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L'EVOLUTION DES RAPPORTS PARENTS-ENFANTS A TRAVERS L'HISTOIRE DU DROIT CONGOLAIS DE LA FAMILLE Article scientifique

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par Fils ANGELESI BAYENGA
Université de Kinshasa - DEA 2015
  

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L'EVOLUTION DES RAPPORTS PARENTS-ENFANTS A TRAVERS L'HISTOIRE
DU DROIT CONGOLAIS DE LA FAMILLE

Par Fils ANGELESI BAYENGA

Chef de Travaux à la Faculté de Droit de l'Université de Kinshasa

Avocat au Barreau de Kinshasa/Gombe
Doctorant en droit à l'Université Paris XII

Introduction

La famille est une petite société, elle-même à la base d'une société plus grande, c'est-à-dire, à la base de la nation. Cette famille comprend, entre autres, des êtres en voie de formation, êtres appelés « enfants » qui, d'après une conception légale universellement admise, ne jouissent pas de la capacité juridique d'exercice1.

Au cours des âges, les rapports entre les deux catégories de membres de la cellule familiale, à savoir les parents et les enfants, ont fait l'objet de règles variant d'une société à une autre, d'une époque à une autre, au gré des courants de pensées du moment.

Il a été enseigné à juste titre que « le droit des rapports parents-enfants est essentiellement un droit applicable pendant la minorité de l'enfant »2.

Interroger l'évolution du droit congolais en matière des rapports entre parents et enfants est d'un grand intérêt historique et scientifique, dans la mesure où cette matière a connu au fil du temps des profondes transformations.

Il semble même qu'à la faveur des mouvements féministes actuels dominés par des idées telles que « l'émancipation de la femme », « la parité »3, « le mariage pour tous »4, il y a fort à parier que l'avenir proche soit porteur de nouvelles perspectives de réforme juridique sur la question.

1 En ce sens, P. VERGE, « La puissance paternelle », In les Cahiers de droit, vol. 3, n°6, 1958, p.143.

2 BOMPAKA NKEYI MAKANYI, Cours de Droit Civil/ les Personnes, premier graduat, Faculté de Droit, Université de Kinshasa, 1998-1999, p. 71.

3 Ce terme a fait son entrée « triomphale » dans l'ordonnancement juridique congolais à travers l'article 14 in fine de la Constitution en vigueur.

4 En France où ce slogan est à la une, les partisans des familles dites homoparentales militent en faveur de la suppression dans le code civil des termes « père », « mère », « mari » ou « femme », pour laisser la place à des termes indifférenciés. Cette perspective ne va pas sans implications sur le droit des rapports parents-enfants.

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Pour rendre compte de l'évolution historique qui s'est déjà cristallisée en République démocratique du Congo, il convient d'envisager chronologiquement trois périodes successives:

- la période avant la colonisation régie par les droits traditionnels ou autochtones (I) ; - la période allant de la colonisation à l'an 1987 régie par le code civil, livre 1er (II) ; - la période actuelle régie par le code de la famille du 1er août 1987 (III).

On aurait pu à tort s'arrêter là, pourtant, postérieurement à l'entrée en vigueur du code de la famille, l'on a assisté à l'avènement d'autres instruments juridiques comportant des règles applicables aux rapports parents-enfants. Nous nous y pencherons sans faux fuyant (IV).

Pour clore, la perspective choisie en guise de conclusion consistera à un essai de prédilection sur l'évolution future du droit congolais en la matière étudiée (V.).

I. Les rapports parents-enfants en droits traditionnels ou autochtones

congolais : période à prédominance de l'idée de la puissance paternelle

Avant l'arrivée des colonisateurs, il s'appliquait à l'intérieur de l'espace géographique de ce qui est devenu le Congo indépendant en date du 30 juin 1960, une multitude des droits coutumiers pour la plupart distincts les uns des autres selon qu'on se situe dans telle ou telle autre aire culturelle ou linguistique.

Partant de ce constat, il serait illusoire voire inutilement prétentieux de vouloir rendre compte de la position de tous ces droits traditionnels des populations autochtones congolaises sur la question des rapports parents-enfants.

Par contre, il serait méthodologiquement de bon aloi de vouloir tenter de dégager les grandes tendances prédominantes. Celles-ci pourraient se ramener à deux pôles déterminés selon que les populations concernées appartiennent au système patrilinéaire ou à celui matrilinéaire.

A. Considérations sur les rapports parents-enfants dans le système patrilinéaire

Dans le système patrilinéaire, le principe de base était que : « la dot engendre l'enfant ». Par conséquent, tant que le mariage n'est pas encore dissout et la dot restituée, même après séparation de corps et prononcé du divorce, les enfants nés de la femme étaient réputés appartenir d'office au mari, et faisaient partie du clan de celui-ci.

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Cette appartenance des enfants à l'homme qui a doté la mère était d'office reconnue, même s'il est matériellement certain qu'ils sont nés des oeuvres d'un autre homme avec lequel celle-ci a cohabité pendant la période de la conception. Mais, une fois que le père a reçu en retour la partie de la dot qui faisait naître en sa faveur la présomption de paternité, l'enfant de son ancienne épouse doit être attribué à la famille de celle-ci5.

Or, l'idée d'appartenance de l'enfant à son père est, dans une certaine mesure, assimilable à la réification de l'être-enfant sur qui le père aurait été admis à exercer tous les attributs de la propriété au sens du droit civil des biens.

C'est probablement dans ce cadre culturel que certaines opérations de trafic d'enfants ou de leur vente comme esclaves6 pouvaient se dérouler dans quelques rares recoins du pays sans que l'opinion publique traditionnelle d'alors ne s'en émût.

La conception qui a prévalu dans le système patrilinéaire rappelle à l'esprit, toutes proportions gardées, le « pater familias » (père de famille) et la « patria potestas » (puissance paternelle) de la Rome antique.

En effet, en droit romain, le père avait un pouvoir absolu sur ses enfants : il pouvait vendre, donner à titre gratuit ou même supprimer son enfant. Il était celui qui donnait la vie et qui pouvait la retirer en donnant la mort7.

Le Professeur BOMPAKA NKEYI MAKANYI précise que la « patria potestas » romaine avait une portée très vaste. Elle exprimait la souveraineté domestique du « pater » sur toute une famille patriarcale, et, cette souveraineté domestique était forte par son contenu et par sa durée. La « patria potestas » était perpétuelle. Ce n'était pas exactement un droit du père sur ses enfants, mais un pouvoir du plus ancien ascendant sur toute sa descendance. Le père avait sur ses enfants le droit que le propriétaire a sur les choses qui lui appartiennent8.

5 J.M. PAUWELS, « Répertoire de droit coutumier congolais », In jurisprudence et doctrine, 1954-1967, ONRD, Kinshasa, p. 146.

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7 Lire M. JULES DEDEBAT, De la puissance paternelle en droit romain et en droit français, Thèse, Faculté de Droit, Université de Toulouse, 1868, pp. 123 et s.

8 BOMPAKA NKEYI MAKANYI, op. cit., p. 72

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B. Considérations sur les rapports parents-enfants dans le système matrilinéaire

Géographiquement moins répandu9 que le précédent, le système matrilinéaire considérait que tous les enfants indistinctement appartenaient à la famille de leur mère.

Un tronc commun se dégageait cependant de ces deux systèmes traditionnels. Il s'agit de ce qu'une certaine doctrine qualifie d'idée forte ayant marqué cette période précoloniale10.

Primo : dans l'un comme dans l'autre système, l'enfant qui naissait dans une famille était considéré comme une aubaine, un événement de joie ou une réincarnation d'un ancêtre11. Il incombait donc aux parents de lui apporter les soins appropriés pour sa croissance.

Le Professeur KIENGE KIENGE INTUDI renchérit que dans ce cadre, l'enfant jouissait, en raison de son immaturité physique et mentale, d'une protection et des soins spéciaux. Dans les milieux traditionnels, il était rare de rencontrer des enfants abandonnés à eux-mêmes ou désavoués par leurs géniteurs ou par leurs familles d'appartenance. L'enfant trouvé dès sa naissance, un cadre dans lequel il pouvait vivre et s'épanouir harmonieusement12.

Secundo : dans les deux systèmes, il était admis que l'enfant une fois né - cet ancêtre réincarné - cessait d'être l'être propre à ses seuls père et mère pour appartenir à la famille au sens élargi. Par voie de conséquence, les oncles, tantes et grands parents avaient un mot à dire tant sur la personne de l'enfant que sur ses biens.

9 Il semble que le système matrilinéaire était adopté au Congo par un tiers seulement de la population. A ce sujet, Voy. MANZILA, « Le statut juridique des enfants nés hors mariage », In Zaïre Afrique n°77, août-septembre, 1973, p. 424.

10 NDOMBA KABEYA, E. L., « Planification familiale en République démocratique du Congo : bonnes ou mauvaises moeurs ? », In Cahiers Africains des Droits de l'Homme et de la Démocratie, n°031, vol. I, janvier-juin 2011, p. 16.

11 KENGO WA DONDO, « Les réflexions sur la filiation hors mariage », in R.J.Z., n° 1, 1975, p. 57.

12 KIENGE KIENGE INTUDI, « Quelques spécificités de la charte africaine sur les droits et le bien-être de l'enfant », in Zaïre-Afrique, n°295, 1995, p. 287. Voy. également IDZUMBUIR ASSOP, « Le système onusien de protection des droits de l'homme : les groupes nécessitant une protection spéciale : cas des femmes et des enfants », In Droits de l'homme et droit international humanitaire, Séminaire de formation cinquantenaire de la DUDH, 18 novembre-10 décembre 1998, PUK, 1999, p. 203.

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Tertio : toutes les règles des droits traditionnels, patrilinéaires ou matrilinéaires, étaient de nature non écrite. La culture africaine de l'oralité qui les véhiculait si bien d'un coin à un autre de chaque contrée et les perpétuait de générations en générations, n'a, de notre point de vue, rien à envier au système moderne de publication des textes de lois au bulletin ou journal officiel13.

Ce sont des temps et des moeurs qui diffèrent... Cela s'est fait sentir, dans les rapports parents-enfants, avec l'expérimentation à l'Etat Indépendant du Congo (EIC) d'un droit civil écrit, une espèce de greffon sur un corps étranger connu sous le nom de code civil congolais, livre 1er, porté par le décret du 04 mai 1895, publié au Bulletin officiel14.

II. Les rapports parents-enfants sous l'empire du code civil congolais,

Livre 1er : période de l'autorité paternelle

Sous son titre X intitulé « De l'autorité paternelle » et comportant 11 articles (238 à 248), le code civil, livre 1er, faisait de la question des rapports parents-enfants un traitement mettant le père au-devant de la scène et renvoyant la mère derrière le rideau.

Tout cela se résumait bien aux termes de l'article 240 de ce code suivant lequel : « Elle (l'autorité paternelle) est exercée par le père et à défaut du père, par la mère, ainsi qu'il est dit aux articles suivants ».

En application de cette disposition légale, il a été jugé que la garde d'un enfant naturel reconnu par ses deux auteurs doit être confiée au père qui la réclame, même s'il est établi que la mère indigène lui assure une éducation en rapport avec sa propre situation sociale15.

Cependant, déjà en son temps, le code civil tempérait le risque de voir l'autorité paternelle dégénérer à l'autoritarisme en édictant que :

13 Il ne fait l'ombre d'aucun doute que le journal officiel n'est régulièrement consulté que par une minorité très négligeable de la population congolaise constituée essentiellement des opérateurs sociaux, économiques et judiciaires du pays qui y trouvent un intérêt professionnel manifeste (dirigeants d'associations, gérants des sociétés commerciales, magistrats, juges, avocats, etc. ).

14 B.O., 1895, p. 138.

15 1ère Inst. Boma, 21 décembre 1929, R.J.C.B., 1930, p. 273.

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« le père qui abuse de l'autorité paternelle ou qui se livre à l'égard de son enfant à des sévices, peut être privé temporairement ou définitivement de cette autorité par le tribunal, statuant même à la requête du ministère public. L'autorité paternelle peut aussi être retirée à celui qui s'en montre indigne par son inconduite notoire ou son incapacité absolue ».

Ainsi, la Cour d'Appel de Léopoldville avait jugé que l'autorité paternelle est un devoir des parents vis-à-vis des enfants et non un pouvoir (absolu) établi à leur profit16.

Aussi sous l'empire du code civil, l'autorité paternelle conférait-elle à celui qui l'exerçait l'obligation d'entretenir l'enfant et de l'élever conformément à sa condition et à ses aptitudes, ainsi que la charge d'administrer ses biens17.

Mais l'obligation d'entretien n'incombait pas exclusivement au père ; elle pesait également sur la mère en vertu de l'article 127 du même code qui précise que « les époux contractent ensemble, par le seul fait du mariage, l'obligation de nourrir, entretenir et élever leurs enfants ».

Il reste vrai que le code civil congolais, livre 1er, était une copie collée du code civil belge d'inspiration napoléonienne. C'est plutôt en 1987 que le droit congolais s'est historiquement doté d'un code dit de la famille, caractérisé par une symbiose bien réussie entre le droit moderne ou la modernité et les coutumes locales ou l'authenticité congolaise.

III. Les rapports parents-enfants sous l'empire du code de la famille congolais du 1er août 1987 : période de l'autorité parentale

Le code de la famille consacre en lieu et place de « l'autorité paternelle », l'expression « autorité parentale » sans en donner la définition.

Dans la doctrine, il a été enseigné que l'autorité parentale est « l'ensemble des droits que la loi reconnait aux père et mère sur la personne et les biens de leurs enfants mineurs non émancipés en vue de leur permettre d'accomplir leurs devoirs d'éducation et d'entretien. L'autorité parentale comporte donc les moyens tendant à permettre aux parents de remplir leurs devoirs »18.

16 Léo. 31 mars 1936, R.J.C.B., p. 173.

17 Voy. Article 244.

18 BOMPAKA NKEYI MAKANYI, op. cit., p. 72.

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L'autorité parentale a été également définie comme étant « l'ensemble de droits et d'obligations octroyés par la loi aux père et mère de l'enfant mineur non émancipé pour pourvoir aux intérêts de ce dernier »19.

Il apparaît très nettement que par le fait qu'il institue l'autorité parentale ainsi définie, le code de la famille marque un bouleversement significatif en droit congolais des rapports parents-enfants.

En effet, le législateur du 1er août 1987 a innové en rompant avec l'ordre ancien hérité, d'une part, du code civil qui consacrait l'autorité monopolistique du père sur les enfants à l'exclusion de la mère, et d'autre part, de nos traditions congolaises qui accordaient l'autorité au chef de la grande famille sur l'ensemble de membres de celle-ci quelque fut leur âge.

Néanmoins, il a conservé la primauté du père dans cet exercice conjoint de l'autorité, sans écraser la mère qui, lorsqu'elle n'est pas d'accord avec le père, a la possibilité de faire annuler sa décision par le tribunal de paix20.

On peut affirmer que dans une très large mesure, l'axe principal de la réforme de 1987 sur les rapports parents-enfants tient à la personne des titulaires de l'autorité parentale et aux modalités pratiques de son exercice.

L'on est passé de l'autorité exclusive du père à une autorité d'un type nouveau consacrant en principe relatif l'égalité entre époux21 dans leurs relations avec les enfants issus de leur union conjugale et insinuant une certaine idée de « coparentalité ».

C'est que si en droit ancien porté par le code civil, livre 1er, le père exerçait seul l'autorité dite à juste titre paternelle et que la mère n'y intervenait qu'à défaut du père, c'est-à-dire lorsque le père était absent, interdit ou éloigné22, sous l'empire du code de la famille, l'exercice de l'autorité parentale se fait dorénavant conjointement par les deux parents23.

19 NDOMBA KABEYA, E. L., Droit (Civil) de la Famille, 1ère partie : La personne, Manuel pédagogique à l'intention des étudiants de premier graduat, Faculté de Droit, Université de Kinshasa, 2011-2012, p. 129.

20 Idem, p. 128.

21 Sur l'égalité des époux, voy. MWANZO, E ., L'égalité des époux en droit congolais de la famille, Thèse, UCL, 2008-2009.

22 Voy. article 240 du CCC, L. 1er.

23 Voy. article 317 du code de la famille.

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De la sorte, le code de la famille a pris une distance par rapport également aux droits traditionnels congolais, en ce que les autres parents et grands-parents sont légalement exclus de l'exercice des droits et de la charge des obligations dont l'ensemble forme l'institution autorité parentale.

La mère a été valorisée par la réforme de 1987 au point qu'il a été implicitement24 décidé que lorsque la filiation paternelle du mineur n'est pas établie, l'exercice de l'autorité parentale est dévolu en entier à sa mère.

Un autre point de démarcation du code de la famille par rapport au droit civil colonial réside dans le fait d'adjoindre à la mère, un membre de la famille du père décédé, absent, disparu, éloigné ou déchu, aux fins de l'exercice conjoint de l'autorité parentale. Ce tiers au cercle parental direct est désigné par le tribunal de paix sur proposition du conseil de famille conformément à l'article 198 du code de la famille25.

Toutefois, en cas de décès de l'un des auteurs exerçant l'autorité parentale, le tribunal de paix pourra, à tout moment, à la requête soit du représentant du conseil de famille de l'auteur prédécédé, soit de l'auteur survivant, désigner un tuteur adjoint chargé d'assister l'auteur survivant dans l'éducation, l'entretien et la gestion des biens du mineur26.

Il demeure que dans l'exercice conjoint de l'autorité parentale par les père et mère, le code de la famille consacre le primat de la volonté du père en cas de conflit avec celle de la mère27. L'égalité parentale proprement dite n'existe donc pas encore en droit positif.

Par ailleurs, une image rénovée des rapports parents-enfants, qui met un accent particulier moins sur les droits des parents que sur leurs devoirs, va émerger avec l'évolution législative de 1987 : l'autorité parentale n'est pas en soi un privilège mais plutôt une responsabilisation, une charge familiale confiée aux parents sous la menace des sanctions sui generis.

C'est ce qui a fait dire au Professeur BOMPAKA NKEYI que c'est un droit-fonction attribué aux parents.28

24 Nous disons implicitement pour la simple raison que l'article 322 in fine du code de la famille qui y est visé est libellé de manière non distinctive comme suit : « Lorsque la filiation du mineur n'est établie qu'à l'égard d'un de ses parents, l'exercice de l'autorité parentale est dévolu en entier à celui-ci ».

25 Voy. article 322, al. 1, du code de la famille.

26 Voy. article 323 du même code.

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D'où la place de choix qu'occupent dans le chapitre du code de la famille consacré à l'autorité parentale, les aménagements relatifs aux notions telles que la perte de l'exercice de l'autorité parentale ou la privation provisoire de cet exercice29, la déchéance de l'autorité parentale30, etc.

D'ailleurs, le droit des rapports parents-enfants issu du code de la famille consacre la primauté des devoirs des parents vis-à-vis de leurs enfants mineurs sur leurs droits à l'égard de ceux-ci. C'est ce qui ressort des prescrits bien compris de l'article 326 qui dispose : « (...) Ils (les père et mère) ne peuvent faire usage des droits de l'autorité parentale que dans l'intérêt de l'enfant. »

Au titre du code de la famille, les devoirs des parents envers leurs enfants sont entre autres le devoir d'entretien et celui d'éducation.

En revanche, les droits des parents ont été envisagés dans ce code en faisant une nette distinction entre les droits des parents sur la personne de l'enfant (droit de garde et droit de correction) et leurs droits relatifs aux biens de l'enfant (droit d'administration légale et droit de jouissance légale)31.

Pareille systématisation des droits et devoirs constitutifs de l'autorité parentale est une évolution en droits positif et colonial congolais comparés.

Il est toutefois important de constater qu'en matière des rapports parents-enfants, le code de la famille n'est pas à l'heure actuelle le seul texte de référence en droit positif congolais.

Postérieurement à son entrée en vigueur, bien d'autres instruments juridiques ayant marqué une certaine évolution , mieux, une évolution certaine en cette matière, ont vu le jour. Nous nous y attarderons à présent.

28 Voy. BOMPAKA NKEYI MAKANYI, op. cit. , p. 75.

29 Voy. article 318.

30 Voy. article 319.

31 Telle est la lecture que la doctrine congolaise se fait de l'article 326. Lire BOMPAKA NKEYI MAKANYI, op. cit ., pp. 75-80.

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IV. Les aspects nouveaux de l'autorité parentale à travers quelques instruments juridiques postérieurs au code de la famille

L'institution de l'autorité parentale, fruit d'un changement progressif des lois et des mentalités à travers le temps et l'espace, semble poursuivre son évolution. Plusieurs instruments de droit international dûment ratifiés par l'Etat congolais (A) et de droit interne (B) en complètent le contenu beaucoup plus dans le sens du renforcement de la protection des droits des enfants.

A. Sur le plan international

Deux instruments auront retenu notre attention, à savoir : la convention de New-York du 26 novembre 1989 relative aux droits de l'enfant (1) et la Charte Africaine des droits et du bien-être de l'enfant de 1990 (2).

1. Convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 novembre 198932

Adoptée deux ans après le code de la famille, la convention de New-York porte à croire que les droits des enfants semblent faire reculer davantage le rôle autoritaire des parents.

De surcroît, la Convention des droits de l'enfant donne à l'enfant un certain nombre de droits, comme il ressort de son libellé, mais laisse sous silence ce qu'il en serait de son corollaire : les devoirs.

Il se dégage de l'économie générale de cette convention que les Etats parties ont entendu favoriser le maintien des liens entre parents et enfants.

L'article 9 garantit à l'enfant de ne pas être séparé de ses parents, tout en organisant la possibilité lui offerte de contester leur autorité.

L'article 16 prévoit le respect de la vie privée de l'enfant tandis que, au titre de l'autorité parentale, les parents exercent un droit de surveillance de la correspondance de l'enfant.

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Le Professeur IDZUMBUIR d'ajouter que « l'enfant a droit à une vie privée : la famille, le domicile, la correspondance ne doivent pas devenir un domaine de cancérisation du contrôle, d'immixtion arbitraire ou illégale. Dans son développement, l'enfant a besoin d'une certaine intimité qui le sécurise sur le plan affectif, psychologique et social »33.

L'article 12 donne un droit à information et à expression devant les tribunaux, en permettant à l'enfant de se faire représenter par un avocat à l'occasion d'une procédure de divorce et de faire état devant le juge des conflits d'intérêts entre lui et ses parents34.

Cette dernière perspective dans la convention n'est pas une nouveauté pour le droit issu du code de la famille, lequel a bien avant consacré la possibilité pour le juge des affaires familiales d'entendre l'enfant dans toute procédure le concernant35.

Les droits des parents n'ont cessé de devenir de plus en plus limités et contrôlés.

La Convention des droits de l'enfant promeut le droit pour l'enfant à voir ses besoins les plus minimes satisfaits, une manière d'accréditer une nouvelle représentation de l'enfant dans laquelle les besoins élémentaires deviennent des droits subjectifs à part entière : droit à être aimé, d'être respecté, de connaître ses géniteurs, etc.

Tous ces différents éléments nouveaux dans les rapports parents-enfants amenuisent les droits des parents vis-à-vis de la personne et des biens de leur enfant, à telle enseigne qu'on assiste quasiment à la disparition du concept autorité au profit de celui de responsabilité, une responsabilité pas seulement parentale mais aussi étatique dans la prise en charge de l'intérêt supérieur de l'enfant.

Les enfants deviennent, d'après GAVARINI, « en quelque sorte des pairs dont le consentement, au mieux négocié, est sollicité, et tout ce qui déroge à ce principe est jugé inacceptable »36.

33 IDZUMBUIR ASSOP, op. cit., p. 206.

34 Rappelons qu'aux États-Unis, un enfant a demandé le divorce d'avec ses parents et qu'un autre a porté plainte contre ses parents pour les chances virtuelles que son éducation n'aurait pas su réaliser ; tous deux ayant fondé leurs actions en justice sur la Convention de New-York.

35 Voy. article 589 du code de la famille.

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2. Charte Africaine des droits et du bien-être de l'enfant de 199037

Dans la charte africaine des droits et du bien-être de l'enfant, divers principes guident les relations parents-enfants.

En premier lieu est affirmé le rôle central de la famille comme cellule de base naturelle de la société et, à ce titre, l'État lui doit protection et soutien. Cette famille est dominée par une égalité de droits et de responsabilités des époux38.

En second lieu, la place occupée par la famille a pour corollaire une responsabilité des parents qui ne doivent jamais perdre de vue l'intérêt de l'enfant et lui assurer, selon leurs moyens, les conditions de vie appropriées pour son développement ; à cette fin, ils peuvent escompter une aide de la part de l'Etat, aide conditionnée là aussi par les possibilités matérielles de cet État39.

En troisième lieu, les droits de l'enfant proprement dits consistent en un droit à l'entretien qui ne peut être entravé par le statut marital des parents40.

Comme quoi, la Charte africaine des droits et du bien-être de l'enfant a bel et bien mérité notre attention dans cette étude, pour autant que cet instrument juridique régional renforce la protection des droits de l'enfant dans ses relations avec ses père et mère.

HABIB GHERARI41 estime que sa contribution demeure toutefois limitée dans la mesure où la Charte reprend en grande partie le contenu normatif de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant invoquée ci-dessus.

Le même élan tendant à renforcer la protection de l'enfant pris dans ses rapports avec ses parents se rencontre également dans un certain nombre d'instruments juridiques internes.

37 La RDC a ratifié la Charte par le Décret-loi n°008/001 du 28 mars 2001.

38 Voy. Article 18 sur la protection de la famille libellé comme suit : « 1. La famille est la cellule de base naturelle de la société. Elle doit être protégée et soutenue par l'Etat pour son installation et son développement. 2. Les Etats parties à la présente Charte prennent des mesures appropriées pour assurer l'égalité de droits et de responsabilités des époux à l'égard des enfants durant le mariage et pendant sa dissolution. En cas de dissolution, des dispositions sont prises pour assurer la protection des enfants. 3. Aucun enfant ne peut être privé de son entretien en raison de statut marital de ses parents ».

39 Voy. article 20.

40 Voy. article 18, §3.

41 HABIB GHERARI, « Charte africaine des droits et du bien-être de l'enfant (Note) », in Etudes internationales, Vol. 22, n°4, 1991, p.750.

13

B. Sur le plan interne

1. Loi n°06/018 du 20 juillet 2006 relative aux violences sexuelles42

L'on se souviendra que conformément à l'article 319 du code de la famille, encourt déchéance de l'autorité parentale, celui des père et mère, entre autres, qui aura été condamné pour incitation à la débauche de ses propres enfants, de ses descendants et de tout autre mineur, ou qui aura mis en péril la santé, la sécurité ou la moralité de son enfant, par mauvais traitement, abus d'autorité, inconduite notoire ou négligence grave.

Or, tous ces comportements immoraux que certains parents pourraient afficher sont manifestement de telle gravité qu'une simple sanction civile de déchéance ne suffirait pas à les réprimer de manière exemplaire et à les décourager dans l'avenir.

Mue par la nécessité de prévenir et de réprimer sévèrement les infractions se rapportant spécifiquement aux violences sexuelles, la loi n°06/018 du 20 juillet 2006 modifiant et complétant le décret du 30 janvier 1940 portant code pénal (loi dite relative aux violences sexuelles) contribue également « au redressement de la moralité »43 dans les rapports parents-enfants.

Ainsi, en application de cette loi :

- Le minimum des peines encourues en cas de viol ou d'attentat à la pudeur sera doublé si le coupable est titulaire de l'autorité parentale vis-à-vis de la victime44 ;

- Le père ou la mère auteur de l'infraction d'excitation des mineurs à la débauche « sera outre déchu de l'autorité parentale conformément à l'article 319 du code de la famille »45 ;

- Sera punie d'une peine de un à douze ans de servitude pénale et d'une amende ne pouvant être inférieure à cent mille francs congolais constants, toute personne qui, exerçant l'autorité parentale sur une personne mineure l'aura donnée en mariage forcé, ou en vue de celui-ci, ou l'aura contrainte à se marier 46;

42

43 Voy. Exposé des motifs de cette loi.

44 Voy. article 171 bis, point 2.

45 Voy. article 174.

46 Voy. article 174 f.

14

- Le père ou la mère auteur de la prostitution d'enfants « sera en outre déchu de l'exercice de l'autorité parentale conformément à l'article 319 du code de la famille »47.

A ce titre, la loi du 20 juillet 2006 marque une avancée louable dans le cadre de la protection pénale de l'enfant dans ses relations avec ses parents.

C'est là une nouvelle dimension du droit pénal congolais de la famille48 qui, par ailleurs, s'est ouvert à d'autres perspectives innovantes à travers la loi n°09/001 du 10 janvier 2009 portant protection de l'enfant.

2. Loi n°09/001 du 10 janvier 2009 portant protection de l'enfant49

En dépit des efforts juridiques déjà déployés au plan tant international que national pour veiller à la protection particulière de l'enfant en raison de sa vulnérabilité, de sa dépendance par rapport au milieu, de son manque de maturité physique, intellectuelle et émotionnelle, il a été constaté en 2009 que de nombreux enfants continuaient d'être maltraités. Le toit familial n'en a pas moins servi de cadre. C'est dans ce contexte que s'est fait sentir le besoin d'élaborer en République démocratique du Congo une loi portant protection de l'enfant50.

Point n'est besoin de revenir sur les dispositions de cette loi qui correspondent d'une manière ou d'une autre avec celles des lois antérieures en ce qui concerne les rapports parents-enfants51. Rentrent dans notre propos uniquement les dispositions qui consacrent une certaine évolution sur la question de l'autorité parentale.

47 Voy. article 174 n.

48 Pour plus d'amples détails sur le droit pénal de la famille, voy. A. SITA MUILA AKELE, La protection pénale de la famille et de ses membres. Comment la famille et ses membres sont-ils protégés ?, ODF, Kinshasa, 2002, pp 45-62.

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50 En ce sens, voy. Exposé des motifs de la loi n°09/001 du 10 janvier 2009 portant protection de l'enfant

51 Par exemple, l'article 6 de la loi portant protection de l'enfant remplace la formule « le plus grand avantage de l'enfant » utilisée à l'article... du code de la famille par l'expression « l'intérêt supérieur de l'enfant ». C'est en fait là dire en des mots différents une même réalité qui traduit l'idée d'un critère sacro-saint d'appréciation auquel l'on devra avoir égard dans toutes les décisions et mesures à prendre à l'égard d'un enfant.

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Dans cet élan, il convient de retenir, grosso modo, que la loi portant protection de l'enfant emploie dix-huit fois l'expression « autorité parentale », soit pour responsabiliser davantage les personnes qui en sont investies52, soit pour l'envisager comme une circonstance aggravante associée à un certain nombre de comportements répréhensibles de certains parents érigés en infractions53.

La même loi comporte quelques dispositions nouvelles dans les rapports parents-enfants parmi lesquelles celles qui édictent que: « les parents ont le devoir de veiller à ce que la discipline familiale soit administrée de telle sorte que l'enfant soit traité avec humanité »54.

De tout quoi, que conclure ? Quelles perspectives d'avenir ?

V. Conclusion : l'avenir de l'autorité parentale en droit congolais entre le

statu quo et l'égalité parentale ou la parité père-mère

En définitive, les relations et les rôles au sein de la famille en général et dans les rapports parents-enfants en particulier, se modifient au gré des mutations socioculturelles à la base des changements des mentalités.

L'histoire du droit congolais de la famille corrobore cette affirmation de principe. Cette histoire a connu trois temps forts: la période antérieure à la colonisation régie par les droits autochtones ou traditionnels, la période coloniale régie par le code civil, livre 1er et enfin la période allant du 1er août 1987 à ce jour régie par le code de la famille.

L'évolution des moeurs et des normes qui se dessine à travers ce parcours historique peut se résumer en ce que le droit congolais est passé de l'idée de puissance paternelle prédominante dans les droits traditionnels à l'institution actuelle de l'autorité parentale, en transitant par l'autorité paternelle inspirée par le code napoléon de 1804.

A l'heure actuelle, le code de la famille n'est pas le seul texte en vigueur auquel il convient d'avoir égard pour étudier le régime juridique de l'autorité parentale en droit positif ; encore faudrait-il, avons-nous pensé, y intégrer quelques instruments juridiques qui lui sont postérieurs, en ce qu'ils apportent un plus à l'aménagement normatif des droits et obligations liés à la parentalité.

52 Voy. articles 2, 13, 23, 26, 28, 30, 31, 46, 50, 103, 110, 113 et 176.

53 Voy. articles 158, 173, 182, 184 et 189

54 Voy. article 57, alinéa 2.

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Il s'agit précisément de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, de la charte africaine des droits et du bien-être de l'enfant, de la loi du 20 juillet 2006 relative aux violences sexuelles et enfin, de la loi du 10 janvier 2009 portant protection des droits de l'enfant.

Reste à indiquer qu'un regard attentif sur la montée en puissance des mouvements féministes pousse à croire qu'il se profile à l'horizon un droit des rapports parents-enfants acquis à la cause de la parité et partant, plus favorable à l'idée de l'égalité pure et dure des parents dans leurs relations avec leurs enfants.

Cette perspective d'avenir, qui du reste n'emporte pas notre entière adhésion par souci encore d'actualité de recours - et non pas du retour - à l'authenticité, revient à supprimer toutes formes de discriminations faites à la femme (mère) dans la règlementation des relations au sein de la famille ou du ménage.

C'est autant dire, pour essayer de prédire l'avenir du droit positif de la famille, qu'entre le statu quo de l'institution actuelle de l'autorité parentale et le penchant vers l'égalité parentale, c'est ce dernier scénario qui nous parait à la fois plus probable et moins recommandable.

Cela n'est pas surprenant dans une économie nationale en grande partie informelle, où la survie des ménages est de plus en plus tributaire à la débrouillardise des femmes.

Quoi donc de plus prévisible que cette arrivée sur le devant de la scène de la femme (mère) congolaise ne puisse se faire qu'en mordant sur le champ des prérogatives juridiques et institutionnelles de l'homme !

Le changement futur du droit de la famille sera inévitablement un réajustement de la législation en vigueur aux nouveaux modes de vie du ménage et aux nouvelles pratiques familiales qui se développent.

Qu'est-ce qui en restera alors de l'authenticité culturelle des populations congolaises destinataires du nouveau droit qui se profile à l'horizon, au temps des travaux parlementaires en cours de réforme du code de la famille ? N'y a-t-il pas risque d'heurter de front les leçons les plus élémentaires de l'anthropologie juridique en renvoyant dos-à-dos le « droit étatique de la famille » et le « droit réel de la famille »?

Qui vivra, en rira à coup sûr...






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"Il y a des temps ou l'on doit dispenser son mépris qu'avec économie à cause du grand nombre de nécessiteux"   Chateaubriand