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Les soins psychiatriques sans consentement : la réforme du 5 juillet 2011

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par Delphine ROUZO
Université Catholique de Lille - Master 2 Droit de la responsabilité médicale 2012
  

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§2 - Les aspects de la contrainte dans le programme de soins : l'interprétation du Conseil constitutionnel

Parmi les dispositions contestées par la CRPA, le régime des séjours en hospitalisation imposée dans le cadre du programme de soins posait la question de la contrainte. La question était la suivante : peut-on utiliser des mesures d'exécution forcée sur le patient afin qu'il se soumette aux prescriptions contenues dans le programme de soins ? Concrètement, on se demande si l'on peut forcer un patient à suivre une psychothérapie, à prendre un traitement ou à se maintenir en hospitalisation un certain nombre d'heures dans la journée. S'il est acquis que la personne prise en charge en

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hospitalisation complète ne peut refuser les soins que ses troubles requièrent, il n'en va pas nécessairement de même pour la personne en soins ambulatoires, d'autant plus que les mesures de soins alternatives ne font pas l'objet d'aucun contrôle de la part du JLD.

Dans sa décision du 20 avril 2012112, le Conseil considère que les dispositions de l'article L.3211-2-1 du Code de la santé publique ne sauraient autoriser l'exécution du programme de soins sous la contrainte. Qui plus est, le législateur a prévu que l'avis du patient doit être recueilli avant la définition du programme de soins et avant toute modification de celui-ci : il s'agit donc bien de rechercher l'adhésion du patient aux soins. L'esprit du texte, et plus largement de la réforme qui a permis d'instaurer des modalités de soins plus respectueux de la volonté et de la liberté du patient, n'est pas d'imposer les soins par la force. Il s'agit plutôt d'établir une relation thérapeutique de confiance, et d'amener le patient à se responsabiliser face à sa maladie.

Il ressort de cette interprétation que certes, le régime des soins psychiatriques ambulatoires constitue une obligation de soins, mais ne permet pas une obligation de soins par la contrainte. Le Conseil constitutionnel estime ainsi que cette obligation de soins « a été conçue pour passer outre l'incapacité du malade à consentir à un protocole de soins, mais non pour briser par la force son éventuel refus de s'y soumettre. » Il s'agit en quelque sorte de poser une limite au caractère obligatoire des soins : on se passe de la volonté et du consentement du patient de faire l'objet de soins, mais on n'utilise pas pour autant la contrainte physique pour mettre en oeuvre ces soins. C'est le motif par lequel le Conseil justifie l'absence des mêmes garanties que celles prévues pour l'hospitalisation complète, qui elle peut être mise en oeuvre par la force physique. La seule possibilité de réellement contraindre le patient à se soigner est donc de préalablement transformer la prise en charge en hospitalisation complète qui permettra alors d'administrer les soins par la contrainte113. C'est d'ailleurs dans ce sens que vont les dispositions règlementaires qui du même coup, confortent l'idée selon laquelle on ne peut imposer les soins par la force dans le cadre d'un programme de soins. L'article R.3211-1 du CSP prévoit en effet que le psychiatre peut demander le passage du programme de soins à l'hospitalisation complète « notamment en

112 Cons. const., décision n°2012-235 QPC du 20 avril 2012 CRPA.

113 Article L.3211-11 du Code de la santé publique.

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cas d'une inobservance de ce programme susceptible d'entrainer une dégradation » de l'état de santé du patient.

Le seul problème concret qui se pose d'ores et déjà aux établissements de santé est de parvenir à réintégrer un patient en hospitalisation complète lorsque son comportement ne permet plus de prodiguer les soins nécessaires à son état, quand ce même patient s'est volatilisé. En effet, il arrive que des patients ne se présentent pas aux rendez-vous avec leur psychiatre ou refusent de recevoir les soins à leur domicile. Dès lors, comment faire pour les obliger à revenir à l'hôpital afin de décider si la réhospitalisation est nécessaire et d'ailleurs, peut-on vraiment le transporter jusqu'à l'établissement en utilisant la contrainte alors que justement, celle-ci est exclue à l'égard des patients pris en charge dans le cadre d'un programme de soins ?114 Autant de questions devenues sans réponse depuis la décision du Conseil constitutionnel du 20 avril 2012, sources d'insécurité juridique. Celles-ci mériteraient de faire l'objet d'une intervention législative ou règlementaire dans le cadre des quelques « retouches » qui devront être apportées à la loi du 5 juillet 2011.

En outre, on peut se demander si la formule « soins sous contrainte » pour désigner le programme de soins est bien adaptée. Il semble en effet contradictoire de parler d'obligation de soins alors même qu'on ne peut obliger le patient à se soumettre aux soins. Une obligation ne laisse-t-elle pas supposer la contrainte ? C'est pour cette raison que certains auteurs proposent de faire basculer le dispositif des soins alternatifs dans le régime des soins libres, afin de clarifier sa nature. En effet, étant donné qu'il s'agit finalement de mesures de soins ne pouvant être exécutées par la force, et donc a contrario, à laquelle les patients doivent consentir, il paraîtrait logique de les intégrer dans le corpus législatif consacré aux soins psychiatriques libres.

La majorité des commentateurs saluent néanmoins la décision du Conseil constitutionnel, notamment en ce que cette exclusion de la contrainte dans le cadre du programme de soins permet de solutionner quelques inquiétudes telles que l'atteinte à la vie privée. En effet, le programme de soins pouvant prévoir les soins à domicile, accepter

114 PANFILI (JM), Une première lecture juridique de la décision du 20 avril 2012, site internet de l'association CRPA, 6 mai 2012.

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l'utilisation de la force par les soignants revenait à admettre la violation de domicile et de la vie privée du patient, ce qui aurait laissé présager une infinie quantité de recours de la part des patients...

Ainsi, l'avenir du dispositif des soins ambulatoires sans consentement semble aujourd'hui quelque peu incertain. Il reste très critiqué par de nombreux professionnels de la santé, pour lesquels il paraît irréaliste et inefficace d'un point de vue thérapeutique de concilier absence de consentement et soins ambulatoires. Pour autant il est tout de même admis que ces modes alternatifs de soins psychiatriques constituent une avancée spectaculaire au regard de la protection des droits et libertés des patients, que la loi du 5 juillet 2011 a entendu renforcer.

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