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La police nationale d'Haiti, entre l'efficacité et le respect du droit à  la défense. Considération faite de l'émission "Allo la police": 2005-2015

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par Emmanuel TILIAS
Université d'État d'Haiti - Licence 2016
  

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CONCLUSION

Parmi ses différentes missions, la justice reste et demeure l'une des dettes les plus nobles de l'État. Fonction régalienne, elle se doit d'être exercée en toute impartialité et équité. Quand dans une société les institutions se révèlent faibles, les citoyens ont recours à leurs propres méthodes qui, parfois, ne traduisent pas vraiment l'idée de justice. C'est d'ailleurs, l'une des raisons pour lesquelles l'homme est passé de l'état de nature, à celui de la société. Il voulait corriger le fait que, dans l'état de nature, chacun était juge de sa propre cause. C'est-a-dire, chacun pouvait se faire justice, faire prévaloir ses droits aux dépens de celui qui les a violés.

En effet, nous avons constaté que la Police Nationale d'Haïti heurte, par son action de publier l'image et l'identité des suspects à travers les medias, le principe de la présomption d'innocence et le droit à la défense. Cette violation concerne des articles de la Convention Américaine des Droits de l'Homme (CADH), de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme (DUDH), de la Constitution de la République d'Haïti de 1987 amendée et du Code de l'Instruction Criminelle (C.I.C). A ce propos, on se réfère aux dispositions des paragraphes c, d, et g du 2ème alinéa de l'article 8 de la CADH, relatif aux Garanties judiciaires, premier alinéa de la DUDH de l'article 11, les articles 25 et 25-1 de la Constitution de la République d'Haïti de 1987 amendée relatif aux droits de la défense, aussi bien que le C.I.C. en ses articles 8 et 9 relatifs à la détermination des rôles de poursuite et de jugement.

Pendant un certain temps le problème a été ralenti, peut-être, par les diverses dénonciations des organismes de défenses des droits humains. Mais étant donné sa résurgence, nous avons estimé urgent de poser la question dans une dimension plus étendue, d'en expliquer

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l'écart, afin que les victimes aussi bien que la société soient conscientes des causes et des conséquences qui peuvent en découler. On a eu raison de penser que cette pratique pourrait perdurer telle qu'elle est au sein de notre société, pourvu que les autorités policières l'aient estimée adéquate au problème d'insécurité auquel la société est confrontée. Nous avions voulu montrer que l'État reste et demeure, comme a dit Jean Jacques ROUSSEAU, une fiction créée par la volonté de ses propres membres, ce, dans l'objectif de protéger leurs droits fondamentaux.

Ainsi, en Haïti, l'absence d'un système de gestion des affaires uniforme et simplifié pose des difficultés supplémentaires pour le fonctionnement de la Justice. L'International Crisis Group nous rapporte que ni les forces de l'ordre ni la population en général ne considèrent le procès comme un mécanisme capable d'assurer que les auteurs de crimes graves répondent de leurs actes. Par conséquent, cela encourage les exécutions extrajudiciaires par la PNH ainsi que la justice populaire par le phénomène de lynchage.

En effet, c'est dans cette perspective que nous avions considéré l'émission« allo la police » comme l'un de ces actes qui s'exécutent en dehors de la procédure tracée par la constitution et par les lois haïtiennes, conformément aux articles 17, 18, 19 et 20 de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme. Nous venons de le prouver, les conséquences découlant de cette émission sont nombreuses. Mise à part la violation du principe de la présomption d'innocence et du droit à la défense, il existe tant d'autres implications sur le système.

Néanmoins, l'émission télévisée constitue une remise en question des efforts jusque là consentis vers l'instauration d'un État de Droit en Haïti. Cette démarche de la PNH fait passer le suspect pour coupable sans que celui-ci n'ait été préalablement présenté devant son juge naturel, comme le veut la loi. En plus, on a constaté que le suspecta été forcé non seulement de répondre à des questions en absence de son avocat, mais également de témoigner contre lui-même.

Nous avions démontré que cela aurait eu comme origine, non seulement le souci d'exposer aux yeux de la population les efforts de la PNH en matière de combat contre l'insécurité, mais également, une influence des procédures du système «Common Law» sur le système pénal haïtien. En effet, les conséquences qui en découlent sont multiples, il convient de considérer l'affaiblissement du système judiciaire haïtien, en sens qu'elle la pousse à outrepasser

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certains principes fondamentaux. Ceci expose le pays aux sanctions internationales qui pourraient émanées des plaintes éventuelles des victimes du préjudice réduisant ainsi les chances que celle-ci soit disculpée des accusations portées contre lui.

Dans le cadre de ce travail, nous avions choisi d'analyser une de ces violations. Le constat à ce sujet s'est révélé accablant, en sens que notre cas d'étude, l'affaire Stanley LAFLEUR, nous a fait voir de nombreuses violations tant au regard de la victime que sur l'appareil judiciaire lui-même. Les suspects ont été interrogé seuls, en absence de leur avocat, les juges sont pris d'assaut dans leurs travaux d'instruction et de jugement. Tandis que le point « g » de l'article 8 de la DUDH et l'article 25-1 de la Constitution de la République d'Haïti de 1987 amendée en disent le contraire. Agissant ainsi, l'État s'est montré contradictoire en lui-même par rapport aux grands débats de philosophie politique relatifs au respect des droits humains et ses propres engagements juridiques internationaux en la matière. Il fallait comprendre quel devait être la priorité de l'État en ce qui a trait au moyen d'aborder les intérêts de la société. Sur le plan de la philosophie politique, doit-il respecter la liberté individuelle, tendance du monde actuel et condition sine qua non pour parler de l'État de Droit. Ou encore, devrait-il établir une certaine limite dans les actions individuelles, exigence du monde moderne face aux divers paradigmes de protection de la société en proie à une jouissance excessive d'un libéralisme socio-économique et du phénomène terroriste, théorie utilitariste.

Vers la compréhension de la philosophie à adopter par l'État, il convenait de faire la part des choses en considérant certains éléments de références en matière philosophique. Ce parallélisme nous a permis de mieux classer les différents engagements de l'État haïtien en matière de respect des droits humains, plus particulièrement, les conventions et traités ratifiés par Haïti et les mécanismes de protection les accompagnant par rapport à la philosophie qui les guide.

Nous avons montré l'effectivité de la violation de l'État haïtien par l'institution policière et les différentes implications que cet acte a sur le système pénal haïtien. Bref, la preuve que la publication de l'image des suspects constitue non seulement une violation des principes de la présomption d'innocence, mais également d'autres principes de la procédure pénale.

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En comparant les textes et la réalité du terrain, ce travail nous a permis de mettre en exergue la difficile interprétation des rôles entre les autorités policières et les autorités judiciaires. Les premières qui s'efforcent d'exhiber leurs efforts aux yeux de la population et les secondes, auxquelles incombent l'obligation juridico-morale de jongler entre l'intérêt de l'accusé « obligation de ne pas punir un innocent » et celle de sauvegarder l'intérêt de la société « obligation d'efficacité, d'apaiser et de rassurer la société ».

En revanche, nous avions pensé qu'il est impératif d'éviter cette faille dans le système pénal haïtien. Nous avions pour ainsi mis en évidence : d'une part, la nécessité que le Code Pénal puisse non seulement incriminer la publication hâtive de l'image et de l'identité d'un suspect, mais également, que le Code de Procédure Pénale en cours de préparation puisse tenir compte d'une meilleure conciliation de la mixité des pratiques policières et des règles de procédure en matière criminelle. D'autre part ; que les victimes puissent savoir qu'elles peuvent exiger réparation de l'État en cas de violation de leurs droits. Car, sur le plan philosophique, l'État [l'ordre public] a été conçu et perçu comme garant des droits de ces ressortissants, et non comme structure qui les viole systématiquement. Par ailleurs, en dehors des retombées négatives qu'emporte l'émission, nous reconnaissons sa valeur dissuasive dans une conjoncture si difficile dans laquelle nous nous trouvons en Haïti actuellement.

Néanmoins, l'absence d'un texte de loi incriminant le fait, nous empêche de parler d'infraction commise par la PNH, encore moins de peine affligée au suspect. Car, la loi pénale étant d'application stricte et l'adage en matière pénale n'en demeure pas confus quant à affirmer : « nullum crimen, nulla poena, sine lege ».On se garde également de parler de peine infamante, même si l'acte emporte certaines conséquences de ce genre. En effet, nous pouvons seulement déduire que l'émission est une violation systématique de la procédure pénale en Haïti, elle trahit du coup les efforts liés à l'instauration d'un État de droit. Car, cet idéal de gouvernance suppose la soumission de toute entité, y compris l'État lui-même, sous l'égide de la loi. Or, la PNH étant une institution de l'État, ne peut en aucun cas marchander sa soumission aux lois du pays.

Nous reconnaissons cependant la situation difficile que confrontent les États pour rester dans le strict respect de leur propre cadre juridique interne. Dans la logique de globalisation du monde actuel, les frontières socioéconomiques et culturelles entre les États tendent de plus en

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plus à s'écarter. Il est institué dorénavant des institutions dont les sphères de compétences vont au-delà des frontières respectives des États. Donc, les habitudes, les coutumes, les moeurs et les valeurs s'entremêlent autant que les populations des États s'échangent et se mélangent. Cela engendre comme conséquence une nécessité d'harmonisation des comportements et des rapports entre les individus, la refonte des lois régissant ces rapports aussi bien que la combinaison de politiques tendant à un partage de responsabilité entre les États en vue de combattre des problèmes communs en matière de Droit et de sécurité.

Dans la pratique des relations internationales, les sujets de droit internationaux s'engagent souvent par la signature des accords, des conventions ou des traités. Ces instruments juridiques internationaux, une fois signés et ratifiés, entrent dans le corpus juridique de l'État signataire, partie à la convention. Ainsi, notre pays Haïti s'est engagé maintes fois avec d'autres pays à respecter des engagements pris lors des grands sommets. L'exigence d'incorporer les textes dans la législation interne, aussi bien que celle commandant les États la stricte application de ces traités constituent, à notre sens, une démarche à double importance.

En tout premier lieu, elle prend en compte le respect d'un principe fondamental visant à protéger le consensus préalable et fondateur de la société, celui du contrat social dont parle Jean Jacques Rousseau et qui est évoqué plus haut. Des êtres libres ont consenti de créer une structure afin de pouvoir contrôler l'exercice des droits individuels reconnus à chacun, pour empêcher l'arbitraire. En second lieu, cette harmonisation des traitements qui sont accordés aux individus tend également à garantir la protection des droits des étrangers. En somme, les coutumes, moeurs et croyances sont considérées comme thèmes de référence aux comportements humains, le fondement des valeurs, aussi bien qu'un élément de mesure du niveau d'éthique de leurs actions. Il arrive fort souvent que les systèmes de valeur diffère d'une région à l'autre, cela rend de plus en plus difficile le respect des droits humains, s'agissant des individus qui n'ont pas été soumis aux systèmes en question et, sont donc plus enclin à violer ces droits en croyant agir dans le bon sens. Ainsi, l'harmonie que veulent jouir les États se traduit par des engagements qu'ils contractent en signant des traités qu'ils se promettent mutuellement de respecter. Parmi ces nombreux instruments juridiques signés et ratifiés par les États, nous tenons à rappeler que ceux relatifs aux respects des droits humains revêtent un caractère d'ordre public international et universel. Ce caractère renforce leur nature et les place au dessus de tout prétexte politique des

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États. En ce qui a trait à l'adhésion à ces Conventions, les États peuvent consentir non seulement à conclure un traité par une simple signature, mais également sont obligés dans certains cas à leur ratification, parfois sans émettre de réserves, selon les procédures de la législation interne exigée en la matière. Pour ce qui est du Pacte relatif aux droits civils et politiques nous avions vu qu'il est d'application directe dans l'ordre juridique interne, par conséquent, capable de mobiliser tout le système au profit du bénéficiaire des prérogatives qui en résultent.

Ainsi, en tant que chef de l'État, le président Jocelerme PRIVERT a fait mention de la nécessaire collaboration qui doit exister entre les différentes institutions républicaines, il a dit dans son discours d'investiture : « La police ne peut être prédatrice des droits et libertés ». La question qui se pose maintenant est de savoir comment se tenir entre les réclamations grandissantes en matière de libertés individuelles, appuyées par la communauté internationale, d'une part. D'autre part, le souci constant de protéger les intérêts de la société, de sauvegarder l'harmonie au sein de la société, logique même de l'idée du contrat social. Il convient alors de ne pas perdre de vue dans nos réflexions, la mission originelle de l'État. Pourquoi des êtres libres, évoluant à l'état de nature ont-ils éprouvé le besoin de se joindre, d'agréger leurs intérêts et de conjuguer leurs efforts pour créer une structure qui soit au dessus des intérêts individuels, tout en voulant les protéger du même coup ? Quel devrait-être le comportement de cette structure dont la mission serait de répondre aux aspirations plurielles de ses membres ? Toutes les actions de l'État se doivent d'être empruntées, non seulement de la légalité, mais également et surtout de la légitimité. Cette caractéristique qui se veut le fondement sociopolitique des actions étatiques donne l'idée de justice et conforte les membres de la société dans leur rapport avec leur semblable. Espérons que dans notre cas, l'État trouve un moyen de concilier le respect strict et scrupuleux des libertés individuelles et l'efficacité dans ses efforts à administrer la justice et à garantir la sécurité publique. Car, comme dit Emmanuel KANT : « Le droit doit être tenu pour sacré à l'homme, quelque grands sacrifices que cela puisse coûter à la puissance qui gouverne. » Nous pensons que c'est à ce prix que la société sera juste et harmonieuse.

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"Je ne pense pas qu'un écrivain puisse avoir de profondes assises s'il n'a pas ressenti avec amertume les injustices de la société ou il vit"   Thomas Lanier dit Tennessie Williams