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Pour une reconnaissance politique et sociale des valeurs des abords du patrimoine bàąti en Algérie. La basilique St-Augustin et ses abords à  Annaba.

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par Hocine AOUCHAL
Université de Constantine 3 - Magistère option: stratégies de préservation du patrimoine 2013
  

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Conclusion

Dans le développement du présent chapitre, on a pu déduire l'importance des abords dans l'appréciation du patrimoine bâti. Cette appréciation est le résultat de la reconnaissance des valeurs monumentales que le monument historique doit avoir; parmi elles, la valeur de position qui explique le rôle visuel, perceptif et même mémoriel des abords.

Cette réflexion nous a conduit à percevoir le patrimoine bâti autrement, car on est passé d'une perception qui évalue le patrimoine bâti en tant qu'un objet ponctuel à une autre perception qui met cet objet dans son cadre spatio-temporel et qu'ils soient inséparables, voire qu'ils créent ensemble un lieu particulier qui se réfère à l'identité de la société. Les différentes opérations de préservation du patrimoine bâti ne peuvent s'effectuer, dans ce cas, sans la prise en considération de ses abords. Il faut reconnaitre leurs valeurs afin de les protéger.

A partir de ce point, il est impossible d'étudier le monument historique séparément de ses abords. Dans les deux chapitres à suivre, la connaissance du lieu qu'ils forment sera approfondie, dans une approche mémorielle et, ensuite, de représentation identitaire.

30 Von MEISS Pierre et al, «de la forme au lieu» : une introduction à l'étude de l'architecture, Lausanne, 1993, Presses polytechnique et universitaire romandes, P151.

CHAPITRE DEUXIEME...

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LA BASILIQUE ST-AUGUSTIN ET SES ABORDS A ANNABA

Pour une reconnaissance politique et sociale des valeurs des abords du patrimoine bâti en Algérie

CHAPITRE DEUXIEME :

Le monument historique et ses abords, un lieu de cristallisation de la
mémoire collective

Introduction

Dans ce processus théorique visant une compréhension et une connaissance profonde des valeurs des abords des monuments historiques, les liens entre le monument et ses abords étaient les plus marquants. Ces liens, ne sont pas uniquement d'un ordre visuel mais aussi mémoriel, se matérialisent en un lieu surchargé de mémoire collective et de valeurs identitaires et existentielles.

Le patrimoine bâti est une source de cohésion sociale et d'une identité du territoire par ses signes mémoriaux qu'il transmet. La mémoire est actuelle, au présent éternel. Cependant, le patrimoine bâti peut être, dans plusieurs cas, ancré dans le passé le plus lointain où la mémoire trouve sa fin face à l'amnésie et au changement physique de l'environnement, ou non physique de la population dans le même lieu, dans un autre temps. L'histoire prend la place de la mémoire pour chercher et comprendre le passé. L'histoire cherche l'événement, au contraire à la mémoire qui est vécue et même sacralisée. La connaissance du passé dérive donc de sa qualité absolue à une autre relative.

Avec la « fin de l'histoire-mémoire » annoncée par Pierre Nora (les lieux de mémoire, 1984), la distinction entre les deux notions n'était jamais aussi claire. La problématique posée par cette distinction est une problématique de lieu, car la mémoire est vécue dans un lieu. Le lieu que forment le monument historique et ses abords est un lieu particulier, car il est un émetteur d'une mémoire collective relative à toute la société. La préservation de ces lieux de mémoire, où les abords sont reconnus comme une valeur du monument, vise la cristallisation de cette mémoire comme une existence matérielle enrichissant l'affection de la société à son passé.

Il est, donc, nécessaire de ressortir la valeur des abords des monuments historiques dans un cadre mémoriel de la philosophie du lieu, tout en expliquant les différentes notions relatives au concept de lieu de mémoire et leurs interactions. Cela peut donner au patrimoine bâti et ses abords une nouvelle signification.

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Le monument historique et ses abords, un lieu de cristallisation de la mémoire CHAPITRE

collective DEUXIEME

I. Lieu, un essai de définition

«La notion de lieu renvoie aussi bien à l'ici qu'à l'ailleurs. Là où l'on est, comme là où l'on se rêve. Le lieu peut être un espace de l'on découvre, dans lequel on vit ou dans lequel on ne fait que passer. On peut l'apprécier ou vouloir le fuir. On s'y attache ou on s'en détourne. On s'y tient immobile, songeur, rêveur, saisi, contemplateur, ou on s'y meut, on l'arpente, on l'explore, on le parcourt, on y évolue. Le lieu qui peut parfois sembler passif est en réalité puissamment actif. Il recèle des mystères. Il suscite des sensations, des impressions, des émotions »31. L'homme vit dans un monde plein de lieux significatifs, il doit au moins connaitre son propre lieu.

I.1. Lieu et non-lieu, un couple existentiel

Le détour étymologique est souvent une bonne méthode pour s'enquérir du sens d'un terme. Dans ce cas, comprendre le non-lieu aide à mieux comprendre le lieu. Alors, quel non-lieu ?

D'après la réflexion de Marc Augé dans sa thèse (Non-lieux : introduction à une anthropologie de la surmodernité, 1992), très populaire chez les architectes et les urbanistes, les non-lieux ne sont pas des lieux vides, des terrains vagues ou des friches. Les non-lieux désignent l'expression d'une certaine contemporanéité. Pour Augé, le monde contemporain est envahi et même structuré par la surmodernité dont l'excès est sa modalité principale.

Cet excès, ou ce sur de surmodernité, a trois figures32 caractérisant le monde contemporain : excès de temps, excès d'espace et excès d'individualisation. Ses figures sont relatives au constat de Augé, que les sociétés ne sont plus étanches, elles ne l'ont jamais été, et que la modernité s'infiltre partout. Les figures d'excès sont :

Un excès de temps : veut dire un excès événementiel. Le développement économique, scientifique, technologique et les média, qui constituent un grand pouvoir dans le monde contemporain en reliant toutes les sociétés du monde entier, a causé une certaine « surabondance d'événements ». la perception et l'usage du temps a subit une modification, du fait que l'homme se trouve perdu face à la difficulté à penser le

31 BERTHET Dominique, «L'Art dans sa relation au lieu », Paris, 2012, L'Harmattan, P33.

32 PAQUOT Thierry, « lieu, hors lieu et être au monde », in. YOUNES C. et MANGEMATIN M. (dir.), lieux contemporains, Paris, 1997, DESCARTES & CIE, P14.

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temps. Le besoin humain, quotidien, de donner un sens au monde, avec cette condition de surabondance d'événements, a fait changer la perception de l'homme à son environnement, en passant par la nécessité de le connaitre à la nécessité de le reconnaitre. Ce changement peut être la cause de la modification de la signification temporelle que Pierre Nora évoque avec ses lieux de mémoire qui soient des signes visibles de ce qui fut, dans lesquels on ne cherche plus une « genèse » mais plutôt une «différence ». «dans le spectacle de cette différence l'éclat soudain d'une introuvable identité. Non plus une genèse, mais le déchiffrement de ce que nous sommes à la lumière de ce que nous ne sommes plus »33

Un excès d'espaces...d'imaMes : Paradoxalement, cela est relatif au «rétrécissement de la planète » par la conquête spatiale traduite par l'urbanisation accélérée, la migration des populations vers les centres urbains et le changement d'échelle perceptive de la terre avec le développement des moyens de transport.

Cet excès crée un environnement symbolique constitué de codes à reconnaitre, ce qui transforme perpétuellement le paysage urbain et même le multiplie. C'est une multiplication de non-lieux.

Un excès d'individualisation : Lié à l'affaissement des cosmologies collectives34 Suite à l'excès du temps et de l'espace, s'amplifie la clameur des particularismes où l'individu interprète par et pour lui-même les informations qui lui sont délivrées par son environnement. Le bouleversement continuel du monde nécessite et accélère la production individuelle de sens, car le monde contemporain souffre de l'absence de lieux et de l'abondance de non-lieux difficilement appropriables.

Cette surmodernité et ses trois figures d'excès, sont la cause principale de la production des non-lieux qui sont sans nom, sans identité pouvant être nommée, reconnue et appréciée. Le non-lieu serait, donc, l'impossibilité d'en saisir l'authenticité. Alors, quel lieu ?

«Le mot « lieu », en français, vient du latin locus, qui sert à traduire le mot grec topos, et signifie « place » ou « endroit ». Si topos indique un endroit où l'on veut se rendre, locus est davantage un emplacement où l'on pose quelque chose. On peut, alors, considérer que le lieu est à la fois un accueil et une halte. Mais un accueil à qui ? Soi et l'autre, ou l'ensemble ?

33 NORA Pierre, « Les lieux de mémoire », Paris, Vol. I : La République, 1984, Gallimard, P33.

34 PAQUOT Thierry, op. cit. P14.

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L'homme est un être sociable, ce qui veut dire « être ensemble », à la négation de la solitude qui soit, anthropologiquement, la propriété du non-lieu »35. Etre ensemble c'est être au même lieu, qui fait alors lien, et en même temps, qui fait alors histoire. Il s'agit de la spatialisation de l'avec. Le lieu est actif et certainement plus agissant que chez Pierre Bourdieu, qui considère le lieu comme un espace à deux dimensions : physique et sociale. Par contre, le lieu révèle, beaucoup plus, la temporalité que la spatialité; un événement qui a lieu.

Michel De Certeau, l'inspirateur d'Augé, définit le lieu de l'homme à partir de trois fonctions :

Identitaire : centres construits pour certains hommes qui définissent des frontières au-delà desquelles d'autres hommes se définissent comme autres. Le lieu a une limite, celle là ne constitue pas une barrière absolue mais un commencement d'une nouvelle matérialité, d'une nouvelle identité.

Relationnelle : points d'échange sociaux, où les hommes se croisent et se rencontrent. Historique : oeuvres humaines témoignant un événement ou une période historique précise. le lieu devient un objet de connaissance humaine, sensorielle, imaginaire et mémorielle.

Le lieu a une configuration, un ensemble de réseaux qui rassemblent les hommes et les fait partager. La configuration de ces réseaux a son « génie ». La symbolique du lieu ne peut communiquer avec un étranger, un originaire d'une autre région. Il faut que ce dernier apprenne le sens des différents réseaux; des couleurs, matériaux, formes et surtout valeurs pour pouvoir comprendre et apprécier ce lieu, qui fait lien avec ses habitants. Ce caractère local dote le lieu d'un génie. C.N. Schulz considère que faire de l'architecture signifie visualiser le «genius loci » (l'esprit du lieu) qui, depuis l'antiquité, soit considéré comme la réalité concrète qu'affronte un homme dans son quotidien, le lieu est vécu. Si l'architecture crée des lieux pour l'homme, le patrimoine bâti et ses abords crée des lieux pour toute la société ou même des lieux, dans certain cas, ayant une valeur universelle. Le patrimoine bâti reste ancré dans la mémoire de la société, mais aussi produit des rituels36 de pratique ou de visite qui enracinent, encore plus, le lieu dans sa dimension spatiale et temporelle.

35Ibid., P16.

36 B.JACQUES Paola et al, « Trialogue : lieu, milieu, non-lieu », in. YOUNES C. et MANGEMATIN M. (dir.), lieux contemporains, Paris, 1997, DESCARTES & CIE, P130.

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"Aux âmes bien nées, la valeur n'attend point le nombre des années"   Corneille