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Régime virtuel équilibré pour jeunes placés

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par Olivier SINTEFF
Centre promotion sociale d' éducateurs ( C.P.S.E.) de Liège - Bachelier en éducation spécialisée en accompagnement psycho-éducatif 2013
  

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2. Approches conceptuelles et méthodologiques du rapport aux mondes virtuels

Le mot « virtuel » vient du latin virtualis tirant sont radical de virtus signifiant « force ». Autrement dit, dans une première acception : « qui n'est qu'en puissance ; potentiel, possible »18. Ainsi, selon le philosophe Gilles Deleuze, le virtuel devient pleinement réel par un processus d'actualisation (Deleuze, 1968, éd 1993 : 272-273). D'ailleurs Aristote distinguait déjà l'acte en puissance de l'acte actualisé par dunaton, l'équivalent grec de virtualis, en tant que force qui détermine le mouvement du réel. A partir de cette définition, Serge Tisseron19 souligne que les adolescents, dans leurs préoccupations essentielles, « tentent d'échapper provisoirement à l'angoisse du virtuel comme devenir en s'investissant à corps perdu dans le virtuel-déjà là que constituent les jeux vidéo et Internet, car ils peuvent y engager un simulacre de corps réduit à une apparence » (Tisseron, Missonier & Stora, 2006 : 95-96). Me voilà donc parvenu à la seconde

18Premier sens donné par Le Petit Larousse.

19Serge Tisseron, psychiatre, psychanalyste et directeur de recherche à l'université Paris-X de Nanterre, est auteur de nombreux ouvrages concernant le rapport humain au virtuel.

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définition de « virtuel », c'est-à-dire la simulation d'un environnement réel par des images tridimensionnelles et sons de synthèse.

Avec l'évolution frénétique des T.I.C., les « réalités virtuelles » prennent de plus en plus de place dans le quotidien via les écrans numériques interconnectés par le biais du sacro-saint Internet : un village à dimension planétaire.

Les individus se comportent avec leur téléphone cellulaire comme les tous petits avec leur doudou. Le téléphone a un côté rassurant : il permet de se relier immédiatement à un proche, comme l'objet transitionnel* rappelle à un bébé le parent absent. « Plus le corps de ceux avec lesquels nous interagissons s'efface et plus nous sommes tentés de lui substituer celui des machines. Le toucher, par exemple, nous manque tellement que nous caressons volontiers nos téléphones» (Tisseron, 2008 : 24-25).

2.1. Bienfaits et préjudices des mondes virtuels

Les plus friands, mais aussi les plus chevronnés, en matière de technologies numériques : nos teens. Par les maîtres programmés des jeux vidéo, ils s'approprient les repères et conseils qu'ils ne vont plus spontanément chercher chez leurs tuteurs de la « vraie vie » (Tisseron, 2008 : 90-92). De même, les rites de passage socioculturels ou socio-cultuels - comme la communion solennelle, la fête des conscrits ou le bizutage universitaire - sont aujourd'hui remplacés, en partie, par le passage obligé dans les mondes virtuels (ibidem, p93). Faute de quoi garçons et filles risquent de se sentir en marge de la « tribu ».

Malheureusement les adultes sont généralement peu préparés à les accompagner de façon porteuse dans ces univers en raison de la fracture numérique20. Généralement, ils ont tendance à culpabiliser l'enfant en justifiant de la stérilité du temps passé sur l'ordinateur, au détriment d'une bonne partie de celui qu'il aurait encore à consacrer à sa réussite scolaire. Les éducateurs auraient pourtant intérêt à se familiariser eux-mêmes avec ces pratiques divertissantes. En effet, ils pourraient alors non seulement réaliser que le jeune y acquiert des compétences transférables dans la réalité, mais aussi contrôler sans oppression l'activité de leur protégé en la partageant quelques fois avec lui (ibidem, pp94-96). Ainsi, le monde virtuel constitue un espace de médiation (Rouzel, 2004 : 197-207) [cf. les médiations éducatives page 56].

Certains spécialistes défendent les vertus des jeux vidéo, face à ceux qui reprochent à ce type de distractions d'encourager des comportements violents chez leurs jeunes et d'être stériles pour leur créativité. Le point de vue que défendent les experts favorables aux activités ludiques sur l'ordinateur est le suivant. L'agressivité en soi n'est pas une manifestation pathologique, mais « une pulsion de vie, nécessaire au développement de l'enfant et à l'affirmation de soi » et, en cela, n'est pas à associer à un manque de self-control (Stora21, 2007 : 39). Cette pulsion de vie peut avoir des effets de libération et en même temps s'avère utile pour franchir des obstacles ou atteindre un but. Les jeux vidéo stimuleraient donc les facultés de stratégie de l'enfant. Il est aussi prouvé scientifiquement qu'ils stimuleraient certaines compétences cognitives, ainsi que l'intelligence déductive (ibidem p58).

D'autre part, nous sommes aujourd'hui dans une ère sociétale surinvestie par l'idéal du moi et moins moralisatrice. Certains jeunes marquent leurs corps (tatouages, piercings), d'autres font une crise d'adolescence en donnant à leur « moi tyrannique » un exutoire par les jeux en réseau. Ils leur permettent se frotter aux règles, aux limites et prendre des risques - sans encourir des dégâts physiques - pour mieux mesurer leur puissance à un âge où ils se cherchent particulièrement (ibidem, pp 43-44). Dans les jeux dits M.M.O.R.P.G.22, affrontant - à partir d'un

20 Elle concerne les inégalités d'usage et d'accès aux T.I.C., parfois dues à un écart intergénérationnel.

21Michaël Stora travaille comme psychologue clinicien pour enfants et adolescents au Centre Médico-Psychologique de Pantin (France, 93) où il a créé un atelier « jeu vidéo ». Il réfléchit depuis plusieurs années sur l'impact des jeux vidéo sur les enfants souffrant de troubles psychiques mais aussi sur le lien interactif de l'homme à l'ordinateur et de ses conséquences sur les processus mentaux.

22Acronyme anglais de Massively Multiplayer Online Role Playing Games signifiant « Jeux de rôle en ligne massivement multi-joueurs ». Accessible à tout moment par un joueur, en l'absence de ce dernier, l'univers d'un M.M.O.R.P.G. continue à évoluer avec

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avatar23 - un monde inconnu où il doit prendre des décisions importantes, le jeune joueur occupe un espace qu'il conquiert progressivement. Il s'y démarque également de ses parents par une contre-culture obligée et propre au processus de l'adolescence.

Enfin, les jeux vidéo auraient des vertus thérapeutiques dans le sens où ils seraient susceptibles d'opérer un travail de réparation narcissique (ibidem, pp58-64). Néanmoins, cette activité réparatrice ne peut se faire que si le jeune a été marqué de manière favorable dans ses premières relations humaines. Dans ce cas il pourra aisément soulager, dans les espaces dits virtuels, des souffrances passagères parce qu'il aura très tôt intégré des figures parentales plutôt bonnes et sécurisantes (Tisseron, 2008 : 140-141). La machine peut en effet offrir à un sujet donné une relation semblable à celle qui apaise le nourrisson dans un attachement primaire (dyade primitive). On parle alors d'un état de « dyade numérique » (Tisseron, 2009 : 31).

Les cyber-consommateurs, qui ont vécu précocement des expériences traumatiques majeures d'abandon ou de séparation*, vont à leur insu réveiller leurs blessures en explorant les univers numériques. Espérant alors apaiser leurs meurtrissures, ils vont plutôt les amplifier chaque fois davantage. Par conséquent, « plus l'angoisse de ce déplaisir est vive, plus le remède du virtuel risque de devenir un poison » (ibidem, p141). C'est l'entrée dans une spirale de dépendance. Cette dérive peut être réversible, mais à condition de rencontrer un tuteur de résilience*.

Il est des professionnels qui sont plus ou moins acerbes à l'égard des interfaces numériques, en raison justement des dérives fâcheuses auxquelles elles peuvent conduire. Ces militants soulignent à quel point notre environnement quotidien non-humain est saturé d'images et de sons en tous genres. Nous vivons dans un univers où tout va très vite, où le mouvement est permanent et où le progrès technologique accompagne le bébé dès sa vie intra-utérine. Soumis dès notre plus jeune âge au « pouvoir hypnotique des pixels », notre sensorialité est continuellement affectée par l'excitation nerveuse au détriment de l'activité intellectuelle et émotionnelle (Gustin24, 2006 : 33-34).

L'image est un support essentiel rendant possible la pensée. Mais l'enfant doit pouvoir s'en abstraire pour que sa relation aux écrans puisse inspirer un récit à partir de représentations intérieures. Les jeunes générations sont en effet de moins en moins enclines à la représentation symbolique jadis favorisée par le conte ou le récit qui participait en même temps à une structuration lexicale et grammaticale de l'enfant, ainsi qu'à la formation de son répertoire culturel (ibidem, pp35-36). Il est prescrit également de permettre à l'enfant de faire l'expérience de la solitude et du silence pour que ses représentations puissent se former de façon à nourrir sa créativité (ibidem, p50).

J'en reviens au sujet de la nécessaire abstraction des pixels pour s'introduire dans une dimension de la réalité où peu émerger cette créativité personnelle. On peut associer ce postulat au concept de sidération. Selon les psychanalystes, la sidération est un processus psychique dans lequel un sujet, happé par le regard qu'il porte sur un objet, disparaît dans sa propre jouissance narcissique à travers la vue de cet objet ; ce « qu'il voit, et la manière dont il voit ne font plus qu'un, dans une espèce d'unité qui interdit toute forme de mise à distance » (Meirieu, 2004). La personne est donc hors relation au monde, ce mécanisme l'empêchant d'avoir la moindre distance réflexive. En revanche, entrer en sidération peut être utile à la construction identitaire d'un individu, à condition toutefois de pouvoir en sortir, comme dans les rites initiatiques (avec entrée et sortie) de type traditionnel. Avec les images audio-visuelles d'Internet, le risque pour ceux qui y trouvent un refuge anxiolytique ou antidépresseur est ne plus vouloir en sortir. Ils sont alors pris dans la spirale de la cyberdépendance.

les autres joueurs présents. D'où l'intérêt de se connecter en même temps que ceux avec qui on a l'habitude d'interagir.

23Dans la croyance hindoue, l'avatara est un dieu qui descend sur terre pour prendre la forme d'une vie humaine (Hautefeuille & Véléa 2010 : 39). Selon cette signification, le joueur peut de même s'incarner dans un jeu sous une apparence toute faite ou qu'il choisit.

24Pascale Gustin, psychologue clinicienne et psychanalyste, partage sa vie professionnelle entre le Service de Santé Mentale Le Chien Vert à Bruxelles, sa pratique libérale et les milieux hospitaliers où elle exerce depuis plus de 15 ans en pédiatrie, maternité, procréation médicalement assistée et au sein d'unités intensives néonatales et de grossesses à risque.

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"Il existe une chose plus puissante que toutes les armées du monde, c'est une idée dont l'heure est venue"   Victor Hugo