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Le gel des fonds en droit communautaire

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par Jérémie Piété
Université Paris I Panthéon-Sorbonne - Master 2 recherche droit européen 2010
  

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Section 2. La complexité avérée des sources communautaires

La lutte contre le financement du terrorisme s'est développée au sein de l'Union européenne à la même époque qu'au sein des Nations Unies. Quelques mois après le sommet européen de Tampere en octobre 1999 qui aboutit à l'élaboration d'un plan d'action, le Conseil adopte une recommandation du 9 décembre 1999 sur la coopération en matière de lutte contre le financement du terrorisme60 (le même jour que la signature de la convention de New York, voir supra p. 14). L'optique d'une intervention intergouvernementale est sérieusement abordée. A la suite des attentats du 11 septembre 2001, le Conseil européen extraordinaire du 21 septembre 2001 exprime la vive nécessité de légiférer. On assiste alors à un processus normatif hybride61 et particulièrement complexe car le législateur communautaire a recours à des instruments tant du premier pilier que du deuxième pilier (PESC) voire du troisième pilier (JAI). Une typologie se dessine selon l'origine des listes, internationale (Paragraphe 1) ou européenne (Paragraphe 2).

Paragraphe 1. Une liste internationale d'exécution

Le travail de transposition des résolutions onusiennes par les instances communautaires a consisté à reprendre le contenu de la liste édictée par le Comité 1267 selon la procédure qu'il convient de qualifier de « déconcentration ». Cela conduit à présenter la liste communautaire exécutant les sanctions décidées par le Comité des sanctions des Nations Unies par la voie de l'adoption du règlement CE n° 881/200262. Un précédent règlement

59 Transcription de la conférence de presse de Sir Jeremy Greenstock, en date du 19 octobre 2001, p. 5, publiée sur [ www.un.org/terrorism].

60 JOCE n° C 373 du 23 décembre 1999.

61 MOINY Y., article préc., p. 37.

62 Règlement (CE) n° 881/2002 du Conseil du 27 mai 2002 instituant certaines mesures restrictives spécifiques à l'encontre de certaines personnes et entités liées à Oussama ben Laden, au réseau Al-Qaida et aux Taliban, et abrogeant le règlement (CE) n° 467/2001 du Conseil interdisant l'exportation de certaines marchandises et de certains services vers l'Afghanistan, renforçant l'interdiction des vols et étendant le gel des fonds et autres ressources financières décidées à l'encontre des Taliban d'Afghanistan, JOCE n° L 139/9 du 29 mai 2002, p. 9.

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communautaire n° 467/200163 avait déjà été adopté suite aux résolutions 1267 (1999) et 1333 (2000). Celui-ci se voit donc abroger par le nouveau règlement CE n° 881/2002 en vue d'exécuter la position commune 2002/402/PESC64, adoptée le même jour sur la base de l'article 15 TUE (PESC). Cette évolution du cadre normatif s'était en effet accélérée avec la résolution 1390 (2002) qui renforçait la portée des mesures de gel des fonds imposés par les résolutions précédentes. Il est notable de préciser que le règlement accompagne l'exécution de la position commune 2002/402 qui, prise dans le cadre de la PESC (article 15 UE) vise à atteindre l'un des « objectifs de l'Union » au titre de la PESC. On notera ici que l'article 34 n'est pas utilisé comme base juridique, ce qui prive l'Union d'user de ses propres outils de coopération pénale du troisième pilier. Cette position commune mentionne qu'elle s'applique aux personnes listées par le Comité 1267 (article 1er). Faisant une référence implicite au rôle de passerelle entre Communauté et PESC des articles 60 et 301 CE65, la position commune dispose qu' « [u]ne action de la Communauté est nécessaire afin de mettre en oeuvre certaines mesures », notamment les mesures de gel (article 3).

La question se pose quant à la nature exacte de cette liste, est-elle communautaire ou internationale ? La liste contenue à l'annexe 1 du règlement CE n° 881/2002 est une copie de la liste attachée à la résolution 1267 (1999) en intégrant les modifications et mises à jour intervenues suite aux résolutions suivantes66. Elle concerne les mesures de gel à l'encontre d'Oussama ben Laden, Al-Qaida et les Talibans. Par conséquent, ce règlement revêt aussi un caractère ciblé et non universel (même si les obligations qu'il contient peuvent être générales). En vertu de l'article 7.1 du règlement CE n° 881/2002, il est précisé qu'il appartient à la Commission de mettre à jour, au niveau communautaire, la liste ainsi établie en fonction des modifications opérées à l'échelle internationale par le Comité 1267. En résumé, ce premier volet de la lutte antiterroriste « sectorielle » s'articule autour d'un instrument ayant pour fondement le deuxième pilier et d'un règlement pris pour son application relevant du pilier communautaire.

Il est donc plus approprié de parler de liste internationale d'exécution. En effet, la liste contenue dans le règlement CE n° 881/ 2002 a une origine internationale mais s'applique dans

63 Règlement (CE) n° 467/2001 du 6 mars 2001, JOCE n° L 67, p. 1.

64 Position commune du Conseil du 27 mai 2002 concernant des mesures restrictives à l'encontre d'Oussama ben Laden, des membres de l'organisation Al-Qaida ainsi que des Taliban et autres personnes, groupes, entreprises et entités associés, et abrogeant les positions communes 96/746/PESC, 1999/727/PESC, 2001/154/PESC et 2001/771/PESC, JOCE n° L 139 du 29 mai 2002.

65 Voir infra pp. 26 et s., à propos du contentieux lié à cette double base juridique.

66 Notamment les résolutions 1333 (2000) et 1390 (2002).

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l'Union, ce qui démontre bien cette « déconcentration » de l'exécution. Ce n'est pas le cas des deux listes communautaires d'exécution établies dans le cadre du régime de la résolution 1373 (2001) qui possèdent quant à elle une origine communautaire. C'est en partie le fondement des listes qui détermine le régime applicable aux mesures de gel des fonds.

Paragraphe 2. Deux listes communautaires complémentaires

Mutadis mutandis, l'opération de transposition du régime de sanction instauré par la résolution 1373 (2001) a eu lieu dans l'ordre communautaire. L'UE a estimé nécessaire de légiférer par le biais de différents instruments faisant intervenir tous les piliers. Comme il a été dit, la résolution 1373 (2001), bien qu'universelle, ne prévoit aucun pouvoir pour le Comité contre le terrorisme quant à la manière d'identifier et de lister les personnes et entités devant faire l'objet de mesures de gel. Le processus normatif au niveau de l'Union illustre cette complexité67.

Sur la base conjointe de l'article 15 UE (PESC) et de l'article 34 UE (JAI), le Conseil a adopté dans un premier temps deux positions communes qu'il convient de bien distinguer. La première position commune 2001/930/PESC68, dite de « couverture », a une vocation générale et déclarative et donc peu d'incidences pratiques en ce qu'elle énonce les principes qui résultent de la résolution 1373 (2001). Elle ne contient aucune liste. La deuxième position commune est plus intéressante dans le cadre de notre étude et met en oeuvre les orientations de la position commune précédente. La position commune 2001/931/PESC69 organise notamment en vertu des paragraphes 4, 5 et 6 de son article 1er une procédure de « listing » « établie sur la base d'informations précises ou d'éléments de dossier qui montrent qu'une décision a été prise par une autorité compétente à l'égard des personnes, groupes et entités visés ». Cette formule, notamment les expressions d' « informations précises » et d'« éléments de dossier » pourront avoir une certaine pertinence dans le contentieux devant les instances communautaires. L'intérêt de la double base juridique de cette liste, plus « européenne » que « communautaire », (elle intervient dans le cadre des piliers PESC et JAI) permet de faire appel à l'entraide répressive du troisième pilier. A la différence de la position

67 MOINY Y., article préc., p. 39.

68 Position commune 2001/930/PESC du Conseil du 27 décembre 2001 relative à la lutte contre le terrorisme, JOCE n° L 344 du 28 décembre 2001, p. ??

69 Position commune 2001/931/PESC du Conseil du 27 décembre 2001 relative à l'application de mesures spécifiques en vue de lutter contre le terroris me, JOCE n° L 344/93 du 28 décembre 2001, p. 93.

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commune 2002/402/PESC (voir supra p. 18), cette double base juridique se justifie par le fait que la liste doit être non transposée mais plutôt édictée au sein de l'UE ce qui nécessite des outils de coopération. Cette seconde position commune institue donc une liste de personnes et entités en annexe, dont les fonds doivent être gelés par la Communauté.

Le même jour de l'adoption des deux positions communes, le Conseil considérant qu'une action de la Communauté était « nécessaire » en vertu des articles 60, 301 et 308 CE, édicte le règlement (CE) n° 2580/200170. Cette complémentarité des sources veut que les mesures relevant de la PESC (et en partie du JAI) et de la position commune 2001/931/PESC soient transposées et mises en oeuvre au plan communautaire (c'est-à-dire dans le cadre du premier pilier). L'article 2, § 3, du règlement prévoit que « le Conseil, statuant à l'unanimité, établit, révise et modifie la liste de personnes, de groupes et d'entités auxquels le présent règlement s'applique ». Cette liste applicable au pilier communautaire est logiquement la « copie fidèle »71 de la liste résultant de la procédure mise en place à l'article 1er de la position commune 2001/931/PESC72.

En résumé, on peut dire que l'UE a adopté trois « blacklists » pour mettre en oeuvre les exigences découlant des résolutions onusiennes dans le domaine de la lutte contre le financement du terrorisme. Il est plus exact de parler de deux types de listes. La première liste, de nature communautaire, se trouve dans le corps du règlement CE n° 881/2002 concernant les personnes et entités associées à Oussama ben Laden, Al-Qaida et les Talibans et trouve son origine au niveau international dans la liste établie par le Comité 1267 qu'elle exécute. Les secondes listes, concernant toute autre personne, groupe et/ou entité suspectées d'activité terroristes sont identiques du point de vue de leur contenu et de leur nature mais différentes d'un point de vue organique. Une liste « européenne » est contenue dans la position commune 2001/931/PESC dont le règlement CE n° 2580/2001 assure la mise en oeuvre au plan communautaire en contenant par conséquent une liste jumelle « communautaire ».

70 Règlement (CE) n° 2580/2001 du Conseil du 27 décembre 2001 concernant l'adoption de mesures restrictives spécifiques à l'encontre de certaines personnes et entités dans le cadre de la lutte contre le terroris me, JOCE n° 344/70 du 28 décembre 2001, p. 70.

71 MOINY Y., article préc., p. 39.

72 Voir pour une analyse plus approfondie, MOINY Y., « Le règlement (CE) n° 2580/2001concernant l'adoption de mesures restrictives à l'encontre de certaines personnes et entités impliquées dans des actes de terrorisme - Un règlement communautaire à revoir en profondeur ? », R.T.D.I., n° 28, 2007, pp. 189-190 ; CAMERON I., « European Union Anti-Terrorist Blacklisting », Human Rights Law Review, n° 2, 2003, pp. 225-256.

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Après avoir présenté le cadre juridique et les sources des sanctions ciblées ou intelligentes (smart sanctions en anglais), il est possible de saisir la complexité du système normatif, passé d'embryonnaire à universel en moins d'une dizaine d'année73. Un système systématiquement actualisé74, qui du point de vue de l'Union européenne, a une double origine et a l'originalité de s'adresser à des personnes physiques bien identifiées. Ce caractère novateur prouve bel et bien que les mesures de gel des fonds sont des mesures sui generis. Il convient maintenant de compléter l'étude sur le cadre juridique par une étude sur la nature juridique de ces sanctions.

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"Piètre disciple, qui ne surpasse pas son maitre !"   Léonard de Vinci