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L'humanisation des lieux de détention au Cameroun

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par Vincent Pascal MOUEN MOUEN
Université catholique d'Afrique centrale - Master en droits de l'homme et action humanitaire 2009
  

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V- Revue de littérature

Le problème de l'humanisation des lieux de détention a préoccupé plusieurs auteurs. Monsieur Edmond ATEMENGUE19(*) , dans son article «La torture en milieu carcéral : le cas de la prison centrale de Kondengui-Yaoundé (09 octobre 1985 - 06 octobre 1995)''20(*) décrit la prison centrale de Kondengui comme « un lieu de bagne » dans lequel la violence physique et morale est la règle, dès l'arrivée des prisonniers jusqu'à leur sortie. En se limitant à un exposé des faits vécus durant dix années dans cet univers carcéral, l'auteur compare les violences dont sont victimes les pensionnaires de cette structure à « un outil de travail » qui serait « nécessaire et indispensable » pour un meilleur encadrement des prisonniers. D'après l'auteur, même si les conditions carcérales à Kondengui connaissent depuis quelques temps une nette amélioration, « on y retrouve encore quelques brebis galeuses qui refusent de suivre le nouveau rythme ».

L'auteur s'est limité à une analyse factuelle de la situation des détenus de Kondengui, sans convoquer aucune source de droit, même pas le règlement intérieur de la prison qui reconnaît aux pensionnaires des droits bafoués quotidiennement par leurs geôliers. Il convient même de relativiser l'amélioration  à laquelle il fait allusion, ce d'autant plus que ce pénitencier est encore de nos jours réputé pour les violences que l'on y exerce sur les pensionnaires. Surtout que ces derniers ignorent la plupart du temps les droits qui leurs sont reconnus ou/et les mécanismes juridiques et institutionnels existants pour les faire valoir. De plus, le «léger mieux'' qu'il souligne ne concerne que les sévices corporels, les frustrations morales étant encore la règle dans cet univers. Cette analyse de l'auteur qui assimile les violences sur les pensionnaires de cette prison à un outil de travail rejoint notre opinion sur les violences et autres brutalités que subissent les citoyens privés de leur liberté. Faits vécus sur le terrain et rapportés par de nombreuses associations de défense des droit de l'homme. Ce qui légitimement pourrait nous amener à nous interroger sur la pertinence de la violence comme outil d'encadrement des prisonniers qui possèdent parmi les droits qui leur sont reconnus, le droit à la protection de l'intégrité physique et corporelle21(*).

Monsieur Eyike-Vieux, en analysant les droits du prisonnier22(*), a passé en revue l'arsenal des textes nationaux et supra nationaux qui consacrent des droits aux prisonniers. Après avoir fait l'inventaire des droits dont jouissent tous les prisonniers, il s'est appesanti sur les droits spécifiques aux mineurs, aux femmes incarcérées aux aliénés mentaux, aux étrangers et aux gardés à vue. La pertinence de l'analyse juridique du droit des prisonniers par l'auteur n'étant plus à démontrer, il aurait cependant été souhaitable qu'elle soit conciliée avec des faits réels qui illustrent la difficile protection des droits de cette catégorie de personnes. Il a conclu en s'interrogeant sur l'efficacité de la protection accordée aux prisonniers au regard de la modicité du budget des établissements pénitenciers et des dysfonctionnements observés dans l'administration en général, en excluant quelque peu la responsabilité du personnel de l'administration pénitentiaire dans le non respect des droits du prisonnier. Analyse certes pertinente, mais qui nous semble peu réaliste. En effet, la modicité des budgets des établissements pénitentiaires est il est vrai une sérieuse entrave au respect des droits de l'homme dans la mesure où ces budgets ne permettent pas d'assurer la formation et la sensibilisation du personnel chargé de l'application des lois aux droits de l'homme. Mais cette raison ne pourrait à elle seule justifier le déficit d'humanisation observé dans les lieux de détention au Cameroun. Et c'est précisément sur ce point que nous nous écartons de l'analyse de l'auteur car la législation en matière de détention fait elle aussi prospérer les conditions inhumaines dans les lieux de détention dans le sens où elle ne prévoit pas les peines alternatives à l'emprisonnement qui pourraient contribuer significativement à la décongestion des prisons au Cameroun.

La réflexion du Professeur Bernard-Raymond GUIMDO D. sur les alternatives à l'emprisonnement23(*) fait état de la multiplicité des infractions passibles de peines d'emprisonnement, situation qui contribue à détériorer d'avantage les conditions de détention dans les structures pénitentiaires par le surpeuplement. Il propose pour cela une plus grande utilisation des peines alternatives à l'emprisonnement, les unes étant prévues par le code pénal et d'autres textes législatifs, les autres envisageables au regard de la saturation du milieu carcéral et des besoins des collectivités victimes des méfaits des délinquants à condamner. L'auteur estime cependant que certaines institutions telles que les institutions étatiques, la société civile et les collectivités territoriales décentralisées devraient nécessairement être impliquées pour un meilleur suivi et une mise en oeuvre efficiente de ces peines alternatives car « il ne sert à rien de mettre des gens en prison si cela ne permet pas leur rachat ou leur réinsertion dans la société et si cela ne profite pas à la société ».24(*)

Cette analyse renforce nos convictions quand on sait que l'incarcération, si elle est une mesure punitive, constitue également une grande humiliation pour ceux des citoyens qui, bien qu'exemplaires sont malencontreusement ou accidentellement tombés sous le coup de la loi. De plus, purger une peine d'emprisonnement dans le contexte camerounais actuel c'est aussi supporter l'abandon de la famille qui très souvent rompt les liens avec le détenu, rendant ainsi plus difficile une possible réinsertion. Pourtant le condamné d'aujourd'hui peut, lorsqu'il est bien accompagné, devenir un modèle social après avoir payé ses fautes.

Madame Adeline FOUEGOUM,25(*) traitant des institutions judiciaires et carcérales26(*) fait dans un premier temps, une présentation des institutions judiciaires du Cameroun car estime-t-elle, pour mieux se servir d'un instrument, il faut le connaître. Puis, dans un second temps, elle analyse le cadre institutionnel de l'administration pénitentiaire à la lumière du décret présidentiel n° 92/052 du 27 mars 1992 qui classe les centres pénitentiaires, définit leurs modalités de fonctionnement, prescrit et définit les règles relatives au traitement des détenus, à leur santé et à leur incarcération. L'auteur fait remarquer que « de manière générale, les droits du citoyen incarcéré sont légalement assez bien préservés. Mais seulement à l'application les violations et les abus sont légions »27(*). Elle préconise pour cela la mise sur pied des structures de contrôle des lieux de détention aptes à constater les infractions pour une préservation efficiente de la dignité de ceux qui sont privés de leur liberté.

Au regard du fonctionnement actuel des lieux de détention, la position de cet auteur rejoint nos préoccupations. En effet, ceux qui sont privés de leur liberté le sont même parfois à tort et subissent du même coup comme les autres, d'affres conditions de vie dans les lieux de détention. Conditions qui, au lieu de faciliter leur réinsertion et de les encourager à respecter la loi après avoir recouvré la liberté, les mettent plutôt en marge de la société au mépris des dispositions de l'Ensemble des règles minima pour le traitement des détenus.28(*)Il nous semble donc pertinent d'envisager, comme l'auteur de cet article, la mise sur pied des structures de contrôle et de surveillance des lieux de détention ou la redynamisation de celles déjà existantes.

La divergence des opinions de ces différents auteurs suggère un questionnement légitime sur les causes de l'absence d'humanisation dans les lieux de détention.

* 19 Ancien détenu à la prison centrale de Kondengui de 1985 à 1995.

* 20ATEMENGUE (Edmond), « La torture en milieu carcéral : le cas de la prison centrale de Kodengui-Yaoundé (09 octobre 1985-06 octobre 1995) » ,in Intégrité physique et dignité humaine, Cahier africain des droits de l'homme n°1, novenbre1998, études et documents de l'APDHAC, presses de l'UCAC, pp 53-63.

* 21 Il s'agit là d'un droit consacré par l'article 4 al. 1 de la convention contre la torture, de l'article5 de la Déclaration universelle des droits de l'homme, de l'article 7 de Pacte international relatif aux droits civils et politiques, des articles 4 et 5 de la charte africaine des droits de l'homme et des peuples, et de l'article 31 de l'ensemble des règles minima pour le traitement des détenus.

* 22EYIKE (Vieux), « Les droits du prisonnier » in intégrité physique et dignité humaine, Cahier africain des droits de l'homme n°1, op. Cit. pp 65-87.

* 23GUIMDO (Bernard-Raymond), «  Les alternatives à l'emprisonnement dans des contextes de surpeuplement carcéral : le cas du Cameroun », in Juridis périodique n° 60, Décembre 2004, pp 77-85.

* 24 Ibid.

* 25 Avocat

* 26FOUEGOUM(Adeline), « Institutions judiciaires et carcérale », in Presse et droits de l'homme en Afrique centrale, Cahier africain des droits de l'homme n°5, Presses de l'UCAC, octobre 2000, pp 111-118.

* 27 Op. cit. Pp 117-118

* 28L'article 65 de l'Ensemble des règles minima pour le traitement des détenus stipule que : « le traitement des individus condamnés à une peine privative de liberté doit avoir pour but, autant que la durée de la condamnation le permet, de créer en eux la volonté et les aptitudes qui les mettent à même, après leur libération de vivre en respectant la loi et de subvenir à leurs besoins. Ce traitement doit être de nature à encourager le respect d'eux-mêmes et à développer leur sens de responsabilité ».

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"Ceux qui rêvent de jour ont conscience de bien des choses qui échappent à ceux qui rêvent de nuit"   Edgar Allan Poe