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La police nationale d'Haiti, entre l'efficacité et le respect du droit à  la défense. Considération faite de l'émission "Allo la police": 2005-2015

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par Emmanuel TILIAS
Université d'État d'Haiti - Licence 2016
  

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SECTION 2- QUELQUES CAUSES FONDAMENTALES DE L'EMISSION ALLO LA POLICE

Pour comprendre la dimension de l'action que pose la PNH, à savoir la publication hâtive de l'image et de l'identité des personnes interpellées dans le cadre d'une enquête judiciaire, il faudra analyser les fondements de cette action. Les causes qui sont à la base de ce choix. On les classe en deux grandes catégories : d'une part, celles résultant d'une action positive de la PNH, en sens que celle-ci agit, prend des initiatives et s'y tient. D'autre part, l'influence du système Common Law découlant des rapports de coopération entre la PNH et des organisations non gouvernementales à tendance nord américaine. Cette catégorie suppose également le rapport entre la PNH et les pouvoirs publics, s'agissant de prouver les efforts du Ministère de la Justice et de la Sécurité Publique et celui d'accompagner la Justice, comme cela se définit à l'article 10 du C.I.C.

1.2.2.1.- Sous-section I- Faiblesse du système de répression en Haïti

L'exemple ci-dessus mentionné laisse voir clairement la violation du principe de la présomption d'innocence et du droit à la défense des personnes interpellées. Néanmoins, il importe de déceler les causes qui peuvent être à la base de ce comportement de la PNH. Nous avions pensé que les raisons de ce comportement pourraient être diverses. A ce sujet, il convient d'ajouter : la situation difficile de la PNH, en plus des deux causes précédemment citées. En effet, cette démarche nous permettra de mieux saisir l'esprit de ce choix de la PNH et nous facilitera de faire des propositions de solutions beaucoup plus adaptées.

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1.2.2.1.1.- Situation de la Police Nationale d'Haïti

Nous tenons à le rappeler, la PNH évolue dans des conditions extrêmement difficiles. Ils sont divers les obstacles que les agents de la police ont à surmonter, tant sur le plan administratif que politique. Sur le plan administratif, on pourrait considérer ces difficultés comme étant communes au système, même s'il y a certaines d'entre elles qui se révèlent particulières à l'institution. Entre autre : problème d'effectif, manque de matériels, faible accompagnement de l'État et le rapport tant controversé existant entre elle et la justice.

En ce qui a trait au problème d'effectif des policiers en service, nous tenons à souligner qu'à l'heure actuelle, avril 2016, le nombre environne les dix mille (10 000) pour une population de 10 911 819 [64] million d'habitants, soit un ratio de un (1) policier pour mille quatre vingt onze (1091) habitants. Malgré cette augmentation importante par rapport aux cinq (5) années précédentes, cet effectif reste insuffisant par rapport aux besoins. A cet effet, nous partageons les réflexions de la MINUSTHA mentionnant que : « A terme, l'objectif du gouvernement est de doubler, au minimum, les effectifs actuels qui atteignent actuellement [sic] 10.000 agents ; des policiers capables de protéger leurs citoyens et leurs frontières des menaces intérieures et de la criminalité transnationale65». En effet, ces efforts, tendant à consolider l'institution policière afin de répondre aux besoins de la population qui sont multiples et, lesquels ont été consentis en vue de créer un climat de sécurité, sont importants à prendre en compte. A ce sujet, le rapport du 16 avril 2005 de la mission du conseil de sécurité de l'ONU en Haïti, en avait fait la prédiction :

Presque tous les interlocuteurs ont souligné l'importance de la professionnalisation de la Police Nationale d'Haïti qui est l'autorité responsable d'assurer la sécurité, l'application de la loi et l'ordre en Haïti. Cependant, la mission a pris connaissance que les policiers de leur propre chef ne peuvent pas remplir leur fonctions adéquatement et exercer leur rôle de sécurité publique dans tout le pays, à cause du nombre insuffisant de policiers (bien que leur nombre exact ne peut être établi), du manque de formation adéquate et d'équipement, d'un budget limité, et de la corruption. La mission a exprimé le voeu que la police soit réformée immédiatement66.

Vu ce panorama, il est évident que la PNH cherche à utiliser ses propres astuces afin de compenser certaines faiblesses. C'est l'une des raisons pour lesquelles on persiste à croire que ce recours à la publication hâtive dans les medias de l'image et de l'identité des suspects dans le

64-Institut Haïtien de Statistique et d'Informatique (IHSI), Direction des Statistiques Démographiques et Sociales (DSDS), population totale, population de 18 ans et plus ménages et densités estimés en 2015, Mars 2015, p.21. 65- http://minustah.unmissions.org/Developpement-de-la-police-nationale-dhaiti-cap-sur-2016, site consulté le 8 mars 2016, 8 hrs 25 AM.

66-Rapport du Secrétaire Général de l'ONU sur la Mission du Conseil de Sécurité en Haïti (13-16 avril 2005), paragraphe 22.

67-Voir le briefing de International Crisis Group Amérique Latine/Caraïbes N°14, Haïti : réforme de la justice et crise de la sécurité, 31 janvier 2007, p. 3.

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cadre d'une enquête judiciaire constitue l'une parmi les actions de l'institution tendant vers la dissuasion. Donc, comme causes fondamentales probables, nous venons de voir que la situation difficile dans laquelle se trouve la PNH, peut bien en faire partie.

1.2.2.1.2. Souci de justification des efforts de la Police Nationale d'Haïti

Bien qu'auxiliaire de la Justice, la PNH tente à tout moment de se démarquer de celle-ci pour pouvoir mettre en évidence les efforts qu'elle fait pour réduire le taux de criminalité. De cette démarche va surgir des tensions entre la PNH, soucieuse d'exhiber le fruit de ses activités aux yeux de la population en vue de la rassurer et de dissuader les délinquants et, le pouvoir judiciaire qui se garde de violer des règles fondamentales de droits humains. A ce sujet, le RNDDH a mentionné que les relations toujours problématiques entre police et justice, qui s'accusent mutuellement d'être corrompues, sont plus tendues que jamais.

Dans le cadre de leur enquête, les ambassadeurs de Crisis Group se sont entretenus avec un commissaire du gouvernement qui les a confié que les dossiers montés par les agents de la police ne répondent pas à une certaine technicité leur permettant [les professionnels de la justice] de bien faire les suivis nécessaires. Ils avancent que : « Les juges et les procureurs [Sic] admettent fréquemment prononcer des acquittements et la libération des accusés mais en attribuent la raison à la mauvaise qualité des dossiers. Selon un procureur, les dossiers contiennent de longues descriptions mais trop souvent, « il n'y a rien dedans67. »

Ces rapports déséquilibrés entre les agents de la PNH et les autorités judiciaires laissent augurer de mauvais sentiments d'une collaboration qui serait au bénéfice d'une justice saine et efficace. Nous pensons que cette fuite en avant que fait la PNH avec l'émission allo la police constitue une manière pour l'institution de se dédouaner de toute responsabilité en ce qui concerne la prévalence du phénomène de l'insécurité dans le pays, aussi bien que la rétention ou non des détenus. Donc, ces deux causes ci-dessus mentionnées nous laisse entrevoir que l'action de la PNH serait motivée et que les conséquences qui en découleraient seraient connues et voulues par l'institution. Cependant, il y a lieu de considérer une cause extérieure à la volonté des autorités de l'institution, il s'agit de l'influence qu'exerce le système Common Law, système d'influence, sur le germano romain, système adopté par l'administration haïtienne, en raison des programmes de coopération qu'entretiennent mutuellement des institutions qui les pratiquent.

68-André SIEGFRIED, Les États-Unis d'aujourd'hui, avec 8 cartes et figurent, Librairie Armand Colin, Paris, 1927, p.212.

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1.2.2.1.3. Influence du Common Law sur les pratiques policières en Haïti

Le problème de violation qui est posé par l'émission allô la police peut également s'expliquer par le processus de l'américanisation de la pratique du système pénal haïtien. C'est-a-dire, le fait que le système pénal haïtien éprouve du mal à concilier le model Common Law d'application du droit pénal, sur lequel se fonde certaines pratiques policières dues aux multiples programme de coopération dans les domaines justice et police et, le mode romano-germanique d'application du droit pénal, base juridique et théorique du système pénal haïtien hérité de la France, l'ancienne métropole. Notre hypothèse en ce concernant trouve l'approbation du professeur André SIEGFRIED qui émettait également des idées sur ce processus en France dans son livre : « un monde qui s'américanise68 » cité par Jean CEDRAS, Professeur à l'Université de La Rochelle dans son texte « L'hypothèse de l'américanisation du droit pénal français ».

Nous tenons à présenter, avec quelques commentaires, les approches du professeur SIEGFRIED concernant le processus de l'américanisation du droit français, pourvu que nous estimions que le notre puisse être dans une situation similaire à celui des français. Le pénaliste doit-il en déduire que ces auteurs prophétisaient la marche du procès pénal français, à l'origine inquisitoire, vers l'accusatoire ? Voici comment le professeur André Siegfried réagi à cette interrogation :

Précisément, cette répression accrue de la marginalisation sociale et de l'insécurité est prônée par les tenants de la globalisation et de la flexibilité, car le discours corollaire de la « tolérance zéro», est intéressant : idéologie quasi mystique de la libre concurrence, qui sous-tend la minimisation des lois sociales, qui réclame l'application de la loi du marché dans le plus grand nombre possible de domaines, et pourquoi pas ? La patrimonialisation de l'action publique. À suivre ce discours, l'État devrait se retirer du champ économique (moins d'État dans le jeu du capital), se retirer du champ social (promotion de la flexibilité des emplois et des horaires) pour se renforcer dans le domaine pénal et pourquoi ? Pour contenir les conséquences de la dérégulation et de la flexibilité en termes de marginalisation sociale. Tout se tient !

Ainsi, conceptions économiques et sociales néolibérales d'une part et thèses surrépressives d'autre part vont-elles de pair. Si l'on dépénalise l'économie, et c'est le but recherché, alors il faut adopter la tolérance zéro ou bien le système social explose. L'esprit messianique et le discours sont soutenus par une logistique.

L'auteur nous montre ici le fondement du durcissement des mesures répressives prises dans les sociétés modernes. Il a fait remarquer la corrélation qui existe entre les mutations économiques et le dérèglement de la société que le système pénal est appelé à freiner. Il s'attèle également à montrer le mécanisme utilisé pour influencer le droit pénal français vers les

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pratiques du droit pénal américain, celui-ci, basé sur le système Common Law. Très tôt, il a fait ressortir l'influence du droit pénal américain sur le droit pénal français, en faisant remarquer que ce processus d'américanisation passe par les divers programmes de coopération entre les pays dans le cadre de la Police des Nations Unies (UNPOL). Ainsi, il nous livre les réflexions suivantes :

Missions parlementaires, visites académiques, formation continue des magistrats et des policiers étrangers aux États-Unis, bourses d'études, de recherches, de séjour : voilà une grande hospitalité généreuse et chaleureuse, dont probablement bon nombre de juristes français ont profité comme moi69 et qui reste pour toujours un merveilleux souvenir. Cette hospitalité permet la diffusion de toutes les idées mentionnées précédemment dans le public savant. Mais le grand public n'est pas oublié : le cinéma, la littérature policière et les romans judiciaires, les séries télévisées policières et judiciaires (rigoureusement exactes sur le plan juridique, contrairement à leurs homologues françaises), séries vendues pour rien et diffusées dans le monde entier, tout cela installe dans l'inconscient collectif l'image exclusive et flatteuse du droit pénal américain de fond et de forme. Ainsi le droit pénal américain devient-il peu à peu le seul point de comparaison, sinon la référence. François Gény a montré l'influence des facteurs culturels, au sens américain précisément (« social ways of life »), dans l'élaboration du droit positif. Tout cela produit des résultats à l'échelle mondiale.

A ce niveau, le professeur a montré que la tendance à l'adoption du droit pénal américain comme système de référence ne se limite pas seulement à la France. Il a voulu faire remarquer que le mécanisme qui a été mis en branle à ce dessein touche l'opinion mondiale via des séries télévisées qui enseignent, de manière sournoise, la conduite des affaires criminelles. Ainsi il a continué sa réflexion en disant :

Je ne sais pas si l'on doit traiter de l'hypothèse discutable de l'américanisation du droit pénal français ou du phénomène avéré de la mondialisation du droit américain. En effet 70 % des terres civilisées sont soumises au droit de Common Law en matière pénale ; pour des exemples récents et surprenants de conversion à l'accusatoire : le Japon en 1945, l'Italie en 1989, la Pologne en 1990, le Venezuela en 1998. [...]. Ces pays avaient vécu sous un régime de droit socialiste empruntant et détournant les concepts pénaux romano-germaniques. Lors de leur libération, ils étaient en quête de modèles et, tant par l'incapacité de l'Europe continentale de leur en proposer un que grâce à la logistique supérieure des Américains (bourses, stages, universités judiciaires sur place et clés en mains), ont choisi le Common Law70.

Il continue, cette fois-ci, pour montrer les conséquences du système accusatoire au dépend du système inquisitoire. Il a tout de même signalé le danger que courent les systèmes juridiques qui s'approchent du Common Law, notamment celui de la France. Nous pensons également que cet avertissement pourra aussi bien être extrapolé sur le processus haïtien de transformation de la procédure pénale, sinon, cette transition en matière pénale qui aurait le

69 -André SIEGFRIED, Ibid., p.213.

70 -André SIEGFRIED, Ibid., p.153.

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parfum du système Common Law. Car, certaines pratiques de la police, comme nous sommes entrain de le traiter, montre à clair ce mélange de système. Ceci va en quelque sorte être officialisé avec la publication prochaine du Code de Procédure Pénale.

Pour sa part, le professeur Jean CEDRAS, dans son texte « L'hypothèse de l'américanisation du droit pénal français », nous met en garde contre certains risques que l'on court dans une telle entreprise. Il a fait remarquer à ce sujet, un double danger, dit-il, de la marche vers l'accusatoire à l'américaine :

1° Une logique dangereuse.

« Dans sa logique, le système inquisitoire garantit l'efficacité de l'enquête, le respect des libertés et l'égalité des justiciables : l'instruction par le juge d'instruction, juge indépendant et libre ou par la police judiciaire, sous le contrôle d'un parquet déjà débarrassé en fait des instructions individuelles, est aussi bien menée à charge ou à décharge, que l'on soit puissant ou misérable. Dans sa logique, le système accusatoire, au contraire, accentue les différences sociales, culturelles et économiques en permettant au puissant de rémunérer des avocats excellents, lesquels sont à même de faire des enquêtes poussées et pas forcément objectives, à même de proposer à la victime des transactions (pleabargaining) irrésistibles, à même d'éteindre l'accusation en offrant de payer de généreuses amendes. Sait-on que la négociation sur l'action publique résout 90 % des affaires pénales, même les plus graves, qu'elle est vigoureusement encouragée par les pressions institutionnelles du système de Common Law, qu'elle supprime totalement les droits de la défense, et qu'elle patrimonialise [sic] la répression ? «Nation de boutiquiers» disait Napoléon de l'Angleterre. «Peuples marchands» disent des Anglo-Saxons mes illustres collègues George Pugh de Louisiana State University et François Terré, de l'Université Paris Panthéon-Assas. Dans le système accusatoire, s'agissant d'infractions économiques (pour un exemple pris au hasard), presque tout peut se vendre et s'acheter.

2° Une greffe dangereuse.

Dans leur complexité, leur équilibre d'ensemble, les systèmes procéduraux sont des mécanismes d'horlogerie fragiles. Greffer sur l'un une institution tirée de l'autre, surtout quand on n'a de l'autre qu'une connaissance approximative, c'est certainement courir à l'échec.

Ces considérations faites par le professeur Jean CEDRAS nous permettent de mieux nous situer par rapport aux fondements de la pratique de l'émission et la philosophie qui semble la supporter. Cependant, nous resterons attentifs à l'étude de la première cause, qui est celle témoignant le souci de la PNH d'exhiber ses efforts par rapport à la lutte contre l'insécurité. Si pour la situation difficile de la PNH et l'influence du système Common Law sur la conduite des affaires pénales en Haïti, notamment par la PNH, agent de la Police Judiciaire, on note une attitude de passivité, en sens que l'institution semble subir une force qui lui soit extérieure. Mais pour la deuxième hypothèse, à savoir, exhiber ses efforts aux yeux de la population, on pourra comprendre que c'est une action sciemment commandité et voulue par les autorités policières.

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En ce qui a trait à la dissuasion des éventuels criminels, on reconnait les retombées positives que cela puisse avoir. Cependant, le caractère objectif des principes relatifs au respect des droits humains nous commande de reléguer en arrière plan tout calcul basé sur l'augmentation du bien-être de la société au sacrifice des droits fondamentaux de l'individu, membre du corps social. A ce niveau, on endosse le point de vue du philosophe américain John Rawls qui disait dans son livre Théorie de la justice : « Chaque personne possède des droits inviolables fondés sur la justice que même le bien-être de la société ne peut outrepasser [...] les droits garantis par la justice ne doivent être soumises à aucune transaction basée sur le calcul des intérêts sociaux ». Donc, il est inconcevable que l'Administration publique, via la PNH, trafique les procédures en matière criminelle pour atteindre ses objectifs.

1.2.2.2.- Sous-section II- Rapport de la Police Nationale d'Haïti et les pouvoirs publics

Comme autre élément susceptible d'influencer le choix des autorités policières à présenter les suspects dans les medias, la mauvaise compréhension du rôle de la PNH, institution collaborant avec deux pouvoirs distincts de l'État, nous retient grandement l'attention. Comprenant cette dynamique, nous pourrons désormais relever l'intérêt de la PNH de persister, arrêter, ou tout bonnement, modifier, sous l'influence des voix qui se sont déjà élevées, cette publication qui dérange. Pour cela, il importe de faire une présentation spécifique de l'institution afin de mieux contextualiser notre approche.

1.2.2.2.1. Présentation de la Police nationale d'Haïti

La Police Nationale d'Haïti (PNH) constitue la deuxième branche des forces armées reconnues par la constitution haïtienne. On doit mentionner que la volonté de mobiliser une autre force aux cotés de l'Armée ne date pas d'aujourd'hui. Gérard Dalvius, dans son ouvrage titré Justice et Police, un défi en Haïti71, nous livre quelques informations sur l'histoire de la Police Nationale, il nous dit : « l'intention d'avoir un corps de police séparé de l'Armée haïtienne a toujours hanté les constitutionnalistes en Haïti. D'ailleurs dans plusieurs constitution, la notion de police occupe une place de choix ». En guise d'argument, il a fait mention de l'article 178 de la constitution haïtienne de 1957, stipulant que : les fonctions de Police sont séparées de celles des Forces Armées d'Haïti et confiées à des agents spéciaux soumis à la responsabilité civile et

71- Gérard DALVIUS, Op. Cit., p.85.

72-Loi du 29 novembre 1994 portant création, organisation et fonctionnement de la police nationale le moniteur n° 103, 28 décembre 1994

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pénale dans les formes et conditions légales. Ledit article a été également repris dans les mêmes thèmes par l'article 185 de la constitution haïtienne de 1964 a-t-il fait remarquer.

La constitution haïtienne de 1987 amendée a épousé l'idée de garder les forces armées d'Haïti avec ses deux branches, dans son article 263 on reprend pour confirmer l'existence de la police en stipulant que : La force publique se compose de deux (2) corps distincts : l'Armée et la Police. Cette différenciation répond à notre avis, à un besoin de sécurité des vies et des biens afin de laisser l'Armée d'Haïti dans sa fonction de défense du territoire. Plus loin, nous allons considérer certaines des missions conférées à cette entité en scrutant les articles mentionnés dans la loi portant sur sa création et régissant son fonctionnement. En y arrivant, nous tenons à faire cette précision tant importante à l'article 1er de ladite loi, qui témoigne le caractère hiérarchique et l'unicité de la source de décision de la PNH. C'est-à-dire, les directions départementales ne peuvent pas être tenues pour responsable directes de la tenue de l'émission. Ledit article stipule qu'Il est créé une force de police dénommée la Police Nationale d'Haïti. Son siège central est à Port-au-Prince.72 En ce qui a trait à la définition de la mission de l'institution, elle est non seulement citée dans l'article 269-1 de la constitution de 1987 amendée, [Elle est créée pour la garantie de l'ordre public et la protection de la vie et des biens des citoyens. Son organisation et son mode de fonctionnement sont réglés par la loi] mais également, dans la loi portant sur sa création.

La constitution aussi bien que les lois qui vont suivre ne se sont pas limitées à créer l'institution policière, elles se sont également évertuées à fixer ses limites et ses champs d'action. Ainsi la constitution donne les attributions de celle-ci à l'article 273 :La police en tant qu'auxiliaire de la Justice, recherche les contraventions, les délits et crimes commis en vue de la découverte et de l'arrestation de leurs auteurs. Cette attribution commence à situer la police dans son travail d'aide à la justice. Elle limite les interventions de celle-ci au niveau de la recherche des infractions et d'arrestation. En ce qui a trait à sa mission, elle précise le travail de celle-ci comme institution de support au pouvoir exécutif et du pouvoir judiciaire. L'article 7 de la loi du 29 novembre 1994 portant création, Organisation et fonctionnement de la police

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Nationale73 stipule : La Police nationale est instituée en auxiliaire des pouvoirs publics en vue de maintenir l'ordre en général et de prêter force à l'exécution de la loi et des règlements.

Parmi les nombreuses prérogatives que la loi confère à l'institution policière, constituant sa mission, nous tenons à présenter quelques-unes :

1. Assurer la protection et le respect des libertés des personnes, des vies et des biens ,
·

2. Garantir la sûreté des institutions de l'État ,
·

4. Prévenir les infractions et rechercher activement les auteurs pour les traduire devant les juridictions compétentes dans le délai fixé par la loi ,
·

7. Prévenir, constater et combattre les infractions à la législation sociale ,
·

11. Fournir aux fonctionnaires du pouvoir judiciaire les moyens nécessaires pour atteindre leurs objectifs ,
·

12. Fournir au protecteur du citoyen, pour la défense des droits humains, l'appui nécessaire dans l'accomplissement de sa fonction ,
·

15. Exécuter toutes autres actions ou activités prévues par la loi.

1.2.2.2.2. Coopérations diverses avec des organisations internationales

Une assistance internationale substantielle en matière de justice et de sécurité a débuté en 1993 ; elle s'est concentrée durant le premier mandat du président Préval et s'est limitée à une coopération restreinte entre 2001 et 2004. Jusqu'à 2001, les donateurs ont consacré 43 millions de dollars au Secteur Justice, dont 27 millions provenaient du programme américain d'administration de la justice (AOJ). Sur la même période, plus de 65 millions de dollars ont été consacrés à la réforme de la police. La majeure partie de cette assistance à la justice a consisté en un soutien logistique et à la formation, à l'aide technique et aux services juridiques.74

1.2.2.2.3. La Police Nationale entant qu'auxiliaire de la Justice

En tant qu'auxiliaire de la justice, la police est là pour prêter la main forte à cette dernière pour qu'elle puisse remplir à bien sa mission. Ainsi, le rôle que doit jouer la police dans une

73-Le moniteur n° 103, 28 décembre 1994.

74-U.S. Government Accounting Office, Any Further Aid to Haitian Justice System should be Linked to Performance-Related Conditions», octobre 2000, p.23.

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enquête judiciaire est clairement défini par la loi. L'article 10 du Code d'Instruction Criminel dispose :

Les agents de la police rurale et urbaine sont chargés de rechercher les crimes, les délits et les contraventions qui auront porté atteinte aux personnes, ou aux propriétés. Ils feront leur rapport au juge de paix de la commune sur la nature, les circonstances, le temps et le lieu des crimes, des délits et des contraventions, ainsi que sur les preuves et les indices qu'ils auront pu en recueillir. Ils suivront les choses enlevées, dans les lieux ou elles auront été transportées, et les mettront en séquestre. Ils arrêteront et conduiront devant le juge de paix tout individu qu'ils auront surpris en flagrant délit, ou qui sera dénoncé par la clameur publique.

L'assignation de ce rôle d'accompagnement à la Police n'est pas seulement faite dans le Code d'Instruction Criminel. Il est également mentionné dans la loi portant création de la Police Nationale d'Haïti, on se le rappelle dans l'article 7, plus précisément le point 4 est ainsi libellé : Prévenir les infractions et rechercher activement les auteurs pour les traduire devant les juridictions compétentes dans le délai fixé par la loi. Le respect scrupuleux de ce rôle ne semble pas conforter les autorités policières qui estiment que les suivis faits par les autorités judiciaires de certains dossiers ne sont pas corrects. Ainsi, elles ne cessent de se plaindre des décisions de justice qu'ils estiment être entachées de corruption.

1.2.2.2.4. La Police Nationale, service déconcentré du Ministère de la Justice et de la Sécurité Publique

Dans le point précédent, nous avions vu la PNH en tant qu'auxiliaire de la Justice. Ce rôle lui confère une mission de second plan dans les affaires criminelles. Elle doit agir sous les ordres des organes du pouvoir judiciaire, ses actions sont pour ainsi dire, tributaires des procédures suivies par celui-ci. Néanmoins, le pouvoir judiciaire n'est pas le seul pouvoir de l'État de qui sont émanés les ordres que doit suivre la Police Nationale d'Haïti. Elle détient un rapport étroit avec le pouvoir exécutif, lequel se révèle parfois intriguant pour le respect des droits humains. L'article 4 de la loi portant sur sa création consacre sa mise sous la tutelle du Ministère de la Justice. Il stipule : La Police nationale, distincte et séparée des forces armées, relève du Ministère de la Justice et est placée sous l'autorité du titulaire de ce Ministère. Les membres de la Police nationale ont le statut civil. Il est compris que seul le pouvoir exécutif, à travers la vision du président de la république, a le monopole de la politique de la nation. Ceci étant dit, tous les autres pouvoirs se joindre à celui-ci pour faire atterrir ses objectifs, des promesses faites à la nation. L'article 14 de la loi sur la création et le fonctionnement de la PNH stipule que le Conseil Supérieur de la Police Nationale (CSPN) est composé comme suit :

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1. Le Premier Ministre, chef du gouvernement, président ;

2. Le Ministre de la Justice, premier vice-président ;

3. Le Ministre de l'Intérieur, deuxième vice-président ;

4. Le Commandant en chef des forces de police (le directeur général de la police nationale), secrétaire exécutif ;

5. L'Inspecteur général en chef de la Police nationale, secrétaire exécutif adjoint.

Cette chaine de commandement laisse voir un certain contrôle par les plus hautes autorités du pouvoir exécutif de tout ce qui se fait au sein de l'institution. Par souci de résultat, il est évident que les autorités du pouvoir exécutif vont prioriser la politique au détriment du respect de certaines procédures. Car, faut-il bien que l'on souligne, ce qui importe le plus pour le politique, c'est de pouvoir faire des choses qui épatent les gens, même si cela outrepasse certains droits. Ainsi, face à toute voix qui s'élève en dénonciation de certaines pratiques, la réaction sera toujours une tentative de justifier le bien fondé de l'action, même si parfois on donne l'impression de prendre des mesures pour arrêter. Maintenant qu'on ait fini de voir quelques causes qui expliquent la raison de la tenue de l'émission malgré les critiques, il importe d'analyser les conséquences qui peuvent découler de la pratique sans une adaptation nécessaire, sinon une harmonisation des règles de procédures, axées sur le système romano-germanique, et les pratiques d'opérations policières basées, en partie, sur le système Common Law.

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