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Droit maritime et énergies marines renouvelables

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par Thibaut Schwirtz
Université Lumière Lyon 2 - Droit des transports et de la logistique 2014
  

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B. Les engins EMR, aux frontières entre les règles de l'abordage et du droit commun en droit français

De par leur diversité, les EMR évoluent entre le régime de l'abordage et du droit commun. S'ils présentent des similitudes, ces régimes conservent leurs particularités qui nécessitent d'être dégagées (1). L'abordage en droit interne a de plus un champ d'application plus large qu'en droit international, ce qui permet d'assimiler certains engins à des navires (2). Les particularités des EMR requièrent enfin de s'intéresser à la question de la faute du propriétaire des engins offshore (3).

1) Le régime de l'abordage, exclusif du droit commun

La confusion des régimes, causée en partie par la rédaction de la loi du 7 juillet 1967 sur les évènements de mer34, et les différences que ces régimes provoquent dans l'indemnisation des tiers, ont régulièrement amené la Cour de cassation à censurer les décisions relatives à l'abordage faisant référence aux article 1382 et 138435.

Le droit de l'abordage se base sur le principe de la faute prouvée. L'article L5131-3, al. 1er dispose que « si l'abordage est causé par la faute de l'un des navires, la réparation des dommages incombe à celui qui l'a commise ». C'est en substance ce que prévoit

31 CA Caen, 12 septembre 1991, DMF 1993 p.523

32 CJUE 30 septembre 2003, C-47/02

33 Cass. 9 mars 1966, DMF 1966 p.408 ; JC Transports, fasc. 1055, 41

34 Cass. com, 5 octobre 2010, DMF 2010, obs. P. Bonassies p.907

35 Cass. Civ. 2e, 1er avril 1999, DMF 2000 p.315

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l'article 1382 du Code civil ; les règles sont les mêmes. L'article L5131-3, al. 2 ajoute que « si l'abordage est fortuit, s'il est dû à un cas de force majeure ou s'il y a doute sur les causes de l'accident, les dommages sont supportés par ceux qui les ont éprouvés ». Ici encore, les règles de l'abordage sont à rapprocher des règles du droit commun concernant le cas fortuit et la force majeure, ce dernier prévoyant que la responsabilité ne peut être détruite que par la preuve d'un cas fortuit ou de force majeure ou d'une cause étrangère qui ne lui soit pas imputable36.

Toutefois, le droit commun se distingue de l'abordage en ce que la présomption de responsabilité ne peut être écartée par le simple fait que la cause du fait dommageable est inconnue. Or, le Code des transports traite de la même manière « force majeure » et « doutes sur les causes de l'accident ». En droit commun, le jeu de la présomption intervertit les réparations en cas d'abordage douteux tandis qu'en droit de l'abordage, chacun supporte ses propres dommages. Enfin, les deux régimes se distinguent dans l'hypothèse des fautes communes, lorsqu'un tiers subit un dommage découlant de la collision. En droit commun, le tiers qui a subi le préjudice peut en effet demander à l'un des deux bâtiments de mer la réparation de l'intégralité du dommage, à charge pour le payeur d'exercer une action subrogatoire contre le coresponsable37. A l'inverse, les règles de l'abordage excluent cette solidarité pour les dommages matériels38.

La question qui se pose désormais est celle de savoir à quel régime les engins EMR seront rattachés.

2) L'abordage, applicable aux engins EMR selon la technologie utilisée

a) Extension des règles de l'abordage aux engins flottants non amarrés à poste fixe

Les règles de l'abordage en droit français ne s'appliquent pas uniquement aux navires. Contrairement au droit international, la loi du 7 juillet 1967 relative aux évènements de mer a marqué une rupture, son article 1, alinéa 2, disposant que « tous engins flottants, à l'exception de ceux amarrés à poste fixe, sont assimilés selon le cas, soit aux navires de mer, soit aux bateaux de navigation intérieure39 ». Cet alinéa concerne particulièrement

36 Civ. 2e, 15 mars 2001 : « Attendu que le fait d'un tiers non identifié n'exonère le gardien de la chose instrument du dommage de la présomption de responsabilité pesant sur lui que s'il présente les caractères de la force majeure ».

37 Jurisclasseur Civil, fasc. 220, 140 sur l'obligation au tout des coauteurs.

38 Art. L5131-4, al. 3 C. des Transports

39 Art. 1 loi n°67-545 du 7 juillet 1967, aujourd'hui art. L5131-1 du C. des Transports.

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les technologies EMR puisque selon les cas, elles seront soit fixées au sol, soit flottantes mais reliées au fond marin, soit autopropulsées et reliées au fond par des câbles transmettant l'énergie produite aux centrales. Le premier cas ne pose pas de difficultés dans la mesure où l'engin n'est pas flottant et ne peut donc se voir appliquer la loi de 1967. Reste à savoir ce que la loi entend précisément par « amarrés à poste fixe ».

La jurisprudence a pu se prononcer à plusieurs reprises sur cette situation, jugeant notamment qu'un pont flottant amarré à poste fixe ne pouvait bénéficier du régime de l'abordage40, de même qu'un bachot amarré servant de support d'échafaudage au moment de l'abordage41. Dans les cas présents, le régime de la responsabilité de droit commun s'applique, mais la notion d'amarre n'est pas précisée.

Une amarre se définit comme un câble ou un lien destiné à maintenir en place un navire42. De ce constat, les canalisations ou gaines de servitudes qui relieraient l'engin flottant à un bâtiment terrestre ne suffiraient pas à qualifier l'engin d'amarré à poste fixe, un câble de communication ne servant jamais à maintenir en position l'engin flottant. Un engin EMR dont les câbles communiqueraient avec une centrale, terrestre ou fixée au fond marin, garderait donc la qualification de navire au regard de la loi de 1967. A l'opposé, un navire ancré de longue date à un quai bénéficie des règles de l'abordage lorsqu'il est heurté par un engin43, tout comme un navire de forage relié au fond marin par la tige de forage.

La distinction entre les engins flottants amarrés à poste fixe et ceux non amarrés présente donc des inconvénients puisqu'elle entraîne une diversification des régimes. Ce point avait déjà été remarqué concernant les installations pétrolières de type semi-submersibles, pour lesquelles il faut différencier selon que la plate-forme est en déplacement vers un point de forage ou qu'elle est en phase de forage et ancrée, ou encore qu'elle est en phase de forage tout en étant stabilisée par des propulseurs44. Il est fortement envisageable que les engins EMR présentent des caractéristiques semblables à celles des installations pétrolières, et que ce dépeçage s'adapte mal à la prolifération d'engins flottants amarrés (et par conséquent à la multiplication des accidents relatifs à leur exploitation). Un régime commun de l'abordage applicable aux EMR flottantes est donc souhaitable.

40 CA Paris, 7e ch., 24 sept. 1997 : JurisData n°1997-022804

41 CA Rouen, 2e ch., 27 nov. 1997 : JurisData n°1997-056454

42 Jurisclasseur Transports, fasc. 1055, 25, préc.

43 CA Aix-en-Provence, 2e ch., 26 mai 1993 : JurisData n°1993-044423, à propos d'une barge ayant heurté une péniche.

44 M. Remond-Gouilloud, DMF 1977, p.675, préc.

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b) Le cas de la rupture des amarres

Qu'advient-il de la situation où l'engin flottant amarré à poste fixe rompt ses amarres ? Doit-il être considéré comme un navire soumis aux règles de l'abordage ?

Il semblerait logique que ce soit le cas, l'assimilation des engins flottants à des navires excluant la destination de l'engin pour le qualifier de navire : l'engin n'est pas un navire parce qu'il est affecté au transport, ou qu'il destiné à naviguer, ou qu'il dispose de moyens de propulsion (une barge étant un engin flottant non amarré soumis à la loi de 196745), mais parce qu'il affronte les périls de la mer. Dès lors, l'aléa causé par les forces de la mer justifie d'appliquer les règles de l'abordage.

Les tribunaux français semblent ne jamais avoir eu à se prononcer sur la question, qui doit être cependant envisagée au vu du nombre d'engins flottants type EMR qui pourront être installés le long des côtes françaises. Si l'incorporation des engins flottants dans les règles de l'abordage est une exception ne pouvant faire l'objet d'une extension en vertu de la règle de l'interprétation stricte, le pragmatisme voudrait que les engins flottants dont les amarres auraient lâché soient assimilés à des navires.

3) Circulation en mer et faute du propriétaire de l'installation EMR en cas de collision

Le dernier point relatif à l'abordage concerne la circulation en mer, que ce soit dans les champs éoliens ou simplement à l'approche d'un engin EMR. Peut-il être reproché au propriétaire d'engins EMR d'être à l'origine de la collision entre un engin et un navire en raison des difficultés de circulation causés par la présence de champs éoliens en mer ? Les nouveaux utilisateurs de la mer tels que les exploitants d'EMR peuvent en effet être perçus comme des sources d'obstacles permanents à la navigation par les utilisateurs traditionnels de la mer46.

La question a rapidement été réglée dans les parcs existants, à l'image du site de London Array : dans sa « Notice of Operations », le site prévoit une interdiction d'approcher à moins de 50 mètres de chaque appareil, tandis qu'il interdit l'approche d'un appareil endommagé à moins de 500 mètres47. La circulation près du parc est donc inspirée de celle applicable aux plates-formes pétrolières, interdisant toute circulation à

45 CA Aix-en-Provence 14 avril 1987

46 F. Laffoucrière, «les EMR et les conflits d'usage de la mer», journée Ripert 2013

47 «Notice of operations at London Array offshore wind farm»

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moins de 500 mètres de l'installation. Il est ajouté dans la notice que tout navire désirant naviguer à travers le parc doit impérativement se brancher sur le canal 16 de la bande marine VHF, correspondant à la fréquence internationale de détresse, et de contacter avant toute entrée les navires en charge de la sécurité du site.Dans son procès-verbal de réunion du 20 juin 2007, la Grande Commission nautique a pris des mesures similaires concernant le projet de parc offshore au large de Veulettes sur mer48, ajoutant interdire la navigation des bâtiments de plus de 30 mètres ainsi que le chalutage dans un périmètre d'un quart de mille49. Sur le site de Nysted au Danemark, le chalutage est également interdit, et la navigation possible uniquement via un chenal, tandis que toute forme de pêche est interdite sur le site de Thornton Bank en Belgique50.

Ces mesures, accompagnées de celles prévues par la convention Colreg sur la prévention des abordages, permettent au propriétaire des engins EMR de s'exonérer de sa responsabilité en cas de collision. Le navire qui n'aura pas respecté ces règles aura commis une faute. Les dommages engendrés par la collision devront donc être réparés par le navire, que l'action soit fondée sur le droit commun ou celui de l'abordage.

Dès lors qu'il est traité de l'abordage, la limitation de responsabilité applicable à tout propriétaire de navire doit être envisagée : est-elle applicable aux propriétaires d'engins offshore ?

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"Qui vit sans folie n'est pas si sage qu'il croit."   La Rochefoucault