égard à la modicité des moyens de l'Etat qui pourtant ne s'était pas confiné dans le fatalisme. En amenant la population à s'engager à travers les CDR dans cette bataille, le CNR a réussi un exploit qui ne pouvait qu'être impossible sous les régimes politiques antérieurs.

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"Piètre disciple, qui ne surpasse pas son maitre !"   Léonard de Vinci