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Pour une reconnaissance politique et sociale des valeurs des abords du patrimoine bàąti en Algérie. La basilique St-Augustin et ses abords à  Annaba.

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par Hocine AOUCHAL
Université de Constantine 3 - Magistère option: stratégies de préservation du patrimoine 2013
  

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III. Mémoire et histoire, une problématique de lieu

« Toute discussion de la notion de patrimoine convoque plus ou moins la relation de celui-ci avec l'histoire et avec la mémoire comme deux formes de rapport au passé »54. Le rapport entre la mémoire et l'histoire est conflictuel. Charles Péguy décrit ce rapport conflictuel par le célèbre passage de Clio qui explique le rapport par une métaphore géométrique qui consiste à considérer l'histoire comme une ligne longitudinale, du fait qu'elle passe au long de l'événement pour le redécouvrir et la mémoire comme une ligne verticale, du fait qu'elle soit dans l'événement. Les deux forment un angle droit où l'histoire est parallèle à l'événement et la mémoire lui est centrale et axiale. Leur association au passé est une source de confusion, car malgré ce point en commun, les deux notions demeurent très différentes et même

54 DAVALLON Jean, «tradition, mémoire, patrimoine », in. SCHIELE Bernard (dir.), patrimoines et identités, Québec, 2002, Musée de la civilisation du Québec, P51.

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opposées. Chronologiquement, il est impossible de mettre l'une avant l'autre, ce qui fait que le rapport mémoire-histoire est étanche et chacune renforce l'autre. Le conflit n'est donc pas le résultat d'une fatalité chronologique, mais bien dans les modes opératoires de sélection et d'analyse des événements du passé.

La mémoire est une faculté humaine dont le retenu du passé est appelé souvenirs. C'est une expérience personnelle, même s'il s'agit d'une mémoire collective car le frottement de l'individu avec sa société est aussi un acte personnel. L'histoire est plus scientifique, donc c'est évident de la juger comme froide et analytique en la comparant avec la première. La mémoire est vécue, mais partielle, par contre l'histoire est recherchée et globale, même si elle reste perpétuellement inachevée. Mais la différence n'arrête pas au seuil du degré de la totalité de la présence du passé dans le présent, la différence est bien de nature de représentation du passé, car l'histoire cherche la vérité, une vérification et une redécouverte de la réalité du passé, nommée par Philippe Barriere, une vérité d'adéquation. La mémoire cherche une vérité de découverte de soi en rapport avec la société, elle a une valeur identitaire et nommée par le même auteur, une vérité de dévoilement. « C'est à la fidélité que s'attache la mémoire. C'est à la vérité que travaille l'historien»55.

Le fameux Pierre Nora, explique cette différence conflictuelle d'une façon très élaborée. Il écrit que : «La mémoire est la vie, toujours portée par des groupes vivants et, à ce titre, elle est en évolution permanente, ouverte à la dialectique du souvenir et de l'amnésie, inconsciente de ses déformations successives, vulnérable à toutes les utilisations et manipulations, susceptible de longues latences et de soudaines revitalisations. L'histoire est la reconstruction toujours problématique et incomplète de ce qui n'est plus. La mémoire est un phénomène toujours actuel, un lien vécu au présent éternel ; l'histoire, une représentation du passé. Parce qu'elle est affective et magique, la mémoire ne s'accommode que de détails qui la confortent ; elle se nourrit de souvenirs flous, télescopants, globaux ou flottants, particuliers ou symboliques, sensible à tous les transferts, écrans, censure ou projections. L'histoire, parce que opération intellectuelle et laïcisante, appelle analyse et discours critique. La mémoire installe le souvenir dans le sacré, l'histoire l'en débusque, elle prosaïse toujours. La mémoire sourd d'un groupe qu'elle soude, ce qui revient à dire, comme Halbwachs l'a fait, qu'il y a autant de mémoires que de groupes ; qu'elle est, par nature,

55 BARRIERE Philippe, op. Cit. P18.

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multiple et démultipliée, collective, et individualisée. L'histoire, au contraire, appartient à tous et à personne, ce qui lui donne vocation à l'universel. La mémoire s'enracine dans le concret, dans l'espace, le geste, l'image et l'objet. L'histoire ne s'attache qu'aux continuités temporelles, aux évolutions et aux rapports des choses. La mémoire est un absolu et l'histoire ne connaît que le relatif

Au coeur de l'histoire, travaille un criticisme destructeur de la mémoire spontanée. La mémoire est toujours suspecte à l'histoire dont la mission vraie est de la détruire et de la refouler. L'histoire est délégitimation du passé vécu... »56.

Mais quelle est la raison de ce conflit ? La principale raison est celle de la « fin de l'histoire-mémoire » annoncée par Pierre Nora, qui est due à l'accélération de l'histoire exprimée en changement progressif et rapide du monde contemporain et, donc en parallèle, un passé définitivement mort, une rupture d'équilibre. Ce que Pierre Nora veut expliquer est la rupture avec le passé par la concentration sur le présent et l'intérêt pour l'avenir. La mémoire est déchirée, elle n'est plus vécue. On est devenu obsédé par la mémoire parce qu'il n'y en a plus. Nos sociétés sont condamnées à l'oubli, le besoin à l'histoire devient vital pour rattraper la rupture.

Le rapport conflictuel entre les deux notions débouche dans une problématique de lieu par la curiosité de la société pour les lieux où se cristallise la mémoire collective liée, en particulier, à un moment ou un événement dans l'histoire. On devient obsédé par les lieux de mémoire pour la simple raison qu'il n'y en a plus de milieux de mémoire. La mémoire devient, donc, saisie par l'histoire. «Tout ce que l'on appelle aujourd'hui mémoire n'est donc pas de la mémoire, mais déjà de l'histoire. Tout ce que l'on appelle flambée de mémoire est l'achèvement de sa disparition dans le feu de l'histoire. Le besoin de mémoire est un besoin d'histoire »57. Ce passage ou inclusion de la mémoire en l'histoire est un passage vers le coté opposant. Pierre Nora nomme la mémoire, comme on l'a vu avant, la mémoire «vraie », cela implique que la mémoire saisie par l'histoire est une fausse mémoire, pour le fait qu'elle a perdu sa chaleur du vécu. Moins la mémoire est vécue, plus elle nécessite des repères tangibles d'une existence qui ne vit plus qu'avec eux. La mémoire saisie par l'histoire, un aboutissement de la contemporanéité, est une mémoire archiviste qui s'appuie sur le matériel et son image.

56 NORA Pierre, «les lieux de mémoire », Paris, Vol. 1 : la république, 1984, Gallimard, P19-20.

57 Ibid., P25.

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Cela explique l'intérêt grandissant au patrimoine bâti. «L'explosion patrimoniale» que nous connaissons est un résultat de l'inclusion de la mémoire en l'histoire. Les sociétés sacralisent « la commémoration patrimoniale »58 pour établir un court-circuit avec un passé mort. C'est grâce à l'histoire qu'un lieu de mémoire est apprécié ainsi, en remplaçant la commémoration de célébration. Ces lieux d'une signification historique sont le résultat de la matérialisation de la mémoire, principalement, par le biais du patrimoine bâti. Mais le patrimoine bâti à deux supports : un espace signalé et un temps évoqué. Suivant cette logique, le patrimoine bâti est un générateur de mémoires collectives à partir de sa signification historique du temps passé. Ses abords, dans ce cas, justifient la spatialisation de la mémoire, en question, en créant un lieu de mémoire.

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"Il faudrait pour le bonheur des états que les philosophes fussent roi ou que les rois fussent philosophes"   Platon