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La police nationale d'Haiti, entre l'efficacité et le respect du droit à  la défense. Considération faite de l'émission "Allo la police": 2005-2015

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par Emmanuel TILIAS
Université d'État d'Haiti - Licence 2016
  

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DEUXIÈME PARTIE-CONSÉQUENCES ET RECOURS

CHAPITRE III- ALLO LA POLICE CONSÉQUENCES SUR LE SYSTÈME PÉNAL

HAÏTIEN

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SECTION 1- VIOLATION DU PRINCIPE DE LA PRÉSOMPTION D'INNOCENCE ET DU DROIT À LA DÉFENSE

Nous venons de le montrer dans le chapitre précédent que la situation difficile de fonctionnement de la PNH, le souci d'exposer les efforts réalisés, le processus d'américanisation du système pénal haïtien et la compréhension des rapports interinstitutionnels constituent les causes majeures de l'émission allo la police. Il revient pour le moment d'analyser les conséquences de cette pratique. Dans nos approches, nous allons regarder ces impacts sur deux angles. D'une part, la violation du principe de la présomption d'innocence et du droit à la défense. D'autre part, l'influence négative que cela provoque sur le travail des différents acteurs qui entrent en action quand une infraction de nature criminelle est commise. A ce titre, il conviendra de considérer les officiers de la police judiciaire, aussi bien que le comportement du tribunal appelé à entendre l'affaire. En effet la violation la plus flagrante constitue celle du principe de la présomption d'innocence. Pour la prouver, il importe d'abord de connaitre ce que c'est le principe de la présomption d'innocence. Ensuite, qu'est ce que cela implique d'être présumé innocent au regard de la législation pénale haïtienne. Pour enfin déterminer l'évidence de sa violation par l'émission allô la police.

2.3.1.1.- Sous-section I- La violation du principe de la présomption d'innocence par l'émission allo la police

L'une des conséquences immédiates que provoque la publication hâtive de l'image et de l'identité des personnes interpellées, c'est de faire passer un suspect pour coupable. Démarche qui incrimine de façon prématurée le suspect sans que celui-ci n'ait été préalablement présenté devant son juge naturel, comme le veut la loi. Car, la présentation de ce dernier dans les medias influencera l'opinion publique, plus enclin à croire en sa culpabilité que de lui donner le bénéfice du doute. Or, à ce stade, doit-on se le rappeler, le suspect est protégé contre tout ce qui aurait l'air d'une peine. Etant donné son statut, toute action d'une institution quelconque ou d'un individu à son encontre ne sera considérée comme rien d'autre qu'un préjudice porté à l'égard de ce dernier. Ceci étant dit, il convient de faire appel à la notion de responsabilité. Mais avant d'entrer dans ce débat, il faudra tout de même préciser la notion de présomption d'innocence dans ce présent contexte. Que veut dire exactement être présumé innocent d'une infraction reprochée à un suspect ? Qu'implique ce statut ? Qu'advient-t-il au regard de la législation

75- Wando SAINT-VILLIER, Magistrat Président de l'Association professionnelle des magistrats Juge au Tribunal de première instance de la Croix-des-Bouquet.

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haïtienne ? Les réponses à ces questions nous permettront de mieux appréhender la dimension du problème traité afin d'y adapter nos propositions.

2.3.1.1.1. Présentation du principe de la présomption d'innocence

Le principe de la présomption d'innocence signifie que toute personne soupçonnée d'avoir commis une infraction doit être vue au départ comme innocente tant qu'elle n'a pas été reconnue coupable par un tribunal. À ce titre, il est interdit de parler d'une personne soupçonnée d'avoir commis un meurtre en l'appelant « le meurtrier » avant qu'il ait été jugé coupable. De la garde à vue (pendant l'enquête) au verdict (lors du procès) la personne interpellée est considérée comme innocente, commente Wando SAINT VILLIER75. Le premier paragraphe de l'article 11 de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme (DUDH) a initié la protection de la personne interpellée en stipulant que : Toute personne accusée d'un acte délictueux est présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité ait été légalement établie au cours d'un procès public où toutes les garanties nécessaires à sa défense lui auront été assurées.

Dans la Convention Américaine des Droits de l'Homme de 1969, plus précisément l'article 8 qui traite des Garanties judiciaires reconnues aux personnes soupçonnées d'avoir commis une infraction, le deuxième (2) alinéa renchérit : Toute personne accusée d'un délit est présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité ait été légalement établie. Pendant l'instance, elle a droit, en pleine égalité, au moins aux garanties suivantes :

a. Droit de l'accusé d'être assisté gratuitement d'un traducteur ou d'un interprète s'il ne comprend pas ou ne parle pas la langue employée à l'audience ou au tribunal ,
·

b. notification préalable et détaillée à l'accusé des charges portées contre lui ,
·

c. octroi à l'accusé du temps et des moyens nécessaires pour préparer sa défense ,
·

d. droit pour l'accusé de se défendre lui-même ou d'être assisté d'un défenseur de son choix et de communiquer avec celui-ci librement et sans témoin ,
·

e. droit d'être assisté d'un défenseur procuré par l'Etat rémunéré ou non selon la législation interne, si l'accusé ne se défend pas lui-même ou ne nomme pas un défenseur dans le délai prévu par la loi, ce droit ne peut faire l'objet d'aucune renonciation ,
·

76- Jean SALOMON, Droit des Gens, Tome I, 19ème édition, Presses Universitaires de Bruxelles, Bruxelles, 2003, p.226.

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f. droit pour la défense d'interroger les témoins comparaissant à l'audience et d'obtenir la comparution, comme témoins ou experts, d'autres personnes qui peuvent faire la lumière sur les faits de la cause ,
·

g. droit pour l'accusé de ne pas être obligé à témoigner contre lui-même ou à se déclarer coupable ,
·

h. droit d'interjeter appel du jugement devant un tribunal supérieur.

En effet, ces deux articles issus de deux instruments juridiques différents et acceptés par la législation nationale nous amène à considérer l'intérêt partagé des nations du monde moderne de conférer une certaine protection aux suspects. Néanmoins, certains traités ou conventions bénéficient d'une application directe dans l'ordre juridique interne des États parties, alors que d'autres nécessitent de l'appui d'un autre texte juridique de nature à préciser son application dans un contexte bien précis, une procédure de réception plus complexe.

Ainsi, l'étude du rapport entre le droit international et le droit interne a été longtemps dominée par une querelle doctrinale entre les dualistes et les monistes76. Pour les premiers, droit international et droit interne sont deux ordres juridiques distincts, totalement séparés l'un de l'autre. Pour être valable en droit interne, une règle de droit international doit être transformée en droit interne par la procédure de Réception. Pour les seconds, le droit international et le droit interne forment un seul système juridique (Chron. Caflish, RSDIE, 1998, p.636). Par conséquent, une disposition juridique internationale n'aura besoin de l'aide d'aucune loi pour son application dans l'ordre juridique interne.

Dans le cas d'Haïti, nous pensons que le courant qui prédomine est la doctrine moniste, car l'article 276 de la constitution élimine tout conflit éventuel. Cette considération nous amène à étudier la situation des articles 11, de la DUDH et 8 de la CADH consacrant une protection au suspect afin d'évaluer leur degré d'application dans l'ordre juridique interne.

2.3.1.1.2. Le principe de la présomption d'innocence au regard de la législation haïtienne Comprendre la présomption d'innocence au regard de la législation haïtienne, nous renvoie directement à l'étude de la réception et l'application des instruments juridiques internationaux signés et ratifiés par Haïti par rapport au droit interne haïtien. Ainsi, le Dr. Louis

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NKOPIPIE DEUMENI, intervenant sur le sujet : « Le fonctionnement de la justice pénale et les exigences du droit des droits de l'homme : l'exigence de célérité » à l'Hôtel El Rancho en mai 2011 a fait remarquer :

Parce que les instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme trouvent leur source dans le droit international conventionnel, et parce que les droits qu'ils proclament ont pour destinataire l'individu, citoyen, étranger ou apatride résidant sur le territoire d'un État, il paraît utile d'envisager l'étude de la réception de ces instruments dans l'ordre juridique haïtien.

L'une des questions à laquelle il a voulu répondre en faisant cette considération, concernait l'application directe ou non des instruments juridiques internationaux dans l'ordre juridique haïtien. A cette question, on a pu récupérer du Dr. NKOPIPIE DEUMENI l'assertion suivante :

Une analyse combinée du droit international et du droit interne permet d'affirmer que les dispositions des instruments conventionnels relatifs aux droits de l'homme, notamment celles contenues dans le Pacte Civil et Politique [sic] octroyant à l'Homme en procès le droit à la célérité de la procédure enclenchée contre lui sont directement applicables dans l'ordre juridique haïtien, mieux, qu'elles revêtent un caractère d'ordre public77.

Par cette assertion, l'auteur met en évidence le caractère auto exécutoire [...sont directement applicables...] de certaines dispositions stipulées dans les conventions. Il convient de faire remarquer que grâce à cette particularité, les traités ou conventions signés et ratifiés par Haïti peuvent être appliqués automatiquement dans l'ordre juridique interne, c'est-a-dire, qu'ils sont auto exécutoires ou self executing. L'intérêt d'évaluer l'applicabilité directe des dispositions stipulées dans les instruments juridiques internationaux nous permet de voir leur caractère contraignant dans l'ordre juridique interne. Il s'agit de regarder si ces instruments ont besoin de l'accompagnement d'un autre texte juridique national pour les rendre effectifs dans la législation haïtienne.

En effet, Le terme self executing trouve son origine dans le droit constitutionnel des États Unis d'Amérique78. Selon Max SORENSEN79, une disposition d'un traité serait self executing, c'est à dire auto exécutoire :

77-Dr. Louis NKOPIPIE DEUMENI, Loc. Cit., p.3.

78- Dans l'affaire Forster et Elain Enlilson, le Chief Justice Marshall affirmait « Our Constitution declares a treaty to be the law of the land. It is, consequently, to be regarded in Courts of justice as equivalent to an act of the legislature, whenever it operates of itself without the aid of any legislative provision. But when the terms of the stipulation import a contract, when either of the parties engages to perform a particular act, the treaty addresses itself to the political, not to the judicial department; and the legislature must execute the contract before it can become a rule for the Court». Cité par ERADES ET GOULD, «The relation between international law and municipal law in the Netherland and in the United States», Leyde, 1961.

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Si elle est conçue en des termes qui permettent de la considérer comme s'adressant non seulement aux États contractants, mais aussi, sans modification de texte, aux sujets de droit interne. Elle se prêterait alors à une application immédiate par les tribunaux internes. Par contre, ne revêtirait pas ce caractère la ou (les) disposition (s) d'un traité qui serait (seraient) rédigée (s) en des termes qui s'adressent aux Etats contractants comme sujets de droit international et exigent de leur part que des mesures législatives ou réglementaires soient prises en vue de son application effective sur le plan du droit interne. Il s'ensuit que l'applicabilité directe d'un traité, c'est-à-dire son caractère self executing, peut être totale si toutes ses dispositions obéissent à la qualité tantôt définie, ou partielle, s'il n'en est ainsi de quelques unes de ses dispositions.

Donc, en analysant l'article 14 du pacte relatif aux droits civils et politiques, nous pouvons extrapoler les arguments du Dr. NKOPIPIE DEUMENI sur l'applicabilité directe des dispositions des alinéas 2 et 3 dudit pacte. Car, le 2ème alinéa de l'article qui est ainsi libellé-Toute personne accusée d'une infraction pénale est présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité ait été légalement établie ; emprunte également le caractère auto exécutoire. Car, la référence au terme célérité auquel le Docteur fait allusion [point c du 3ème alinéa] se trouve inséré dans le même article (14) du pacte relatif aux droits civils et politiques que l'énonciation du principe de la présomption d'innocence ci-dessus cité. Ainsi, l'évidence que le point c du 3ème alinéa soit auto exécutoire est aussi bien applicable pour toutes les autres dispositions dudit pacte en général, sinon, celles de l'article 14 en particulier. Donc, étant donné l'applicabilité directe, au moins, des dispositions de l'article 14 du pacte relatif aux droits civils et politiques, il convient seulement d'évaluer leur réceptibilité dans l'ordre juridique haïtien pour mieux cerner leur importance. Alors, ceci nous amène à considérer les articles 276 et 276-2 de la constitution de la République d'Haïti de 1987 amendée pour mesurer cette réceptibilité.

L'article 276 de la constitution stipule : L'Assemblée Nationale ne peut ratifier aucun Traité, Convention ou Accord Internationaux comportant des clauses contraires à la présente Constitution. Au regard de cet article, toutes les conventions, tous les traités signés et ratifiés par l'assemblée nationale haïtiennes ont considérées comme étant conformes aux prescrits constitutionnels. Or, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques adopté à New-York par l'Assemblée générale de l'Organisation des Nations unies dans sa résolution 2200A (XXI) du 16 décembre 1966 a été ratifié par le parlement haïtien le 06 février 1991. La convention américaine relative aux droits de l'homme adoptée à San José le 22 novembre 1969, à la Conférence spécialisée interaméricaine sur les droits de l'homme de l'Organisation des États

79- Max SORENSEN, « Obligations d'un Etat partie à un traité sur le plan de son droit interne », 2ème Colloque international sur la Convention européenne des droits de l'homme (18-20 octobre 1965), les droits de l'homme en droit interne et en droit international, P.U.F., Bruxelles, 1968, p.60.

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américains, a été elle aussi ratifiée par Haïti le 18 août 1979. Ainsi, l'article 276-2, stipulant que : « Les Traités ou Accord Internationaux, une fois sanctionnés et ratifiés dans les formes prévues par la Constitution, font partie de la Législation du Pays et abrogent toutes les Lois qui leur sont contraires. », nous donne le plein droit d'affirmer, l'applicabilité directe des dispositions de ces instruments juridiques internationaux. En plus de cela, ledit article nous donne la latitude de nous approprier du respect de la présomption d'innocence comme, désormais, l'une des règles sanctionnant la procédure pénale en Haïti et le place, suivant la hiérarchie des normes en vigueur, dans la catégorie de Loi, en rappelle à la conclusion de l'article 276-2 [font partie de la Législation du Pays et abrogent toutes les Lois qui leur sont contraires].

2.3.1.2.- Sous-section II- Violation du droit à la défense par l'émission allo la police

Comme nous venons de le voir, l'émission allo la police a une première conséquence, celle de la violation de la règle de procédure pénale «présomption d'innocence ». Nous affirmons à ce sujet que la présomption d'innocence constitue la garantie primordiale faite au suspect d'un traitement bienveillant de la société par rapport à la cause qui lui est reprochée. Cette garantie principale, une fois violée, il n'en demeure pas moins de celles qui lui sont corollaires. Ainsi, le suspect est forcé de répondre à des questions en absence de son avocat et de témoigner contre lui-même, d'où notre hypothèse de la violation du droit à la défense. En effet, la constitution haïtienne amendée donne le ton dans son article 24 : « La liberté individuelle est garantie et protégée par l'État. » In limine litis, cette précision constitutionnelle confère à l'État la responsabilité de veiller au respect des droits et libertés individuels. Cependant, il arrive quelques fois que cette structure garante de ces droits et libertés constitue l'entité même qui les viole. En quoi consiste donc ce droit reconnu au suspect de se défendre ? Quel est son fondement philosophique et quelle est sa portée juridique ? Comment la législation haïtienne aborde-t-elle cette problématique ? À qui est-il opposable ? Autant de questions qui rendent nécessaire une étude approfondie du concept droit à la défense.

2.3.1.2.1. Présentation du droit à la défense

Comme dit un vieil adage : « la défense est un droit sacré ». Il constitue la deuxième violation faite dans le cadre de la publication de l'image et de l'identité d'un suspect dans l'émission allo la police. Étroitement lié au principe de la présomption d'innocence, duquel il constitue l'accessoire, sa violation résulte du non respect du principal, donc, le principe de la

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présomption d'innocence. Le droit pénal touche aux libertés fondamentales. En effet, pour réparer une infraction, une personne peut être privée de liberté. Cependant, pour éviter les abus et garantir à l'individu un droit pénal impartial et une procédure juste, certains principes fondamentaux ont été érigés. Alors, le droit à la défense constitue cette garantie accordée à une personne interpellée dans le cadre d'une enquête judiciaire de pouvoir s'expliquer sur une infraction qui lui aurait été reproché. Donc, si la défense de l'intérêt de la société réclame la poursuite et la sanction des coupables d'infractions pénales, celle de l'intérêt des individus commande la prudence, la possibilité de se défendre et le respect de certaines formalités procédurales.

2.3.1.2.2. Caractéristique du droit à la défense

Le droit à la défense est corollaire au principe de la présomption d'innocence. Il met en évidence la preuve de l'acceptation du suspect à répondre du fait à lui reproché. Dans notre cas d'étude, il est évident que le non respect du principe de la présomption d'innocence entraine ipso facto la violation du droit pour l'accusé de s'expliquer et de présenter ses arguments par devant une instance compétente de jugement. Ainsi, le droit à la défense se résume dans l'article 10 de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme de 1948, référence internationale fondamentale dans le domaine des droits de l'Homme, citée explicitement au point 1 du préambule de la constitution haïtienne de 1987 amendée. Il est précisé que : « Toute personne a droit, en pleine égalité, à ce que sa cause soit entendue équitablement et publiquement par un tribunal indépendant et impartial, qui décidera, soit de ses droits et obligations, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. »

On note dans cet article l'exigence d'impartialité qui est faite à la structure appelée à entendre l'accusation et la défense et également, la reconnaissance des droits de l'accusé. En effet, en développement de cette prérogative, le Code de l'Instruction Criminel haïtien renchérit en son article 200.- : « L'accusé sera interpellé de déclarer le choix qu'il aura fait d'un conseil pour l'aider dans sa défense ; sinon le juge lui en désignera un sur le champ, à peine de nullité de tout ce qui suivra. Cette désignation sera comme non avenue, et la nullité ne sera pas prononcée, si l'accusé choisit un conseil».

L'esprit de ces deux articles laisse entrevoir trois caractéristiques de l'exercice du droit à la défense : le droit à un procès équitable, le principe de légalité des peines qui en découlera et le droit de se faire représenter par un avocat ou un fondé de procuration. Alors, le droit pour le

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suspect de se défendre est clairement défini dans la législation haïtienne et exige d'être appliqué autant que présente une situation le rendant applicable. Il constitue entre autre :

a. Le droit à un procès équitable ; c'est le droit d'être jugé par un juge indépendant et impartial dans le cadre d'un procès équitable c'est-à-dire juste, neutre et dans un délai raisonnable. Ce principe a pour but d'empêcher des procédures arbitraires (injustes). Cette prérogative reconnue au suspect a été également consacrée par la constitution de la République d'Haïti de 1987 amendée en son article 24-1 ;

b. Le principe de légalité des peines ; implique que le juge ne peut appliquer que des sanctions prévues par la loi, c'est-à-dire, celles prévues par le Code pénal. Cela correspond à l'un des grands principes qui dominent le fonctionnement des Tribunaux des diverses juridictions, notamment, le deuxième principe qui fait interdiction au juge de se prononcer par voie de disposition générale et réglementaire sur les causes qui lui sont soumises (art 8, Code Civil Haïtien) ;

c. Le droit à un avocat ; tout accusé a le droit de se faire accompagné pendant son procès. Cela se traduit par le droit de se défendre pendant la procédure que ce soit seul ou bien assisté par un avocat. Ce dernier peut être présent dès le début de la procédure (pendant la garde à vue). Ce droit est aussi garanti par la constitution en son article 25-1 qui stipule : « Nul ne peut être interrogé en absence de son avocat ou d'un témoin de son choix. »

2.3.1.2.3. Fondement philosophique du droit à la défense

Le fondement philosophique du droit à la défense suppose que l'infraction qui est commise ne reste pas impunie, mais surtout, que la punition qui y est réservée soit imputée à son auteur effectif. Par cette précaution, la société veut se montrer très prudente quant à infliger les sanctions. Elle veut s'assurer de ne pas, par inadvertance, condamner un innocent à la place de l'auteur de l'infraction. Il est un principe qui stipule : « mieux vaut libérer mille coupable que de condamner un innocent ».

Le choix des gouvernants haïtiens d'adhérer aux principaux instruments régionaux et internationaux relatifs aux droits de l'homme, témoignent de leur volonté de faire leurs les valeurs qu'ils stipulent. Ces instruments et la jurisprudence générée par leur application, posent certains principes qui ne sont pas sans conséquence sur la définition de la politique criminelle des Etats Parties. Ainsi, le droit de punir, droit régalien et exclusif de l'État, est de plus en plus

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limité par le droit international des droits de l'homme. L'État moderne doit, plus que par le passé, raisonner la raison d'État et tenir compte des valeurs précédemment évoquées dans l'élaboration de sa politique criminelle. Ces valeurs, du reste, ne sont pas en contradiction avec le projet politique des gouvernants d'instaurer un véritable État de droit. Donc, punir les délinquants reste l'une des prérogatives exclusives de l'État. Cependant, nombreuses sont les approches qui ont été faites concernant le but qui devait être visé par la peine. Certains théoriciens croient que la punition devait être une rétribution, quand d'autre voient son caractère utilitariste.

Ainsi Pudendorf soutient que : « j'entends par le mot peine, un mal que l'on souffre à cause du mal que l'on a fait volontairement » et «le but des peines [...] est de détourner les hommes du crime par la crainte de ses suites80». Néanmoins, les théoriciens associent fréquemment une motivation utilitariste avec une motivation rétributive de la punition. Une analyse attentive suggère que Montesquieu a combiné les deux approches, utilitariste et rétributive, dans L'Esprit des lois. [...]. Il soutient que : « Pour être justifiable, tout système de punition doit permettre la plus grande extension possible de liberté : en ne criminalisant que les actions qui portent atteinte à la paix et à l'ordre public, en protégeant les droits des accusés, en modérant les peines, [sic] de façon à ce qu'elles s'accordent au degré correspondant de gravité du crime81».

Le dosage de la peine en fonction du degré de l'infraction commise laisse comprendre que la société n'entend pas agir au même niveau que le délinquant. Par cette prudence, elle veut se montrer plus sensible à l'égard de ce dernier, pourvu qu'il reste encore, malgré son forfait, un membre du corps social. Elle se montre consciente de la faiblesse de ce dernier qui subit parfois des pressions psychologiques susceptibles de le pousser à commettre une infraction. Donc, ce n'est nullement un hasard quand la société se ménage autant avant de punir un de ses membres.

2.3.1.2.4. Fondement juridique du droit à la défense

Le fondement juridique du droit à la défense constitue les garanties judiciaires reconnues à toute personne qui se trouve engagée par devant la justice. L'article 8de la Convention

80-Voir Samuel Von Pudendorf, Les Devoirs de l'homme et du citoyen (trad. Barbeyrac, 1707), livre II, chapitre XIII, reprint Caen, 1984, 2 vol. , II, p.128-129.

81-David.W., CARRITHERS, La philosophie pénale de Montesquieu, University of Tennesse at Chattanooga, p.14.

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Américaine des Droits de l'Homme traite des garanties judiciaires, dans son premier alinéa, il consacre le privilège pour l'accusé de pouvoir porter sa cause par devant une instance judiciaire. A savoir :

Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue avec les garanties voulues, dans un délai raisonnable, par un juge ou un tribunal compétent, indépendant et impartial, établi antérieurement par la loi, qui décidera du bien-fondé de toute accusation dirigée contre elle en matière pénale, ou déterminera ses droits et obligations en matière civile ainsi que dans les domaines du travail, de la fiscalité, ou dans tout autre domaine.

Les précisions de cet article touchent à la fois les exigences de célérité, d'impartialité et de légalité. Il fait obligation au tribunal saisi de vérifier sa compétence et également la légalité de la détention avant même de statuer sur le fait qui est reproché à l'accusé. Cette notion trouve également son fondement dans la constitution haïtienne en ses articles 25-1 et 46, nonobstant les autres points de l'article ci-dessus mentionné. En effet, nous pouvons aussi considérer que les règles de procédure sont d'application stricte. C'est-a-dire, le non respect de celles-ci entrainera un vice de procédure susceptible d'emporter de graves conséquences sur la conduite du procès. Ainsi, le processus du recours en habeas corpus trouvera les conditionnalités de son application.

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"Un démenti, si pauvre qu'il soit, rassure les sots et déroute les incrédules"   Talleyrand