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Le plein contentieux et l'excès de pouvoir

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par Jacquet Sébastien
Université de Lorient - Master 2 Droit public 2010
  

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    Conseil d'État, 2e et 7e sous-sections réunies, 2 mars 2010,
    Fédération française d'athlétisme

    Introduction

    « L'étoile de l'excès de pouvoir pâlirait-elle encore ? »1. « Encore », car le débat sur la pérennité du recours pour excès de pouvoir est presque aussi ancien que le droit administratif ; dès 1912, commentant l'arrêt Boussuge, Maurice Hauriou déplorait déjà « qu'il y a quelque chose de changé dans le contentieux administratif français [...]. Le changement, c'est que le recours pour excès de pouvoir pâlit, et s'efface de plus en plus devant le recours contentieux ordinaire [le recours de pleine juridiction] ». Prenant le relai de Maurice Hauriou, de nombreux auteurs2 reprirent et chantèrent l'oraison funèbre du recours pour excès de pouvoir sacrifié sur l'autel de la pleine juridiction. Or, il est pour le moins curieux de constater, qu'à l'heure actuelle, le défunt fait encore preuve d'une belle vigueur ; qu'un siècle après la prédication de Maurice Hauriou, le défunt n'est pas mort et, qu'à certains égard, il redevient un sérieux concurrent pour le recours de pleine juridiction. L'arrêt de Conseil d'État Fédération Française d'Athlétisme du 2 mars 2010 met en lumière cette belle résistance du recours pour excès de pouvoir ainsi que son rapprochement fonctionnel du recours de plein contentieux lorsque le juge accepte d'exercer un contrôle normal des actes administratifs unilatéraux.

    Les faits d'espèce sont malheureusement courants. A l'occasion d'une compétition de cross-country, un athlète, licencié de la Fédération Française d'Athlétisme, à été contrôlé positif lors d'un test antidopage non pas parce qu'a été détecté des substances dopantes mais des produits dit « masquants » l'utilisation des dites substances dopantes. Dopantes ou masquantes, ces deux types de produits étant prohibés par l'article L. 232-9 du Code du sport (anc. art. L. 3631-1 du Code de la santé publique) et son arrêté d'application du 24 avril 2004, l'athlète fut sanctionné, en première instance ainsi qu'en appel, par l'organe disciplinaire de la Fédération Française d'Athlétisme qui le disqualifia de l'épreuve à l'occasion de laquelle il fut contrôlé ainsi que des épreuves postérieures en plus de prononça sa suspension de compétition durant deux années. Face a ces sanctions administratives, l'intéressé forma un recours pour excès de pouvoir devant le Tribunal administratif de Marseille dont le jugement fut confirmé par la Cour administrative d'appel de Marseille en ce qu'elle faisait droit à la demande d'annulation de la suspension de compétition de deux années mais en ce qu'elle rejeta la demande d'annulation les sanctions concernant la disqualification des épreuves sportives. Malgré, l'appel incident ayant été formé par le sportif afin d'obtenir l'annulation des sanctions relatives aux disqualifications, ce dernier ne forma pas de pourvoi en cassation, même incident, contre la décision de la CAA ; seule la Fédération Française d'Athlétisme forma un pourvoi devant le Conseil d'État afin d'obtenir l'annulation de l'article premier de l'arrêt de la CAA de Marseille qui a rejeté sa demande d'annulation de la décision du TA de Marseille, jugement qui a accédé à la requête de l'athlète tendant à l'annulation de la suspension de deux ans. Par ailleurs, dans l'hypothèse où le Conseil d'État accueillerait la requête de la fédération, cette dernière sollicita du Conseil qu'il évoque l'affaire au fond en tant que juge d'appel (donc de juge de l'excès de pouvoir) et de condamner

    1 S.-J. LIÉBER, D. BOTTEGHI, « L'étoile de l'excés de pouvoir pâlirait-elle encore ? », AJDA, 2009, p. 583.

    2 Pour exemples, J.-M. WOEHRLING, « Vers la fin du recours pour excès de pouvoir », in Mélanges en l'honneur de Guy Braibant, Paris, Dalloz, 1996, p. 777 ; M. BERNARD, « Le recours pour excès de pouvoir est-il frappé à mort ? », AJDA, 1995, p. 190.

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    l'athlète à la somme de 3500 euros au titre des frais irrépétibles de l'instance.

    Cependant, l'apport de l'arrêt rendu par le Conseil d'État ne réside pas dans les moyens des parties, mais dans les positions prises d'office par la haute juridiction. D'abord, une position implicitement affirmé quant à la nature du recours contre ne sanction administrative prononcé par une fédération sportive à l'encontre de l'un de ses licenciés ; ensuite, une position explicitement affirmée, quant à l'intensité du contrôle du juge administratif. Autrement dit, le Conseil d'État régla les deux problèmes dont le second découlant du premier : la contestation de la décision relève t-elle du recours pour excès de pouvoir ? Dans l'affirmative, quelle est l'intensité du contrôle de légalité ?

    Le Conseil d'État prit, comme nous l'avons annoncé dans notre propos introductif, le parti du recours pour excès de pouvoir (I) assorti d'un contrôle dit normal, d'un contrôle ne s'arrêtant pas à la censure de la seule erreur manifeste d'appréciation (II).

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    I. L'affirmation de l'appartenance au recours pour excès de pouvoir des sanctions disciplinaires prises par la Fédération française d'athlétisme en matière de dopage

    Après avoir délimité ce que le Conseil d'État entend précisément soumettre au contentieux de l'excès de pouvoir (A), une analyse critique quant à la valeur la solution consacrée devra être menée (B).

    A. Le contenu de l'affirmation

    A titre liminaire et avant d'entrer au coeur de l'arrêt, doit être signaler une importante décision rendue par les mêmes sous-sections réunies le 19 mars 2010, Fédération française de cyclisme3 qui exclut la compétence des juridictions administratives en matière de sanctions prononcées par une fédération sportive à l'encontre de l'un de ses licencié. Ainsi, une lecture rapide de l'arrêt pourrait nous amener à conclure, par analogie, que l'arrêt F.F.A n'exprime plus la jurisprudence du Conseil d'État ; Conseil qui considérerait que les sanctions disciplinaires prononcées par les fédérations sportives à l'encontre de leurs licenciés ne seraient plus des actes administratifs. Cependant, une analyse plus attentive exclut sans équivoque cette interprétation. L'arrêt du 19 mars 2010 ne remet aucunement en cause la jurisprudence du Conseil d'État, F.F.C c. Pingeon, du 26 novembre 1976 selon laquelle les fédérations sportives exercent, dans le cadre de la délégation de pouvoir consentie par l'État, un pouvoir disciplinaire sur leurs licenciés ; que, partant, ces sanctions sont des actes administratifs relevant de la compétence du juge administratif conformément à la jurisprudence Montpeurt. En effet, au vu des faits d'espèce qui lui sont soumis, le Conseil d'État précise que les fédérations sportives de cyclisme ayant reçu délégation d'une mission de service public pour l'organisation de compétitions cyclistes sur le territoire national, les sanctions disciplinaires prises à l'encontre d'un de ses licenciés pour des faits accomplis à l'occasion d'une compétition ne s'étant pas déroulée sur le territoire national français doivent être considérées comme n'étant pas prise dans le cadre de la mission de service public déléguée ; par conséquent, la sanction litigieuse ne peut être un acte administratif relevant de la compétence du juge administratif. Ainsi, selon cet arrêt interprété a contrario, les sanctions prises à l'occasion de compétitions organisées en France restent des actes administratifs relevant de la compétence de l'ordre administratif. Tel est le cas dans l'arrêt F.F.A, où la compétition s'était déroulée à Limoges ; ainsi, l'arrêt Fédération française de cyclisme ne remet pas en cause la jurisprudence FFC c. Pingeon, elle même émanant de la jurisprudence Montpeurt. Ce qui aurait été tout à fait extraordinaire pour un arrêt de sous-sections réunies ayant fait l'objet d'une simple mention aux tables du recueil Lebon.

    Quittant le terrain de la répartition des compétences entre l'ordre administratif et judiciaire pour revenir à l'arrêt, celui-ci affirme implicitement que les sanctions disciplinaires prises par la Fédération française d'athlétisme en matière de dopage relèvent de l'excès de pouvoir. Implicitement, car le Conseil d'État ne censure pas les décisions du Tribunal administratif et de la Cour administrative d'appel de Marseille en ce qu'elle auraient emprunté la voie du recours de pleine juridiction ; la censure du Conseil se limite à l'intensité du contrôle mis en oeuvre par les juges du fond (infra, partie II) à l'occasion du recours pour excès de pouvoir dont ils étaient saisis, ce qui induit implicitement mais nécessairement que le Conseil ait approuvé l'empreint de la voie du recours pour excès de pouvoir, analyse que le Conseil confirme lorsqu'il apprécie la légalité de la sanction litigieuse à la date de son prononcé et non à la date du jugement (Cf.

    3 C.E, 19 mars 2010, nO 318549.

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    Premier considérant « Considérant [selon] l'article L. 3631-1 du code la santé publique, en vigueur à la date des faits »). Néanmoins, la portée de l'affirmation doit être précisée. En effet, le Conseil d'État n'a pas entendu rendre un arrêt de principe avec une motivation abstraite et générale mais tout au contraire sa motivation épouse les faits de l'espèce ; la décision commentée n'affirme pas un principe général selon lequel toutes les sanctions disciplinaires prononcées par les fédérations sportives à l'encontre de leurs licenciés relèvent de l'excès de pouvoir. Le Conseil suivit l'avis de son rapporteur public, Béatrice Bourgeois-Machureau, qui, refusant de faire glisser en pleine juridiction le contentieux disciplinaire des sanctions des fédérations, prit le parti du maintien dans le giron du recours pour excès de pouvoir des seules sanctions prises en matière de dopage par la Fédération française d'athlétisme et ce en raison de la nature particulière de la répression confiée aux fédérations, qui doivent faire respecter en ces domaines des règles spécifiques qui dépassent le cadre de leur pouvoir disciplinaire classique.

    Implicitement affirmé, le maintien dans le domaine du recours pour excès de pouvoir des sanctions disciplinaires infligées par la Fédération française d'athlétisme en matière de dopage doit être mis en perspective afin d'apprécier la valeur de la solution consacrée.

    B. La valeur de l'affirmation, la résistance inattendue du recours pour excès de pouvoir

    En préférant la voie du recours pour excès de pouvoir à celle de la pleine juridiction, le Conseil d'État surprend, et ce, pour deux raisons. La première est qu'en matière de sanction disciplinaire pour cause de dopage une répartition des compétences entre la commission de discipline de la fédération et l'agence française de lutte contre le dopage est instaurée. Cependant, si pour cette dernière la loi (art. L. 232-24 du code du sport) a prévu de façon expresse que les contestations des sanctions prises par l'agence relèvent du plein contentieux, rien de tel n'est prévu pour les sanctions infligées par la fédération. Ainsi, face à ce vide quant à la nature du contentieux, le Conseil aurait pu prendre le parti de la cohérence en plaçant ces deux procédures sous l'égide du plein contentieux.

    Surprenante, la solution du Conseil d'État l'est pour une seconde raison qui est de loin la plus importante. En effet, cette consécration du recours pour excès de pouvoir apparaît être une solution prenant à rebours l'évolution générale du contentieux administratif qui tend à privilégier le recours subjectif de pleine juridiction. Cependant, comment ces deux types de recours peuvent-ils entrer en concurrence ? Leur fonction est apparemment différente. Le recours pour excès de pouvoir est un recours dit objectif, un procès fait à la légalité d'un acte administratif indépendamment de la prise en compte des droits subjectifs des individus ; dans ce contentieux, le juge n'a qu'un pouvoir limité : soit il annule l'acte déféré soit il ne l'annule pas, en aucun cas il ne peut le réformer. Alors que le recours de pleine juridiction est un procès mettant en cause les droits subjectifs d'un individu ; dans ce cadre le juge dispose d'un pouvoir entier, il peut aller au delà de la seule annulation ou non de l'acte (il pourra, par exemple, annuler la décision de rejet l'administration et la condamner au paiement de dommages et intérêts). Cependant, cette distinction (dont nous devons la paternité à Gaston Jéze) entre un recours pour excès de pouvoir objectif et recours de pleine juridictions subjectif n'est pas le reflet de la réalité car elle méconnait l'existence du recours dit objectif de pleine juridiction, qui, comme le recours pour excès de pouvoir, tranche une question de légalité d'un acte, mais, en dépit de sa nature objective, est traité comme un recours subjectif en ce qu'il en suit le régime. Par conséquent, dans le cadre du recours objectif de pleine juridiction le juge dispose d'un pouvoir de réformation à l'égard de

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    l'acte administratif litigieux ; il pourra remplacer la décision de l'administration par sa décision, ce qui rend cette voie contentieuse plus dynamique que celle du recours pour excès de pouvoir du fait qu'elle puisse procurer des résultats plus certains, plus concrets et surtout immédiats. Au vu des avantages que le recours objectif de pleine juridiction présente, son domaine d'application a connu et connait une expansion importante sous la double impulsion du législateur et la jurisprudence. En effet, au delà des contentieux spéciaux qualifiés d'historiques (contentieux fiscal, électoral, bâtiments menaçant ruine, des installations classées), d'autres sont venus se greffer comme le contentieux de l'aide sociale, des comptes de campagnes, de la reconnaissance de la qualité d'handicapé ou encore, plus récemment, l'assemblée du contentieux du Conseil d'État (C.E, 16 juillet 2007, Société Tropic travaux signalisation) ouvra au bénéfice des tiers évincés à la conclusion d'un contrat administratif la voie de la pleine juridiction en fermant dans le même temps celle du recours pour excès de pouvoir contre les actes détachables issue de la jurisprudence Martin. Cependant, force est de constater que le domaine dans lequel s'est pleinement épanouie le recours objectif de pleine juridiction reste celui des sanctions administratives ; en ce domaine, s'est développée une impressionnante convergence de dispositions législative désignant le recours de pleine juridiction comme voie contentieuse (par exemple, les sanctions prononcées par l'autorité des marchés financiers contre les professionnels, celles de la commission de régularisation de l'énergie, celles de la commission nationale de l'informatique et des libertés, etc. ). Cette convergence trouva son point d'orgue dans l'arrêt de l'assemblée du contentieux du Conseil d'État, Société Atom, du 16 février 2009, par lequel le Conseil généralisa l'appartenance au recours objectif pleine juridiction de la contestation des sanctions administratives infligées à un administré (ce qui exclut, a contrario, les sanctions disciplinaires prononcées contre les agents publics ainsi, qu'envers les personnes appartenant à une profession réglementée) ; par cette décision, le Conseil d'État abandonna sa jurisprudence Le Gun du 1er mars 1991 dont l'interprétation a contrario amenait à considérer qu'en l'absence de texte les sanctions administratives prononcées contre un administré relèvent du recours pour excès de pouvoir.

    Ainsi, en l'absence de texte relatif à la nature des recours contre les décisions de la Fédération française d'athlétisme, la question de l'application de la jurisprudence se posait au Conseil d'État. Or, en l'espèce, la sanction prononcée par la fédération ne mettant pas en cause un agent public, ni une personne appartenant à une profession règlementée, le Conseil d'État aurait dû appliquer la jurisprudence Atom et déférer l'affaire devant le juge de pleine juridiction ; le Conseil a interprété largement les exceptions de la jurisprudence Atom. Ainsi, l'arrêt F.F.A est à mettre en perspective avec d'autres décisions allant toutes dans le sens d'une résistance du recours pour excès de pouvoir en matière de sanction administrative. En effet, par un arrêt Dalongeville rendu le même jour par les mêmes sous-sections réunies, le Conseil d'État consacra la voie du recours pour excès de pouvoir pour connaitre des sanctions prononcé contre un maire ou ses adjoints. Encore, la Cour administrative d'appel de Nancy par un arrêt du 23 septembre 2010 traita de la même façon les sanctions disciplinaires prononcées contre un détenu (censurant deux jugements du Tribunal administratif de Strasbourg du 25 juin 2009 qui s'étaient placés sur le terrain du plein contentieux). Reste à apprécier la valeur de ces décisions, car s'il est aisément compréhensible que les sanctions infligées aux maires relèvent des exceptions de la jurisprudence Atom en ce qu'elles sont prononcées contre un agents publics, l'on comprend plus difficilement la solution retenue par la Cour administrative de Nancy et encore plus difficilement celle de l'arrêt F.F.A. En effet, la décision de la Cour administrative d'appel de Nancy ne semble être justifier qu'au prix d'un raisonnement plus tortueux voulant que, certes, les détenus ne sont pas des agents publics ni même des membres d'une profession règlementée, mais, en ce qu'ils sont soumis à une

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    stricte subordination envers l'administration pénitentiaire, ils ne peuvent être considéré comme des administrés au sens de l'arrêt Atom. Pour ce qui est de l'arrêt F.F.A, les licenciés n'étant pas dans une situation particulière vis à vis de leur fédération, pas plus, d'ailleurs, qu'un l'habitant d'une commune ne le soit envers le maire, l'on pouvait normalement envisager que le contentieux relève de la pleine juridiction. Pour preuve de ce qui précède, il n'est pas anodin de signaler que le Tribunal administratif de Strasbourg par un jugement du 25 juin 2009 (n° 0405715) appliqua la jurisprudence Atom a une sanction infligé par la fédération de boxe à un de ses licencié ; ainsi, ces divergences entre la haute juridictions et les juges du fond se veulent l'écho de la pensée du président Genevois qui, par ses conclusions sous l'arrêt Aldana Barrena du 8 janvier 1982, affirmait que, lorsque le texte ne l'impose pas, le choix entre le recours pour excès de pouvoir et le plein contentieux est « rarement le fruit d'une théorie juridique ». L'arrêt commenté met, en effet, plus en lumière la volonté du Conseil d'État de ne pas donner la mort au recours pour excès de pouvoir en freinant le développement du domaine du plein contentieux, que sa rigueur dans la mise en oeuvre de sa jurisprudence Atom.

    Cependant, selon le rapporteur public des arrêt F.F.A et Dallongeville, Béatrice Bourgeois-Machureau, le maintien du recours pour excès de pouvoir en matière de sanctions administratives ne pouvait être satisfaisant, notamment au niveau des exigences du droit européen, qu'à la condition d'abandonner le contrôle restreint pour admettre un contrôle entier de l'adéquation entre les motifs et dispositif de la sanction litigieuse ; suivant l'avis de son rapporteur public le Conseil d'État consacra un recours pour excès de pouvoir « renforcé ».

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    II. L'avènement d'un contrôle normal des sanctions disciplinaires prises par les fédérations sportives à l'encontre de leurs licenciés

    Contrairement au maintien du recours pour excès de pouvoir contre les sanctions prisent par la fédération en matière de dopage par lequel nous refusons de voir dans l'arrêt F.F.A une solution de principe, le passage du contrôle restreint au contrôle normal peut, à notre sens être étendu, malgré la motivation au cas d'espèce de l'arrêt, à toutes les sanctions disciplinaires infligées par les fédérations sportives contre leurs licenciés car cette évolution libérale est constatée dans de nombreux autre domaine et tend à se développer d'avantage. Cette précisions quant à la porté de la solution étant faite, l'abandon par le Conseil d'État du contrôle restreint sera envisagé de lege lata (A) ainsi que de lege ferenda en analysant la pérennité de la jurisprudence Touzard (B).

    A. L'abandon du contrôle de l'erreur manifeste d'appréciation

    L'une des différence majeure entre le recours pour excès de pouvoir et le recours de pleine juridiction réside en ce que le premier puisse amener le juge à exercer un contrôle à intensité variable, laissant à l'administration une marge de manoeuvre qui, selon le degrés de vigilance du juge, sera plus ou moins grande. Ces divers degrés de contrôle ont pour objet soit la qualification juridique des faits, soit l'adéquation entre les motifs et le dispositif de la décision attaqué (c'est à dire le contrôle du choix de la décision). Le juge procédera à un contrôle dit restreint lorsqu'il sanctionnera uniquement l'erreur manifeste d'appréciation de l'administration dans la qualification juridique des faits ou dans le choix de la décision, alors que pour le contrôle dit entier il censurera l'erreur d'appréciation. En matière de sanctions disciplinaires générales, l'arrêt du Conseil d'État, Lebon, en date du 9 juin 1978, constitua à son époque une sérieuse avancée en ce qu'il accepta de contrôler, en plus de la qualification juridique des faits, le choix de la sanction mais, faisant jeu d'équilibre, le Conseil ne censura que l'erreur manifeste d'appréciation, c'est à dire la disproportion manifeste entre la sanction choisie par l'administration et la gravité des faits en cause. Jusqu'à l'arrêt F.F.A, les sanctions prononcées par les fédérations sportives n'étaient annulées qu'en cas d'erreur manifeste (C.E, Lorentz, 22 octobre 1993). Cependant, en mettant l'arrêt en perspective on s'aperçoit que celui-ci n'est pas isolé mais que, tout au contraire, il participe d'un large mouvement libéral initiée par le Conseil d'État dès les années 1990 par une série d'arrêts concordants abandonnant le contrôle restreint pour le contrôle entier. Ce qui fut le cas du contentieux des élevées (C.E, 27 novembre 1996, Ligue islamique du nord ), des bénéficiaires des allocations chômages (C.E, 21 mars 2007, Waltz-Gasser), des sanctions professionnelles (C.E, 22 juin 2007, Arfi), des sanctions à l'égard des magistrats du parquet (C.E, 27 mai 2009, Hontang), des commissaires aux comptes (C.E, 12 oct. 2009, Petit) et des sanctions infligées aux maires ou à leurs adjoints (CE, 2 mars 2010, Dalongeville).

    Cependant, dans l'arrêt commenté le passage du contrôle restreint au contrôle entier eut des conséquences pour le moins illogiques sinon paradoxales. En effet, par l'article 1 de son dispositif le Conseil d'État casse l'arrêt d'appel pour ne pas avoir effectué un contrôle entier, partant, il évoque l'affaire au fond pour procéder lui même, en tant que juge d'appel, au contrôle normal. Le paradoxe réside en ce que les juges du fond annulèrent la sanction du fait de son caractère manifestement disproportionnée alors que le Conseil d'État, tout en procédant à un contrôle entier, ne trouva rien à y redire ; ce qui met en lumière l'importante divergence d'appréciation qu'il existe entre les magistrats du fond et leur Cour Suprême quant à l'appréciation de la proportionnalité de la sanction. Car, tout laissait à penser que ce qui était manifestement

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    disproportionné pour les juges du fond constituerait, a fortiori, pour le Conseil d'État, une absence de proportionnalité que l'on peut qualifier de « simple », une erreur d'appréciation. Il n'en fut rien ; malgré un contrôle plus strict, le Conseil ne censura pas la sanction prise pas la fédération.

    Par ailleurs et pour conclure, certains auteurs voient dans l'évolution de la jurisprudence du Conseil d'État en matière de sanction administrative, vers l'abandon progressif du contrôle restreint, l'influence (la pression ?) de la Cour européenne des droits de l'homme qui tendrait à privilégier la voie de la pleine juridiction pour contrôler les sanctions prise par des autorités administratives (par exemple, voir, CEDH 10 févr. 1983, Le Compte et Albert c/ Belgique). Cependant, il semble que les magistrats de Strasbourg n'entendent pas les termes de pleine juridiction comme nous les concevons en droit administratif français. Selon eux, le recours de pleine juridiction est celui permettant au juge d'exercer un contrôle de proportionnalité des sanctions en cause. Dans cette logique, le recours pour excès de pouvoir cantonné au contrôle restreint s'avère être insuffisant par rapport au recours objectif de pleine juridiction ; mais, en adoptant un contrôle entier, celui-ci parait tout aussi adéquat en permettant d'appréhender la proportionnalité de la sanction prononcé eu égard à la gravité des faits. La seule différence entre le recours objectif de pleine juridiction et le recours pour excès de pouvoir entier réside en ce dans le cadre du recours pour excès de pouvoir l'administration devra prendra une nouvelle décision conforme à la décision du juge, alors qu'en plein contentieux le juge substituera sa propre décision en usant de son pouvoir de réformation, ce qui peut constituer un gain de temps et de sécurité.

    Rétrécissant ainsi comme peau de chagrin de domaine du contrôle restreint en matière de choix des sanctions, le Conseil d'État marginalise de plus en plus sa jurisprudence Touzard rendue en matière de sanction disciplinaire à l'encontre d'agent public, nous amenant à soulever la question de sa pérennité.

    B. La marginalisation de la jurisprudence Touzard

    La jurisprudence Atom ayant exclu du domaine du recours objectif de pleine juridiction les sanctions disciplinaires infligées par l'administration contre ses agents ainsi qu'à l'égard des professionnels appartenant à des professions réglementées, l'intensité du recours pour excès de pouvoir revêt en ces matières une importance particulière du fait que seul un contrôle entier permettrait de faire respecter la proportionnalité des sanctions prises eu égard à la gravité des faits reprochés ; rendant par conséquent la jurisprudence française plus compatible avec les exigences européennes. Or, en ces matières il existe une distorsion difficilement justifiable puisque, conformément à la jurisprudence rendue par la une arrêt de section du Conseil d'État, Touzard, du 1er février 2006 (confirmé par un arrêt de sous-section réunies, Ministre de l'éducation nationale, du 27 juillet 2009), les sanctions frappant les agents publics ne sont soumises qu'à un contrôle restreint alors que, conformément à la jurisprudence Arfi du 22 juin 2007 (arrêt qui contrairement aux voeux de le rapporteur Guyomar n'a pas une porté de principe et ne concerne que certains professionnels), les sanctions administratives prononcée à l'encontre de certain professionnels sont appréhendées sont le prisme du contrôle entier.

    Aussi, il serait souhaitable de mettre en cohérence ces contentieux disciplinaires en les soumettant au contrôle entier car on ne voit pas ce qui peut justifier une différence de traitement entre les professionnels privés et les agents publics ayant essuyé tout deux une sanction disciplinaire de l'administration. L'argument voulant que les agents publics soient dans une

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    situation particulière par rapport à l'administration, que celle-ci ait besoin d'un pouvoir plus large en matière de sanction afin de mieux maintenir l'ordre et la hiérarchie inhérente à elle même n'emporte pas la conviction. En effet, s'il est vrai que les agents sont dans une situation particulière vis à vis de leur supérieur hiérarchique, l'abandon du contrôle restreint ne supprimera aucunement la marge d'appréciation de l'administration, car plusieurs sanctions proportionnées pourront indifféremment être choisies ; nous ne voyons rien d'offusquant à ce que l'on puisse exiger de l'administration qu'elle sanctionne ses agents de façon juste.

    Ainsi, comme le souligne Madame Liéber et Monsieur Botteghi, « il convient donc d'harmoniser le contentieux disciplinaire, harmonisation qui ne saurait évidemment se faire par le bas ».






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"Là où il n'y a pas d'espoir, nous devons l'inventer"   Albert Camus