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L'abstentionnisme électoral au Cameroun a l'ère du retour au multipartisme

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par Augustin TALA WAKEU
Université de Dschang-Cameroun - Master en Science Politique 2012
  

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PARAGRAPHE 2 : L'ENTRETIEN D'UNE ATMOSPHERE PROPICE A UNE ORGANISATION NON HARMONIEUSE DES ELECTIONS

La construction de l'abstentionnisme est inhérente à des facteurs qui ne dépendent pas toujours des électeurs eux-mêmes. Mais, il convient de dire qu'aucun phénomène social ne naît dans le vide (Klotz et Lynch, 1999 : 58). L'abstentionnisme ne fait pas exception puisqu'il est la conséquence des actions volontaires et involontaires de certains acteurs sociopolitiques. Le boycott est une abstention volontaire, collective et publiquement concertée (Bacot, 1994 :33) qui exprime le refus de participer à la compétition électorale lorsque certaines conditions ne sont pas remplies. Il exprime alors, une hostilité envers les règles de fonctionnement du système et traduit l'expression d'un engagement politique revêtant un caractère militant, actif, mais surtout motivé126(*). La violence est considérée comme politique lorsque l'usage de la force physique qu'elle requiert a des influences sur l'univers politique (Alcaud et als, 2004 : 404). La violence électorale est alors le fait d'utiliser la force physique pour influencer le processus électoral en cours. Bien qu'elle consiste en un usage illégitime de la force, il faut reconnaître qu'elle est souvent présente dans la procédure électorale et peut être aussi symbolique (Bacot, 1994 : 184). En tout état de cause, le refus par certains partis politiques de participer au jeu électoral et l'entretien d'une atmosphère politique de terreur, constituent des facteurs déterminants dans l'orchestration d'une atmosphère propice à une organisation non harmonieuse des élections.

A- LE REFUS PAR CERTAINS PARTIS POLITIQUES DE PARTICIPER AU JEU ELECTORAL

Le refus de participer au jeu électoral désigne en effet un cas particulier d'abstention volontaire (Barbet, 2007 : 13). Il a été utilisé au Cameroun plusieurs fois par des partis politiques comme le SDF, l'UDC et l'UNDP qui, à un moment de l'histoire électorale du Cameroun, ont fait usage de cette stratégie. Elle a été utilisée aux élections législatives de 1992 et à la Présidentielle de 1997 avec pour objectif de délégitimer le processus électoral car, face au refus du pouvoir de prendre en compte les propositions destinées à garantir les élections libres, justes et transparentes, certains partis politiques renonceront aux élections faute de « bonnes lois » (Sindjoun, 1999 : 312-313). Ces partis transformeront par leur attitude les élections en un simple rituel de la vie politique en y retirant leur caractère incertain et concurrentiel. En intégrant ainsi de façon négative le champ politique, les partis politiques visent alors à continuer le jeu politique par les moyens de la réinterprétation du droit de jouer, de prendre part à la compétition électorale (Sindjoun, 1999 : 313). Or, c'est une stratégie qui incite les citoyens à renoncer à l'exercice de leur droit de vote, au motif que l'élection est considérée comme jouée d'avance, vu la certitude que le pouvoir à cause de la non-participation des autres acteurs remportera la compétition. Ce comportement de non acceptation du jeu électoral est d'autant plus pertinent que ceux-qui votent le plus sont généralement affiliés aux partis politiques (Duval, 2005 :34). Ceci implique que l'appel au boycott des partis va gonfler le camp des abstentionnistes. C'est ainsi que, selon M. Franklin, l'identification partisane est le plus fort prédicateur de la participation127(*) électorale car, si un citoyen a un sentiment fort de sympathie envers un parti, sa propension à voter augmente. Dans cette même perspective, M. Verba considère que les règles du jeu comme les comportements des acteurs politiques constituent des facteurs décisifs de la propension à ne pas participer128(*). Mais, si les règles du jeu ne suscitent pas de consensus au sein des acteurs politiques, ils seront tentés de renoncer tout simplement à « l'illusio » de la compétition politique. Ce type d'abstention est « stratégique », c'est-à-dire traduisant un choix délibéré des acteurs qui prennent en compte le lieu et le moment de l'objet de leur vote (Subileau, 1997 : 259).

En effet, bien qu'il constitue un acte de défiance à l'égard du régime, c'est avant tout un acte qui permet à l'opposition camerounaise d'exister comme marque politique distincte. Cette attitude de l'opposition produira des effets particulièrement dans ce qui est considéré comme étant ses fiefs électoraux : elle y amputera sérieusement la participation électorale et la ramènera à un niveau modeste. C'est une réalité qui a été observée dans les régions du Littoral, du Nord-Ouest, de l'Ouest et du Septentrion. Dans ces localités qui ont majoritairement respecté le refus de participer de l'opposition « dite radicale » en bourdant le jeu électoral, l'abstention sera plus élevée que dans le reste du pays ; ce qui ne sera pas sans effet sur le taux de participation globale. Ce refus de participer était d'autant bien suivi que les camerounais dans leur majorité croyaient que cela allait amener le régime à prendre en compte les propositions de l'opposition qui semblaient faire l'unanimité au sein de nombreux citoyens, étant donné que le processus électoral était considéré comme favorable au parti pouvoir. C'est dans cette tactique que s'inscrit le communiqué de l'UNDP à la veille de l'élection présidentielle de 1997, accusant les acteurs chargés de l'organisation du processus électoral d'être au service du parti au pouvoir (Afom Ndong, 2007 : 65). En conséquence, l'opposition considère que l'administration et l'Etat sont favorables au parti au pouvoir, construisant de facto une image de « joueur-arbitre » qui jettera le discrédit sur le processus électoral (Sindjoun, 2004 : 16) en incitant tous azimuts les citoyens à s'abstenir à travers l'utilisation des mots tels que : « zéro élection », « zéro vote ». Le « boycott actif » est un rejet conjoncturel du jeu démocratique, qui se justifie par la maîtrise supposée du processus électoral par le parti au pouvoir avec comme conséquence le découragement des adversaires potentiels (Nna, 2009 : 343).

Tableau n° 14 : TAUX D'ABSTENTION AUX LEGISLATIVES DE MARS 1992

REGIONS

TAUX D'ABSTENTION EN %

ADAMOUA

35.42

CENTRE

20.87

EST

30.65

EXTREME-NORD

29.27

LITTORAL

30.02

NORD

24.61

NORD-OUEST

80.28

OUEST

56.96

SUD

16.57

SUD-OUEST

45.15

Source : Owona Nguini : La sociogenèse de l'ordre politique au Cameroun entre autoritarisme et démocratie (1078-1996) : les régimes politiques et économiques de l'Etat au gré des conjonctures et configuration socio-historique : 722

L'observation du tableau ci-dessus révèle des taux d'abstention particulièrement élevés dans les fiefs de l'opposition et précisément du SDF et de l'UDC, ce qui n'est pas le cas dans les localités acquises au parti au pouvoir. Dans certaines localités acquises à l'opposition, le taux d'abstention va au-delà du taux officiel d'abstention nationale qui est de 39.42% en 1992 (Owona Nguini, 1997 : 722).

Ainsi, rejoignant les tenants de l'école de Michigan qui considère l'identification partisane comme l'attachement affectif durable de l'électeur à un parti politique, elle établit une corrélation entre l'identification partisane et les appartenances sociales et culturelles (Kouamen, 2009 : 32). Dans tous les cas, le refus de participer au jeu politique est une façon particulière de reconnaître l'élection comme le moyen adéquat pour la transmission du pouvoir, mais qui est caractérisé par le refus d'y prendre part si certaines conditions ne sont pas remplies. Toujours est-il que, cette stratégie bien qu'ayant affecté sérieusement le taux de participation dans son universalité n'a pas nécessairement profité à l'opposition. Plus est, le refus de l'opposition de participer au jeu électoral a effrité son capital politique au fil du temps (Gaxie, 2000 : 61). Par ailleurs, le refus de participer au jeu comme ruse sera accompagné de l'entretien d'une atmosphère politique de terreur.

B- L'ENTRETIEN D'UNE ATMOSPHERE POLITIQUE DE TERREUR

Les élections au Cameroun sont parfois animées par une atmosphère politique de terreur orchestrée par certains acteurs. Or, cette ambiance de terreur vise à empêcher le plus souvent les partisans des partis adverses à prendre part au vote. En effet, cette pratique vise un objectif et est parfois matérialisée par des agressions physiques. Dans les faits, elles n'encouragent pas certains citoyens à prendre part au vote. C'est un procédé qui mine le processus électoral camerounais : nous avons à titre illustratif ces incidents violents accompagnés du refoulement des électeurs dans certains bureaux de vote à travers le pays. C'est ainsi que, la violence sera entretenue à la fois par les acteurs du pôle abstentionniste et du pôle participationniste, d'où ces affrontements physiques entre les deux camps dans les localités du Nord-ouest, de l'Ouest et du Sud-Ouest (Owona Nguini, 1997 : 720) ; cette atmosphère va souvent entraîner des coups et blessures, mais aussi des destructions de biens appartenant le plus souvent aux responsables du parti au pouvoir129(*). En tout état de cause, la violence marquée par l'âpreté de la lutte constitue un indice de refus des produits démocratiques, une forme déviante de participation politique fondée sur la flagellation et la production de la crainte à partir desquelles se jouent des rapports entre des entrepreneurs politiques et entre ceux-ci et le corps électoral (Afom Ndong, 2007 : 53-54).

De toute évidence, cette atmosphère perturbe le déroulement du vote et tend plutôt à décourager les citoyens qui, étant parfois victimes, ont généralement peur face aux différents actes de terreur qu'ils observent autour d'eux. Les leaders des partis n'en sont pas épargnés ; ce fut le cas dans la province du Sud, fief électoral du parti au pouvoir où le leader de l'UFDC avait été victime d'une tentative d'élimination physique par un gang lors d'un meeting à Ebolowa (Afom Ndong, 2007 : 69). Le constat qui se dégage est que l'avènement du suffrage universel n'a pas aboli automatiquement et immédiatement la violence (Ihl, 1993 : 6).

Par ailleurs, malgré l'atmosphère de terreur, les citoyens peuvent décider de prendre part au vote mais en pratiquant un vote nul. Il en résulte alors que le vote nul est celui qui est exclu du décompte des suffrages valablement exprimés (Bacot, 1994 : 121). En effet, c'est un vote qui ne répond pas à la question posée pendant la consultation électorale : un électeur qui vote nul refuse de choisir parmi les options qui lui sont proposées. C'est pour cette raison qu'il est rapproché de l'abstention car comme cette dernière, ce vote exprime le refus des choix proposés (Subileau, 1997 : 252). Le vote nul est un vote sanction pour désapprouver le scrutin (Bennani et Boukhari, 2009 : 1), il exprime donc un mécontentement à l'égard du scrutin et parfois du système entier. Cela ne veut pas dire que tous ceux qui pratiquent le vote nul le font à dessein ou parce qu'ils sont politisés ; au contraire certains le pratiquent parfois par ignorance. Autrement dit, ils existent des citoyens qui ne savent pas comment se pratique le vote. Le fait est qu'ils mettent tous les bulletins ou plus d'un bulletin dans l'enveloppe, ce qui se traduit par la nullité du vote étant donné que généralement, chaque enveloppe n'a droit qu'à un seul bulletin de vote. Toujours est-il que, lors des élections le pourcentage de ceux qui votent nuls est souvent supérieur à celui qu'obtiennent certains partis politiques ayant pris part au vote. Ce fut le cas aux élections législatives de 1992 où le total des bulletins nuls était de 238.200 sur 4.019.561 inscrits, soit 5.92%130(*). De plus, ce type de vote est souvent fréquent dans les grandes villes qu'en zones rurales, ce qui le rapproche de l'abstentionnisme « protestaire » étant donné qu'il peut être la traduction concrète de la compétence politique de l'électeur qui juge les offres électorales inaptes à ses préoccupations.

Tableau n°13 : CHIFFRES DES BULLETINS NULS REPERTORIES DANS CERTAINES DEPARTEMENTS LORS DE LA PRESIDENTIELLE DE 1997

DEPARTEMENTS

Bulletins nuls (avec %)

TOTAUX DES INSCRITS

MEZAM (Nord-Ouest)

2399 (2.11%)

113415

MFOUNDI (Centre)

6119 (1.95%)

313785

MVILA (Sud)

321 (0.5%)

57771

NOUN (Ouest)

2184 (1.70%)

127937

WOURI (Littoral)

8635 (24.45%)

35314

TOTAUX

19658 (3.03%)

648222

Source : Cameroon Tribune, n°2751, du 24/10/1997, p5-8.

Le vote nul en fait n'exprime aucun choix de la part de ceux qui choisissent cette option. Suivant cette logique, M. David Mongoin, considère que le vote nul est aussi de l'abstentionnisme électoral131(*). A cet effet, le tableau suscité, montre que plusieurs personnes s'abstiennent au Cameroun par la pratique de ce vote, soit par compétence politique, soit par simple méconnaissance de la manière de voter. En outre, la construction de l'abstentionnisme est non seulement inhérente aux pesanteurs socio-économiques mais aussi au faible impact de la campagne électorale.

* 126 Voir à propos Google consulté le 11/05/2011.

* 127 Cité par M.Dominique DUVAL., Etudes électorales : recension des écrits sur la participation électorale. Québec, 2005, p. 33.

* 128Cité par M.Philippe BRAUD., Le jardin des délices démocratiques, Paris, Presse de la Fondation Nationale de Science Politiaue, 1991, p 35.

* 129Lire à ce propos le Cameroon Tribune n°8895/5094, du 20/07/2007, p. 9.

* 130Lire à ce sujet le Cameroon Tribune n°5090, du 12/03/1992, p. 14.

* 131Lire à ce propos MONGOIN, (D), op. cit., p. 8.

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"Je ne pense pas qu'un écrivain puisse avoir de profondes assises s'il n'a pas ressenti avec amertume les injustices de la société ou il vit"   Thomas Lanier dit Tennessie Williams