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La cour pénale internationale et les juridictions internes des états

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par Serges NDEDOUM
Université de Dschang - Master 2014
  

Disponible en mode multipage

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UNIVERSITÉ DE DSCHANG

UNIVERSITY OF DSCHANG

ÉCOLE DOCTORALE

POST GRADUATE SCHOOL

UNITE DE FORMATION ET DE RECHERCHE

TRAINING AND RESEARCH UNIT

DSCHANG SCHOOL OF LAW AND POLITICAL SCIENCES

La Cour Pénale Internationale et les juridictions internes des États

Mémoire présenté en vue de l'obtention du Master en Droit Privé

Filière : Recherche

Option : Droit et Carrières Judiciaires

Par

NDEDOUM Serges,

Titulaire d'une Maîtrise en Droit et Carrières Judiciaires

Matricule : CM04-10SJP0527

Sous la direction de :

Pr KEUBOU Philippe,

Octobre 2016

Maître de Conférences à l'Université de Dschang

AVERTISSEMENT

« L'université de Dschang n'entend donner aucune approbation ni improbation aux opinions émises dans ce mémoire. Elles doivent être considérées comme propres à leur auteur ».

DÉDICACE

À ma cousine Goumkwa Yemeli Marie Yolande, de regrettée mémoire!

REMERCIEMENTS

La réalisation de ce travail a nécessité les contributions tant morales que financières de plusieurs personnes à qui je tiens à exprimer toute ma gratitude. J'adresse de sincères remerciements :

- Au Professeur Keubou Philippe pour la direction de ce travail ;

- Aux enseignants des Facultés de Sciences Juridiques et Politiques et Facultés de Lettres et Sciences Humaines de l'Université de Dschang, en l'occurrence les professeurs Anazetpouo, coordonnateur de la filière CAJU et Pangop Alain Cyr, pour leurs divers conseils ;

- À toute ma famille, et en particulier à mes parents Fopi et Fongang Makwondjou Lucia, mes frères Talla Alfred et Wateu David, ma soeur Fopi Fongang A. Merline, mes cousins Wati Théophile, Talongwa Cilas, Ségnou Mathieu, mes cousines Massoufo Régine Noelle, Goumkwa Tsafack Christelle, Yota Nadège, Talongwa Jeanne et à ma famille d'accueil, maman Zego Thérèse, papa Kana François et maman Toukem Odette, Kana Kenfack Armel, Kana Fouedzi Doriane, pour leur immense soutien sans faille pendant mon parcours scolaire. Qu'ils trouvent dans ce travail l'expression de ma profonde reconnaissance !

- À mon parrain Tsanang Sadrack et à son épouse Tsanang Rose, pour leur réconfort moral et spirituel ;

- Au Magistrat Guy David Mbara à Betsem pour ses multiples conseils durant l'élaboration de ce travail.

- À tous mes ami(e)s, pour leurs diverses contributions inestimables notamment : Amolo Blaise Raould, Bissa A. Marie Claude, Makomi Claudia, Donfouet Ahounké Vanessa, Djouakep Jado, Keulemba Giscard Fidèle, Bopou Tchana John Michael, Mofo Jasmine, Binyou Bi-Homb Marius Yannick, Djeo Jippa Benjamin, Nzelle Ngolle Serges, Ndayou Moïse Erwan, Talla Michel, Diffouo Yannick Guerin, Feuzing Tientcheu Ludovic ;

- À tous mes camarades de promotion, pour leur immense soutien.

Dans l'impossibilité de citer ici, nommément tous les concernés, je prie chacun de s'y reconnaître et de trouver dans ce geste, l'expression de ma profonde gratitude.

LISTE DES ABRÉVIATIONS

- AEP : Assemblée des États parties au Statut

- AFDI : Annuaire français de droit international

- Al. : Alinéa

- Art. : Article

- C. / : Contre

- CAD : Club des amis de droit du Congo

- CDI : Commission de droit international

- CEDH : Cour européenne des droits de l'Homme

- Cf. : Confère, renvoie le lecteur à un autre document

- CIJ : Cour internationale de justice

- CPC : Code pénal camerounais

- CPI : Cour pénale internationale

- CPJI : Cour permanente de justice internationale

- CPPC : Code de procédure pénale camerounais

- Éd. : Edition

- Ibid. : Ibidem

- ICC : International criminal court

- N° : Numéro

- Obs. : Observations

- ONU : Organisation des Nations Unies

- Op. cit. : Opus citatum ou Opere citato (ouvrage précité)

- P. : Page

- Pp. : Pages

- PUF : Presses Universitaires de France

- RSC : Revue de science criminelle et de droit pénal comparé

- Ss : Suivants

- TPI : Tribunaux pénaux internationaux

- TPIR : Tribunal pénal international pour le Rwanda

- TPIY : Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie

- TSSL : Tribunal spécial pour la Sierra Leone

- UE : Union européenne

- V. : Voir

RÉSUMÉ

Le monde a connu des atrocités entre le XVème et le XXème siècle. L'an 1474 marque en effet une avancée considérable pour la justice pénale internationale, notamment avec le procès de Peter Von HAGENSBACH, Grand Bailli d'Alsace, serviteur de Charles le Téméraire, jugé pour ce que l'on appelle aujourd'hui crime de guerre. Ce procès a été source d'inspiration pour l'instauration d'une justice pénale internationale stable. Seulement, c'est au XXème siècle que cette justice connaîtra une avancée remarquable. D'ailleurs, au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale, on va assister à la création de tribunaux pénaux internationaux (TPIY, TPIR et TSSL).

Cependant, le problème de stabilité n'était pas toujours résolu car ces derniers étaient appelés à disparaître une fois leurs missions remplies. La création d'une juridiction permanente telle que la Cour pénale internationale fut la bienvenue. Elle fut encore très louable, car elle a pour but de collaborer avec les juridictions internes des États dans la lutte contre l'impunité des auteurs des infractions les plus graves telles que les crimes contre l'humanité, crimes de guerre, crimes de génocide et les crimes d'agression. Dès le préambule et à l'article 1er du Statut de Rome, la CPI est décrite comme complémentaire des juridictions nationales. Ceci souligne le problème de rapport entre les deux juridictions.

Les rapports qui existent entre la CPI et les juridictions nationales sont de nature complémentaire au niveau de la compétence et collaborative au niveau des poursuites des auteurs des infractions. Ainsi, dans ses rapports avec les juridictions internes des États, la CPI n'a pas la priorité pour connaître les crimes relevant de sa compétence : les États restent les premiers responsables de la lutte contre l'impunité. Elle a une primauté dans la répression si ces derniers ne s'en chargent pas pour quelques motifs que ce soient. Cependant, pour une bonne complémentarité entre la Cour et les juridictions internes, un appel est fait aux États d'une part, à beaucoup plus de coopération avec la Cour et d'autre part, à remplir pleinement leurs missions de lutte contre l'impunité des infractions graves menaçant la paix internationale.

ABSTRACT

The world went through atrocities between the 15th and the 20th century. The year 1474 indeed marks a considerable projection for international penal justice, in particular with the lawsuit of Peter Von HAGENSBACH, Grand Baillif of Alsace, servant of Charles le Téméraire. Judged for what is called today war crime, this lawsuit caused inspiration for the introduction of a stable international peace justice. Nevertheless, it is at the 20th century that this right will be concretized or rather will know a remarkable projection. Moreover, shortly after the Second World War, an international penal tribunal (TPIY, TPIR and TSSL) will be established.

However, the problem of stability was not completely solved due to the fact that these institutions were destined to disappear once their missions fulfilled. The creation of a permanent jurisdiction such as the International Criminal Court appeared to be a necessity. It was creditable since it had as purpose to collaborate with the internal jurisdictions of States in its fight against the impunity of the most serious infringements such as the crime against humanity, war crimes, crimes of genocide and the crime of aggression. At the preamble of article 1 of the Rome Statute, the International Criminal Court is described like complementary to national jurisdictions. This underlines the problem that could exist in the relationship between the two jurisdictions.

The relation which exist between the International Criminal Court and the national jurisdictions appears to be complementary when it comes to competence and collaborative in cases where legal actions are been taking against authors for their offences. Thus, in its relationship with the States internal jurisdictions, the ICC does not have vocation to consider the crimes coming under its responsibility: the States remain the first in charge of the fight against impunity. It will have repression priority if the other institutions do not take care any for some reasons that could be. Nevertheless, for a good complementarity between the International Court and internal jurisdictions, a call to states on one hand with much more cooperation with the court and on the other hand to fully fulfilled their missions which consist in fighting against impunity of the gravious offences , threatening international peace.

SOMMAIRE

AVERTISSEMENT i

DÉDICACE ii

REMERCIEMENTS iii

RÉSUMÉ v

ABSTRACT vi

SOMMAIRE vii

INTRODUCTION GÉNÉRALE 1

Section 2 : Le contenu de la priorité 28

CONCLUSION DU CHAPITRE 38

CHAPITRE II : LA SUBSIDIARITÉ DE COMPÉTENCE DE LA COUR 40

Section 1 : Le refus des États de poursuivre ou de juger les auteurs des crimes graves. 40

Section 2 : L'incapacité de poursuite ou de jugement des États 46

CONCLUSION DU CHAPITRE 53

CONCLUSION DE LA PREMIÈRE PARTIE 55

SECONDE PARTIE : LA COLLABORATION ENTRE LA COUR ET LES JURIDICTIONS NATIONALES EN MATIÈRE DE POURSUITES 56

CHAPITRE I : LES MÉCANISMES D'ENTRAIDE RÉPRESSIVE VERTICALE 58

Section 1 -La participation des États à la procédure devant la Cour : l'assistance judiciaire et policière et l'exécution des sentences 58

Section 2- La spécificité de la participation des États parties au fonctionnement de la Cour 62

CONCLUSION DU CHAPITRE 69

CHAPITRE 2: LES SANCTIONS POSSIBLES DE LA NON COLLABORATION DES ÉTATS AVEC LA COUR 70

Section 1 : Le droit international général et la responsabilité des États 70

Section 2 : Les sanctions collectives possibles 88

CONCLUSION DU CHAPITRE 96

CONCLUSION DE LA SECONDE PARTIE 97

CONCLUSION GÉNÉRALE 98

ANNEXES 101

TABLE DE MATIÈRES 124

INTRODUCTION GÉNÉRALE

« La Cour est un gage d'espoir pour les générations futures qu'elle devrait protéger contre les crimes épouvantables dont leurs ancêtres ont été victimes »1(*). C'est en ces termes que M. Kofi ANNAN, alors Secrétaire Général de l'Organisation des Nations Unies (ONU), saluait l'avènement de la Cour Pénale Internationale (CPI) après l'adoption de son statut aux termes de la conférence diplomatique qui s'est tenue du 15 juin au 17 juillet 1998.

Le monde a connu en effet des atrocités entre le XVème et le XXème siècle. Et l'an 1474 marque l'année du tout premier procès international de l'histoire2(*). Il s'agissait du procès de Peter Von HAGENSBACH3(*), Grand Bailli4(*) d'Alsace5(*), serviteur de Charles le Téméraire, jugé pour ce que l'on appelle aujourd'hui crimes de guerre. Les souverains des cités voisines l'ont déclaré coupable. Ce procès a sans doute servi à légitimer le tribunal de Nuremberg. Ainsi les vainqueurs de la Seconde Guerre Mondiale compareront le comportement de Von Hagenbach à celui des Nazis au milieu du XXème siècle6(*). Le XXème siècle apparait ainsi dans l'histoire comme un siècle qui a donné une place très importante au Droit Pénal International. Les crimes commis par les Nazis en Europe et les Japonais en Extrême-Orient ont conduit les alliés, à la fin de la Seconde Guerre Mondiale, à la création du Tribunal Militaire International de Nuremberg par l'accord de Londres du 08 août 1945 et le Tribunal de Tokyo7(*) par une déclaration du Commandement suprême des Forces alliées le 19 janvier 1946.

Nuremberg et Tokyo étaient des juridictions des vainqueurs. Le déroulement des procès et les jugements rendus ont paru aux yeux de certains comme une parodie de justice. La récurrence des conflits, caractéristique essentielle du XXème siècle connu d'ailleurs comme le siècle le plus meurtrier de l'histoire de l'humanité8(*), a accéléré la prise de conscience. Ce qui a conduit au développement du droit pénal international. Dans cette logique, Winston CHURCHILL présageait déjà une répression de ces atrocités, car dans une déclaration faite devant la Chambre des communes du Royaume Uni de Grande-Bretagne le 25 octobre 1941, il affirma que : « ces exécutions d'innocents, faites de sang-froid ne pourront que retomber sur les sauvages qui les ordonnent et sur les exécutants (...) »9(*).

Au-delà d'une indignation devant la barbarie humaine, cette phrase de l'ancien Premier Ministre britannique résonne comme un véritable appel à la fin de l'impunité des auteurs et complices des crimes les plus graves, touchant à l'ensemble de la Communauté Internationale. Elle conserve toute son actualité en ce XXIème siècle où les conflits armés affectent encore dans bien de pays. C'est dans cette dynamique que l'idée d'un tribunal pénal international a évolué, non sans difficulté jusqu'à l'avènement de la Cour pénale internationale par la signature du traité de Rome en 1998. En effet, depuis 1945, la justice pénale internationale a évolué. L'on est passé de tribunaux ad hoc10(*) (juridictions hybrides et ponctuelles) créés par le Conseil de Sécurité des Nations Unies, à une Cour pénale internationale (juridiction permanente).

Historiquement, la première proposition de création d'une Cour pénale internationale a été présentée par Gustave MOYNIER en 1872. Mais l'Institut de droit international de cette époque l'a repoussée en 1885, la jugeant trop hâtive. Les véritables tentatives en vue de créer une instance pénale internationale remontent à la fin de la Première Guerre Mondiale11(*). Après cette guerre, les idées convergent vers l'établissement d'une juridiction composée de juges appartenant à plusieurs pays. Seulement, il s'agit des nations victorieuses de la guerre cherchant à « punir les ennemis qui, pendant la guerre, se sont rendus coupables des violations des principes du droit des gens tel qu'il résulte des usages établis entre nations civilisées, des lois de l'humanité et des exigences de la conscience publique12(*) ». Le Traité de paix de Versailles voit le jour et constitue, à l'égard des Puissances Alliées, l'instrument de mise en accusation de l'ex-Empereur d'Allemagne Guillaume II pour offense suprême contre la morale internationale et l'autorité sacrée des Traités13(*). Il prévoit la constitution du Tribunal spécial qui jugera l'accusé dans les garanties du droit de la défense. Malheureusement, ce tribunal ne verra pas le jour, le principal mis en cause ayant bénéficié du droit d'asile14(*).

Les efforts en vue de créer une instance pénale internationale sont restés ainsi vains jusqu'après la Seconde Guerre. C'est le 08 août 1945, date à laquelle est conclu l'Accord de Londres concernant la poursuite et le châtiment des grands criminels de guerre des pays européens de l'Axe auquel est joint le Statut du Tribunal Militaire International de Nuremberg, qui marque la création de la première juridiction pénale internationale. Peu de temps après, le Tribunal Militaire International de Tokyo « pour le juste et prompt châtiment des grands criminels de guerre de l'Extrême-Orient » voit le jour. Ces tribunaux militaires internationaux furent ainsi les premières concrétisations des idées de la création d'une juridiction criminelle internationale. Seulement, il y a eu des contestations sur le caractère véritablement international de ces tribunaux. D'aucuns les considéraient comme des juridictions appartenant aux États vainqueurs de la Seconde Guerre. Malgré tout, ils ont ouvert une brèche après la Guerre aux Associations de Juristes et Experts pour insister sur l'importance de l'établissement d'une véritable juridiction pénale internationale. De ce fait, la Commission du Droit International s'est vu attribuer la mission prioritaire d'examiner ou du moins d'entreprendre à nouveau15(*) l'élaboration d'un projet de Statut d'une juridiction pénale internationale en 1992 sur recommandation de l'Assemblée Générale. Ce qui a été fait en 1994. Ce projet servira de document de base, de référence lors de la conférence des plénipotentiaires tenue à Rome aux mois de juin et de juillet 1998 à l'issue de laquelle le Traité de Rome est adopté instituant une Cour Pénale Internationale permanente. Mais avant et en l'absence d'une juridiction pénale permanente, le Conseil de Sécurité avait créé deux Tribunaux ad hoc, pour juger les auteurs des grands massacres perpétués en ex-Yougoslavie à partir de 1991 et au Rwanda en 1994.

Le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (TPIY) est mis sur pied en 1993 par les résolutions 808 et 827 du Conseil de Sécurité des Nations Unies. Il est chargé de poursuivre les responsables des crimes les plus graves perpétrés sur ce territoire depuis le 1er janvier 199116(*). Le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) quant à lui fut créé en 1994 par la résolution 955 du Conseil de Sécurité. Il est compétent pour juger les responsables d'actes de génocide et d'autres violations graves du droit international humanitaire commis sur le territoire rwandais et des États voisins entre le 1er janvier et le 31 décembre 1994. Plus tard, d'autres juridictions pénales internationales qualifiées de mixtes verront le jour. Il s'agira ainsi du Tribunal Spécial pour la Sierra Leone (TSSL), créé le 16 janvier 2002 en vue de juger les crimes commis durant la guerre civile de Sierra Leone depuis 1996 ; le Tribunal Spéciale des Nations unies pour le Liban créé le 14 février 2005 par la résolution 1757 du Conseil de Sécurité. Tous ces Tribunaux sont temporaires et ont des compétences limitées et parfaitement définies. Ils sont appelés à disparaître un jour, notamment après l'achèvement de leur mission. C'est pour cette raison que la Communauté Internationale trouva la nécessité de créer une juridiction internationale pénale permanente : la Cour Pénale Internationale.

La Cour Pénale Internationale est une juridiction permanente chargée de juger les personnes et non les États. Ces derniers relèvent de la compétence de la Cour internationale de justice. La Cour est créée par le Traité de Rome signé le 17 juillet 1998. Elle a été officiellement instaurée le 1er juillet 2002, date de son entrée en vigueur. Elle est compétente pour connaitre des infractions internationales commises après l'entrée en vigueur du Statut. Les infractions dont cette juridiction est appelée à connaître sont des infractions qui portent atteinte à l'ordre public international que l'on qualifie d'infractions internationales. Au plan international, le problème de l'ordre public prend de l'ampleur, les États devant s'entendre pour la commune protection de l'ordre public international. « L'ordre public traduit les exigences fondamentales de la vie d'une société ». La société internationale est formée d'États souverains. Et de cette union d'États, découle le concept d'ordre public international que Claude LOMBOIS décline comme « l'ensemble des règles impératives dont dépend le maintien de la coexistence organisée des États souverains »17(*).

Une infraction internationale se distingue des autres types d'infractions qu'on peut qualifier « d'infractions nationales ». Les auteurs s'accordent tous sur l'élément spécifique des infractions internationales qui est en réalité l'élément d'extranéité. Cet élément est le point de catégorisation des infractions internationales comme l'on peut le percevoir dans la définition que Claude LOMBOIS donne au droit pénal international : « branche spéciale du droit pénal qui fixe les modalités particulières de son application aux situations présentant un élément d'extranéité ». Mais au final qu'est-ce vraiment une infraction internationale ?

D'après Stefani GLASER, une infraction internationale est « un fait contraire au droit international et, de plus, tellement nuisible aux intérêts protégés par ce droit qu'il s'établit dans les rapports entre États une règle lui attribuant un caractère criminel, c'est-à-dire exigeant ou justifiant, qu'on le réprime pénalement »18(*). En clair, il se dégage une double définition de l'infraction internationale à la fois négative et positive. De manière négative, une infraction internationale n'est pas une infraction de droit interne. L'infraction de droit interne est une violation de loi, d'un ordre qui porte atteinte à l'ordre social d'un État donné.

Du point de vue positif, une infraction serait internationale si elle entretient des points de contact avec plusieurs ordres juridiques. C'est une infraction qui comporte un élément d'extranéité, tel par exemple la différence de nationalité entre le mis en cause et la victime ou l'extraterritorialité de l'infraction. Elle est également celle qui porte atteinte à l'ordre répressif international peu importe si elle a ou non des points de contact avec des ordres juridiques différents. On fait généralement allusion dans ce cas aux infractions qui constituent des « atteintes graves au droit humanitaire »19(*) et/ou troublent la paix mondiale, la morale internationale.

Dans son champ d'application, le droit international renferme deux catégories d'infractions internationales, à savoir les infractions internationales par le seul mode d'incrimination et les « infractions internationales par nature » ou « infraction internationales matérielles » ; les premières sont une catégorie d'infractions relevant du droit commun des États. Ces derniers sont compétents pour les réprimer d'après leur propre législation interne et traités sans égard au problème de concours de compétence avec des législations étrangères. Seulement, lorsqu'un élément constitutif desdites infractions est commis sur un autre territoire, se pose alors le problème de la législation nationale compétente. La solution est aujourd'hui aisée à établir à travers la reconnaissance par les lois des États des différents titres de compétences. La compétence territoriale20(*) est celle d'après laquelle chaque État réprime les infractions commises sur son territoire sans égard à la nationalité de l'auteur ni à l'intérêt protégé.

Le principe de la réalité donne compétence à la loi d'un État pour des infractions portant atteinte aux intérêts fondamentaux dudit État commises même à l'étranger par les étrangers. Le principe de la personnalité confère la compétence à la loi d'un État pour les infractions commises à l'étranger par ses nationaux ou contre ces derniers. Le principe de compétence universelle permet à la loi d'un pays de réprimer les infractions commises n'importe où dans le monde quel qu'en soit l'auteur21(*). La mise en oeuvre de ces différents titres de compétence empêcherait tout auteur d'infraction d'échapper aux sanctions. Déjà même, le droit international s'est donné l'obligation d'intervenir dans le champ de la répression des infractions internationales par le seul mode d'incrimination. Celles-ci sont aujourd'hui parfaitement reconnues et définies par grand nombre de textes et conventions internationaux22(*) qui font obligation aux États-parties de les intégrer dans leur législation nationale et d'en fixer les peines applicables.

Certains auteurs distinguent dans la catégorie des infractions internationales par le seul mode d'incrimination selon que la répression vise la protection des personnes ou la sauvegarde de la sécurité des biens et des transactions23(*). De cette distinction, il résulte que les infractions du genre torture, trafic des esclaves, trafic des personnes, travail forcé font partie du premier volet de cette catégorie à savoir la protection des personnes, alors que la seconde englobe entre autres, la fabrication et le trafic de la fausse monnaie, trafic de stupéfiants, la corruption et le blanchiment des produits du crime, etc. Quelle qu'en soit la catégorie, les auteurs de ces infractions ne seront pas à l'abri des sanctions. Les procédés internationaux d'entraide judiciaire favorisent le renforcement de la répression desdites infractions par des juridictions pénales des États.

Pour cette raison, elles ne retiendront pas notre attention tout au long de ce travail. L'analyse sera uniquement centrée sur les « infractions internationales par nature » car elles relèvent de la compétence de la CPI. Et bien plus elles font partie des crimes les plus graves qui secouent la planète. L'actualité en droit international moderne actuel fait l'objet d'opinions discordantes relatives à l'entente sur leur répression commune. En ce moment même, les voix sont entendues un peu de partout dans le monde pour dénoncer les génocides, les crimes contre l'humanité, les crimes de guerre et contre la paix. Il est certes vrai que les «débats relatifs à la répression pénale restent des débats internes traduisant la suprématie de la souveraineté pénale nationale. Le droit international, aussi surprenant que cela puisse paraître, ignore, en tant que tel, la peine. Les sanctions pénales relèvent de la seule compétence nationale »24(*). Mais il existe une catégorie d'infractions internationales qui portent atteinte au droit international humanitaire telles que les crimes contre l'humanité dont le droit international pénal prévoit des sanctions y relatives et une autorité habilitée à les prononcer sans toutefois renier la souveraineté et la compétence des États.

Les infractions internationales par nature ou matérielles sont à première vue des crimes de droit commun. Seulement, leur particularité et leur extrême gravité ont permis de donner une autre coloration à cette catégorie de crimes. Ce qui oblige la Communauté Internationale à renvoyer éventuellement les auteurs desdites infractions devant les juridictions pénales internationales, plus précisément la Cour pénale internationale. Il s'agit du génocide25(*), des crimes contre l'humanité26(*), des crimes de guerre27(*) et du crime d'agression28(*). Dans le souci de lutter contre la criminalité dans le monde et de ne pas laisser certains crimes impunis, ces nouvelles juridictions entretiennent des relations avec les juridictions nationales.

Dans le cadre de ce travail, l'on se limitera à l'étude de la Cour Pénale Internationale car son statut prévoit qu'elle est une cour permanente et sa création est subordonnée à la présence des États. Aussi, serait-il judicieux de rappeler ici que la relation CPI et juridictions nationales s'inscrit dans le cadre d'une coopération judiciaire que l'on désigne généralement sous le nom d'entraide répressive internationale. Il y a en effet, deux sortes d'entraide répressive, l'horizontale et la verticale. La première, à savoir l'entraide répressive horizontale, peut être définie comme étant « l'ensemble des moyens par lequel un État prête le concours de sa force publique ou de ses institutions judiciaires à l'instruction, au jugement ou à la répression d'une infraction par un autre État »29(*). Cette forme d'entraide n'intéresse que les relations entre États. Par contre, la seconde qui est l'entraide répressive verticale, s'intéresse aux relations juridictions internationales et internes, telle la relation entre la CPI et les juridictions nationales. Seule l'entraide verticale sera prise en compte ici, car elle relève de la coopération entre la CPI et les juridictions nationales. Cette coopération fait elle-même partie du vaste ensemble qu'est le droit pénal international que nous définirons dans un sens large comme étant la « branche du droit criminel qui règle l'ensemble des problèmes pénaux qui se posent sur le plan international. »30(*). Le droit pénal international englobe non seulement le droit pénal substantiel, mais aussi la procédure. Pour revenir à l'entraide répressive internationale sus-évoquée, retenons qu'en plus de la forme principale qui est l'extradition31(*), il en existe d'autres telles que la reconnaissance et l'exécution des sentences pénales étrangères, la collaboration policière internationale32(*), la collaboration judiciaire. Le sujet Cour Pénale Internationale et les juridictions internes des États, est un moyen ici de creuser davantage les rapports qui peuvent exister entre ces deux ordres de juridictions. Pour une meilleure compréhension de ce sujet, la définition de la notion de juridictions des États s'avère nécessaire.

L'expression juridictions internes des États renvoie encore aux juridictions nationales. Selon le Lexique des termes juridiques de Valérie LADEGAILLERIE, une juridiction est synonyme de tribunal dans un sens purement procédural. Autrement une juridiction est un tribunal pris en tant que service public de l'État ayant pour but de juger les différends qui lui sont déférés. En droit positif camerounais, l'appellation juridiction s'étend aux juridictions arbitrales et aux juridictions spéciales telles que la haute cour de justice, le tribunal criminel spécial. Les juridictions spéciales s'opposant aux juridictions de droit commun qui peuvent s'entendre comme étant, une juridiction qui a compétence générale pour statuer sur tous types de litiges, dans toutes matières, sauf lorsqu'aucune compétence spéciale n'est expressément attribuée à une autre juridiction. En matière pénale, on a le tribunal de police, le tribunal correctionnel et le tribunal criminel comme juridiction de droit commun au premier degré. La juridiction d'un tribunal est aussi l'étendue territoriale de sa compétence.

L'étude des juridictions internes des États ne portera que sur les juridictions nationales pénales des États membres au Statut de Rome, compétentes pour connaitre des infractions qualifiées de crime au sens des législations tant nationales qu'internationales. Au jour d'aujourd'hui, le Statut de Rome qui institue la Cour compte 121 pays33(*). En ce qui concerne celles des États non parties, nous y mènerons une analyse, non pas parce qu'elles ne font pas partie du Statut mais seulement du fait qu'elles appartiennent à la Communauté Internationale.

Au regard de l'exposé fait plus haut qui avait pour but de définir et de comprendre le sujet, il se pose un problème ; celui de la nature des rapports qui existent entre la CPI et les juridictions nationales. De ce problème, se dégage une question, celle de savoir quel rapport la CPI entretient-elle avec les juridictions internes des États ?

Il existe deux intérêts à analyser cette problématique, à savoir les intérêts d'ordre politique et juridique.

Sur le plan politique, l'on sait au préalable que la volonté de la Communauté Internationale, la contribution des gouvernements du monde concourent au maintien de la paix. Cette étude permettra de mieux comprendre les rapports de forces entre les États et la Communauté Internationale. Sur le plan juridique, il existe des dispositions répressives tant au niveau des États qui ont intégré les infractions internationales dans leur législation qu'au niveau de la CPI, ce qui réduit beaucoup les risques d'impunité. Aussi, pouvons-nous dire que sur ce plan, la coopération judiciaire peut constituer un indice intéressant permettant de juger le degré d'engagement aussi bien de la Cour que des États membres dans le processus de répression des crimes et réparation des dommages subis au vu de la sensibilité de ce domaine. L'étude de ce sujet permettra sans doute, d'édifier l'ensemble de la Communauté Internationale sur les questions de coopération entre la Cour et les juridictions nationales.

Pour mener à bien ce travail, deux méthodes se révèlent essentiellement capitales. Il s'agit notamment des méthodes exégétique et casuistique.

La première permettra de s'appesantir particulièrement sur l'étude des différents textes relatifs au droit pénal international et aux droits de l'Homme. La méthode exégétique est tributaire de la nature même du sujet qui nous impose une lecture minutieuse des divers corpus sur la procédure pénale internationale sous l'angle de la coopération judiciaire. Cette méthode exégétique sera complétée par la seconde à savoir la casuistique, qui commandera de prendre appui sur la jurisprudence afin d'apprécier l'efficacité de cette coopération.

En revenant sur la problématique posée ci-dessus, l'on peut se référer au Statut de Rome et les autres textes subséquents pour se rendre compte de ce que les rapports qui existent entre la CPI et les juridictions nationales ont une nature double. La première nature relève d'un rapport de complémentarité en matière de compétence. La seconde quant à elle, concerne les rapports d'entraide répressive verticale en matière de poursuites. Ainsi, pour mieux rendre compte de la relation CPI et juridictions nationales, il sera envisagé dans la première partie de ce travail, la complémentarité en matière de compétence et dans une seconde, la collaboration en matière de poursuites.

Première partie : La complémentarité de compétence entre la Cour et les juridictions nationales

Seconde partie : La collaboration entre la Cour et les juridictions nationales en matière de poursuites

PREMIÈRE PARTIE : LA COMPLÉMENTARITÉ DE COMPÉTENCE ENTRE LA COUR ET LES JURIDICTIONS NATIONALES

L'objectif de la Conférence de Rome était clair : mettre en place une institution permanente permettant d'éviter la création d'un tribunal spécial à chaque fois qu'un génocide, des crimes de guerre ou des crimes contre l'humanité seraient commis et que les juridictions nationales compétentes ne fonctionneraient pas comme elles le devraient. La Cour a, à ce sujet, un effet dissuasif car sa création sert d'avertissement aux auteurs potentiels des crimes les plus graves que l'impunité ne serait plus ni garantie ni acceptée. D'après le Statut, la Cour est un instrument de dernier recours. Elle n'intervient uniquement que lorsque l'État sur le territoire duquel les crimes les plus graves ont été commis, n'aurait pas la volonté ou se trouverait dans l'incapacité d'assumer ses propres responsabilités34(*).

Le préambule et l'article premier du Statut de Rome, décrivent la CPI comme « juridiction complémentaire des juridictions pénales nationales ». Elle n'a ainsi pas priorité à juger tous les crimes internationaux relevant de sa compétence matérielle, temporelle et géographique : les États restent les premiers responsables de la lutte contre l'impunité, comme le rappelle d'ailleurs le préambule en disposant qu' : « il est du devoir de chaque État de soumettre à sa juridiction criminelle les responsables des crimes internationaux ». Il s'en suit que la Cour n'est amenée à enquêter et juger les crimes relevant de sa compétence que si les juridictions nationales ne s'en chargent pas. Si ces dernières sont effectivement saisies des faits, la CPI est toujours compétente mais l'affaire n'est pas recevable.

Lorsque les juridictions nationales35(*) restent inactives, le principe de complémentarité joue en faveur de la Cour. Par ailleurs, les enquêtes ou poursuites nationales ne font échec à la recevabilité d'une affaire devant la CPI que si elles concernent la même personne et substantiellement les mêmes faits que ceux qui font l'objet de poursuites devant la Cour. Il est néanmoins des hypothèses où les tribunaux nationaux peuvent effectivement avoir ouvert une enquête ou engagé des poursuites, mais où l'affaire est recevable devant la Cour. Ainsi, à quel moment apprécie-t-on le principe de complémentarité ? La réponse a un double aspect.

En premier lieu, la complémentarité est appréciée pendant l'examen préliminaire. En effet, lorsque le bureau du procureur estime qu'il existe une base raisonnable pour ouvrir une enquête, il notifie tous les États parties et les États qui auraient compétence à l'égard des crimes en question36(*). Cette modification permet aux États qui auraient engagé des procédures de se manifester et en prévenir la Cour.

En second lieu, on peut également apprécier le principe de la complémentarité - indépendamment si la recevabilité a été discutée au niveau préliminaire - après qu'un mandat d'arrêt ou une citation à comparaître a été délivré. En effet, la Chambre saisie de l'affaire peut se prononcer d'office sur la recevabilité de celle-ci37(*). En outre, l'État qui s'estime compétent peut contester la recevabilité de l'affaire avant la confirmation des charges. À l'aide des éléments fournis par les parties, la Chambre détermine alors si les enquêtes ou les poursuites engagées au niveau national répondent aux exigences du principe de complémentarité. De toute l'analyse faite sur le principe de la complémentarité entre la CPI et les juridictions nationales, il se traduit inéluctablement l'idée d'une primauté. De toute évidence, cette primauté est conditionnée lorsqu'il s'agit de la Cour (Chapitre II). Mais s'agissant des juridictions nationales, l'on dira qu'elles ont plutôt une priorité de compétence pour connaître des infractions relevant de la compétence de la Cour (Chapitre I).

Chapitre I : LA PRIORITÉ DE COMPÉTENCE DES JURIDICTIONS NATIONALES

Le préambule et l'article 17 du Statut de Rome instituant la Cour pénale internationale donnent priorité aux juridictions nationales pour connaitre des infractions relevant de la compétence de la Cour. La Cour n'ayant de ce fait qu'une compétence subsidiaire. Le respect du principe de priorité oblige les États à se soumettre à certaines exigences afin de réduire l'impunité. Avant de ressortir le contenu de la priorité des États sur la CPI (section II), il incombe d'abord de relever les fondements d'une telle priorité des juridictions nationales sur la Cour dans la répression des infractions relevant de la compétence de cette dernière (section I).

Section 1 : Les fondements de la priorité

Le Statut de Rome instituant la Cour pénale internationale en optant pour la priorité des juridictions nationales sur la Cour s'incline de ce fait au respect de certains principes sacro-saints qui gouvernent les États. Il ne sera pas faire un inventaire de tous ces principes ici, mais l'étude se limitera à ceux qui nous semblent justifier au mieux cette priorité. Ainsi les raisons justifiant la priorité des juridictions nationales sur la Cour sont relatives au respect de la souveraineté des États (Paragraphe 1) et de la compétence universelle qui leurs est reconnue (Paragraphe 2).

Paragraphe 1- La souveraineté des États

Le principe de souveraineté est un concept très présent aussi bien en droit interne qu'en droit international. Il a des implications sur le Statut de Rome. Mais avant de les évoquer (B), il convient d'abord de dégager les contours du principe de souveraineté (A).

A- Les contours de la notion de souveraineté

Il sera envisagé ici la notion de souveraineté (1) et ses corollaires (2).

1- La notion de souveraineté

Dans souveraineté on a souverain. Le mot souverain dérive du latin superus qui désigne supérieur. Ainsi, la souveraineté est le principe de l'autorité suprême. En interne, le mot souveraineté est marqué par le caractère étatique ou national, c'est-à-dire l'indépendance d'un État ou d'une nation par rapport à d'autres États ou à des instances internationales, hormis pour les États fédérés qui doivent se conformer à certaines règles établies par le pouvoir central (c'est-à-dire l'État fédéral). Définie comme le caractère suprême du pouvoir étatique38(*), la notion de souveraineté est aussi vieille que l'État lui-même39(*). La souveraineté s'entend du pouvoir de l'État de déterminer et d'exécuter sa politique intérieure et extérieure, sans se référer à aucune autre entité supérieure. Dans son traité « Les six livres de la République », Jean Bodin (1530-1596) définit la souveraineté comme un attribut essentiel de l'État en ces termes : « La souveraineté est la puissance absolue et perpétuelle d'une République ». Aucun pouvoir n'est donc supérieur à la puissance souveraine qui ne peut être anéantie, mais elle n'est pas sans limites. En somme, la souveraineté est l'expression de l'indépendance d'un État par rapport à d'autres États40(*).

Sur le plan international, la notion de souveraineté a certes connu des restrictions avec le développement du droit international et des organisations internationales, mais elle continue malgré tout à jouir « d'une très bonne santé41(*) » et les États y sont encore particulièrement attachés. Par conséquent, le processus de formation des règles internationales ne peut ignorer cet état de fait. Il est donc tout à fait normal que les prérogatives des États du fait de leur souveraineté aient, tout au long des négociations de Rome, gouverné les propositions et les décisions prises. Elles ont également constitué le premier obstacle dans les négociations menées bien avant et durant les débats42(*)et même du rejet de certaines propositions, notamment sur la compétence de la Cour43(*). Cette situation trouve en outre son explication dans le fait que la souveraineté est une notion très fortement ancrée en droit pénal, aussi bien interne qu'international, où elle gouverne toute la matière de la compétence des tribunaux44(*).

Le principe de la souveraineté se confond souvent dans la pratique avec certaines notions voisines qui méritent d'être soulignées ici.

2- Le principe de souveraineté et ses corollaires

Il s'agira ici des principes de non-ingérence, de non-intervention et la Raison d'État. Ces trois principes découlent tous du principe de souveraineté qui est le grand ensemble. Ils ne sont que la conséquence du principe de souveraineté. Autrement dit, c'est parce qu'un État est souverain que nul n'a le droit de s'ingérer, d'intervenir dans les affaires de cet État ; ou encore c'est parce qu'un État est souverain qu'il a une raison qui prime tout de même sur les intérêts privés de sa population ou sur celle de la Communauté Internationale.

a- La souveraineté des États et les principes de non-ingérence et non-intervention

Les termes non-ingérence et non-intervention sont parfois confondus et utilisés indifféremment même par la Cour internationale de justice (CIJ)45(*). Pourtant, il existe une réelle différence entre ingérence et intervention. L'ingérence est tout acte qui interfère avec la conduite des affaires intérieures de l'État mais sans emploi de la force. Alors que l'intervention est une opération matérielle, la notion d'intervention est ancienne, floue et en constante évolution. En examinant toutes les définitions que la doctrine et la pratique ont pu donner de l'intervention46(*), l'on observe que le principe de non-intervention a des origines lointaines, car on en trouve des consécrations pratiques et doctrinales dès le début du 19ème siècle47(*) même si elles sont souvent assorties d'exceptions48(*).

b- La souveraineté comme matrice de la raison d'État49(*)

La souveraineté est l'autorité suprême reconnue à un État, et qui le place au-dessus de tout autre État. Autrement dit, aucune norme ne s'impose à celui qui est souverain, car il est source de norme et norme supérieure. À cet effet, Gérard Mairet affirmait déjà que « la politique c'est le pouvoir et le pouvoir c'est la souveraineté ». Les normes issues de la volonté du souverain sont incontestables et définitives. Une telle conception pense Olivier Beaud, exclut l'intervention d'un tiers que ce soit en amont ou en aval de la décision. En amont, parce que le souverain ne reconnait aucun droit de veto ou de co-décision à une autorité politique tierce. En aval parce qu'il ne reconnait pas davantage à une autorité juridictionnelle le soin de contrôler sa décision. À l'intérieur de son territoire, l'État détient le monopole de la contrainte. La raison d'État découle de la souveraineté. Elle désigne le droit dont dispose un État d'enfreindre les lois ou les normes momentanément au nom de la nécessité ou de l'intérêt. C'est aussi la construction d'une raison souveraine de l'État en raison de la nécessité qui conditionne la préservation de l'État.

B- Les implications du principe de souveraineté dans le statut de Rome

Dans l'analyse faite ci-dessus, deux situations se présentent et méritent d'être étudiées. La première est due à l'adoption dans le Statut du principe de la complémentarité de la Cour par rapport aux juridictions nationales des États (1). La seconde est constituée par les obstacles à la souveraineté qui figurent dans les dispositions du Statut (2).

1- Le principe de la complémentarité de la Cour par rapport aux juridictions nationales

L'adoption du principe de la complémentarité par le Statut de Rome est une innovation en matière de justice pénale internationale. Car aucun des tribunaux pénaux internationaux précédents n'a en effet connu un tel système. C'est l'exemple du TPIY et du TPIR qui ont une primauté sur les juridictions nationales50(*).Ce principe est né de la volonté des États de garder un large pouvoir dans la poursuite des crimes dans lesquels ils sont impliqués directement ou non. Affirmé dès les premières lignes du Statut51(*), le principe permet aux États de rester les premiers gardiens des règles nationales et internationales. En effet, ceux-ci conservent leurs prérogatives normales en matière pénale interne, en vertu du principe de territorialité par lequel chaque État est compétent pour les crimes commis à l'intérieur de ses frontières. Mais, ils peuvent aussi connaître de crimes internationaux perpétrés en dehors de leurs frontières52(*). En vertu des principes de compétence extraterritoriale, tels que la personnalité active ou passive et la compétence universelle sur lesquelles nous reviendrons dans nos prochains développements, les États peuvent être compétents respectivement pour les crimes commis à l'étranger dont leurs ressortissants sont auteurs ou victimes ou dont l'auteur ne présente aucun de ces liens avec eux.

Ainsi, en vertu du principe de la complémentarité, les affaires qui ont été déjà jugées et qui ont fait ou qui font l'objet d'une procédure devant une instance judiciaire nationale, ne pourront plus être déférées devant la Cour. Si cela arrive, celle-ci doit les déclarer irrecevables. C'est en substance ce qui est affirmé à l'article 17 (1) du Statut. L'existence d'un système judiciaire solide et compétent, constitue le garant de l'absence d'impunité pour les auteurs de crimes décrits dans le Statut de Rome au niveau national. Le Statut respecte cet état de fait.

Malheureusement, les États ont du mal à remplir leurs obligations en matière de répression des crimes internationaux, et l'adage aut dedere, aut judicare53(*) n'est pas toujours efficacement mis en oeuvre. Si une telle situation était observée,  la Cour n'aurait plus beaucoup de raison d'exister, mais ce n'est malheureusement pas encore le cas. Ce serait une situation à saluer. Car à notre avis la meilleure situation est celle où les juridictions étatiques auront les moyens de prendre elles-mêmes en charge les criminels qui se trouvent sur leur territoire, et de les juger comme il se doit. L'existence de la Cour est certes salutaire, mais c'est bien parce que les États sont jusqu'ici incapables d'assurer au plan interne la répression des crimes internationaux, ce qui est par contre regrettable. Par conséquent, la Cour intervient dans les cas où pour une raison particulière54(*) - manque de volonté ou incapacité de l'État d'enquêter ou de poursuivre ou encore dans le cas où un jugement est intervenu, que celui-ci soit intervenu dans les conditions mentionnées à l'article 20 (3.a et b) - les États ne seraient pas en mesure de mettre en oeuvre la primauté de juridiction qui leur est reconnue. Un pouvoir de contrôle est, à cet effet, reconnu à la Cour pour apprécier les conditions et la régularité des actions judiciaires menées par les États parties, afin d'éviter toute tentative de faire échapper un suspect à la justice55(*). La Cour est malheureusement seule juge de sa propre compétence. Ce pouvoir de la Cour vient donc limiter un temps soit peu la souveraineté des États.

La CPI apparaît ainsi comme un recours contre l'État qui faillirait en s'abstenant d'agir pénalement à l'encontre des auteurs de crimes d'une particulière gravité. Il est souhaitable pour les États de remplir leur obligation de poursuivre ces crimes.

2 - Les limites à la souveraineté des États

Du Statut de Rome, il ressort quelques limitations ponctuelles à la souveraineté étatique. On peut en distinguer deux d'inégale ampleur.

a- La première limitation découle des règles de compétence de la CPI et sa saisine par le Conseil de Sécurité de l'ONU.

La CPI peut s'estimer compétente si un crime international a été commis sur le territoire d'un État partie ou s'il a été commis par le ressortissant d'un État partie56(*). Il se peut que, le ressortissant d'un État non partie au Statut ayant par exemple commis un crime de guerre sur le territoire d'un État partie soit attrait devant la CPI. Ainsi, un État non partie au Statut de la CPI peut - à travers le sort judiciaire réservé à son ressortissant devant la CPI- être malgré tout lié par le texte du Statut sans que cet État ait pourtant, à aucun moment, accepté d'être lié par le Statut57(*).Cette forme d'atteinte à la souveraineté des États est capitale par les conséquences qu'elle entraîne sur le plan de la coopération des États membres des Nations Unies avec la CPI.

Lorsque la CPI est saisie par le Conseil de Sécurité de l'ONU, sa compétence s'étend ipso facto à l'État mis en cause qu'il soit partie ou non au Statut. Tel est le cas de la situation du Darfour. En effet, le Conseil de Sécurité avait déféré, par sa résolution 1593 du 31 mars 2005, la situation du Darfour devant la CPI sur la base du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies et en vertu du pouvoir qui lui est reconnu par l'article 13 du Statut. Dans cette situation, la position de l'État concerné (partie ou non partie au Statut de Rome) importe peu puisque celui-ci est obligé de coopérer avec la CPI58(*).

De toute évidence, Il est clair que ce procédé est une limite grave à la souveraineté des États surtout celle des États non parties au Statut de la CPI et nous savons qu'elle a été déterminante dans le refus des États-Unis de ratifier le Statut de Rome portant création de la CPI afin de protéger ses intérêts.

b- La seconde limitation concerne l'exercice de la souveraineté judiciaire interne par les États

En dépit de la priorité reconnue aux juridictions nationales, un État a-t-il toute la latitude pour exonérer éventuellement les coupables de crimes internationaux ? Vraisemblablement non. Le Statut permet à la Cour d'empêcher que pareille situation se produise par le contrôle qu'elle peut exercer sur l'activité interne des tribunaux nationaux, et même le cas échéant des organes législatifs. Il peut donc en résulter une forme d'atteinte à certains principes de souveraineté nationale, comme par exemple le cas des lois d'amnisties nationales59(*).

Ces lois qui sont des actes de souveraineté des États, ont pour effet d'effacer toute procédure judiciaire, passée ou en cours, concernant les crimes auxquels elles s'appliquent et posent un problème pour la recevabilité d'une affaire devant la Cour, lorsqu'elles concernent des faits qui relèvent de sa compétence. Sont-elles opposables à la Cour ? Qu'en est-il de l'immunité et de l'action des Commissions Vérité et Réconciliation auxquelles les États recourent pour garantir l'impunité à leurs ressortissants coupables des crimes internationaux ? C'est à ces trois questions que nous allons essayer d'apporter des réponses, mais signalons d'ores et déjà que pour asseoir sa crédibilité et son efficacité, la CPI, dans sa mission judiciaire de répression des crimes internationaux qu'elle exerce de façon complémentaire aux juridictions étatiques, sera amené à lutter contre cette impunité déguisée. Il va alors en résulter une forme d'atteinte à certains principes de souveraineté nationale telle l'immunité et l'amnistie pour ne citer que ceux-ci.

Paragraphe 2 : La compétence extraterritoriale

Traditionnellement, les tribunaux d'un État ont uniquement pour fonction de juger les personnes qui ont commis un crime sur leur territoire (compétence territoriale). Mais avec le développement du droit international, ils peuvent désormais exercer leur compétence même en dehors de leur territoire pour connaître précisément les crimes commis par leurs ressortissants (compétence personnelle active), des crimes commis à l'encontre des intérêts essentiels à leur sécurité (compétence réelle), ou encore de ceux commis à l'encontre de leurs ressortissants (compétence personnelle passive), bien que cela soit contesté par certains États .

En outre, le droit international reconnait aux tribunaux des États le droit d'exercer leur compétence au nom de l'ensemble de la Communauté Internationale à l'égard de certains crimes graves ayant une portée internationale. Du fait que ces crimes portent atteintes à l'entièreté du système de droit international, tout État peut poursuivre devant ses propres tribunaux, toute personne découverte sur son territoire, qui est soupçonnée d'avoir commis de tels crimes, quel que soit le lieu où ont été commis ces crimes. Il en va de même des crimes commis sur le territoire d'un autre État, même s'ils concernent des suspects ou des victimes qui ne sont pas des ressortissants de l'État en question et même si ces crimes ne menacent pas directement les intérêts de la sécurité nationale de cet État (compétence universelle). Pour cette raison, une étude sera d'abord faite sur les compétences personnelle et réelle (A) avant celle de la compétence universelle (B).

A- La compétence personnelle et réelle des juridictions nationales

Il sera étudié ici la compétence personnelle (1) et réelle (2).

1. La compétence personnelle.

Comme nous l'avons déjà souligné, la compétence personnelle des juridictions nationales se décline en compétence personnelle active et en compétence personnelle passive.

a. Compétence personnelle active

C'est un système de compétence selon lequel un État a l'aptitude d'incriminer et de juger les faits commis par ses ressortissants à l'extérieur de ses frontières. La compétence personnelle est ainsi fondée, non sur un titre territorial, mais sur un lien d'allégeance de l'auteur de l'infraction. Fondée sur la nationalité de l'auteur de l'infraction, la compétence personnelle résultait en droit ecclésiastique de l'union spirituelle avec l'Église et sous le régime féodal, elle tirait ses racines dans l'attachement au sol. L'autorité de l'État s'exerce à cet effet sur des hommes. Il faut distinguer ici les ressortissants de cet État des étrangers. C'est dit qu'elle connait aussi bien les infractions commises par un national à l'étranger que celles commis sur le territoire d'un État par un étranger. La compétence personnelle a été introduite dans les systèmes juridiques des États depuis l'adoption du système de la territorialité vers le début du 19ème siècle. Et c'est ainsi qu'elle prit une valeur corrective. Le Cameroun l'a reconnu dans ses différents textes répressifs à savoir son code pénal qui date de 196560(*), révisé en 2016 et son code de procédure pénale de 200561(*).

b. Compétence personnelle passive

Dans la philosophie politique de Hobbes et de Rousseau62(*), l'État trouve sa légitimité dans son aptitude à protéger l'individu des atteintes à sa liberté, protection à laquelle l'individu ne peut prétendre dans l'état de nature. L'existence d'un « contrat social », organisé autour du droit de l'État d'assujettir l'individu et de son devoir de le protéger, semble constituer un des fondements essentiel de l'ordre étatique. Les affaires Florence Cassez et Clotide Reiss témoignent de l'actualité de la question du « devoir de protéger » et de son importance pour l'opinion publique française. La compétence personnelle passive constitue ainsi l'une des manifestations du droit et même de l'obligation pour les États de protéger les intérêts de ses nationaux.

2- La compétence réelle

Elle constitue un volet de la compétence passive. L'État a le droit et même l'obligation de protéger ses propres intérêts, les intérêts concernant sa sécurité. La compétence réelle est en fait l'aptitude de l'État à incriminer et juger des faits commis à l'étranger au préjudice de cet État quelle que soit la nationalité de son auteur. Elle n'est pas fondée sur un titre territorial, car elle se justifie par la nature des faits incriminés qui portent atteinte aux intérêts supérieurs de l'État. La compétence réelle ne vise que certaines infractions spécifiquement prévues par la législation pénale nationale telles que les crimes et délits attentatoires à la sûreté de l'État ou la contrefaçon du sceau de l'État, de monnaies, d'effets ou de billets de banque commises hors du territoire de l'État victime. C'est une compétence qui est très ancienne, à ce propos, Donnedieu de Vabres faisait ressortir son caractère ancien lorsqu'il affirma que : « si haut que l'on remonte dans l'histoire du droit pénal international, on constate une réaction pénale de l'État contre les infractions qui menacent sa sûreté intérieure ou extérieur, même si ces infractions ont été perpétrées et consommées en dehors de son territoire, même si elles ont pour auteur un étranger. »63(*). En 1927, la première conférence internationale pour l'unification du droit pénal a reconnu la compétence de l'État victime à connaître d'un crime ou d'un délit contre sa sûreté (falsification de sceaux, poinçons, cachets ou timbres)64(*).La compétence réelle présente de l'intérêt pour des infractions que la loi pénale ne pourrait atteindre autrement, c'est-à-dire pour des infractions commises à l'étranger par des étrangers. Car, à notre avis l'État au préjudice duquel la sûreté a été violée est seul victime et qui mieux que lui peut mettre en mouvement l'action pénale sans se voir opposer l'irrecevabilité de son action fondée sur le défaut de qualité et d'intérêt ? De toutes les façons, les juridictions nationales auront toujours plus d'un titre de compétence et surtout lorsque l'infraction en question est une infraction qui trouble l'ordre public international.

B- La compétence universelle des juridictions nationales

La compétence universelle est, en droit, la compétence exercée par un État qui poursuit les auteurs de certains crimes, quel que soit le lieu où le crime a été commis, et sans égard à la nationalité de ces auteurs ou de celle des victimes. Elle a l'avantage qu'elle sert à empêcher l'impunité de crimes graves tels que les crimes de guerre, crimes contre l'humanité, qui seraient commis dans des régions particulièrement instables dont les habitants, citoyens du monde, ne bénéficieraient pas de protection légale adéquate. Nous allons étudier tour à tour le fondement juridique de cette forme de compétence tant en droit international (1) qu'en droit interne (2).

1. le fondement juridique de la compétence universelle en droit international

À l'origine, la compétence universelle des juridictions nationales se limitait à la piraterie en haute mer65(*). Désormais, elle trouve application aussi bien par les conventions(a) que par la coutume internationale.

a- Le fondement conventionnel

En matière conventionnelle, il existe plusieurs textes qui fondent la compétence universelle. Mais pour des raisons pratiques, on se limitera à deux : c'est-à-dire, à la Convention contre la torture de 1984 et aux conventions de Genève de 1949.

Sur la première, la répression de la torture a été adoptée à New York à l'issue d'une convention spécifique en 1984 qui est entrée en vigueur le 26 juin 1987. La torture fait l'objet d'une condamnation unanime de tous les États, même si dans les faits certains continuent de la pratiquer encore aujourd'hui. Les juridictions internationales ont affirmé le caractère universel de l'interdiction de la torture. On peut citer en ce sens, l'arrêt Furundzija , rendu par la Chambre de première instance du Tribunal pénal pour l'Ex-Yougoslavie en 1998, et qui énonce « L'autre trait majeur du principe interdisant la torture touche à la hiérarchie des règles dans l'ordre normatif international. En raison de l'importance des valeurs qu'il protège, ce principe est devenu une norme impérative ou jus cogens, c'est-à-dire une norme qui se situe dans la hiérarchie internationale à un rang plus élevé que le droit conventionnel, même que les règles du droit coutumier ordinaire. La conséquence la plus manifeste en est que les États ne peuvent déroger à ce principe par le biais de traités internationaux, de coutumes locales ou spéciales ou même de règles coutumières générales qui n'ont pas la même valeur normative. Clairement, la valeur du jus cogens de l'interdiction de la torture rend compte de l'idée que celle-ci est désormais une des normes les plus fondamentales de la communauté internationale. En outre cette interdiction doit avoir un effet de dissuasion, en ce sens qu'elle rappelle à tous les membres de la communauté internationale et aux individus sur lesquels ils ont autorité qu'il s'agit là d'une valeur absolue que nul ne peut transgresser. »

La prohibition de la torture constitue en ce sens une norme impérative du droit international, et ne saurait souffrir de dérogation s'agissant de la poursuite des auteurs de ce crime. C'est d'ailleurs ce qu'a prévu la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains et dégradants de 1984, puisqu'elle précise, en ses articles 5(2), 6et 7(1) que la répression du crime de torture fait l'objet d'une compétence universelle, ainsi que les modalités de mise en oeuvre de celle-ci.

S'agissant des secondes, les quatre conventions y relatives prévoient que « chaque partie contractante aura l'obligation de rechercher les personnes prévenues d'avoir commis, ou d'avoir ordonné de commettre, l'une ou l'autre de ces infractions graves, et elle devra les déférer à ses propres tribunaux, quelle que soit leur nationalité. Elle pourra aussi, si elle le préfère, et selon les conditions prévues par sa propre législation, les remettre pour jugement à une autre Partie contractante, pour autant que cette Partie contractante ait retenu contre lesdites personnes des charges suffisantes »66(*). De cette disposition, on peut retenir que la seule présence ou la fréquentation épisodique d'un délinquant sur le territoire d'un État suffirait à fonder la compétence des juridictions de cet État.

Les Conventions de Genève ont créé une compétence universelle obligatoire (elles obligent les États à invoquer leur compétence). Les États ne sont pas nécessairement obligés de juger les auteurs présumés des violations graves du droit international humanitaire, mais lorsqu'ils ne le font pas, ils doivent engager les procédures appropriées pour les extrader vers un autre État qui est plus avancé dans la recherche des preuves, ceci en application de l'adage « Aut dedere aut judicare ». Outre les conventions précitées, la compétence universelle tire aussi son fondement dans la coutume internationale.

b- Le fondement coutumier

À côté des conventions, la compétence universelle s'applique sur la base de la coutume. La gravité des crimes tels que les crimes contre l'humanité et de génocide a amené la Communauté internationale à adopter un certain nombre de mesures concernant leur répression.

L'incrimination de crimes contre l'humanité a été définie pour la première fois de façon formelle par le Statut du Tribunal de Nuremberg à la suite des horreurs et atrocités commises durant la Seconde Guerre mondiale par l'Allemagne nazie et ses alliés67(*). Plus tard, les traités ou résolutions ont apporté une définition mais qui demeurait insuffisante68(*). Depuis, ils ont fait l'objet d'une définition beaucoup plus complète à l'article 7 du Statut de la Cour pénale internationale69(*). Il est regrettable de savoir ici qu'aucune norme conventionnelle n'a consacré le principe de compétence universelle pour la répression d'une infraction aussi grave que les crimes contre l'humanité. Fort heureusement, il a été largement admis en droit international que ce principe découle de la coutume ainsi que de la jurisprudence internationale. Ainsi, en l'absence de toutes dispositions internes, les juridictions nationales devraient recourir à la compétence universelle pour réprimer les crimes contre l'humanité.

Ainsi, dans l'affaire Furundzia précitée, le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie observe que : « [...] les crimes internationaux étant universellement condamnés quel que soit l'endroit où ils ont été commis, chaque État a le droit de poursuivre et de punir les auteurs de ces crimes. ».

La Cour suprême d'Israël et la Cour européenne des droits de l'Homme ont respectivement dans l'affaire Eichmann70(*), et Demjanjuk71(*), repris les mêmes propos à savoir « c'est le caractère universel des crimes en question (c.-à-d. des crimes internationaux) qui confère à chaque État le pouvoir de traduire en justice et de punir ceux qui y ont pris part. »
Le crime de génocide quant à lui a été prévu par la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, du 9 décembre 1948.

Outre le crime de génocide à proprement parler, la Convention de 1948 précise que seront également punissables l'entente en vue de commettre le génocide, l'incitation directe et publique à commettre le génocide, la tentative de génocide et la complicité dans le génocide. Comme pour le crime contre l'humanité, l'obligation d'intention inscrite dans la Convention de 1948 constitue la principale difficulté pour démontrer le génocide. Elle est également une source d'ambiguïté majeure, puisqu'elle permet le plus souvent aux auteurs du génocide de se réfugier derrière les « motifs » de leur action pour en dissimuler « l'objectif final ».

Selon l'article 6 de la Convention de 1948 précitée, « les personnes accusées de génocide ou de l'un quelconque des autres actes énumérés à l'article 3 seront traduites devant les tribunaux compétents de l'État sur le territoire duquel l'acte a été commis, ou devant la Cour criminelle internationale qui sera compétente à l'égard de celles des parties contractantes qui en auront reconnu la juridiction ». Par cet article, la Convention exclut la compétence personnelle d'un État, ainsi que la possibilité d'exercer une compétence universelle. Seule la compétence territoriale est retenue. Cependant, tout comme les crimes contre l'humanité, cette lacune a été aisément comblée par la coutume72(*) du principe de compétence universelle. Il semble que n'importe quel État puisse maintenant affirmer sa juridiction sur les crimes de génocide, quel que soit l'endroit où ils ont été commis et quelle que soit la nationalité des auteurs ou des victimes.

2 Au niveau national

Sur le plan interne, certains pays ont intégré la compétence universelle dans leurs lois nationales (code pénal, code de procédure pénal, loi de justice militaire...) d'autres y ont consacré des lois spécifiques comme la Belgique avec le vote en 1993 à l'unanimité de l'étendue de la compétence en matière de crime de génocide73(*).

D'autres par contre ont ratifié les quatre conventions de Genève précitées mais n'ont pas encore adapté leurs législations. C'est par exemple le cas du Cameroun qui a ratifié la convention de Genève mais n'a pas encore intégré sa législation à propos. Il se limite uniquement sur le critère de rattachement qui est la présence du suspect74(*) et surtout son arrestation sur son territoire. Donnedieu De Vabres, affirme à cet effet que « la compétence du judex deprehensionis est justifié par le trouble social que cause, sur le territoire, la présence d'un criminel impuni »75(*)

C'est cette forme que le législateur camerounais a retenu dans l'article 11 du code pénal intitulé « infractions internationales » qui dispose dans l'alinéa 1 que « La loi pénale de la République s'applique au mercenariat, à la discrimination raciale, à la piraterie, au trafic de personnes, à l'esclavage, au trafic des stupéfiants, au trafic des déchets toxiques, au blanchiment des capitaux, à la cybercriminalité, à la corruption et aux atteintes à la fortune publique commis même en dehors du territoire de la République ». L'alinéa 2 du même code ajoute le point de rattachement selon lequel, l'étranger qui a commis une infraction internationale à l'étranger ne peut être jugé par les juridictions camerounaises que s'il a été sur le territoire de la République camerounaise. Le droit camerounais s'est de la sorte conformé à de multiples conventions internationales ratifiées qui traitent des infractions particulières et qui prescrivent l'instauration de la compétence universelles.

Section 2 : Le contenu de la priorité

Pour l'essentiel, il s'agira ici des obligations d'extrader ou de poursuivre (Paragraphe1) et de coopérer (Paragraphe2).

Paragraphe1 - L'obligation d'extradition ou de poursuite

Lorsqu'un crime grave menaçant la paix internationale est commis, l'État qui détient les suspects est bien en droit de les juger au nom de l'ensemble de tout la Communauté Internationale, d'après la compétence universelle qui lui est reconnue, car ce dernier est souverain. Cependant, pour ne pas laisser ces crimes impunis, les États ont une obligation soit de juger les auteurs du crime, soit de les extrader s'ils n'en sont pas capable. Ceci d'après le principe Aut dedere, Aut judicare. L'obligation pour les États d'extrader ou de poursuivre a connu une émergence (A) en droit international dans son exercice (B).

A- L'émergence de l'obligation d'extrader ou de poursuivre en droit international

La règle aut dedere aut judicaresera étudiée d'après les différents types de traités relatifs à l'obligation d'extrader ou de poursuivre (1) et en vertu du droit international général (2).

1- La maxime aut dedere aut judicare et les différents traités internationaux relatifs à l'obligation d'extrader ou de poursuivre

La maxime aut dedere aut judicare (extrader ou poursuivre), est une adaptation moderne de la maxime aut dedere aut punire (extrader ou punir), expression utilisée par Hugo GROOT, connu sous le nom de Grotius dans son ouvrage «De jure Belli ac Pacis». Selon Grotius, il existe une obligation générale d'extrader ou de punir à l'égard de toutes les infractions pour lesquelles un État est particulièrement lésé. L'État lésé a un droit naturel d'imposer une punition par lui-même contre le coupable. Néanmoins, selon la maxime aut dedere aut punire, l'État dans lequel l'auteur d'un crime cherche à se réfugier peut aussi imposer une punition. Ledit État peut aussi livrer un coupable à l'État qui est touché par le crime. Donc, il existe toujours une obligation alternative76(*). Bien que la maxime aut dedere aut punire soit toujours considérée comme une référence pour la maxime aut dedere aut judicare, il faut savoir qu'il y a des différences entre les deux maximes. La première, c'est que selon Grotius, la règle autdedere aut punire s'applique seulement dans les cas où le suspect a déjà été déterminé coupable77(*). Tandis que la règle aut dedere aut judicare, s'applique seulement dans les cas où il y a un crime et un suspect. La seconde différence c'est que selon Grotius, la maxime aut dedere aut punire pourrait être utilisée pour toutes les infractions, tandis que ce n'est pas le cas dans le cadre de l'obligation aut dedere aut judicare78(*). La troisième différence entre les deux maximes, c'est que la règle aut dedere aut judicare est une obligation de juger et de poursuivre, et n'est pas une obligation de punir79(*).

On peut estimer qu'il existe quatre groupes de traités englobant l'obligation d'extrader ou de poursuivre. Le premier, comporte les traités d'extradition qui ne portent pas forcément sur les crimes de droit international. La non-extradition des ressortissants vers un autre État pour être jugés est la raison principale pour conclure ces traités. Le deuxième englobe le traité qui suit le langage de la Convention pour la répression du faux monnayage de 1929. Selon cette Convention, si un État refuse d'extrader une personne vers un autre État, il n'est pas obligé de la traduire en justice. Autrement dit, juger des suspects dépend de la loi interne régissant la compétence extraterritoriale de l'État. L'idée derrière cette logique, c'est que chaque État a une vision différente par rapport aux crimes commis à l'extérieur de leur territoire. À titre d'exemple, on pourrait citer la formule utilisée dans la Convention pour la Prévention et la Répression du terrorisme de 1937 et la Convention pour la répression de la traite des êtres humains et de l'exploitation de la prostitution d'autrui de 1949. Le troisième type de traité qui contient l'obligation aut dedere aut judicare, est basée sur la formule utilisée dans la Convention de la Haye de 1970 pour la répression de la capture illicite d'aéronefs. D'après la formule utilisée dans cette Convention, si le suspect se trouvant sur le territoire d'un État n'est pas extradé vers un autre État voulant appliquer sa compétence, l'État territorial refusant d'extrader est obligé de traduire en justice le suspect devant sa juridiction interne. Dans ce contexte, selon l'article 7 de la Convention de la Haye de 1970: «L'État contractant sur le territoire duquel l'auteur présumé de l'infraction est découvert, s'il n'extrade pas ce dernier, soumet l'affaire, sans aucune exception et que l'infraction ait ou non été commise sur son territoire, à ses autorités compétentes pour l'exercice de l'action pénale. Ces autorités prennent leur décision dans les mêmes conditions que pour toute infraction de droit commun de caractère grave conformément aux lois de cet État»80(*). On peut aussi estimer que la formule utilisée dans le cadre des Conventions de Genève de 1949 concernant le droit des conflits armés et le droit international humanitaire, peut être considérée comme quatrième modèle de traité obligeant les États à appliquer la règle aut dedere aut judicare81(*). A cet effet, les Conventions de Genève de 1949 comportent une obligation soit de traduire en justice le suspect, soit de l'extrader82(*).

2- L'application de la règle aut dedere aut judicare en vertu du droit international général

Bien qu'il existe un Accord à peu près général sur le fait que les dispositions conventionnelles pertinentes sont actuellement considérées comme une source incontestable de l'obligation d'extrader ou de poursuivre, une partie de la jurisprudence soutient l'origine coutumière de cette obligation. À cet égard, le juge Weeramantry dans son opinion dissidente sur les questions d'interprétation et d'application de la convention de Montréal de 1971 résultant de l'incident aérien de Lockerbie en 1992, par rapport au caractère coutumier de l'obligation aut dedere aut judicare souligne qu': «Un autre aspect de la convention de Montréal est qu'elle ne porte pas atteinte au principe de droit international coutumier aut dedere aut judicare ». Le caractère bien établi de ce principe en droit international coutumier ressort clairement de l'exposé suivant: «L'emploi très répandu de la formule «poursuivre ou extrader», qu'elle figure expressément dans le texte, qu'elle soit exprimée par l'obligation d'extrader, ou qu'elle soit sous-entendue dans l'obligation d'exercer des poursuites ou de qualifier l'acte d'infraction, ainsi que le nombre des signataires de ces nombreuses conventions, attestent de l'existence de ce principe général du jus cogens»83(*). Le juge El-Kosheri en se référant à la règle aut dedere aut judicare de la Convention de 197184(*) confirme que: «La règle en question implique nécessairement confirmation du principe profondément enraciné du droit international général...»85(*). Selon le juge Bedjaoui aussi, l'obligation des États par rapport à la Convention de Montréal de 1971: «impose impérativement à tout État partie à la Convention soit d'extrader, soit de faire poursuivre par ses tribunaux les auteurs présumés de l'infraction, conformément à l'option traditionnellement ouverte par la maxime aut dedere aut judicare»86(*). Dans le cadre de la jurisprudence interne, on peut constater des cas dans lesquels la nature coutumière de l'obligation d'extrader ou de poursuivre est confirmée à l'égard des crimes de jus cogens. À titre d'exemple, en 2008, le juge d'instruction Santiago Pedraz, en charge de l'affaire Rios Montt à Madrid, après avoir reçu la réponse négative des autorités guatémaltèques d'extrader vers l'Espagne l'ancien Président Rios Montt pour génocide et crime contre l'humanité, dans ses observations juridiques, confirma la nature coutumière de l'obligation aut dedere aut judicare à l'égard de toutes les infractions aux normes impératives du droit international. La juridiction espagnole affirme ainsi: «...l'obligation internationale erga omnes (opposable à tous) aut dedere aut judicare (d'extrader ou de poursuivre), qui est reconnue par la doctrine la plus autorisée depuis qu'elle a été établie par Grotius au XVIIe siècle et qui aujourd'hui fait partie des règles du droit international et du droit pénal international, tant coutumières que conventionnelles»87(*).

B- L'importance d'exercer la maxime aut dedere aut judicare

Le sujet « l'obligation d'extrader ou de poursuivre (aut dedere aut judicare) en droit international », semble répondre à un réel besoin des États de développement progressif et de codification du droit international. Le développement d'une pratique, en particulier ces dernières décennies, consistant pour les États à inclure «  l'obligation » en question dans de nombreux traités internationaux et l'appliquer dans leurs relations mutuelles, soulève la question d'une entente commune dans la mise en oeuvre de cette « obligation ». Comme déjà souligner, l'obligation d'extrader ou de poursuivre, n'est pas uniquement fondée sur les traités, mais également sur les normes coutumières. Pour cette raison, elle mérite d'être objet de préoccupation de l'ensemble de la communauté internationale.

Le sujet semble être suffisamment mûr pour se prêter à une codification et à un développement progressif, en particulier à la lumière de la pratique des États telle qu'elle se développe, ainsi que de sa place croissante dans les activités des tribunaux et dans la doctrine. Le développement et l'identification juridique des éléments de l'obligation d'extrader ou de poursuivre semblent être dans l'intérêt des États, en ce qu'elle constitue l'un des principaux facteurs susceptibles de rendre leur coopération en matière pénale plus efficace. Bien que l'obligation d'extrader ou de poursuivre semble, à première vue, des plus classiques, il convient de ne pas se laisser abuser par sa formulation latine ancienne. L'obligation elle-même ne peut être traitée uniquement comme un sujet classique. Son évolution, l'époque de Grotius aux périodes les plus récentes, et son développement en tant qu'instrument de lutte contre les menaces croissantes que font peser les infractions criminelles sur les États et les individus, conduisent aisément à conclure que cette obligation à côté de celle de coopérer traduit bien les tendances nouvelles du droit international et des préoccupations urgentes de la Communauté Internationale.

Paragraphe2 - Le devoir de coopération des États

Les États restent des acteurs incontournables dans l'activité de la Cour Pénale Internationale. Leur concours est indispensable. Dans chaque phase de son activité, la Cour Pénale Internationale aura besoin de la collaboration des États88(*).Pour ce faire, il faut d'abord que la compétence de la Cour soit acceptée, soit par l'État national de l'auteur ou de la victime du crime, soit par l'État sur le territoire duquel celui-ci a été commis. C'est la condition sine qua non89(*). Cette acceptation est soit générale et permanente, c'est le cas pour les États parties au Statut. Elle peut être aussi ad hoc : c'est l'hypothèse où le ou les États impliqués, non parties au Statut de Rome, n'acceptent la compétence de la Cour que pour la seule affaire en cause. A défaut de telles reconnaissances, la Cour est impuissante, sauf si elle est saisie de cette affaire par le Conseil de Sécurité de l'ONU en vertu du chapitre VII de la Charte.

Une fois sa compétence fondée, la Cour peut ensuite déclencher son action répressive. Là encore, il est important pour la Cour d'obtenir la collaboration des États. Celle-ci peut intervenir sur la base de différents fondements et se manifester de plusieurs manières.

Deux situations s'observent ici. Soit les États sont parties au Statut, dans ce cas, ils sont soumis aux obligations définies aux articles 86 et suivants (A); soit ils ne le sont pas, auquel cas, leurs obligations sont, non pas sensiblement différentes en théorie, mais ont un autre fondement que le Statut (B).

A- L' « obligation générale de coopérer »

Le fonctionnement efficace de la Cour dépend pour beaucoup de la coopération que lui apportent les États parties et particulièrement ceux qui seront impliqués dans ses enquêtes. Ceux-ci sont les premiers destinataires de cette obligation, d'où l'importance des dispositions du Statut qui régissent cet aspect. Que comporte cette notion (1) et qu'elle est sa portée pour les États parties au Statut de Rome (2) ?

1- La notion de coopération

Un juge sans le concours d'une force de police est un homme démuni. Autant le juge pénal étatique a besoin des services de police dans son action, autant le juge international doit avoir recours à une force policière pour l'appuyer dans sa tâche. La différence fondamentale qui existe entre ces deux juges est que le premier a à sa disposition une telle force mais pas le second. En effet, il n'existe pas encore (hélas !) de police internationale autonome sur laquelle pourrait s'appuyer le juge pénal international et sur laquelle il pourrait exercer une autorité. Seules existent les unités de police nationales des États. En outre, la Cour dispose de pouvoirs propres limités pour mener des enquêtes et est donc tributaire de l'assistance et de la coopération des États. De par son mode conventionnel de création, elle ne bénéficie qu'extraordinairement du soutien d'une résolution du Conseil de Sécurité liant tous les États; et leur assistance est bien sûr fonction de leur volonté de coopérer avec la Cour. En effet, malgré l'obligation qu'ont les États membres d'assister la Cour en cas de besoin, ceux-ci ont en pratique une relative marge de manoeuvre dans la fourniture effective d'une assistance sérieuse et ont même le pouvoir reconnu de ne pas apporter cet appui. Il est par conséquent important de savoir ce que contient la notion de coopération, qui est définie comme la participation à une oeuvre commune, la collaboration dans sa réalisation90(*). Cette collaboration peut être nécessaire à plusieurs stades de l'activité de la Cour. Lors des négociations de Rome, la question se posait de savoir si les devoirs et obligations des États devaient être fixés dans les moindres détails par le Statut ou s'ils seraient « an uncertain variable, subject to the will of circumstance of a particular state »91(*), c'est-à-dire si le soin serait laissé à chaque État de définir les modalités de sa coopération avec la Cour en fonction de ses réalités juridico institutionnelles. C'est la solution intermédiaire qui a été finalement retenue. En effet, le Statut se contente de fixer les grandes lignes de cette obligation de coopérer, tout en laissant le choix à chaque État de préciser, dans ses textes nationaux d'application, les aspects pratiques de cette assistance à la Cour. Les États parties sont en effet libres dans le choix des moyens à mettre en oeuvre pour donner effet aux demandes de coopération de la Cour. La souveraineté des États est de ce fait préservée et leur consentement plus facile à obtenir.

2- La nature et l'étendue de l'obligation de coopérer pour les États parties

La coopération se présente-t-elle comme un ensemble d'obligations contenues dans le Statut, ou s'apprécie-t-elle aussi au-delà de celui-ci ?

L'obligation de coopération pour les États membres est avant tout de nature conventionnelle. Elle obéit dès lors aux règles applicables aux traités, et s'interprète en fonction des buts et objectifs fixés par le traité qu'est le Statut de Rome, et auxquels les États membres doivent se conformer. Par conséquent, l'obligation de coopérer s'apprécie certes sur la base des articles 86 et suivants du Statut, mais aussi par rapport à toutes les dispositions de celui-ci que les parties ont l'obligation d'exécuter de bonne foi92(*). En outre, l'exécution de bonne foi, qui s'interprète assez largement, permet d'affirmer que l'obligation de coopération contient, en plus des dispositions du Statut, des devoirs contenus dans le droit international général. Seul le bon fonctionnement de la Cour doit être pris en compte et par-delà, la réalisation des objectifs qu'elle vise, la répression des crimes internationaux, pour laquelle les États sont d'ailleurs les premiers responsables93(*). Cette obligation peut aussi résulter d'une résolution du Conseil de sécurité de l'Organisation des Nations Unies, lorsque celui-ci saisit la Cour en vertu du chapitre VII de la Charte. En effet, lorsque le Conseil de sécurité use de ce pouvoir de saisine de la Cour, pouvoir reconnu à l'article 13(b) du Statut, tous les États membres de l'ONU - parties ou non - ont l'obligation de coopérer avec la Cour parce qu'ils sont liés par les décisions prises en vertu du chapitre VII de la Charte des Nations Unies94(*). L'obligation de coopération est ensuite générale et s'applique à tous les organes de l'État. Le droit national fixe les détails formels et la Cour ne s'y intéresse que très ponctuellement. Toujours est-il que le droit national des États parties doit être en harmonie - et non forcément uniforme - avec les dispositions du Statut, notamment dans les mesures de mise en oeuvre.

B- La Cour et les États non parties au Traité de Rome

La Cour peut avoir des rapports avec des États qui ne sont pas parties à son Statut. Bien qu'ayant cette qualité, ces États peuvent avoir des obligations envers la Cour. En outre, les États non parties peuvent, dans certaines circonstances être en relations avec des États parties au Statut. L'obligation de coopération, pour les États qui n'ont pas ratifié le Statut, peut trouver son fondement dans le Statut lui-même (2). Cependant une certaine opinion voudrait qu'elle puisse aussi résulter du droit international humanitaire coutumier (1).

1- Le droit international humanitaire coutumier comme source d'obligation de coopération des États non parties au Statut

Tels que définis dans le Statut, les crimes qui relèvent de la compétence de la Cour, sont pour l'essentiel prévus par le droit humanitaire. Des crimes comme le génocide (art.6) ou les crimes de guerre, notamment les infractions graves (art.7), sont définis aussi par des conventions telles que la convention du 10 décembre 1948 pour la répression et la prévention du crime de génocide, ou encore les conventions de Genève du 12 août 1949, dont le caractère coutumier est aujourd'hui reconnu95(*). Par ailleurs, en tant que droit coutumier, ces normes valent indépendamment de leur fondement conventionnel, et sont opposables aux États qu'ils soient parties ou non à ces conventions96(*). Ceux-ci ont à ce titre l'obligation de les respecter et de les faire respecter  en toutes circonstances97(*). Il s'agit ici de la sauvegarde d'un intérêt collectif qui incombe à chaque État à l'égard de tous les autres98(*). Ce respect du droit coutumier se manifeste non seulement par l'application effective des normes par les États, mais aussi par la mise en oeuvre et le concours à la mise en oeuvre de sanctions, en cas de violations constatées. Or, la mission de la Cour est justement d'assurer cette répression lorsque les États ne sont pas en mesure de le faire. Ce raisonnement permet de conclure que le droit international coutumier requiert des États qu'ils assistent les juridictions pénales internationales, en l'occurrence la Cour pénale internationale. Ainsi, « L'obligation qu'ont les États - parties ou non au Statut de la Cour - de coopérer avec elle et d'arrêter les personnes faisant l'objet d'un mandat d'arrêt demeure, puisque les États sont toujours liés par les exigences du droit international général et du droit international humanitaire »99(*). Ce point de vue, plus avéré pour les États qui ont ratifié lesdites conventions que pour les autres, se justifie à certains égards dans la mesure où la convention de 1948 par exemple, bien que n'instituant pas de tribunal international oblige les premiers à extrader les personnes recherchées pour génocide vers un autre État, mais aussi vraisemblablement, vers tout autre instance habilitée à engager des poursuites, en l'occurrence un tribunal pénal international100(*).

L'existence d'une obligation de coopérer avec la CPI, incombant aux États non parties au Statut sur la base du droit coutumier, n'est cependant pas unanimement admise. Certains auteurs expriment en effet des doutes, en s'appuyant sur le droit international, notamment sur la Convention de Vienne sur le droit des traités en ses articles 34 et 35. Ces dispositions affirment le principe de l'effet relatif des conventions internationales, et donc le fait que le consentement d'un État est nécessaire pour qu'une obligation puisse être mise à sa charge. Un autre argument est le fait qu'un État ne peut recevoir d'«ordres » d'un autre État ou d'un organisme international comme l'a reconnu le TPIY. Ces arguments paraissent peu appropriés, dans la mesure où s'agissant de la Cour, les demandes adressées aux États le sont dans le respect de leur souveraineté. Cette souveraineté est d'ailleurs préservée tout au long des dispositions du Statut. Il résulte de ce raisonnement que l'obligation de coopérer en vertu du droit international humanitaire coutumier pour les États non parties, est une approche qui correspond logiquement aux exigences et aux objectifs de ce corps de règles internationales. Les États tiers au Statut peuvent néanmoins avoir des obligations sur le fondement du Statut lui-même.

2- L'obligation de coopération des États non parties sur la base du Statut

Lorsqu'un crime est commis sur le territoire d'un État non partie, et que l'auteur présumé est aussi le national d'un État non partie au Statut, la compétence de la Cour peut être fondée sur une acceptation expresse de l'un ou l'autre de ces États (à moins que la Cour ne soit saisie par le Conseil de sécurité de l'ONU). Cette éventualité est prévue à l'article 12(3) du Statut, qui ajoute aussi que l'État (non partie) qui donne son consentement coopère « sans retard et sans exception » avec la Cour. Ainsi, l'obligation de coopérer pour les États tiers, résulte directement de leur consentement exprès et ad hoc à la compétence de la Cour pour un crime dans lequel ils sont impliqués. En conséquence, cet État n'est plus considéré (dans les faits) comme tiers et se trouve dans le cas d'espèce dans une position quasi identique à celle d'un État partie. Les détails pratiques de cette coopération État non partie/CPI, dont il est également fait mention à l'article 87 du Statut, sont en principe fixés dans l'accord de circonstance et par le droit national de l'État concerné, mais cet État reste soumis aux mêmes obligations générales de coopération que les États parties. Ceci dans le respect du Statut de la Cour, du droit national de l'État concerné et du droit international général. Cet accord devrait en général se référer aux dispositions pertinentes du Statut. Néanmoins, il convient de signaler que la source des obligations de l'État non partie est bien l'Accord ainsi conclu et non le Statut de la Cour qui ne lui est pas opposable, même si le contenu de cet accord peut procéder des mêmes principes que ceux qui sont prévus par le Statut. Lorsqu'on sait que bien souvent, l'État sur le territoire duquel le crime a été commis est aussi celui de son auteur, il s'avère important pour la Cour de bénéficier aussi du concours de ces États non parties pour pouvoir accomplir efficacement sa tâche. Il existe également l'hypothèse où la Cour est saisie par le Conseil de Sécurité et qui entraîne pour les États non parties au Statut une obligation de coopérer. Dans cette hypothèse en effet, il n'est nul besoin du consentement de l'État non partie, en raison du fait que le Conseil de Sécurité agit en vertu du chapitre VII de la Charte et que tous les États membres des Nations Unies ont l'obligation d'appliquer les décisions contraignantes prises en vertu de ce chapitre.

CONCLUSION DU CHAPITRE

L'objectif visé par ce chapitre était la compréhension des raisons justifiant la priorité de principe des juridictions nationales sur la Cour en matière de compétence dans la répression des infractions qui portent atteinte à la paix internationale.

D'après cette étude, force est de relever que la priorité de compétence des juridictions internes des États sur la CPI est de principe du fait du respect de la souveraineté et la compétence universelle des États. Ces principes ont une fonction protectrice, car ils mettent l'accent sur l'autonomie et l'indépendance des États et leur donnent un certain pouvoir. Dans le premier cas, les États ont un pouvoir surtout en matière pénale de déterminer eux-mêmes les règles d'incrimination et de sanctions des infractions aussi bien internes qu'internationales. La répression même des infractions qui menacent la sécurité internationale relève dans le second cas de leur pouvoir. A cet égard, le Statut de Rome a reconnu leur responsabilité en matière de répression. Ils ont ainsi l'obligation de poursuivre les délinquants internationaux ou de les remettre à une juridiction autre. En cas de refus ou d'incapacité à poursuivre ou à juger, l'affaire devient recevable devant la Cour.

CHAPITRE II : LA SUBSIDIARITÉ DE COMPÉTENCE DE LA COUR

L'objectif de la Communauté Internationale en créant la Cour était celui de combattre l'impunité des crimes graves qui menacent la paix internationale. C'est la raison pour laquelle dans le Statut qui l'institue compétence lui est donnée pour connaître de ces crimes, c'est du moins ce qui ressort de l'article premier. Cet article continue en disant qu'elle est complémentaire des juridictions pénales nationales101(*). Le régime de complémentarité tel qu'institué tombe à point nommé dans la lutte contre l'impunité. De ce fait, la cour a vocation de se substituer, au moins en partie, aux juridictions nationales. En même temps, il eût été politiquement inconcevable que les États réunis à Rome, États souverains et au moins théoriquement engagés dans la répression des crimes de droit international, acceptent d'emblée de considérer que leurs propres juridictions seraient incapables de s'acquitter de la tâche qui leur était confiée.

Comme nous l'avons développé précédemment, la complémentarité est le principe de base des relations entre la CPI et les États et surtout la clef du fonctionnement de la CPI. Elle justifie ce que doivent être  l'ensemble des relations entre la CPI et les juridictions nationales et répond à la question de savoir si la compétence de la CPI est exclusive ou concurrente avec celle des juridictions nationales.

À l'intérieur des dispositions relatives à la complémentarité, se trouvent des règles conditionnant l'intervention de la CPI. L'exercice de la compétence de la CPI est subordonné à celle des juridictions nationales. À la lecture des dispositions de l'article 17(1) du Statut, il ressort clairement que la Cour a une compétence subsidiaire à celle des juridictions nationales, surtout lorsque celles-ci refusent de poursuivre ou de juger (section 1) ou lorsqu'elles sont incapables (section 2). 

Section 1 : Le refus des États de poursuivre ou de juger les auteurs des crimes graves.

Le refus des États de poursuivre et de juger les auteurs des crimes relevant de la compétence de la Cour donne compétence à cette dernière malgré une volonté ultérieure de la part des États. Ce refus s'exprime d'après le Statut par un manque de volonté. Ce qui est constitutif d'inobservations des règles de la coopération avec la Cour telles que prévues par le Statut. Ce comportement des États se traduit en termes de « Déni de justice »102(*). Cette notion mérite d'être étudiée (Paragraphe1) avant de revenir sur la conception de la cour par rapport au manque de volonté (Paragraphe2).

Paragraphe1-Le déni de justice : une notion implicite contenue dans le Statut de Rome

Les rédacteurs du Statut n'ont pas envisagé de manière claire et précise la notion de déni de justice. Ils se sont seulement limités à celle de « manque de volonté » ; peut-être parce que dans la même mouvance, les sanctions n'ont pas été prévues à l'encontre des États délinquants. Pourtant, la notion a connu une évolution en droit international. Avant de présenter ce développement (B), une définition s'impose (A).

A- Définition et origine de la notion de déni de justice

La notion de déni de justice pour être comprise mérite d'une part, une définition (1) et d'autre part, un bref rappel historique (2).

1- Définition

Le déni justice, encore appelé déni de droit, est le refus par une juridiction de juger. Vu sous cet angle, il constitue une atteinte à un droit fondamental. Par définition, la notion de déni de justice peut s'entendre de deux manières. D'une part au sens juridique, il est le refus par une juridiction de juger une affaire, alors qu'elle est habilitée à le faire. Par extension, le déni de justice peut être caractérisé par le retard excessif mis par les juridictions à statuer. Ce retard peut résulter de la mauvaise foi de la part de ces juridictions, ce qui constituerait ainsi au sens de l'article 17 du Statut un manque de volonté de poursuivre et juger ou alors l'intention de soustraire les auteurs des crimes graves à la justice pénale internationale. Un tel comportement mériterait une sanction lourde.

D'autre part, au sens politique du terme, le déni de justice désigne l'interférence autoritaire du pouvoir exécutif pour annuler ou modifier des décisions de justice. Nous n'allons pas nous attarder sur ce point car ce type de déni de justice ne peut exister dans un État où le pouvoir exécutif est contrebalancé par une autorité judiciaire. La notion de déni de justice n'est pas une notion récente, elle date du Moyen-âge.

2- Historique du déni de justice

L'expression « déni de justice » possède une longue histoire remontant à l'aube du Moyen Âge et est fortement associée à la notion de représailles (ce en quoi elle est d'ailleurs beaucoup plus associée aux tribus germaniques qu'à la tradition romaine)103(*). Peu à peu, détachée de cette notion, elle n'en restera pas moins pendant de nombreux siècles une définition contestée, de nombreux auteurs en faisant l'équivalent de tout tort international commis par un État contre les ressortissants d'un autre État104(*). Cette compréhension large est cependant graduellement abandonnée105(*) au profit d'une conception plus restrictive qui fait du déni de justice une branche spécifique de ce que l'on appelle à l'époque le « droit des étrangers », c'est-à-dire l'ensemble des obligations de l'État hôte à l'égard des ressortissants étrangers se trouvant sur son territoire. Le déni de justice est en effet cantonné aux refus de l'État d'accorder des recours aux ressortissants étrangers pour remédier au tort qui leur a été causé par ses agents (déni de justice complexe) ou, ce qui revient finalement au même, aux torts résultant du dysfonctionnement de la justice elle-même, indépendamment de la nature du litige initial (déni de justice simple). Plus spécifiquement, dans la matière pénale qui nous intéresse, le déni de justice va consister en un non-exercice ou un mauvais exercice de l'action pénale par l'État hôte pour réprimer les crimes commis contre les étrangers106(*). Les théories contemporaines du déni de justice vont connaître une sorte d'âge d'or qui s'explique essentiellement, à notre sens, par la transition entre le régime de capitulations jusqu'à l'extension définitive d'une pleine égalité souveraine aux États extra-européens pendant la première moitié du 20èmesiècle. Le régime de capitulations avait correspondu à une hypothèse de défiance extrême à l'égard des juridictions nationales de certains États puisque, dans la perspective impérialiste qui était celle des États occidentaux de l'époque, leurs nationaux devaient relever d'un régime d'extraterritorialité les soustrayant à la compétence territoriale de l'État hôte. Le régime des capitulations n'avait néanmoins pas tardé à être perçu comme une ingérence insupportable pour certains États qui allaient faire de la (re)conquête de leur monopole de compétence une priorité politique et symbolique majeure.

B- Le déni de justice, une analogie explicitée par la doctrine

Il existe des différences entre, d'une part, une doctrine aujourd'hui un peu datée, telle que le déni de justice et, d'autre part, un régime juridictionnel spécifique. Les crimes en jeu n'ont certainement aucune commune mesure107(*). Dans le cadre de la CPI, le contrôle du bon fonctionnement des institutions nationales se fait par une juridiction supranationale à vocation universelle, là où il était l'objet de commissions arbitrales bilatérales dans le cadre du déni de justice. Plus spécifiquement, la détermination du déni de justice engage la responsabilité internationale de l'État, là où la détermination de l'incapacité ou du manque de volonté devant la CPI n'aura pour effet que de rendre une affaire recevable. Pourtant, une parenté souterraine relie bien les concepts de complémentarité et de déni de justice. Ce sont bien les États qui mettent en mouvement l'action pénale internationale dans le cas du déni de justice, comme c'est le cas en partie devant la CPI. Ils le font devant des tribunaux qui, pour être bilatéraux, n'en sont pas moins internationaux et semi-permanents. Surtout, ne dit-on pas que la protection des étrangers peut prétendre être à l'origine des régimes de protection internationale des droits de l'homme (au moins autant que la protection des minorités par la Société des Nations à qui on fait parfois porter ce rôle)? Et la CPI, bien plus que le droit international humanitaire, n'est-elle pas l'ultime clef de voûte d'un régime global de protection internationale des droits de l'homme?

De ce fait, l'analogie avec la complémentarité saute aux yeux : le problème initial n'est autre que celui d'un dysfonctionnement des juridictions nationales, causant en matière pénale un problème d'impunité; il existe une présomption en faveur du fonctionnement des juridictions nationales, mais il s'agit bien d'une simple présomption qui peut être renversée par la preuve d'un fonctionnement manifestement inadéquat. C'est bien pourquoi on va retrouver, de manière tout à fait significative, certaines des mêmes descriptions et justifications apportées à la complémentarité dans le contexte de la CPI. La doctrine parle du caractère « subsidiaire »108(*) et «complémentaire»109(*) de l'exercice de la protection diplomatique, car «rationnellement le recours aux juridictions nationales devrait être la règle et le recours à la juridiction internationale l'exception»110(*). L'expression «unable or unwilling» est d'ailleurs déjà monnaie courante s'agissant des défaillances des juridictions nationales111(*). Inversement, la doctrine souligne souvent la nécessité d'éviter que les juridictions internationales ne deviennent des « cours d'appel » des juridictions nationales112(*). Surtout lorsque celles-ci s'avèrent être de mauvaise foi.

Paragraphe2- La notion de manque de volonté et le Statut de Rome

Le manque de volonté de l'État peut être caractérisé dans plusieurs situations. La première apparaît lorsque l'intention de l'État est de soustraire la personne concernée de sa responsabilité pénale à l'égard des crimes relevant de la compétence de la CPI113(*). La CPI, pour déterminer la mauvaise foi de l'État, prendra en considération les circonstances mais également les éléments considérés dans la décision de l'État de ne pas poursuivre et la manière dont les enquêtes et poursuites ont été menées.

La deuxième consiste en un retard injustifié dans la procédure qui démentirait l'intention de l'État de traduire en justice la personne concernée114(*).

La troisième concerne une procédure qui n'aurait pas été menée de manière impartiale et indépendante ce qui, là encore, démentirait l'intention de l'État de traduire en justice la personne inculpée115(*). Selon BASSIOUNI Chérif, l'article 17(2) pousse la CPI, non seulement à prouver la partialité et le défaut d'indépendance, mais aussi d'une manière générale de suivre la procédure qui, dans les circonstances, refléterait un manque de volonté de l'État116(*).

Rappelons que la CPI, pour définir le manque de volonté de l'État, devra se baser sur les garanties judiciaires conférées par le droit international. En effet, il est facile d'imaginer que les États animés par l'intention de soustraire la personne concernée à sa responsabilité pénale seront pour la plupart des fois ceux dont l'administration de la justice n'a de justice que de nom et par là même ne respecteraient pas les garanties judicaires reconnues par le droit international. Les garanties d'un procès équitable reconnues par le droit international dont il est question correspondent à celles établies par le droit international coutumier, mais aussi par certaines conventions internationales117(*). La CPI peut également s'appuyer sur son propre Statut notamment en son Chapitre V et VI. Mais en même temps, le fait que le Statut de Rome n'impose à la Cour que de « considérer » ces éléments, on peut difficilement imaginer formulations plus floues et distendues. Il suffit pour en prendre la mesure de se rappeler qu'une grande partie des procès nationaux contre les personnes responsables des crimes les plus graves au cours des cinquante dernières années ont été entourés d'incessantes polémiques. « Les vingt années de procédure qui précèdent le procès de Maurice Papon auraient-elles traduit un délai injustifié au regard du Statut de Rome? La condamnation du Lieutenant Calley à cinq années de prison dont il n'accomplit que deux pour le massacre de MyLai ne serait-elle pas interprétée aujourd'hui comme une volonté de soustraire l'accusé à ses responsabilités? Le procès de Pol Pot dans les jungles thaïlandaises, procès qu'on ne peut pourtant pas soupçonner d'avoir été organisé à des fins d'impunité, serait-il considéré comme à ce point éloigné des garanties d'un procès équitable qu'il traduit un manque de volonté, voire une incapacité à faire oeuvre de justice? »118(*)

Face à tant d'hésitations, on aurait pu s'attendre à ce que la doctrine apporte des éclairages novateurs. Pourtant, le peu d'études consacrées au régime de la complémentarité l'envisage typiquement comme un « régime général » de la CPI, puis s'attarde éventuellement à sa mise en jeu territorial ou procédural, mais pose rarement la question de son contenu substantif.

Notons plus, en terminant l'analyse de ce point, que certaines questions restent encore sans réponses précises. Si par exemple la CPI a déclaré l'admissibilité d'une affaire en raison du fait qu'un État a entrepris des procédures uniquement dans le but de blanchir le suspect de toute accusation et que l'État conteste cette décision, à qui reviendra la charge de la preuve ? A notre avis, nous pensons que comme la bonne foi est présumée au profit de l'État, il appartiendra au Procureur de démontrer que l'État n'a pas entrepris ou mené la procédure de façon impartiale et équitable.

Section 2 : L'incapacité de poursuite ou de jugement des États

La notion d'incapacité sera analysée ici à travers une définition au sens du Statut de Rome (Paragraphe1), et aussi sur les interrogations concernant les suites de la décision de l'État qui a déféré l'affaire devant la CPI pour cause d'incapacité (Paragraphe2).

Paragraphe1-La notion d'incapacité des juridictions nationales

Le terme incapacité désigne en droit une situation dans laquelle une personne physique ou morale se trouve défaillante pour tenir ses engagements. Le terme s'oppose à la notion de capacité qui se définit comme étant l'aptitude reconnue à toute personne d'être sujette de droits et d'obligations. Cette notion contient deux degrés, à savoir la capacité de jouissance et la capacité d'exercice. La première étant reconnue à toute personne, la seconde pour s'appliquer nécessite une aptitude dont l'absence se traduit par une incapacité. L'État en tant que personne morale de droit public interne, pour ce qui est de ses relations internes, ou de droit public international, s'agissant de ses relations avec l'extérieur, est soumis à ces règles. Dans le combat contre l'impunité des crimes graves, il serait inconcevable pour la Communauté Internationale d'être indifférente face à l'incapacité des États à réprimer les violations des droits humanitaires internationaux. Pour cette raison et pour ne pas porter atteinte à la souveraineté des États et à remettre en cause la priorité des juridictions nationales, les rédacteurs du Statut de Rome ont pris le soin de dégager les contours de la notion d'incapacité des États (A). L'intervention de la Cour à cet effet ne demeure pas cependant sans heurts pour ces juridictions (B).

A- L'incapacité et le Statut de Rome

Comme nous l'avons déjà mentionné, une affaire est déclarée recevable d'après l'article17 du Statut devant la CPI si l'État compétent en l'espèce est dans l'incapacité de mener véritablement à bien des poursuites. Les éléments permettant de déterminer l'incapacité de l'État de mener à bien ces poursuites sont prévus à l'article 17 (3) qui dispose que : «Pour déterminer s'il y a incapacité de l'État dans un cas d'espèce, la Cour considère si l'État est incapable, en raison de l'effondrement de la totalité ou d'une partie substantielle de son propre appareil judiciaire ou de l'indisponibilité de celui-ci, de se saisir de l'accusé, de réunir les éléments de preuve et les témoignages nécessaires ou de mener autrement à bien la procédure»119(*). Il ressort de cette disposition qu'un État est incapable soit en raison de l'effondrement de tout ou partie de son appareil judiciaire, soit en raison de l'indisponibilité d'un système répressif en la matière. L'analyse de ces notions est laissée à la seule discrétion de la Cour. Car, il n'est prévu nulle part l'explication sur les notions d'effondrement et d'indisponibilité. Mais à notre sens, on peut bien comprendre que l'appareil judiciaire d'un État peut s'effondrer suite peut-être à la décriminalisation d'une situation menaçant la paix internationale, ou encore le vice de corruption qui remet en cause l'impartialité et l'indépendance des juges. Bref, l'effondrement de l'appareil judiciaire peut aussi être considéré comme étant les failles que peuvent présenter les législations pénales nationales comme par exemple leur inadaptation aux normes internationales.

S'agissant de l'indisponibilité, on peut comprendre par là une absence de législation pour la répression, c'est-à-dire qu'au moment des faits, l'État n'a pas de base légale pour connaître de la question, tel par exemple le cas du Cameroun qui n'a pas encore de législation sur les crimes relevant de la compétence de la Cour - ce qui pose le problème de la légalité des délits et des peines, qui est un principe qui sauvegarde et protège les droits des justiciables - ou alors l'État a adapté sa législation au lendemain de la commission de l'infraction. Dans de telles situations, l'État ne peut pas poursuivre et juger les auteurs des crimes graves en application du principe de la non rétroactivité de la norme pénale qui est une règle tout comme celle de la légalité des délits et des peines applicable en droit international et qui a fait l'objet d'intégration dans les législations internes120(*). Il se rend ainsi indisponible.

La charge de la preuve ici pour déterminer l'incapacité des juridictions nationales incombe au procureur de la CPI. Il s'agira pour lui de prouver dans un premier temps l'effondrement ou l'indisponibilité de l'appareil judiciaire national qui doit être total ou partiel. Dans un deuxième temps, démontrer que l'État est incapable de se saisir de l'accusé, de réunir les éléments de preuve et les témoignages nécessaires ou de mener autrement à bien la procédure. Et enfin, il est nécessaire de mettre en valeur le lien de cause à effet, c'est-à-dire démontré que cette incapacité est le résultat de l'effondrement ou de l'indisponibilité de l'appareil judiciaire. Dans ce cas, nous pouvons imaginer que l'État, après avoir constaté son incapacité, décide de lui-même de se dessaisir et de déférer la situation devant la CPI. À titre d'exemple l'Ouganda, la RDC, la RCA et la Côte d'Ivoire après qu'ils aient constaté leur incapacité à mener véritablement à bien les poursuites des personnes présumés avoir commis des crimes internationaux sur leurs territoires ont déféré ces situations à la CPI. Mais qu'adviendra-t-il si un État rend une décision et que la Cour estime qu'il n'aurait pas due ou alors qu'il y avait un manque de volonté de sa part ? Quid de l'application du Principe non bis in idem ?

B- Les implications des notions d'incapacité et de manque de volonté dans le respect de la règle non bis in idem

L'article 20(1) du Statut de Rome dispose que : «Sauf disposition contraire du présent Statut, nul ne peut être jugé par la Cour pour des actes constitutifs de crimes pour lesquels il a déjà été condamné ou acquitté par elle».  L'al.2 du même article poursuit : «Nul ne peut être jugé par une autre juridiction pour un crime visé à l'article 5 pour lequel il a déjà été condamné ou acquitté par la Cour».

L'article 20 (1 et 2) pose le principe non bis in idem. Ce principe existait bien sûr avant la CPI et signifie que nul ne peut être jugé deux fois pour la même infraction. Dans le cas de la CPI, il signifie d'une part que nul ne peut être jugé deux fois pour la même infraction et d'autre part que nul ne peut être jugé par une autre juridiction pour un crime pour lequel il a déjà été condamné ou acquitté par la CPI.

L'article 20(3) du Statut de la CPI tout en réaffirmant le principe non bis in idem pour des infractions ayant été jugées par une juridiction autre que la CPI, pose les conditions dans lesquelles la CPI aura compétence pour rejuger ces criminels. Cet article, comme l'article 17, présente les limites du droit qui appartient à la CPI de remettre en cause la bonne foi de l'État et le bon fonctionnement de son appareil judiciaire. Le Paragraphe3 de cet l'article laisse supposer par une interprétation à contrario que les cas prévus pourront fonder une exception d'incompétence ou d'irrecevabilité. Lorsqu'une enquête ou des poursuites ont déjà eu lieu au niveau national et ont conduit soit à un acquittement, soit à une condamnation, la CPI décide que l'affaire est irrecevable en vertu de l'article 17 Paragraphe1 alinéa b du Statut de la CPI.

L'article 20(3 a) prévoit que la CPI est compétente et que l'affaire est recevable si la procédure devant la juridiction nationale avait pour but de soustraire la personne accusée à sa responsabilité pénale. Les termes employés par cette disposition sont quasiment identiques à ceux de l'article 17 (2). La preuve de cette intention doit reposer sur des faits qui représentent plus qu'une simple négligence ou inadvertance. Il pourrait s'agir notamment d'un acquittement injustifié au regard des éléments de preuve solides du dossier, une peine sans commune mesure avec la gravité du crime, un détournement ou un manque de rigueur dans la conduite des poursuites.

L'article 20(3b) rappelle inévitablement l'article 17(2c), qui conditionne la compétence de la CPI à une absence d'indépendance et d'impartialité au vu des garanties judiciaires prévues par le droit international, ainsi qu'à une manière de conduire la procédure incompatible avec l'intention de traduire l'intéressé en justice. Les éléments nécessaires pour établir la compétence de la CPI en vertu de cet article sont exactement les mêmes que ceux de l'article 17 (3c).

Au reste, la CPI comme les autres juridictions internationales applique le principe non bis in idem sauf si la procédure devant l'autre juridiction avait pour but de soustraire l'accusé à sa responsabilité pénale ou a été conduite d'une manière qui démentait l'intention de l'État de traduire l'intéressé en justice. Toutefois, une autre question nous revient à l'esprit, celle de possibilité pour les États de reprendre l'affaire après déferrement devant la Cour pour cause d'incapacité. Bref, est-il permis à un État d'interrompre l'action de la CPI ?

Paragraphe2-La problématique de l'interruption de l'action de la CPI par un État jadis incapable de connaître une affaire

La question qui se pose ici est de savoir si le pouvoir reconnu aux États de déclencher l'action de la CPI implique la possibilité pour ces derniers d'interrompre une action en cours prétendant récupérer l'affaire qu'il avait déféré. En effet, il a été constaté que pour plusieurs raisons, essentiellement de négociations de paix ou de réconciliation nationale, nombre d'États en conflits ou en fin de période de crise interne préfèrent d'autres voies que la voie judiciaire, pour arriver à obtenir une paix durable et un accord entre acteurs et protagonistes des crimes. Il est possible d'envisager que certains États ne soient pas disposés à aller devant la CPI ou pensent même à retirer le renvoi d'une affaire qu'ils ont eu l'initiative de déposer devant elle. C'est l'hypothèse où, un État qui a déféré devant la CPI une situation qui s'est déroulée (ou non) sur son territoire voudrait que les enquêtes et les poursuites soient interrompues afin de relâcher la pression sur tels ou tels protagonistes et créer un climat propice pour des pourparlers plus sereins. L'exemple le plus illustratif est celui de l'Ouganda qui, après avoir saisi le Procureur de la CPI en décembre 2004 de la situation au Nord de ce pays, envisageait de retirer sa plainte pour favoriser les négociations avec la Lord Resistance Army (L.R.A), rébellion opérant au Nord de l'Ouganda. Cette faculté n'est pas reconnue par le Statut (A) mais néanmoins offerte aux États (B).

A- Une faculté non reconnue par le statut de Rome

D'emblée, la possibilité pour un État de retirer son renvoi ou de suspendre l'action de la CPI n'est pas prévue dans les dispositions du Statut de la CPI. L'hypothèse prévue à l'article 53(3a)121(*), permet seulement à l'État de contester et de faire examiner par la Chambre préliminaire, la décision de ne pas poursuivre prise par le Procureur dans une affaire qu'il a déférée. Aucune possibilité n'est en ce sens reconnue à l'État de se rétracter et de contraindre la CPI à arrêter son action. Même le retrait éventuel du Statut ne le permettra pas, étant donné que ce retrait n'est pas rétroactif et laisse subsister toute action déjà entamée par le Procureur, ainsi que les obligations qui en découlent122(*).

La seule éventualité de suspension d'une procédure devant la CPI par une intervention extérieure reconnue par le statut, est la faculté reconnue au Conseil de sécurité par l'article 16 du Statut, de suspendre les enquêtes et poursuites conduites par la CPI pendant un délai de douze mois renouvelable. Peut-on déduire du silence sur la faculté pour les États d'interrompre ou de suspendre la procédure de la CPI, que le Statut entend l'exclure purement et simplement ? Oui. Est-il par ailleurs possible de reconnaître un tel pouvoir aux États par l'interprétation des dispositions du Statut ? Non.

Certes, même traditionnellement dans certains systèmes internes de droit pénal la partie civile a le pouvoir de retirer sa plainte ou de se désister lorsqu'elle estime que ses intérêts ne sont plus en cause, par exemple après une transaction avec l'accusé. Mais, ce pouvoir bien que reconnu n'interrompt ni ne suspend l'action publique exercée par le Procureur au nom de la société123(*). Cette situation de droit interne peut être transposée mutatis mutandis en droit international pénal. En effet, lorsqu'un État a déjà déféré une situation devant le Procureur de la CPI, ce dernier décide de poursuivre au nom de la communauté internationale toute entière, tout au moins de la communauté des États parties124(*).

Ainsi, une fois que la situation a été déférée au Procureur de la CPI, l'État déférant ne devrait plus suspendre ni interrompre de sa propre initiative son action parce que cette dernière lui échappe totalement. Ce dernier ne peut exercer sur le Procureur aucune influence, aucune action de manière à orienter la procédure dans un sens ou dans l'autre. Ceci est d'autant plus vrai que l'article 42 in fine, relatif au Bureau du Procureur, reprend à ce sujet : « (...) Ses membres (le bureau du Procureur) ne sollicitent ni n'acceptent d'instructions d'aucune source extérieure »125(*). L'indépendance de la Cour et du Procureur est de ce point de vu garantie par le statut de la CPI.

Reconnaître ce pouvoir aux États pourrait remettre en cause l'indépendance de la Cour et particulièrement du Procureur, garant de la crédibilité et de l'efficacité de la CPI, cette dernière ayant pour mission de sanctionner les auteurs des crimes les plus graves et de prévenir la commission des crimes similaires. Nous pensons que la raison pertinente du refus de cette possibilité est qu'en déférant une situation impliquant ces crimes, l'État se déclare implicitement incapable de les poursuivre lui-même. Même en cas de changement de régime et avec la ferme volonté du nouveau pouvoir de réprimer les crimes commis, rien ne garantit que les accusés bénéficient des garanties d'un procès équitable comparables à celles de la CPI et qu'ils ne soient pas soumis à l'arbitraire ou à la vengeance des nouveaux dirigeants jadis farouches opposants.

Il va sans dire que si cet État avait le pouvoir de dessaisir la CPI, il est fort probable que les inculpés ne seraient pas traités de façon impartiale ou plus grave encore demeureraient dans une totale impunité. On s'attendrait à des dérives de la part des États qui pourraient utiliser cette faculté comme un moyen de pression sur leurs potentiels adversaires et se servir ainsi de la CPI à des fins politiques. Ce résultat serait à l'opposé de la mission exclusivement judiciaire assignée à cette instance.

Enfin, il convient de signaler que dans l'accomplissement de sa tâche, le Procureur de la CPI doit prendre en considération les intérêts de la justice et sans doute ceux du pays impliqué. Mais il reste et doit rester seul et impartial dans l'appréciation de ce facteur.

B- Une faculté offerte aux États

Bien que les États n'aient pas la possibilité de suspendre et encore moins d'interrompre unilatéralement une enquête ou des poursuites devant la CPI, certaines dispositions du Statut permettent, de manière détournée, d'arriver à ce résultat, en faisant appel aux organes dotés de ce pouvoir, à savoir le Procureur de la CPI et le Conseil de Sécurité des Nations Unies. Ainsi, deux voies pourraient être utilisées par un État qui envisagerait de faire interrompre une procédure engagée à la suite d'une situation  par lui déférée126(*).

La première pourrait découler de l'article 16 du Statut qui autorise le Conseil de Sécurité, agissant en vertu du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies, à suspendre les enquêtes et les poursuites pendant une période de douze mois renouvelables127(*). En effet, si une demande est faite en ce sens par une résolution positive du Conseil de Sécurité128(*), le Procureur doit suspendre son enquête pour 12 mois. En pratique, l'État en cause va saisir le Conseil de Sécurité pour qu'il agisse en sa faveur auprès de la CPI. Mais, pour que la démarche de l'État puisse aboutir, il faudrait d'abord que sa situation satisfasse aux conditions du Chapitre VII, ensuite que l'État développe une bonne argumentation pouvant justifier une action du Conseil de Sécurité sur base de ce Chapitre et enfin, il faut que cette action du Conseil de Sécurité aille dans le sens souhaité par cet État.

La seconde voie quant à elle découle de l'article 53 du Statut de la CPI. D'abord, son al.2 reconnaît au Procureur le pouvoir de ne pas poursuivre s'il n'a pas de  motifs suffisants ou parce que poursuivre ne servirait pas les intérêts de la justice. Ensuite, l'al.4 lui permet de reconsidérer sa décision de poursuivre ou non si des faits ou circonstances nouveaux sont avérés. Il est possible pour un État de plaider auprès du Procureur, afin que celui-ci décide de ne pas poursuivre au vu des circonstances particulières qui pourraient s'imposer en l'espèce. Ainsi, l'Ex-Procureur de la CPI, Luis Moreno OCAMPO, déclarait à propos de la situation en Ouganda, en avril 2005 :

« Si une solution pour mettre fin à la violence était trouvée et que les poursuites ne se révèlent pas servir l'intérêt de la justice, alors mon devoir est d'arrêter »129(*).

Il revient finalement à l'État qui invoque des voies de solution à ses problèmes autres que judiciaires, de défendre mieux ses arguments. Signalons que cette argumentation doit être fondée sur de solides éléments de preuve, dans la mesure où la décision du Procureur de ne pas poursuivre est soumise au contrôle de la Chambre préliminaire, qui doit la confirmer avant qu'elle ne soit effective130(*).

Cette hypothèse fait surgir le délicat équilibre entre la nécessité d'une réconciliation durable d'une part, et celle de la justice et de la lutte contre l'impunité d'autre part, qui visent tous cependant un seul et même objectif à savoir la paix et la stabilité pour les États131(*).

CONCLUSION DU CHAPITRE

Dans ce chapitre il était question de relever la supériorité de la Cour. Certes dans le Statut de Rome il est mentionné que la Cour pourra se saisir d'une affaire poursuivie par un État, si ce dernier n'a pas la volonté ou est dans l'incapacité de mener à bien l'enquête ou les poursuites. Mais cette disposition constitue la « clé de voûte » du Statut et fait ressortir l'idée d'une supériorité. A notre avis, cette disposition devrait inciter les États à assumer leurs obligations internationales de poursuivre et de juger les auteurs de génocides, de crimes contre l'humanité, de crimes de guerre et d'agression. Car ce n'est qu'à défaut d'une telle poursuite et d'un tel jugement que la CPI interviendrait.

Bien plus, il appartient à la Cour le pouvoir de déterminer lorsqu'un État est incapable ou a un manque de volonté de poursuivre et de juger. Ce qui revient à dire qu'elle ne joue plus seulement un rôle subsidiaire, mais qu'elle intervient concrètement dans le cadre de poursuite nationale pour déterminer l'intention des autorités étatiques de poursuivre une infraction donnée. De ce fait, elle devra se prononcer non seulement sur les procédures pénales étatiques au niveau des aspects juridiques, mais également déterminer la volonté subjective d'un système national d'enquêter et de poursuivre une infraction.

CONCLUSION DE LA PREMIÈRE PARTIE

La création de la Cour dérive de l'ambition du droit international de lutter contre l'impunité des auteurs des crimes graves. Elle a permis d'éviter que l'on se trouve obliger de créer les tribunaux à chaque fois que de tels crimes seraient commis. La Cour a le mérite d'avoir l'avantage de lutter beaucoup plus efficacement contre cette impunité, du fait de sa complémentarité avec les juridictions nationales.

Cette première partie était ainsi consacrée à l'analyse de la complémentarité de compétence entre la Cour et les juridictions internes des États. Dans son Statut, notamment dans le préambule et l'article premier, la Cour est une juridiction complémentaire aux juridictions internes des États. Dans son sens premier, cette complémentarité désigne la priorité des juridictions nationales. Cette priorité est de principe, car les États sont seuls responsables de la répression des infractions qui menacent la paix internationale, ceci du fait d'un minimum de respect de leur souveraineté ; ce qui les oblige à poursuivre et à juger les auteurs de ces crimes chaque fois qu'ils seront saisis.

À défaut d'une réaction de leur part, la Cour aura donc une primauté de compétence. Mais cette primauté reste conditionnée par les différentes défaillances que peuvent présenter ces États. Bien plus, le principe de complémentarité entre la Cour et les juridictions nationales s'observe aussi bien en matière de compétence qu'en matière d'administration de la bonne justice. Ainsi, les États sont tenus d'une obligation collaboration parfaite avec la Cour.

L'avènement de la Cour a instauré de nouvelles bases d'une répression efficace des infractions internationales à l'instar de la suppression des immunités de poursuites ou de l'indifférence de la situation officielle de l'accusé sur la décision de condamnation. Mais malheureusement, la non collaboration et la délinquance de certains États fragilisent son autorité.

SECONDE PARTIE : LA COLLABORATION ENTRE LA COUR ET LES JURIDICTIONS NATIONALES EN MATIÈRE DE POURSUITES

Dans la lutte contre l'impunité des auteurs des crimes odieux, la Cour, pour une bonne justice, a besoin d'une étroite collaboration avec les États membres aux Statut. L'article 86 dudit Statut revient sur la question lorsqu'il dispose que : « (...), les États parties coopèrent pleinement avec la Cour dans les enquêtes et poursuites qu'elle mène pour les crimes relevant de sa compétence. ». À la lecture de cet article, on est tenté de croire que la Cour n'a de collaboration qu'avec les États Membres au Statut de Rome. Les États même non parties doivent apporter une aide à la Cour lorsqu'elle en fait la demande. Cette collaboration s'exprime mieux avec le principe de complémentarité. Ce principe est assorti de deux volets.

Le premier volet, a concerné la complémentarité en matière de compétence qui a fait l'objet de développement dans la première partie de ce travail. La seconde quant à elle, concerne la collaboration entre la Cour et les juridictions internes des États en matière de poursuites. À ce niveau, on parlera beaucoup plus d'entraide répressive entre les deux juridictions pour une meilleure administration de la justice pénale internationale. Claude LOMBOIS définit l'entraide répressive comme étant « l'ensemble des moyens par lequel un État prête le concours de sa force publique ou de ses institutions judiciaire à l'instruction, au jugement ou à la répression d'une infraction par une juridiction autre que celle qui relève de son ressort. »132(*). Il existe cependant deux formes d'entraide à savoir, l'entraide horizontale, lorsqu'un État prête le concours de sa force à un autre État ; l'entraide verticale lorsqu'il s'agit plutôt d'une juridiction internationale telle la CPI par exemple. C'est cette dernière forme qui nous intéresse. Et nous pouvons dire d'emblée que la verticalité dans cette deuxième forme d'entraide traduit déjà l'idée d'une supériorité des juridictions internationales sur les juridictions nationales. C'est la raison pour laquelle les décisions que pourront rendre ces différentes juridictions n'auront pas la même autorité de la chose jugée. Et aussi les exigences auxquelles ces États sont soumis.

Cependant, en ce qui concerne l'obligation pour les États de coopérer avec la Cour, le Statut n'a rien prévu en termes de sanctions. Est-ce à dire que les États ont une liberté en la matière ? Avant de répondre à cette préoccupation (chapitre2), il sera judicieux de revenir sur les mécanismes de l'entraide répressive verticale entre la Cour et les juridictions nationales (chapitre1).

CHAPITRE I : LES MÉCANISMES D'ENTRAIDE RÉPRESSIVE VERTICALE

L'intervention des États dans l'activité de la Cour revêt des formes différentes. Le Statut prévoit à cet effet dans son chapitre IX qui traite de la « coopération internationale et assistance judiciaire », différentes formes de concours des États. Certaines sont spécifiques aux États parties (section 2), tandis que d'autres peuvent, selon les circonstances, incomber aussi aux États non parties au Statut qui seraient liés à l'affaire en cours (section 1).

Section 1 -La participation des États à la procédure devant la Cour : l'assistance judiciaire et policière et l'exécution des sentences

C'est ici le lieu privilégié de la nécessité d'une étroite collaboration entre le ou les États et la Cour (Paragraphe1). L'intervention des États est indispensable, intervention sans laquelle l'activité de la Cour, est vouée à un échec quasi certain. Comme l'a affirmé un auteur à propos des tribunaux ad hoc, « ces tribunaux n'ont pas le pouvoir de commander (...) Ces tribunaux sont donc dépourvus du pouvoir de contrainte ; ce pouvoir demeure entre les mains d'États souverains.. »133(*).

Bien plus, la Cour ne dispose non plus d'établissements pénitentiaires pour l'exécution des sentences, et un appel est fait aux États en vue de combler ce manque (Paragraphe 2).

Paragraphe 1- Les organes judiciaires et policiers nationaux au service de la Cour

Lorsque, après examen des éléments d'une affaire, le procureur décide d'ouvrir une enquête et obtient en ce sens l'autorisation de la chambre préliminaire, il commence son enquête par la recherche d'indices et de preuves. C'est là une tâche complexe pour le procureur, qui peut se rendre lui-même sur les lieux ou faire exécuter les actes nécessaires sur place par les organes compétents de l'État. L'assistance des États est requise d'une part pour la recherche des preuves et indices et également pour l'identification des suspects (A). D'autre part, elle est également nécessaire pour l'arrestation, la détention et enfin la remise à la Cour du suspect (B).

A- L'assistance pour la recherche des preuves et indices

Le bureau du procureur a la charge de la conduite des enquêtes, et a donc besoin de mener des investigations sur les lieux de l'affaire. Il jouit pour cela des privilèges et immunités reconnus aux agents de la Cour dans l'exercice de leur tâche134(*). À la différence des procureurs des TPI - qui bénéficient d'une totale latitude pour prendre et adresser directement à un État toutes les mesures d'enquête qu'il estime nécessaires à ses investigations135(*)- le procureur de la CPI doit constamment rechercher la coopération des États sur le territoire desquels il envisage d'investiguer. Ceci est révélateur de la place de choix qui est accordée aux États par le Statut.

Le rôle des États (particulièrement ceux qui sont parties au Statut) est d'abord de se doter des mécanismes juridiques nécessaires afin de mieux répondre aux sollicitations de la Cour; et ensuite surtout de mettre à la disposition de la Cour leurs services compétents, afin d'accomplir les actes d'enquête, qui sont aussi nombreux que variés. C'est pour eux une obligation primordiale, qui doit être accomplie en temps utile avant que les souvenirs des témoins ne s'estompent ou que des preuves essentielles ne disparaissent. En effet, en plus des indices qu'il pourra obtenir de lui-même sur les lieux lors des interrogatoires de témoins par exemple, il peut être utile pour le procureur de la Cour de prendre connaissance de certaines informations en relation avec le cas qui l'intéresse, et qui sont en possession des services judiciaires ou policiers d'un État. De surcroît, en ce qui concerne les mesures de contrainte telles les arrestations de suspects et les saisies de pièces à conviction, le procureur ne peut agir directement sur le territoire des États. Seul l'État est détenteur du pouvoir de contrainte à l'intérieur de ses frontières, et le procureur est dans l'obligation d'obtenir que cet État mette ses forces à sa disposition et l'appui.

Un État peut cependant, pour des raisons de sécurité nationale, rejeter une demande d'assistance de la Cour. En effet, en vertu de l'article 72, l'État requis peut estimer que la divulgation d'informations relatives à l'enquête, pourrait porter atteinte à sa sécurité nationale, et refuser son assistance à la Cour en ne fournissant pas ces documents. La Cour peut, dans de telles circonstances, modifier sa demande en vue de permettre à l'État de l'exécuter sous une autre forme. Mais, toujours est-il que la demande, même modifiée, pourrait ne pas aboutir. En effet, l'État aura toujours le dernier mot, même s'il a l'obligation de consulter la Cour136(*), avant sa décision et de justifier son refus137(*). « Le principe de la souveraineté des États l'a encore emporté ».Cette possibilité leur est-elle reconnue lorsque la Cour est saisie par le Conseil de sécurité de l'ONU ? En principe, les États ne devraient pas pouvoir refuser d'apporter leur assistance dans cette hypothèse. Dans ce cas, la contrainte à l'encontre des États est plus grande parce que découlant de l'article 25 de la Charte. L'obligation de coopérer est ici doublement marquée pour les États parties. Mais ici encore, la souveraineté des États est mise en avant. Et, il n'est pas insensé d'affirmer que la menace d'une sanction du Conseil de Sécurité n'est pas toujours suffisante pour obliger un État à s'exécuter, même si juridiquement il est indéniable que cet État a une telle obligation. Ainsi, seule la volonté des États fera la différence, et cela dès l'ouverture de l'enquête jusqu'à l'exécution des peines prononcées.

B- L'arrestation, la détention et la remise de suspect à la Cour

Lorsque les éléments recueillis par le procureur et ses agents au cours de l'enquête font peser des soupçons sérieux sur une ou plusieurs personnes identifiées, le Procureur peut demander l'arrestation et la remise de ces personnes à la Cour. Ainsi, suite à la requête du Procureur et après avoir effectué un contrôle des éléments à charge, la chambre préliminaire de la Cour peut délivrer un mandat d'arrêt contre les suspects selon les conditions de l'article 58 (1) du Statut. Le mandat est adressé à l'État sur le territoire duquel se trouve la personne concernée. Ici encore, l'État a un rôle avéré. Les instances pénales internationales dépendent entièrement des États pour l'exécution des mandats d'arrêt, la CPI encore plus que les TPI. L'arrestation ne peut se faire que par les services de police habilités de l'État, et celui-ci doit mettre en oeuvre tous les moyens en vue de la localisation et de l'arrestation du suspect, conformément au mandat délivré par la Cour. C'est là une étape cruciale devant la Cour, dans la mesure où la présence de la personne suspecte est nécessaire à toute poursuite. La procédure devant la Cour est de type contradictoire et ne peut se dérouler qu'en la présence physique de l'accusé aussi bien devant la chambre préliminaire pour la confirmation des charges138(*), que devant la chambre de première instance lors du procès139(*), sauf dans des circonstances particulières. Le Statut ne prévoit pas de procès par contumace. Des personnes mises en cause et recherchées par les TPI, sont encore en liberté bien que identifiées et pratiquement localisées. La CPI n'est pas prémunie contre ces obstacles et il est nécessaire que soient précisées les conditions de la coopération entre elle et les États afin de permettre l'efficacité dans l'exécution de ses mandats. Le Statut prévoit en effet, que l'État qui reçoit un mandat d'arrêt émanant de la chambre préliminaire prend immédiatement les mesures appropriées pour son exécution. De plus, l'État doit faire exécuter ce mandat sans chercher à vérifier sa conformité à l'article 58 du Statut. Il a seulement le devoir de s'assurer - après coup - de l'identité de la personne arrêtée, de la régularité de la procédure et du respect de ses droits, en vertu de son droit interne et du Statut. Une fois que la personne suspectée est arrêtée, l'État qui la détient organise dans un délai raisonnable sa remise à la Cour. Il convient de souligner l'importante distinction entre la remise à la Cour, instance internationale et l'extradition vers un autre État140(*). Ces deux procédures répondent en effet à des logiques différentes. Ainsi, un État ne peut prétexter de la non extradition de ces nationaux prévue dans sa constitution pour refuser la remise à la Cour d'une personne qu'il détient. La Cour, contrairement aux tribunaux nationaux est une juridiction internationale, qui offre toute les garanties d'impartialité et du respect des droits de l'accusé. De ce fait, les États devraient assouplir leur législation sur la remise de personne à la Cour - par rapport aux dispositions sur l'extradition - afin de faciliter cette forme de coopération.

Le problème du choix entre l'extradition et la remise à la Cour peut également se poser lors de demandes concurrentes. Dans une telle hypothèse, la décision de l'État doublement requis est prise en fonction de plusieurs circonstances notamment sa qualité d'État partie ou non au Statut. En outre, une des difficultés qui peut également se poser concernant l'arrestation et la remise d'une personne à la Cour, est la position importante de cette personne dans la sphère des organes de l'État, qui va parfois jusqu'à lui conférer une immunité (de fait si ce n'est de droit) et qui rend quelque peu complexe sa capture. Une fois la personne arrêtée et remise à la Cour, la coopération des États ne s'arrête pas pour autant. En effet, même si ceux-ci ne sont pas très actifs au cours du procès proprement dit (bien qu'ils puissent ponctuellement intervenir)141(*), leur apport dans l'exécution des sentences prononcées est essentiel.

Paragraphe 2- L'exécution des sentences

Aux termes de l'article 77 du Statut, la Cour peut prononcer trois types de sanctions : un emprisonnement à temps avec une limite maximum de trente (30) ans, un emprisonnement à perpétuité et enfin des amendes et des confiscations. La Cour, il faut le rappeler, ne dispose pas d'établissements pénitentiaires, et c'est à nouveau aux États qu'elle confiera l'exécution des peines qu'elle va prononcer à l'encontre des personnes reconnues coupables.

L'État chargé de faire exécuter une peine d'emprisonnement sera désigné pour chaque affaire par la Cour, sur la base d'une liste préétablie d'États ayant manifesté leur désir d'accueillir les condamnés de la Cour. L'État retenu devra après sa désignation donner son accord express à la Cour, pour chaque cas dans lequel il sera choisi : c'est le principe du double consentement. Quelques conditions peuvent être cependant fixées par l'État lors de la notification à la Cour de sa volonté d'accueillir les condamnés. Aucun pouvoir ne lui est pas par contre reconnu pour modifier, pour une raison ou pour une autre, la durée ou la nature de la peine142(*). Ceci relève de la seule compétence de la Cour. Si l'État d'exécution ressent néanmoins le besoin d'apporter des modifications à la manière d'exécuter la peine prononcée par la Cour, il en avise celle-ci qui doit se prononcer pour ou contre ce changement. Dans le cas d'un refus par la Cour, le condamné est transféré dans un autre État pour y purger le reste de sa peine143(*). Par ailleurs, les États ont également la responsabilité de l'exécution des peines d'amende et de confiscation qui pourront être prononcées. L'article 109 attribue à nouveau aux États parties, la charge de faire exécuter ces condamnations, lorsque des biens ou valeurs appartenant à la personne condamnée se trouvent sur leur territoire. L'exécution de ces types de condamnation se fait en vertu du droit interne des États, et les produits obtenus doivent être reversés à la Cour qui se charge de leur redistribution aux victimes144(*). Ajouter ces différentes participations, les États parties au Statut participent aussi au fonctionnement de la Cour.

Section 2- La spécificité de la participation des États parties au fonctionnement de la Cour

Pour l'essentiel on retrouve parmi cette participation, la contribution aux dépenses de la Cour et l'adaptation de la législation nationale aux dispositions du Statut (Paragraphe1). Aussi, quelques exceptions peuvent être soulevées (Paragraphe2).

Paragraphe 1- Le contenu de la participation des États partis

On examinera ici, la contribution financière des États parties (A) et l'adaptation des législations nationales à celle de la Cour (B).

A- La participation financière des États parties

Selon l'article 114 du Statut de Rome, les dépenses de la Cour sont assurées par les prélèvements sur les ressources financières propres. Ces ressources financières sont fournies par « les contributions des États parties » et les apports de l'ONU145(*). Les États parties sont donc tenus de contribuer financièrement aux dépenses de la Cour. Cette exigence du Statut est tout à fait logique, dans la mesure où la Cour est une création des États. Et à l'instar de toutes les organisations internationales intergouvernementales, le budget de la Cour doit être alimenté par les cotisations de ses membres, que sont les États parties à son Statut. Ainsi, selon l'article 117, la contribution des États parties est calculée selon un système de quote-part convenu et adopté sur le modèle utilisé au sein des Nations Unies pour le budget ordinaire. Certes, les États parties ne sont pas les seuls pourvoyeurs de fonds de la Cour, l'article 116 prévoit d'autres modes de financement comme les contributions volontaires provenant d'autres entités. Mais leur participation reste capitale, car la Cour doit être dotée d'un minimum de moyen pour son fonctionnement. Il va sans dire que la question financière est primordiale pour qu'elle puisse accomplir efficacement et impartialement sa tâche. Et l'on sait que les dépenses de la Cour sont et seront encore plus importantes à l'instar des deux tribunaux ad hoc qui fonctionnent actuellement146(*). Le programme de protection et d'aide aux témoins, la traduction de documents et l'interprétation des débats, l'organisation de missions d'enquête visant à recueillir des éléments de preuve et des déclarations de témoins, la sauvegarde des éléments de preuve, ainsi que la sécurité des bâtiments, des lieux de détention et du personnel...etc., sont autant de domaines qui nécessitent des moyens considérables. L'importance de cette charge financière peut aussi se déduire des sanctions prévues à l'encontre des États qui viendraient à manquer à cette obligation. Ainsi, en cas de non-paiement de sa contribution ou même de retard de paiement, un État peut se voir priver de son droit de vote au sein de l'Assemblée des États parties et même du bureau de ladite assemblée. Cette sanction s'applique, à moins que l'État en cause ne justifie de raisons indépendantes de sa volonté.

À côté de cette participation financière, les États ont aussi le devoir d'intégrer les dispositions du Statut dans leurs droits nationaux respectifs.

B- L'adaptation par les États de leurs législations nationales

« Le droit international pénal présuppose à maints égards, l'existence de droits pénaux nationaux »147(*). À l'instar de tout le droit international, le droit international pénal a besoin d'être traduit, intégré en droit interne pour son application effective et pour la bonne coordination de la lutte internationale. Cette adaptation législative est obligatoire pour les États parties au Statut. Cependant, compte tenu du fait que les États non parties ne sont pas totalement exclus du champ de la Cour, ces derniers pourraient avoir un intérêt à accomplir aussi cette formalité. L'obligation d'adapter la législation nationale est primordiale pour les États parties. En vertu de l'article 88, ils ont la charge de mettre leurs lois nationales en conformité avec les dispositions du Statut, « en vue de permettre la réalisation de toutes les formes de coopération ». Cette opération a pour but de permettre d'abord à leurs organes judiciaires de pouvoir connaître des crimes prévus par le Statut, et ensuite de faciliter à la Cour une intervention lorsqu'une situation ou une affaire l'exigera. Cette obligation concerne essentiellement les lois pénales relatives aux définitions des crimes et les modalités pratiques de la coopération avec la Cour. Ces dernières impliquent notamment les règles de procédure, la détermination de l'organe national compétent pour recevoir les demandes de la Cour148(*), ou encore les conditions du transfert du suspect à la Cour.

Le Statut reconnaît aux États la priorité de juridiction dans la répression des crimes qu'il prévoit. Les États ont ainsi le devoir de réprimer les infractions commises sur leur territoire, ou qui impliquent leurs nationaux. Un État partie qui envisage de telles poursuites, devrait avoir dans son droit pénal, des incriminations identiques sinon en conformité avec celles prévues par le Statut149(*). Cette idée trouve sa justification dans le fait que, en vertu du principe de complémentarité, la Cour pourrait déclarer recevable une affaire dans laquelle les éléments des crimes sont par exemple plus étroits dans le droit national que dans le Statut. Dans un tel cas en effet, la loi nationale ne permet pas à l'État de connaître du crime parce qu'elle est trop restrictive et ne couvre pas le crime en question  qui entre dans la sphère de définition, plus extensive, du Statut. Respecter cette obligation est pour les États, un moyen de pouvoir user pleinement de la priorité de juridiction qui leur est reconnue.

Ainsi, de nombreux États ont déjà procédé à cette formalité. En effet, en plus des États parties, il y a également les États qui envisagent d'adhérer au Statut. Ce dernier n'exige aucune forme particulière de mise en oeuvre et les États « décident de la procédure à suivre pour rendre leurs dispositions juridiques internes compatibles (...) la forme de la législation retenue dépendra de la constitution, des exigences du traité et de toutes les législations pertinentes déjà en vigueur » pour l'État concerné. Le but ultime étant « de permettre la réalisation de toutes les formes de coopération » prévues par le Statut. Comme le montre une enquête publiée dans la Revue de droit militaire et de droit de la guerre150(*), les procédures de mise en oeuvre et les formes utilisées par les États désireux de le faire sont multiples. Pour les États ayants un système dualiste, celles-ci vont de modifications de la constitution, à l'adoption de lois uniques ou séparées qui intègrent les aspects pratiques de la coopération. Pour les pays monistes151(*), l'intégration des normes du Statut est nettement moins difficile, dans la mesure où le Statut est directement intégré au droit interne dès sa ratification. Certaines dispositions, telles que celles sur les modalités de la coopération, auront cependant besoin d'être accompagnées par des textes d'application.

Ainsi, les États, dans le cadre de la coopération avec la CPI, doivent incriminer dans leurs législations nationales les atteintes telles que, Le faux témoignage ; La production des éléments de preuve faux et falsifiés ; Les représailles exercées contre un témoin en raison de sa déposition ; La destruction ou la falsification d'éléments de preuve ou l'entrave au rassemblement de tels éléments ; L'intimidation d'un membre ou agent de la CPI, entrave à son action ou trafic d'influence afin de l'amener, par la contrainte ou à la persuasion, à ne pas exercer ses fonctions ou à ne pas les exercer comme il convient ; Les représailles contre un membre ou un agent de la CPI dans le cadre de ses fonctions officielles. La cour a compétence pour juger les auteurs de ces atteintes à son administration de la justice, au cas où l'auteur a agi intentionnellement (art. 70). Les États doivent ainsi coopérer avec la cour dans la répression de ces comportements.

Dans ce même ordre d'idée, les États ont aussi la possibilité d'apporter des modifications au Statut lui-même. En effet, le Statut prévoyait une conférence de révision de ses dispositions, qui devait se tenir dans un premier temps, sept années après son entrée en vigueur152(*), et ensuite à tout moment où une révision s'avèrerait nécessaire, sur convocation du Secrétaire Général des Nations Unies. Ainsi, sur proposition d'un État membre, un amendement peut être apporté au Statut par le biais de l'Assemblée des États Parties qui regroupe les États ayant ratifié le Statut.

Jusqu'ici, tout applique bien. Mais il faut dire que cette application se faire lors de l'intervention pratique des États dans les procédures engagées par les organes de la Cour.

Paragraphe 2- Les heurts de la collaboration entre la Cour et les États parties

On examinera dans ce paragraphe les exceptions (A) et les difficultés (B).

A- Les exceptions au principe de la coopération entre les États et la CPI

Il s'agit, ici, de dégager certaines hypothèses dans lesquelles les États parties peuvent refuser d'accéder à une demande de coopération. Ceci n'est possible que dans des circonstances limitées.

1. En cas de la protection de la sécurité nationale

Il est admis qu'un État peut se rétracter lorsqu'une demande de la cour est susceptible de porter atteinte à sa sécurité nationale. Cependant, l'État n'est pas, pour autant, exonéré de son obligation de coopérer.

Les articles 72 et 93 du statut de Rome prévoient tout un ensemble de procédure pour régler la question. Il s'agit, par exemple, de la non divulgation des renseignements fournis à la cour ou l'État peut enjoindre à la CPI de modifier ou de préciser sa demande ou enfin, la CPI peut être appelée à trancher sur la pertinence des éléments de preuve demandés.

En effet, l'exception de protection de la sécurité nationale ne peut être soulevée qu'en dernier ressort et surtout lorsque toutes les étapes prévues à l'article 72 ont échoué.

2. En cas d'interdiction en vertu de la législation nationale

Le statut de Rome dispose qu'un État partie peut refuser d'exécuter une demande non prévue par l'article 93 « Autres formes de coopération ».

Ce refus reconnu à chaque État partie au statut de Rome, n'est pas automatique.
Il est, également prévu, comme dans la protection de la sécurité nationale, des
étapes de conciliation des vues entre la CPI et l'État concerné. Ce n'est qu'en cas d'échec de ces concertations que, l'État peut, comme dans le cas précédent, se rétracter.

B- Les difficultés liées à la coopération des États et la CPI

Il est possible que dans certaines mesures, un État partie au statut de Rome refuse d'accéder à une demande d'arrestation lancée par la cour, alors que l'arrestation est d'ailleurs plus indispensable pour le bon déroulement de la justice internationale.

La coopération dont il est question ici, n'est qu'une obligation formelle : aucune véritable sanction n'est prévue pour contraindre un refus éventuel opposé par un État à une demande de la Cour pénale internationale. L'article 87, § 7, précise ainsi seulement que " si un État Partie n'accède pas à une demande de coopération de la Cour (...) et l'empêche ainsi d'exercer les fonctions et les pouvoirs que lui confère le présent Statut, la Cour peut en prendre acte et en référer à l'Assemblée des États Parties ou au Conseil de Sécurité lorsque c'est celui-ci qui l'a saisie ". Une question pertinente à examiner, à ce niveau, est celle de chercher à comprendre si un État réticent à coopérer avec la Cour, en dépit de l'obligation qui lui est faite par le Statut, a-t-il beaucoup à craindre d'une " prise d'acte " de ce refus par la Cour et de sa transmission par celle-ci à l'Assemblée des États Parties au Traité ? On peut, effectivement, en douter, le Statut ne prévoyant pas de doter, l'Assemblée des Parties de pouvoirs particuliers de coercition à l'égard d'un tel État.

En définitive, il apparaît que les États ont un grand rôle à jouer dans les activités de la Cour pénale internationale. Leur concours s'avère indispensable, si cette juridiction veut remplir les objectifs qui lui ont été fixés. Les États sont cependant les collaborateurs de la Cour, et non les administrateurs de celle-ci. Ils n'interviennent que lorsque celle-ci requiert leur collaboration et a besoin de leur appui. Ils sont les moyens d'action de la Cour et non sa tête pensante. Malgré le caractère obligatoire pour les États parties, de leur coopération, ceux-ci restent en pratique encore et toujours seuls juges de l'opportunité d'apporter leur assistance à la Cour et celle-ci est quasi impuissante devant eux, parce que dépourvue de pouvoir de sanction en cas de manquements. Qu'advient-il alors dans le cas où un État manque délibérément à ses obligations internationales devant la Cour ? En droit international, il existe des sanctions lorsqu'un État met en cause sa responsabilité internationale en contrevenant à ce qui est requis de lui. Qu'en est-il par exemple pour le cas spécifique de l'obligation de coopérer avec la Cour Pénale Internationale? Le chapitre qui suivra sera le lieu d'évoquer les conséquences pour les États du fait de leur non coopération avec la Cour, ce qui constitue en effet une des violations qu'ils peuvent commettre les États.

CONCLUSION DU CHAPITRE

Aux termes de ce chapitre, il était question ici de ressortir les mécanismes d'entraide répressive verticale. Ces mécanismes se résument en la participation des États à la bonne marche de la Cour. La participation des États peut prendre diverses formes. Elle concerne aussi bien les États parties au Statut ou non.

Ainsi, les États parties ou non au Statut ont obligations de coopérer avec la Cour, de participer au fonctionnement de la Cour. Bien plus la Cour a besoin d'une collaboration des États dans la répression. Cette collaboration s'explique mieux en terme d'entraide répressive verticale, une entraide à sens unique c'est-à-dire seuls les États ont le devoir de collaborer avec la Cour sur les questions de recherche de preuves, d'enquêtes, de poursuites et bien d'autres. Qu'adviendrait-il si un État manque à toutes ces obligations ?

CHAPITRE 2: LES SANCTIONS POSSIBLES DE LA NON COLLABORATION DES ÉTATS AVEC LA COUR

L'Union européenne avait pris une décision contre la Croatie pour sa non coopération avec le TPIY153(*). Cette décision qui intervenait à la suite de plusieurs injonctions faites à la Croatie aussi bien par l'UE que par le Conseil de sécurité - incitant ce pays à prendre des mesures en vue de l'arrestation et du transfert de l'un de ses généraux qui fait l'objet de poursuites devant le TPIY et l'embargo pris par la Communauté internationale à l'encontre du Soudan du Nord, de la Libye de Mohamar Kadhafi pour ne citer que ceux-ci - sont une forme de sanction. Revenant sur le cas de la Croatie, Il peut être étonnant qu'une mesure de telle nature soit prise par l'Union Européenne (UE), contre la Croatie qui ne coopère pas ou pas assez avec le tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (TPIY). Ce tribunal est pourtant un organe établi par le Conseil de sécurité de l'ONU, et à défaut du tribunal lui-même, on pourrait s'attendre à ce que ce soit le Conseil de sécurité des Nations Unies qui réagisse ainsi contre la Croatie. D'un autre côté, cette situation est compréhensible. Le tribunal est en effet dépourvu d'un réel pouvoir de sanction contre les États en de telles circonstances. De plus, le Conseil de sécurité, organe politique, a du mal à réagir également. Lorsque pareille situation survient devant le TPIY, organe subsidiaire du Conseil de sécurité des Nation Unies, l'on peut s'interroger sur ce qui adviendra devant la Cour pénale internationale, juridiction qui est également tributaire de la coopération des États. Certes, dans le cas de cette Cour, la même obligation de coopérer est affirmée pour les États mais elle procède d'une source différente qui est le traité de Rome. Cette différence institutionnelle est fondamentale.

Des situations de non coopération avec la CPI ne sont pourtant pas à exclure, et ce pour plusieurs raisons. Qu'adviendra-t-il alors en pareille circonstance ? Une telle éventualité entraînerait sans aucun doute des conséquences, tant au regard du droit international général (section 1) que du Statut de la Cour lui-même (section 2).

Section 1 : Le droit international général et la responsabilité des États

En droit international, en particulier en droit de la responsabilité, le non-respect d'une obligation (conventionnelle ou non) entraîne la mise en jeu de la responsabilité de l'État en cause. Ce système de responsabilité internationale obéit à des règles précises qu'il convient de rappeler (Paragraphe1) et d'appliquer au cadre de notre sujet, avant de présenter comment ces règles pourraient trouver application dans le cas du traité de Rome instituant la CPI (Paragraphe2).

Paragraphe1-La responsabilité internationale de l'État154(*) en cas de non coopération avec la Cour au regard du droit international général sur la responsabilité.

En vertu des principes établis du droit international, la mise en oeuvre de la responsabilité d'un État obéit à des conditions précises (A) et entraîne des conséquences à l'égard de celui-ci (B).

A- Les conditions de mise en oeuvre

L'article premier du projet d'articles de la Commission du droit international de l'ONU (CDI) sur la responsabilité internationale des États pour fait internationalement illicite dispose que « Tout fait internationalement illicite de l'État engage sa responsabilité internationale »155(*). L'État doit se rendre coupable d'un acte internationalement illicite pour que puisse être engagée sa responsabilité internationale. Par fait internationalement illicite, il faut entendre l'acte qui constitue une violation d'une obligation internationale et qui est attribuable à un État156(*). D'après cette définition, pour que la responsabilité de l'État soit retenue, il faut qu'il ait une violation d'une obligation (2) et que l'acte soit imputable à l'État (1).

1- L'imputabilité de l'acte à l'État

Pour que la violation d'une obligation internationale soit établie, il faut que l'acte en cause soit attribuable ou encore imputable à un État, c'est à dire « qu'un rattachement puisse être opéré entre l'évènement ou le comportement incriminé et l'État dont on recherche la responsabilité ». Il faut que l'acte ou le fait ait été l'oeuvre d'un organe de l'État ou d'une entité pouvant être considérée comme tel au moment de la commission de l'acte illicite. En effet, « est considéré comme fait de l'État d'après le droit international, le comportement de tout organe de l'État ayant ce statut d'après le droit interne de l'État »157(*). Il convient alors de s'interroger sur l'organe qui peut être qualifié d'organe de l'État, agissant en son nom et pouvant engager sa responsabilité. Selon l'article 4(2) du projet d'articles de la CDI, la qualification d'organe de l'État relève uniquement du droit interne de cet État. C'est donc la législation nationale de l'État qui détermine quel organe peut être considéré comme agissant en son nom et pour son compte. L'État, souverain dans son organisation interne, peut lui seul attribuer à un organe la qualité d'organe étatique. Le droit international intervient cependant pour reconnaître la qualité d'organe de l'État à certaines entités qui, même si elles ne sont pas reconnues comme telle par le droit interne, sont assimilées à des organes de l'État. Ainsi, les articles 5 et suivants du projet de code de la Commission du droit international énumèrent les organes dont le comportement illicite est attribuable à l'État du fait de leur position ou des activités qu'ils mènent et qui constituent un fait illicite ou ont été à l'origine de ce fait. Il s'agit en effet de :

- le comportement d'un organe mis à la disposition d'un autre État est attribuable au second ;

- le comportement d'une personne ou entité qui excède les pouvoirs et instructions qui lui ont été octroyés par l'État engage néanmoins ce dernier,

- les actes d'une personne ou groupe de personnes accomplis sous la direction ou le contrôle de l'État, ou encore adoptés par cet État après leur commission engagent celui-ci ;

- et enfin des actes accomplis par une personne ou un groupe de personnes, exerçant des prérogatives de la puissance publique, en cas de carence ou en l'absence de l'État l'engage néanmoins.

Dans le cas de la Cour par exemple, il est indéniable que l'inexécution d'une demande de coopération serait attribuable à l'État requis. C'est en effet à ce dernier qu'est adressée la demande et c'est à lui de prendre les mesures et de donner les instructions nécessaires à ses organes compétents pour satisfaire à la demande de coopération. L'acte qui est en effet imputable à l'État est une condition subjective qui, pour être dénoncé doit remplir une autre dite objective.

2- La violation d'une obligation internationale et « L'existence d'un dommage ? » 

Il sera examiné ici la violation d'une obligation internationale et l'existence d'un dommage.

a. La violation d'une obligation internationale exigée

La violation ici doit être dotée d'un certains nombres de caractères et qu'il ait absence d'une circonstance excluant l'illicéité.

Dans le premier cas, il faut d'abord que soit observée dans le comportement de l'État, une action ou une omission constituant la violation d'une obligation qui lui incombe au regard du droit international. Ensuite, l'origine conventionnelle ou coutumière de l'obligation n'a aucune pertinence dans l'appréciation de l'illicéité. Quelle que soit la source de la règle qui prescrit l'obligation, sa violation est constituée dès lors qu'un manquement est constaté158(*). La violation peut en outre être constituée par un acte positif (action) ou négatif (omission). Enfin, il faut que la règle ou l'obligation violée soit en vigueur à l'égard de l'État en cause au moment où la violation se produit159(*). Par exemple, dans l'affaire du détroit de Corfou précitée, devant la Cour internationale de justice, l'Albanie et la Grande Bretagne avaient vu leurs responsabilités engagées, respectivement pour ne pas avoir pris les mesures nécessaires à la sécurité dans ses eaux territoriales (omission), et pour avoir procédé au déminage dans lesdites eaux en violant le territoire et la souveraineté de l'Albanie (action).

L'exemple de l'inexécution d'une demande de coopération de la Cour peut être maintenu pour illustrer une violation de l'obligation de coopérer avec la Cour. Une telle inexécution, lorsqu'elle ne peut pas être justifiée par l'État requis dans les conditions prévues par le Statut160(*), constitue une violation par cet État de son obligation internationale envers la Cour.

Dans le second cas, pour que l'acte en cause puisse définitivement constituer une violation du droit international, il ne doit pas être couvert par une circonstance excluant l'illicéité. Les circonstances excluant l'illicéité sont des exceptions qui permettent de par leur survenance, en rapport avec le fait en cause, d'annuler la violation de l'obligation internationale. Comme l'indique leur appellation, ces circonstances écartent en amont l'illicéité du fait, qui sans elles, constituerait une violation d'une obligation internationale161(*). En conséquence, la question de la responsabilité de l'État auteur du fait ne se pose plus, puisque le fait générateur de celle-ci n'existe pas. Les circonstances excluant l'illicéité, de même que les conditions de leur application sont énoncées et définies au chapitre V du projet d'articles de la CDI. Ce sont respectivement, le consentement de l'État à l'accomplissement du fait à son égard (art. 20 du projet), la légitime défense (art. 21 du projet), la situation de contre-mesure du fait en cause (art. 22 du projet), la force majeure ayant entraînée l'accomplissement du fait (art. 23 du projet), la détresse (art. 24 du projet), et enfin l'état de nécessité (art. 25 du projet)162(*). Par exemple la situation exposée à l'article 72 du Statut, peut constituer une circonstance excluant l'illicéité dans le cas d'un État requis d'une demande de coopération par la Cour, et donc rendre licite un refus de coopérer de celui-ci. En vertu de cette disposition, un État peut refuser sa coopération à la Cour pour des raisons de sécurité nationale. Lorsque ces conditions objectives et subjectives sont remplies et lorsqu'aucune circonstance n'exclut l'illicéité du comportement en cause, alors peut être engagée la responsabilité internationale de l'État fautif par le ou les États qui ont subi un préjudice.

b. L'existence d'un dommage ?

La responsabilité internationale de l'État résulte donc du fait internationalement illicite. La définition de ce dernier élaborée par la CDI à l'article 1 du projet de 2001, ne mentionne pas le dommage comme un élément constitutif du fait illicite. On s'interroge alors sur la nécessité de l'existence d'un dommage pour que soit engagée la responsabilité internationale de l'État. En doctrine deux thèses existent à ce sujet163(*). La première est celle dite du « dommage inhérent » à l'illicéité. Selon cette acception, le préjudice pour un État existe dans le fait même qu'une violation ait été commise, c'est le préjudice juridique. Ainsi, pour les tenants de cette position, le dommage est indissociable de la violation puisque la seconde implique automatiquement le premier. Quant à la seconde, elle développe l'idée du dommage consécutif. Selon cette thèse, le dommage est un résultat de la violation, il n'est pas implicite à celle-ci mais en est une conséquence. En résumé, les deux thèses évoquent un préjudice, tout au moins juridique, pour fonder la responsabilité internationale de l'État, bien qu'elles lui confèrent des fonctions différentes. Pour sa part, la CDI affirme que la question du dommage n'est généralement pas nécessaire. Elle est cependant fonction des situations individuellement prises, aucun principe général n'en détermine alors le régime juridique. C'est en effet le contenu de la règle primaire en cause qui est déterminant.

Ce dommage peut alors se présenter sous deux formes : il peut être direct ou indirect. Le dommage direct ou encore dommage immédiat, est celui qui atteint directement un sujet de droit international (l'État en l'occurrence) dans ses droits164(*). Le dommage indirect ou médiat survient par l'intermédiaire d'une personne privée, physique ou morale, ayant la nationalité d'un État et pour laquelle ce dernier peut prendre « fait et cause ».

Qu'est ce qui pourrait constituer un dommage résultant d'un manque de coopération envers la Cour ? Vraisemblablement le retard dans l'enquête de la Cour et peut être même la suspension pure et simple de cette enquête, s'il s'agit d'une opération capitale pour la poursuite de l'enquête comme par exemple l'arrestation du principal accusé. On pourrait même soutenir l'idée que la violation d'une obligation de coopérer est en elle-même constitutive de dommage, si l'on considère le rôle primordial que joue la coopération des États dans la bonne marche de la Cour. Une absence de coopération là où celle-ci est indispensable, et c'est le cas dans la majorité des situations, est forcément dommageable pour la Cour165(*).

Le fait illicite étant accompli et le préjudice constaté, il s'en suit, en droit international, des conséquences qui peuvent être de plusieurs ordres.

B- Les conséquences de la mise en oeuvre de la responsabilité internationale de l'État

A l'instar du droit interne où un fait produisant un dommage oblige son auteur ou le répondant de celui-ci à réparation166(*), le droit international attache comme conséquence de la responsabilité d'un sujet de droit international la « réparation intégrale du préjudice causé »167(*). L'effet principal de la responsabilité internationale pour fait internationalement illicite est donc la réparation du préjudice (1). Cependant cette responsabilité peut générer d'autres implications (2).

1- La réparation du préjudice par l'État fautif

Un État, lorsqu'il est reconnu responsable de la violation d'un engagement internationale, a l'obligation principale de réparer le préjudice causé par cette violation, nonobstant bien sûr celles de faire cesser l'acte illicite et de garantir la non répétition de cet acte168(*). Ce principe est reconnu en droit international et a été rappelé à plusieurs reprises par la Cour Permanente de Justice Internationale (CPJI). Ainsi dans l'affaire de l'usine de Chorzow précitée, la Cour affirmait que « c'est un principe du droit international, voire une conception générale du droit, que toute violation d'un engagement comporte l'obligation de réparer »169(*)

Selon la CDI, la réparation à laquelle la responsabilité donne lieu peut s'opérer de plusieurs manières. Cette pluralité de modes de réparation est la conséquence de ce que le préjudice causé peut lui aussi se présenter sous des formes diverses aussi bien matérielles que morales170(*). La réparation peut donc consister en une satisfaction, une indemnisation ou encore en une restitution, accomplies « séparément ou conjointement par l'État responsable »171(*).

Tout d'abord, le mode de réparation qu'est la restitution ou encore restauration, consiste (lorsque son exécution est possible) dans la remise en l'état de la situation dans son état d'avant la survenance du dommage. Son but est d' « effacer toutes les conséquences de l'acte illicite et de rétablir l'état qui aurait vraisemblablement existé si l'acte fautif n'avait pas été commis », comme l'a reconnu la CPJI dans l'arrêt rendu dans l'affaire de l'usine de Chorzow. Cette forme de réparation qui est de loin la meilleure lorsqu'elle est bien appliquée, est aussi assez difficile à mettre en oeuvre. En effet, il est souvent impossible de remettre la situation dans son état d'origine, de revenir en arrière lorsqu'un dommage est déjà survenu.

En l'espèce, pour un État coupable de ne pas avoir coopérer avec la CPI, la meilleure réparation est l'accomplissement des mesures requises par la Cour dans sa demande de coopération. Cette action permettrait de relancer le cours de l'enquête, effaçant de ce fait les conséquences de sa violation, malgré le fait que le retard accusé dans l'enquête ne puisse être rattrapé.

Il y a ensuite l'indemnisation qui est prévue à l'article 35 du projet d'articles de la CDI. Il a pour but de compenser le dommage lorsque la restitution s'avère impossible. Il consiste en une somme d'argent versée à l'État lésé, dont le montant est proportionnel à l'importance du dommage subi ou du gain manqué résultant de l'acte illicite. Ces deux premières formes de réparation interviennent généralement lorsque le dommage est matériellement estimable.

En pratique, dans le cadre de la CPI, il est difficile de quantifier un dommage résultant d'une non coopération, de sorte qu'il peut être malaisé de déterminer le montant de l'indemnisation due. Concrètement, on pourrait concevoir par exemple le versement d'un montant à la Cour pour les frais supplémentaires engagés pour le maintien en détention du ou des accusés, ou pour la protection des victimes, en raison du retard accusé dans la procédure. Lorsque survient un dommage moral, il est plus souvent réparé par la satisfaction. Celle-ci peut se présenter sous la forme d'excuses officielles ou de sanctions contre l'organe responsable de la violation dommageable. La réparation peut même dans ce cas être constituée par la simple constatation de la violation d'une obligation172(*).

Toutes ces formes de réparation en conséquence d'un fait illicite sont mises en oeuvre par l'État responsable. Il existe aussi des conséquences de la responsabilité qui elles sont déclenchées par les autres États intéressés.

2- Les réactions possibles des autres États à un fait internationalement illicite

Quel État peut être considéré comme ayant subi une atteinte dans ses droits par un manquement à l'obligation de coopérer envers la CPI, et comment peut-il demander le respect de cette obligation ?

a- La détermination l'État pouvant invoquer la responsabilité internationale

Il convient d'emblée de déterminer l' «État lésé», et ceci pour deux raisons principales. C'est à celui-ci qu'est reconnu en premier le droit d'invoquer la responsabilité de l'État fautif, et c'est encore lui qui a le pouvoir de recourir à des contre-mesures. Le projet d'articles élaboré par la CDI, considère comme État lésé, ayant qualité pour invoquer la responsabilité de l'État fautif, un État qui, pris individuellement, est dans les conditions énumérées à l'article 42. Selon cette disposition, l'État lésé est celui à qui l'obligation est due. Lorsque l'obligation est due à un groupe d'États, l'État lésé est celui qui est spécialement atteint par la violation commise. Dans le cadre de la coopération avec la CPI par exemple, il est possible de considérer comme spécialement atteint par la violation, au sens de l'article 42(b.i), l'État qui a été le théâtre du crime sujet de l'enquête et qui souhaite voir la Cour terminer son enquête, afin de parvenir à instaurer la paix, lorsque la poursuite de criminels est une étape dans la résolution d'une crise interne.

Ensuite, il est reconnu aussi le droit d'invoquer la responsabilité internationale, à d'autres États. Il s'agit de «tout État autre qu'un État lésé» tel que défini à l'article 48 du projet d'articles. Aux termes de cet article, peuvent être considérés comme tels, les autres États qui ont un intérêt collectif dans le respect de l'obligation violée, dans la mesure où ils font partie d'un groupe d'États auxquels cette obligation est due. De plus, lorsque l'obligation violée est due à la communauté internationale dans son ensemble, tout autre État peut être rangé dans cette catégorie.

Dans le cadre de la CPI, la lecture de ces différentes dispositions, conduit au résultat suivant : lorsqu'il se produit une violation de l'obligation de coopérer, les États parties dans leur ensemble peuvent (en tant que lésé ou autres) invoquer la responsabilité de l'État en cause. L'obligation de coopérer due à la Cour, est requise des États parties pour le bon déroulement des activités de celle-ci, la répression efficace des crimes internationaux.

Ainsi, tous les États parties sont concernés en cas de manquement à l'obligation de coopérer envers la Cour, obligation qui a même été qualifiée à juste titre de «erga omne partes » c'est-à-dire obligation impérative de droit internationale en vigueur cependant seulement entre les États parties au Statut. De ce fait, ces derniers peuvent réagir contre l'État fautif, individuellement ou collectivement selon les mécanismes prévus par le droit international.

b- Les actions possibles de l'État lésé et des États autres que l'État lésé contre l'État responsable

D'abord, il y a la mise en jeu de la responsabilité internationale et la demande de réparation, qui peuvent être accomplis par exemple par le biais d'une action devant la Cour Internationale de Justice. L'État lésé peut ensuite entreprendre d'autres actions, notamment lorsque l'État fautif ne réagit pas. Ces réactions, plus connues sous le nom de contre-mesures, sont essentiellement ce qu'on appelait des mesures de représailles173(*). Ces mesures, qui sont « des inexécutions temporaires d'obligations internationales » sont mises en oeuvre par l'État lésé par le fait illicite, dans le souci d'amener l'autre État à s'acquitter de ses obligations et de sauvegarder ses intérêts.

Dans le cas de la CPI, les contre-mesures de l'État lésé devraient en conséquence uniquement avoir pour but de contraindre l'État fautif à exécuter son obligation. Ces mesures pourraient se traduire par des sanctions ou restrictions économiques. Il ne devrait pas être permis par exemple des contre-mesures qui consistent en des actes identiques à ceux qui ont déclenchés la responsabilité. Ceci se justifie dans la mesure où, d'une part, l'obligation de coopérer est due à la Cour et non à l'État fautif (qui sont deux entités distinctes). D'autre part, une contre-mesure est sensée être dirigée contre ce dernier dans l'objectif de l'amener à exécuter son obligation. La mesure envisagée ne devrait atteindre directement que l'État fautif. Un État qui adopte le refus de coopérer comme contre-mesure à un refus de coopérer pourrait voir sa propre responsabilité engagée envers la Cour. Ces contre-mesures sont cependant reconnues par le droit international qui les organise et ne sont donc plus illicites lorsqu'elles sont prises dans les normes. Ensuite, à côté des contre-mesures de l'État lésé, on peut aussi observer les réactions des autres États. C'est le cas par exemple lorsque la violation intervient dans le cadre d'une organisation internationale. Les organes de décision de certaines organisations ont le pouvoir de prendre des sanctions collectives au nom de tous les membres ou d'autoriser leurs membres à prendre des mesures individuelles. Ces réactions qui ne sont pas des contre-mesures ont le même objectif que celles-ci, obliger l'État responsable à honorer ses engagements. C'est le cas de l'ONU, organisation internationale par excellence, au sein de laquelle est organisé un système de sanction collective par le biais du Conseil de sécurité.

En matière de sanction, ledit Conseil peut également intervenir dans le cadre de la CPI, lorsque c'est lui qui l'a saisi par une décision sur la base du Chapitre VII de la Charte174(*).

Ces sanctions collectives dans le cadre d'une organisation internationale peuvent également s'apprécier dans le cadre de la CPI qui est également une organisation internationale mise en place par le traité de Rome. En outre, elle met à la charge de ses membres - et même en certaines circonstances, des non membres - des obligations qui malheureusement peuvent être violées par ces derniers. Quid alors de la mise en oeuvre de la responsabilité internationale dans le cadre de cette instance internationale ?

Paragraphe2-La mise en oeuvre de la responsabilité internationale dans le cadre de la Cour Pénale Internationale

Lorsqu'un État se rend coupable d'un manquement dans l'exécution de ses obligations envers la Cour, particulièrement l'obligation de coopérer, il peut voir sa responsabilité être engagée. Comment s'apprécie donc cette responsabilité, au regard des États (membres ou non) en cause. Quelles raisons peuvent vraisemblablement conduire ceux-ci à contrevenir à leurs obligations? Examinons successivement ces deux interrogations, à savoir les arguments de la non coopération (A) et les implications de la responsabilité de l'État pour le non-respect de ses engagements envers la Cour (B).

A- Les arguments de la non coopération

Depuis le 1er juillet 2002, date de l'entrée en vigueur du Statut de Rome et du début de la compétence de la CPI, celle-ci a connu plusieurs situations relativement à sa saisine. En effet, la Cour a été saisie aussi bien par des États, que par le Conseil de sécurité des Nations Unies. Ceci est bien la preuve que cette Cour a son importance. Il est aussi vrai que des obstacles existent qui tiennent essentiellement à la volonté des États à assister la Cour dans sa mission sur le terrain. Malheureusement on remarque encore des réserves de la part des États et certains affichent leur hostilité à coopérer. Plusieurs raisons sont mises en avant pour justifier une telle attitude. Ces arguments sont de nature juridique (1) mais aussi et surtout politique (2).

1- Les obstacles juridiques à la coopération des États avec les juridictions pénales internationales

Ces obstacles juridiques sont essentiellement constitués par les immunités reconnues à certains individus du fait de leur position ou de leurs fonctions dans l'appareil étatique et certaines autres incompatibilités avec des engagements internationaux.

a- Les immunités internationales

La question des immunités a toujours été, avec celle de la souveraineté, un obstacle majeur à l'exercice de la juridiction internationale des tribunaux tant internes qu'internationaux. Le régime des immunités est régi par la Convention de Vienne sur les relations diplomatiques de 1961175(*), mais aussi par la coutume internationale. Les immunités sont des facilités et autres avantages reconnus aux personnels des missions et représentations diplomatiques des États à l'étranger mais aussi et surtout aux organes principaux des États, notamment le chef de l'État, du gouvernement, et le ministre des affaires étrangères. Ces immunités qui peuvent être personnelles ou fonctionnelles176(*), ont essentiellement pour objectif de faciliter la tâche des agents de l'État agissant à l'étranger, de préserver la liberté d'action de l'État en la personne de son organe177(*).

Notre intérêt portera particulièrement sur les immunités de juridiction et d'exécution pénale reconnues aux hautes personnalités des États. Pour ce qui concerne les immunités de juridiction, celles-ci se présentent comme des empêchements à la coopération des États, dans la mesure où elles sont des obstacles de procédure qui interdisent au juge de connaître d'une affaire pour laquelle il a normalement compétence. L'immunité d'exécution quant à elle, confère à son bénéficiaire une inviolabilité totale qui se traduit par le fait qu'aucune décision étrangère visant son arrestation ou sa détention hors du territoire de son État ne peut être exécutée.

Ces exceptions s'adressent pour l'essentiel aux juridictions internes des États, et l'on se demande alors quelle est la position des instances pénales internationales face à cette question des immunités, précisément ces immunités pénales reconnues aux officiels des États. Quelle doit être l'attitude d'un État à qui il est demandé de transférer une personne qui bénéfice d'une immunité pénale internationale devant une instance pénale internationale telle que la CPI ?

Le Statut de la CPI consacre pour sa part deux articles à la question de l'immunité, des articles pour le moins contradictoires. En effet, l'article 27 exclut expressément le bénéfice d'une quelconque immunité à toute personne qui serait impliquée dans une procédure devant la Cour notamment en son alinéa 2 qui dispose : « Les immunités ou règles de procédures spéciales qui peuvent s'attacher à la qualité officielle d'une personne en vertu du droit interne ou du droit international, n'empêchent pas la Cour d'exercer sa compétence à l'égard de cette personne. ». A la lecture de cet article, la solution apparaît évidente mais l'article 98 sème un peu le doute. Celui-ci traduit en effet l'incapacité de la Cour à engager des mesures contraignantes qui pourraient amener un État requis par elle à agir en contradiction avec ses obligations internationales « en matière d'immunité des États ou l'immunité diplomatique d'une personne... »178(*). En conséquence de cet article la Cour serait obligée d'arrêter une procédure, ou tout au moins de la suspendre jusqu'à ce que les États en cause que sont l'État requis et l'État national de la personne recherchée résolvent la question de l'immunité, ou que « l'État d'envoi...consente à la remise ».

En tout état de cause, il est clairement admis que les immunités reconnues aux officiels des États sont inopérantes devant les juridictions pénales internationales et la CPI en particulier.

b- Les Incompatibilités avec d'autres obligations internationales

« Est-il risqué pour les États de coopérer avec les juridictions pénales internationales ? » Telle est la question que posait un récent écrit179(*), à propos des relations entre la Cour Européenne des Droits de l'Homme (CEDH), les tribunaux nationaux européens et les juridictions pénales internationales (TPIY en particulier). Une telle interrogation pourrait apparaître paradoxale lorsque l'on sait que obligation est faite aux États de coopérer avec ces instances pénales internationales, notamment les tribunaux ad hoc. La difficulté évoquée ici a été soulevée par les arguments contenus dans la requête de l'ex-président Milosevic devant la Cour Européenne des Droits de l'Homme (CEDH). Dans cette requête, l'ancien dirigeant de la Yougoslavie accuse les Pays-Bas de violer la Convention Européenne des Droits de l'Homme. Selon son raisonnement, les Pays-Bas ont agi en violation de la Convention :

- d'abord, en le gardant en détention (art. 5(1) de la Convention), malgré sa qualité d'ex-chef d'État ;

- ensuite, en coopérant avec le TPIY malgré la modification de l'acte d'accusation après son arrestation (art. 5(2) de la Convention) et le fait que celui-ci soit illégal et impartial (art. 6(1) de la Convention) ;

- enfin, le non-respect par le TPIY de la présomption d'innocence (art. 6(2) de la Convention) et de la faculté de l'accusé de se défendre lui-même (art. 6(3) de la Convention), et bien d'autres allégations. Cette situation soulève bien des interrogations.

Quelle attitude les États devraient alors avoir, lorsque la coopération avec une instance internationale (le TPIY) peut à certains égards constituer une violation des obligations envers une autre (la CEDH) et engager la responsabilité ? Les fondements évoqués de la « responsabilité des États du fait de leur coopération avec les juridictions pénales internationales » sont pour l'essentiel des questions d'incompatibilité entre les textes de base de la Convention européenne, et la pratique du TPIY et du droit pénal néerlandais. Malheureusement, la validité des arguments n'a pu être discutée par la Cour européenne, dans la mesure où celle-ci n'a pas eu besoin de se prononcer sur le fond de l'affaire. Les interrogations demeurent donc. Cela pourrait faire naître quelques réserves, en tous cas beaucoup de précautions juridiques chez les États avant de répondre aux sollicitations des tribunaux pénaux internationaux et à présent de la CPI. Dans le cas de cette dernière juridiction par exemple, le Statut prévoit, au moins indirectement, que les obligations qui en découlent peuvent prévaloir sur les autres obligations internationales, notamment celles issues d'accords entre États. Cependant, en matière d'immunité par exemple, le respect des règles internationales coutumières ou conventionnelles a apparemment eu la priorité sur les nécessités d'assistance judiciaire des États. C'est du moins ce qui ressort du fait que la Cour ne peut formuler de requêtes de coopération qui entraîneraient la violation des dites règles. Ces requêtes ne pourront être émises que dans le cas où la coopération de l'État tiers aurait été préalablement obtenue par la Cour.

2- Les raisons d'ordre politique

Les questions d'ordre politique sont souvent en amont de celles qui se posent au niveau du judiciaire. S'il est vrai que la coopération requise des États est essentiellement adressée aux organes judiciaires et aux forces de police nationale, leurs actions ont besoin d'un aval de l'exécutif pour être efficacement exécutées. Pourtant, il n'est pas osé de dire que les considérations politiques sont d'une grande importance dans les actions et décisions de l'exécutif. Ici encore, les questions liées à la souveraineté internationale refont surface.

Deux situations méritent d'être relevées : le cas du Darfour qui est pendant devant la CPI et l'hostilité des États -Unis à ladite Cour.

a- La situation du Soudan

En rappel, selon le principe de complémentarité, la Cour peut se reconnaître compétente pour une affaire relevant normalement de la compétence d'un État, lorsque ce dernier est incapable d'exercer efficacement ses attributions judiciaires. En effet, la Cour a le pouvoir d'accepter de connaître une affaire lorsqu'elle est saisie par une autre instance ayant ce droit, si elle estime que l'État normalement compétent selon les critères traditionnels de compétence pénale, n'est pas capable ou n'a pas la volonté de juger ladite affaire. Aucune difficulté ne se profile lorsque l'État reconnaît son incapacité à exercer sa juridiction pour l'affaire en cause. Par contre, lorsque l'État n'est pas du même avis que la Cour quant à sa capacité, il peut y avoir problème. Ceci dans la mesure où celui-ci pourrait se sentir frustré dans l'exercice de sa juridiction pénale qui demeure un atout majeur de la souveraineté nationale. Et l'on sait par ailleurs que la Cour ne peut oeuvrer efficacement sans la réelle et volontaire collaboration des États impliqués. Il va sans dire que cette collaboration sera d'autant plus difficile à obtenir de la part d'un État qui s'est auparavant vu déclaré contre son gré, incapable de poursuivre efficacement une affaire ou reprocher de l'avoir menée dans le but de faire diversion, et qui a vu la Cour lui « souffler » celle-ci.

Le cas du Darfour (Soudan), qui est actuellement examiné devant la CPI mérite d'être souligné dans ce cadre, bien qu'il ne soit pas dans un cas parfait de complémentarité180(*). En effet, le Conseil de Sécurité déjà saisi de la situation sur ce territoire soudanais, a décidé de saisir la Cour suite aux recommandations de la commission d'enquête établie par le SG, permettant ainsi à la Cour d'être compétente bien que le Soudan ne soit pas partie à la convention de Rome181(*). Cette commission a constaté « les carences de la justice pénale soudanaise et la nécessité qui en découle de recourir à d'autres voies judiciaires » et a recommandé en conséquence au Conseil de sécurité de « déférer la situation au Darfour à la Cour pénale internationale »182(*).

Le gouvernement de Khartoum n'a pas manqué d'exprimer son hostilité à de telles mesures et s'est même doté d'un tribunal national spécial pour connaître des crimes internationaux commis au Darfour. Ce tribunal est d'ailleurs entré en activité dès juin 2005, paradoxalement une semaine après que le procureur de la CPI ait annoncé le 06 juin 2005 sa décision d'ouvrir une enquête sur le Darfour. Il devrait être un substitut de la CPI selon les autorités de Khartoum qui se sont en outre déclarées contre tout transfert d'un citoyen soudanais vers la CPI.

b- L'attitude des États -Unis face à la Cour183(*)

La campagne mondiale (conjuguée aux actions internes) contre la CPI, dans laquelle se sont lancés les États-Unis, a pris jusqu'à présent deux formes. La première a consisté à obtenir, le 12 juillet 2002, une résolution du Conseil de Sécurité ouvrant la possibilité d'invoquer l'article 16 du Statut de Rome pour ajourner les enquêtes ou les poursuites engagées par la CPI contre des ressortissants d'États non parties, à raison d'actes ou d'omissions liés à des opérations établies ou autorisées par les Nations unies. La seconde consiste à persuader des États de conclure des accords d'immunité de juridiction, avec pour fondement l'article 98 du Statut184(*) et visant à empêcher ces États de remettre à la CPI les ressortissants américains accusés d'actes de génocide, de crimes de guerre ou de crimes contre l'humanité, sans prévoir que des enquêtes ou des poursuites soient engagées par les États-Unis ni par un autre État. Cette deuxième mesure pose le problème de validité de tels accords avec les États -Unis envers la Cour, notamment lorsqu'ils sont aussi signés par des États parties à la CPI. Il est indéniable que ces accords sont en contradiction avec le Statut de la Cour, et avec l'obligation de coopérer, dans la mesure où ils exigeraient que les États renvoient aux États-Unis un ressortissant américain recherché par la CPI au lieu de le remettre à celle-ci185(*).

En conséquence, des États parties ne devraient pas signer de tels accords, au risque de violer leurs engagements envers la Cour. En effet, même si l'on reconnaissait quelque validité à ces accords, leur application restreint la compétence de la Cour du fait de la réciprocité de certains d'entre eux186(*). De tels comportements sont alors susceptibles d'engager la responsabilité des États parties.

B- Les implications de la responsabilité internationale de l'État pour le non respect des engagements envers la CPI

La violation de leurs engagements internationaux par les États, déclenche à leur égard les mécanismes de la responsabilité des États. C'est le principe général qui s'applique en droit international187(*).

Quelle est alors la situation en cas de violation, dans le cas particulier du Statut de la CPI?

1- L'absence de règles spécifiques sur la mise en oeuvre de la responsabilité des États dans les textes régissant la Cour

Les règles contenues dans le Statut ont pour premiers destinataires les individus à l'égard desquels la Cour exerce sa compétence, même si les références aux États y sont fréquentes. Il est alors compréhensible que la question de la responsabilité des États n'y soit pas développée. De surcroît, les autres textes qui régissent la Cour et ses différents organes, tels que le règlement de procédure ou encore le règlement intérieur de l'Assemblée des États parties, sont aussi dépourvus de telles dispositions. Il semble donc qu'en matière de responsabilité des États, il n'existe pas de lex specialis dans le Statut.

Cela pourrait se justifier par le souci de la Cour de permettre à l'État en cause de contourner ces difficultés pour pouvoir remplir ses obligations. L'objectif dans le Statut n'est donc pas de sanctionner l'État, mais de l'aider dans une première approche à surmonter les obstacles qu'il rencontre. C'est ainsi que, dans le cas de l'obligation de coopération par exemple, l'État qui rencontre des difficultés dans l'application des règles du Statut « consulte la Cour sans tarder en vue de régler la question »188(*). Cette consultation suppose bien sûr que cet État ait la volonté d'honorer son obligation envers la Cour mais que des circonstances particulières l'en empêchent. C'est le cas par exemple de l'article 72 du Statut qui propose des solutions afin de garder la confidentialité des informations requises de l'État ou d'un témoin, qui peuvent toucher à la sécurité nationale. En effet, un État est en droit de ne pas communiquer de tels renseignements, mais lorsqu'il est indispensable pour la Cour d'en prendre connaissance, celle-ci propose d'autres voies de communication à l'État189(*).Cependant, le problème peut se révéler plus complexe lorsque la non coopération de l'État est due à une volonté manifeste de ne pas le faire. Dans ces circonstances, les consultations peuvent s'avérer inutiles ou ne même pas avoir lieu, compte tenu du fait que c'est à l'État de saisir la Cour pour les entreprendre.

En conséquence de l'échec des consultations, l'État peut voir engager sa responsabilité pour ne pas avoir coopérer avec la Cour. En effet, « si un État partie à une convention d'assistance judiciaire ne remplit pas ses obligations conventionnelles (...) sa responsabilité internationale est évidemment mise en cause ». Dans ces circonstances, il peut être fait appel aux règles générales en droit de la responsabilité.

2 - Le recours au droit international général en matière de responsabilité

Cette solution peut s'inspirer de l'article 25(4) du Statut selon lequel « Aucune disposition du présent Statut relative à la responsabilité pénale des individus n'affecte la responsabilité des États en droit international». Le Statut semble donc laisser la question au droit international général, c'est à dire l'essentiel des règles contenues dans le projet d'articles de la CDI. Ainsi, une violation d'obligation en vertu du Statut tombe dans le champ des violations telles que définies par la CDI. En conséquence, les conditions objectives et subjectives applicables en matière de détermination du fait internationalement illicite et les effets qui s'y attachent s'appliquent aussi dans le cadre de la CPI.

Ainsi, lorsque la Cour aura constaté dans le comportement d'un État partie un manquement à l'obligation de coopérer par exemple en vertu de l'article 87(7), les autres États parties auront le droit de réagir contre l'État en cause, en vue de le contraindre à coopérer. L'État lésé ainsi que les autres États parties seront habilités à réclamer au besoin par des contre-mesures pour le premier, et les autres par des moyens licites, le respect de l'obligation de coopérer. Il semble cependant, à la lecture de l'article 87(7), que seule la Cour a le pouvoir de constater le manquement à une obligation de coopérer. C'est uniquement après un tel constat et un référé à l'AEP ou au Conseil de Sécurité par la Cour, que les États parties seraient en droit de demander le respect de l'obligation de coopération et la réparation en ce qui concerne l'État lésé.

La question se pose cependant de savoir si la Cour a recours à ce pouvoir dans toutes les situations qui viendront à se présenter. La formulation de l'article 87(7)190(*) semble sans équivoque. La Cour ne prendra acte et n'en réfèrera que dans les cas de violation caractérisée, par exemple grave au sens de l'article 40 du Projet d'articles précité. En effet, dans la mesure où c'est pour elle une faculté que d'agir de la sorte, il sera nécessairement fait une distinction entre les violations : celles qui nécessitent de telles mesures et celles qui n'en valent pas la peine. Par voie de conséquence, il s'agira de savoir sur quels critères se fondera la Cour pour opérer une telle distinction. La première partie de l'article 87(7) ne fournit pas de réponse à cette préoccupation, alors il semble que la Cour appréciera discrétionnairement. L'on peut cependant avancer que le comportement de l'État notamment dans la recherche de solutions et l'importance de sa coopération pour la suite de la procédure devraient être pertinent.

En plus des réactions individuelles des États, peuvent également intervenir des sanctions qui émanent cette fois d'organes étatiques, des sanctions collectives.

Section 2 : Les sanctions collectives possibles

Les sanctions de la responsabilité internationale des États revêtent généralement deux formes. Les sanctions unilatérales des États qui se traduisent par le recours à des contre-mesures et les sanctions collectives qui interviennent dans le cadre des organisations internationales. Ces dernières peuvent se présenter sous la forme de mesures édictées par l'organe compétent de l'organisation ou d'actions entreprises par les États sur la base d'une habilitation de l'organisation. Dans le cadre de la responsabilité pour non coopération avec la CPI, il faut distinguer deux situations. Selon que la Cour a été saisie par un État ou par le Conseil de sécurité. Dans ces deux hypothèses en effet, la réaction de la Cour entraîne deux mécanismes différents de sanction (Paragraphe 1), dont l'un fait intervenir le Conseil de sécurité (Paragraphe 2).

Paragraphe1- Les mesures envisagées par la Cour

La Cour dispose-t-elle du pouvoir de sanction contre un État lorsque celui-ci engage sa responsabilité internationale en cas de non coopération ? Vraisemblablement non, en tout cas selon le Statut (A). À quel organe aura-t-elle alors recours pour faire sanctionner un État en cas de besoin (B) ?

A- Pas de sanctions prévues dans le Statut de Rome !

Tout au long du Statut, il n'est aucunement fait mention de quelque sanction que ce soit à l'encontre d'un État pour manquement à son obligation de coopérer. La Cour n'a donc nulle part reçu la compétence de prendre des sanctions dans une telle situation. Tout d'abord la responsabilité pénale des États n'est pas admise. En tout cas l'évolution actuelle du droit et de la pratique internationaux ne permet pas d'affirmer l'existence d'une telle responsabilité à l'égard des États191(*). Cette situation pourrait justifier le fait que le manque de coopération des États ne met pas à leur charge une responsabilité de nature pénale, au point de les mettre en accusation devant la Cour.

D'autres formes de pénalités auraient pu être définies dans le Statut à l'encontre des États, mais c'est sans compter avec le fait que le Statut a été établi par ces derniers. Il était donc peu probable, voire même impossible, que les États donnent à une juridiction internationale pénale, donc à des juges internationaux, des individus dotés de la plus grande indépendance et impartialité qui soit, le pouvoir de sanctionner leur violation, ne serait-ce que par des sanctions disciplinaires. En outre, le Tribunal pénal pour l'ex-Yougoslavie a reconnu dans l'arrêt Blaskic que : « Premièrement, le Tribunal international n'est pas investi du pouvoir de prendre des mesures coercitives contre les États. Si les rédacteurs du Statut avaient eu l'intention de lui conférer un tel pouvoir, ils l'auraient expressément prévu. Ce pouvoir ne peut être considéré comme inhérent aux fonctions d'une instance judiciaire internationale. Aux termes du droit international actuellement en vigueur, les États peuvent seulement être l'objet de contre-mesures prises par d'autres États ou de sanctions adoptées par la communauté internationale organisée, à savoir les Nations Unies ou d'autres organisations intergouvernementales. Deuxièmement, la Chambre de première instance et le Procureur ont tous deux souligné que, s'agissant des États, la "peine" accompagnant une injonction ne serait pas de nature pénale. Aux termes du droit international en vigueur, il est évident que les États, par définition, ne peuvent faire l'objet de sanctions pénales semblables à celles prévues dans les systèmes pénaux internes »192(*).

Ces arguments du tribunal emmènent à penser qu'en l'absence de dispositions expresses dans le Statut, la CPI qui est aussi une instance judiciaire internationale ne dispose pas d'un pouvoir de sanction contre les États parties.

Un tel pouvoir de sanction à l'encontre des États est généralement reconnu à des instances composées d'États. C'est dire que seuls les États sont habilités à sanctionner les États, car ils sont dotés de pouvoirs concurrents en vertu de leur égalité souveraine. Ainsi, en cas de non coopération d'un État, la Cour ne peut que constater cela, c'est à dire « prendre acte et en référer »193(*) aux organes compétents, que sont l'Assemblée des États parties ou le Conseil de sécurité selon les cas.

B- Le recours à l'Assemblée des États Parties

L'Assemblée des États  Parties (AEP) qui est le principal administrateur et le corps législatif de la Cour pénale internationale est régie par un règlement intérieur. Cet organe, composé comme son nom l'indique des États ayant ratifié le Statut, a en charge de mettre à la disposition de la Cour les moyens financiers et législatifs nécessaires à l'accomplissement de sa mission. Il a également l'attribution de modifier les dispositions du Statut dans les conditions prévues à l'article 123.La Cour se voit obligée de recourir aux États parties en cas d'obstacles dans la mise en oeuvre de la coopération avec les États. L'article 87(7) confère cette possibilité à la Cour, cependant l'article 112(2.f) précise que le pouvoir de prendre des mesures à l'encontre des États est du ressort de l'AEP. C'est du moins elle qui « examine toute question relative à la non coopération des États  ».

L'AEP peut être saisie d'une question de non coopération d'un État lorsque c'est un État qui a saisi la Cour de l'affaire en cause. Cette possibilité ne fait aucun doute lorsque c'est un État partie qui est concerné (art. 87(7)), mais il convient de préciser que les États tiers sont également soumis à la même procédure lorsqu'ils signent avec la Cour un accord de coopération, et qu'ils se rendent coupables du non-respect des obligations qui en découlent. La question que suscite ce recours à l'AEP est bien sûr celle de la nature des mesures que pourrait prendre cet organe et le cas échéant leur efficacité. Aucune précision n'est apportée à cette interrogation. Ni le Statut, ni le règlement de l'AEP, encore moins le règlement de procédure et de preuves ne prévoient expressément des sanctions. Les seules sanctions prévues dans le cadre de l'AEP sont la suspension du droit de vote à l'occasion des différentes sessions, mais cela est prévu pour les cas de retard dans le paiement des contributions financières. Quand on sait qu'en matière de sanction la précision est de rigueur, on peut bien se demander s'il y aura effectivement des sanctions émanant de l'AEP. En tout état de cause, si ces mesures devaient être appliquées aussi aux cas de non coopération, ce ne sont certainement pas les plus dissuasives.

De plus, la probabilité qu'une telle décision soit prise reste assez minime, dans la mesure où chaque membre dispose d'une voix194(*), en outre la périodicité des sessions (une fois l'an) laisse penser que beaucoup de temps pourrait s'écouler avant une réaction véritablement énergique de la Cour.

En l'absence de dispositions spécifiques dans les textes qui régissent la Cour, il peut donc être fait recours aux normes du droit international général en matière de sanction en réaction d'un acte internationalement illicite. On pourrait concevoir que les États prennent individuellement des mesures contre l'État fautif, dès lors que la Cour constate l'existence d'une situation de non coopération. C'est en conséquence un retour à la situation où les États parties réagissent en qualité d'État lésé ou autres, telle qu'évoquée plus haut. Les États parties pourront alors entreprendre des actions en vue de contraindre l'État responsable au respect de ses obligations. Tous ces éléments laissent croire que le risque pour un État d'être sanctionné par l'AEP pour non coopération avec la Cour est très infime. Par conséquent, les cas de non-respect par les États parties de l'obligation de coopérer peuvent survenir sans trop de crainte d'être véritablement sanctionnés.

Quid alors de la possibilité pour la Cour de recourir au Conseil de sécurité ?

Paragraphe2- L'intervention du Conseil de Sécurité des Nations Unies

Il convient de savoir à quel titre intervient le Conseil de Sécurité(A) et quels types de mesures il pourrait mettre en oeuvre en réaction à la violation de l'obligation de coopérer (B).

A- La Cour et le Conseil de sécurité : Une plus grande probabilité de sanctions effectives

D'emblée, contrairement aux tribunaux pénaux ad hoc pour l'ex-Yougoslavie et le Rwanda, la CPI n'est pas un organe créé par le Conseil de Sécurité. Il n'existe donc aucun lien quelconque de subordination de la première au second. En outre, ces deux organes ont des finalités différentes. La CPI, organe judiciaire a pour ambition de lutter contre l'impunité par la poursuite des auteurs de crimes internationaux, tandis que le Conseil de Sécurité organe politique se voit confier le maintien de la paix et de la sécurité internationale. Cependant, la compétence rationae materiae de la Cour couvre des crimes qui surviennent, dans l'immense majorité des cas, dans des situations de conflits armés.

En outre, ces crimes sont généralement commis dans des cas de menace ou de rupture de la paix et de la sécurité internationales, domaine de prédilection du Conseil de Sécurité. La Cour devra donc s'intéresser à des situations qui relèvent principalement du Conseil de sécurité. Il va sans dire que, de ce point de vu, les deux institutions vont oeuvrer sur les mêmes terrains. Les objectifs de justice de l'une et de paix et sécurité de l'autre seront donc amenés à se concilier pour un meilleur résultat. N'est-il pas vrai que la paix passe par la justice ? Il est donc tout à fait normal que les États aient voulu accorder au Conseil de sécurité un rôle dans l'activité de la Cour, sans pour autant lui conférer une main mise sur celle-ci. De plus, il n'est pas inutile de souligner que les États dans leur ensemble sont membres de l'ONU, qui elle-même est liée à la Cour par un accord de coopération en vue de mieux collaborer et coordonner leurs actions respectives. Il apparaît donc que les États membres de l'ONU ont en cette qualité une obligation de coopérer avec la Cour même s'ils ne sont pas parties à la Convention de Rome de 1998. Cette idée se justifie au regard des dispositions de la Charte des Nations Unies. En effet, selon la Charte « les membres de l'Organisation donnent à celle-ci pleine assistance dans toute action entreprise par elle (...) ». En l'absence de dispositions spécifiques dans l'accord de coopération, il n'est pas contradictoire de dire que la collaboration avec la CPI, peut s'inscrire aussi dans les actions de l'Organisation au titre de ses innombrables missions. Cette obligation de coopérer avec la Cour pour les membres de l'ONU ne devrait toutefois être reconnue qu'en cas de résolution expresse des organes de décision des NU dans ce sens, précisément du Conseil de Sécurité. Ce pourrait être le cas lorsque la saisine émane de ce dernier agissant sur la base du chapitre VII de la Charte. Ceci s'explique par le fait que l'accord ne lie pas les États pris individuellement, mais l'ONU avec une personnalité distincte de celle de ses membres.

La probabilité pour l'AEP de sanctionner les États qui ne coopèrent pas étant minime, il est important que le Conseil de sécurité puisse se montrer plus rigoureux. D'emblée, les États membres des Nations Unies ont une obligation en vertu de l'article 25 de la Charte de l'ONU d' « accepter et d'appliquer les décisions du Conseil de Sécurité (...) ».

De plus, la décision par le Conseil de saisir la Cour est prise en vertu du chapitre VII, ce qui lui donne encore plus d'autorité à l'égard des États195(*). De surcroît, les cas de recours au Conseil de sécurité sont limités aux situations qui ont été déférées par lui. Le Statut veille en effet à limiter les interventions du Conseil aux cas qui entre dans sa compétence en matière de sanction196(*). Il n'intervient donc pour une éventuelle sanction que lorsqu'il est à l'origine de la saisine de la Cour. Faire intervenir le Conseil de Sécurité peut être une hypothèse qui présente plus de contraintes pour les États. Depuis la fin de la guerre froide, cet organe est devenu plus efficace dans son action et a acquis plus de dynamisme dans ses actions de maintien de la paix. En témoignent les nombreuses décisions et interventions dans les multiples conflits qui sont nés ou perdurent encore. Il apparaît en effet que les décisions du Conseil de Sécurité, notamment les sanctions à l'encontre d'États violant les règles internationales ont été dans leurs majorités effectives, et ont été entourées d'une autorité indéniable, même si leur efficacité n'a pas toujours été avérée. De la première crise du Golf aux conflits en Afrique, en passant par la création des tribunaux ad hoc, les États ont reconnu dans les décisions du conseil de sécurité des obligations dont il fallait veiller au respect197(*). Certes, le caractère éminemment politique et le mode de fonctionnement interne de cet organe jettent un léger discrédit sur ces actions. Cette réalité n'enlève rien au fait que le Conseil reste encore le seul organe disposant de moyens de sanction effectifs contre les pays de la Communauté Internationale.

Au regard de la situation actuelle des enquêtes de la Cour où seulement une affaire sur les cinq est à l'initiative du Conseil, les cas où il pourra intervenir sont très peu nombreux. En conséquence, les situations de non coopération d'États qui viendront à être éventuellement sanctionnées risquent fort d'être limitées.

B- La nature des mesures du Conseil de Sécurité

En tant qu'organe indépendant, le Conseil a une discrétion totale dans le choix des mesures à prendre lorsqu'il est interpellé par la Cour. En outre, il n'apparaît nulle part que la Cour peut suggérer au Conseil les mesures à envisager. Le Conseil devrait avoir recours aux moyens traditionnels dont il dispose dans sa mission de maintien de la paix et de la sécurité internationale en vertu du chapitre VII de la Charte. Le but étant bien sûr d'amener l'État en cause à obtempérer et à permettre par sa collaboration le bon déroulement du travail de la Cour là où son concours est nécessaire.

Le chapitre VII de la Charte confère au Conseil de Sécurité un pouvoir de décision très étendu quant aux mesures qui peuvent être prises. En effet, il peut sur cette base juridique prendre aussi bien des mesures « n'impliquant pas l'emploi de la force armée»198(*)que celles qui peuvent faire intervenir l'usage de la force. C'est ainsi que dans le cadre des premières, le Conseil a mis en place les tribunaux ad hoc pour l'ex-Yougoslavie et pour le Rwanda, institué un embargo contre l'Irak ou encore la mise en place du programme pétrole contre nourriture toujours à l'encontre du même pays. Concernant les secondes mesures, l'on peut citer l'envoi de contingents de casques bleus comme force d'interposition sur les territoires en conflit ou encore l'autorisation donnée aux États par le Conseil d' « user de tous les moyens nécessaires pour faire respecter et appliquer la résolution (...) »199(*). Dans cette dernière, il apparaît que le Conseil peut lui-même prendre des mesures ou laisser le soin aux États de les engager sous son contrôle.

Une approche comparative montre cependant, avec l'expérience des tribunaux ad hoc, que dans la pratique le Conseil de Sécurité est très réticent lorsqu'il est question de prendre des sanctions pour contraindre les États qui coopèrent. En effet, le Conseil s'est maintes fois abstenu de prendre des sanctions quand il en avait l'occasion et quand il était en droit de le faire. Ainsi, par exemple dans la Résolution 1019 (1995) il s'est contenté de condamner verbalement les autorités serbo-bosniaques qui avaient été mises en cause par le TPIY pour leur manque de coopération. En outre, lorsque le gouvernement Yougoslave a en 1998 expressément interdit l'entrée du procureur du TPIY sur son territoire, commettant ainsi une violation de son obligation de coopérer avec le tribunal, le Conseil qui a été interpellé n'a pris aucune sanction digne de ce nom comme il fallait s'y attendre. Dans la résolution prise à cette occasion, le Conseil de Sécurité n'a fait que réaffirmer l'obligation de coopération à la charge de tous les États et de la Yougoslavie en particulier tout en condamnant cette dernière. Mais une fois de plus, aucune sanction ne s'en est suivie. Ceci traduit malheureusement les limites de ce pouvoir de sanction du Conseil de Sécurité.

Pour des raisons d'opportunité, le Conseil peut souvent donc préférer ne pas prendre de mesures contraignantes, spécialement pour réprimer le manque de coopération. Il apparaît en certaines circonstances que le maintien de la paix et la justice pénale ne puisse être mis en oeuvre, en tous cas au même moment, et que le premier vienne à prendre le pas sur la seconde, quelques fois pour mieux permettre cette dernière. Sanctionner un État avec lequel sont engagées des négociations de paix lorsqu'il est impliqué dans un conflit n'est vraisemblablement pas une mesure opportune pour le Conseil de Sécurité. Il n'en demeure pas moins que le Conseil reste le plus apte à édicter des sanctions susceptibles d'effectivité et aussi d'efficacité pour obliger les États à coopérer.

CONCLUSION DU CHAPITRE

Aux termes de ce chapitre consacré sur l'étude des sanctions possibles qui peuvent être infligées aux États qui failliraient dans leurs obligations envers la Cour, il est important de souligner que le Statut n'a rien prévu comme sanctions à cet effet. Deux raisons peuvent justifier une telle absence. La première serait due au fait que la Cour a compétence pour juger uniquement les personnes physiques et non les personnes morales telles que les États. La seconde raisons résiderait sur la conception selon laquelle les États réunis lors de l'adoption du Statut de Rome ne pouvaient pas donner plein pouvoir à la Cour de limiter leur souveraineté.

Cependant, l'absence de régime de sanctions dans le Statut ne signifie pas que les États non coopérants ou délinquants peuvent s'en sortir impunis. Non ! Le fait est qu'ici, la Cour peut recourir à certains organismes pour sanctionner l'État qui manquerait à l'une quelconque de ses obligations envers elle. Parmi ces organismes on peut citer le Conseil de Sécurité de l'ONU, qui est l'organe des Nations unies qui veille à la sécurité et à la stabilité de la paix dans le monde ; le conseil des États parties aux Statut qui assure l'exécutif des affaires concernant la Cour. On peut également augmenter à cette liste l'Union européenne, l'Union africaine bien que ces derniers temps cette dernière présente une certaine réticence envers la Cour.

Une fois saisie par la Cour, ces organes peuvent prendre des mesures à l'encontre des États mis en cause. Mais il reste que ces mesures (l'embargo, la sortie d'un État de la Communauté - telle que l'Union européenne, le Conseil des États du Statut de Rome - par exemple) ne sont pas efficaces. Car l'on a observé au cours de ces dernières décennies les États membres du Statut violés de manière flagrante les clauses dudit Statut. L'actualité en Afrique du Sud nous en dit énormément. Pour ces raisons, il est important pour les rédacteurs du Statut de se pencher sur la possibilité d'introduire des sanctions pénales contre les États telles que les amendes, plus encore des peines privatives de liberté contre les dirigeants des États. Car au lieu que les populations souffrent des effets de l'embargo du fait de la maladresse de ces dirigeants, il vaut mieux que ceux-ci soient punis tous seuls.

CONCLUSION DE LA SECONDE PARTIE

Dans cette seconde partie, il était question pour nous d'analyser le rapport de collaboration entre la Cour et les juridictions nationales, beaucoup plus en terme d'entraide répressive verticale.

Selon le Statut actuel, il faut bien reconnaître que le bon fonctionnement de la Cour dépend de la bonne volonté des États parties aux Statut. Il leur appartient également le pouvoir de contrôler les activités de la Cour par l'Assemblée des États parties200(*). Il faut aussi dire que les États contribuent financièrement au fonctionnement de la Cour201(*).

Les États parties sont les seuls agents exécutifs de la justice pénale internationale d'après le Statut. Or le projet initial de doter la Cour d'une véritable police fut abandonné lors de l'adoption du Statut. Par contre, les États représentés à Rome avaient opté pour une prééminence de la Cour sur les États, ce qui est contraire à l'entraide traditionnelle (entraide horizontale), qui est généralement très soucieuse des intérêts des États. Le Statut prévoit ensuite que les États « coopèrent pleinement avec la Cour dans les enquêtes et les poursuites qu'elle mène pour les crimes relevant de sa compétence »202(*). Une telle coopération est indispensable surtout pour arrêter et/ou remettre une personne à la Cour et pour recueillir les preuves d'une infraction. À ce sujet, la demande d'arrestation et de remise notifiée par la Cour à un État requis ne peut être contestée par cet État lorsque la personne poursuivie a déjà été jugé ou acquitté203(*), si une enquête ou une procédure est en cours dans cet État sur une affaire différente de celle qui fait l'objet de la demande de remise204(*) ou si un incident d'irrecevabilité a été soulevé devant la Cour205(*).

Les modalités d'arrestation et de remise suivent la voie normale prévue par les États (décision de l'exécutif, d'un tribunal, etc.), sauf précisément sur la question de la règle non bis in idem qui doit être tranchée par la Cour.

CONCLUSION GÉNÉRALE

Au terme de nos recherches consacrées à l'étude de la Cour pénale internationale et les juridictions internes des États, il était question pour nous de nous intéresser aux relations qui existent entre ces deux types de juridictions. La problématique majeure qui en ressortait était celle de la nature des rapports entre la Cour et les juridictions nationales. Après une étude plus ou moins détaillée, il en ressort qu'entre la Cour et les juridictions nationales, il existe des rapports de complémentarité et de collaboration. À cet effet, la question a d'abord été envisagée au niveau de la complémentarité entre les deux juridictions, avant d'être examinée dans le cadre de la collaboration.

Dans le premier cas, le principe de complémentarité donne priorité de compétence aux juridictions nationales. La cour étant une juridiction subsidiaire à ces dernières, ne pourra avoir compétence que si les juridictions nationales ne réagissent pas. C'est pour cette raison qu'il a été donné de dire que les rapports de complémentarité qui existent entre la Cour et les juridictions internes, donnent d'une part, une priorité de principe aux juridictions nationales en matière de compétence sur les crimes relevant de la compétence de la CPI et d'autre part, une primauté conditionnée à cette dernière. Dans le second cas, les États ont une obligation de collaborer avec la Cour, ceci du fait de la protection et la garantie de la paix internationale et surtout aussi pour lutter contre l'impunité des auteurs des crimes atroces. Lequel implique inéluctablement la soumission des États parties au Statut, et dans une certaine mesure les États non parties, à certaines exigences.

Les relations entre la Cour et les États parties posent des problèmes extrêmement complexes qui sont loin d'être résolus par le Statut, sans compter ceux qui proviennent des États non parties. L'avènement de la CPI aura au moins eu le mérite d'obliger les États à établir une espèce de code de droit international pénal (ce qui reste encore une utopie). Par contre, le bon fonctionnement de la Cour dépend tellement de la volonté des États si bien qu'on peut se demander si cette institution peut véritablement être qualifiée de supranationale (par opposition à internationale). Une telle dépendance n'est pas tellement surprenante, au vu de la constitution actuelle de la société internationale. Et peut-être vaut-il mieux que la CPI se plie et s'adapte à la réalité plutôt qu'elle intervienne comme une pièce rapportée d'un système qui l'ignorerait, voire la ridiculiserait du fait de prétentions inatteignables.

Finalement, l'effet principal de la CPI devrait avoir lieu en amont, à savoir que par ses prérogatives, la Cour devrait inciter, voir obliger les États à poursuivre et juger eux-mêmes les auteurs de crimes de génocide, crimes contre l'humanité, crimes de guerre ou crimes d'agression. Si cela était le cas, l'institution de la CPI serait déjà un succès. Et qui sait, peut-être que le Conseil de Sécurité ou l'Assemblée des États parties pourraient, à terme, donner un tonus incontestable à cette juridiction pénale internationale qui est en fait la première dans l'histoire. C'est sur cette note d'espoir que cette étude arrive à terme. Il semble cependant qu'une thèse s'arrête mais ne se finit pas. L'espoir est que ce travail puisse se prolonger par d'autres études, qu'il constitue une souche de recherches encore plus approfondies. En tout cas c'est un souhait.

ANNEXES
LISTE DES ANNEXES

1 - Appel de la République de Côte d'Ivoire sur la décision de la chambre préliminaire I « relative à l'exception d'irrecevabilité soulevée par la côte d'ivoire s'agissant de l'affaire concernant Simone Gbagbo ».

2 - Demande d'entraide judiciaire Cour pénale internationale Affaire « Procureur contre Mathieu NGUDJOLO CHUI » Demande d'observations écrites concernant la requête en libération provisoire introduite par la défense.

ANNEXE N°1

ANNEXE N° 2

BIBLIOGRAPHIE

I- OUVRAGES

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7. DOBELLE (J-F), La convention de Rome portant statut de la CPI, Annuaire français de Droit international, V 44, 1998, p.11

8. FAUVEAU IVANOVIC (N.), La durée des procès internationaux et le droit au procès équitable, Revue québécoise de droit international (hors-série 2010), p.56

9. FLAMME (J.), L'affaire LUBANGA au stade préliminaire devant la CPI : Une primeur historique, également pour les droits de l'homme et les droits de la défense, Revue québécoise de Droit International (hors-série), 2010, Pp.27-33

10. FOURNIER (A.) et BRACH-THIEL (D.), Extradition, Rép. Dalloz pénal, février 2005, n°5, Pp. 11-18

11. GUINCHARD (S), La justice pénale internationale, entre le devoir d'exister et le droit de pardonner in la Gazette, 4juillet 2002 n°185, Pp. 29-35

12. KEUBOU (Ph.),

- L'adaptation des législations internes aux exigences de la convention de Rome : Étude comparative du Cameroun et de quelques pays européens, RSC, n°4, octobre-décembre 2004, Pp. 11-15

- Les crimes contre l'humanité en droit camerounais, Annales de la Faculté des Sciences Juridiques et Politiques de l'Université de Dschang Edition spéciale droit de l'Homme, T4, 2000, p.53

13. KIRSCH (Ph.), La Cour pénale internationale face à la souveraineté des États, in DELMAS -MARTY (M.) et CACESSE (A.) (dir.), Juridictions internationales et crimes internationaux, Paris, PUF, 2002.

14. La lettre de la CPI, La défense, angulaire de toute procédure judiciaire, 12 août 2004, en ligne : ICC-CPI<http://www.icc-cpi.int/NR/rdonlyres/icc NL12200408_Fr.pdf. « L'une des pierres angulaires de toute procédure judiciaire.........et que la justice l'emporte ».

15. LATTANZI (F.), La compétence de la CPI et le consentement des États, in Revue générale de droit international public, Paris, Pedone, n°2, 1999.

16. LEGAL (A.), La notion d'infraction politique au regard de l'extradition, RSC 1968.

17. MAHOUVE (M.), les juridictions pénales internationales, juridispériodique, n°59, juillet-août-septembre 2004, Pp. 12-16.

18. MASSE (M.), L'entraide judiciaire internationale : loi du 09 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité (le mandat d'arrêt européen), RSC n°2, 2004, Pp.470-476.

19. MBOKANIG (J.), L'impact de la stratégie de poursuite du procureur de la CPI sur la lutte contre l'impunité et la prévention des crimes de droits international, Droits fondamentaux, N°7, janvier 2008-décembre 2009, Pp.173-180

20. SCHABAS (W.A.), Droit pénal international et droit international des droits de l'homme : Faux frères ? in Henzelin, et Roth, Le droit pénal à l'épreuve de l'internationalisation, Paris, Genève, Bruxelles : LGDJ, Georges librairie de l'université, Bruylant, 2002, Pp.209-211

21. SERRES (F.), La répression des crimes contre l'humanité en Afrique, la Gazette du palais, 29 décembre 2011, n°363, Pp.80-83

22. SYR (J-H.), Présomption d'innocence et présomption de culpabilité, in A-H NADJAFI, J. BORRICAND, J. LASSALLE, J.H SYR, D. AUGER, Problèmes actuels de science criminelle XIII, Presse Universitaire d'Aix-Marseille 2000, Pp.62-65

23. SZUREK (S.),  La formation du droit international pénal, ASCENSIO (H.), DECAUX (E) et PELLET (A.) (dir.), Droit international pénal, Ed. Pedone, 2000, Pp.42-47

24. TINE (A.), La Cour pénale internationale, l'Afrique face au défi de l'impunité, Ed.Raddho, Dakar, 2005, Pp.29-39

25. VANDEN WIJNGAERT (C.), La définition du délit politique dans la théorie et la pratique de l'extradition, Mélange Bouzat, Pp.1-5

26. Les chroniques de droit pénal international du professeur Michel MASSE dans la revue des sciences criminelles et de droit pénal comparé :

· Actualité française de l'entraide judiciaire internationale, RSC, n°4, 2001, Pp.63-69 ;

· L'entraide judiciaire internationale (suite) loi sus évoquée, Extradition, RSC n°4, 2004, Pp.70-71

IV- LEGISLATIONS, CONVENTIONS ET REGLEMENTS

1. Accord sur les privilèges et immunités de la cour, Adopté lors de la première session de l'Assemblée des États parties du 03 au 10 septembre 2002, N°ICC -ASP/1 /3.

2. Charte des Nations unies .

3. Code de conduite professionnelle des conseils, adopté par consensus à la troisième séance plénière des conseils, 02 décembre 2005, N°ICC-ASP/4/32.

4. Loi n°2016/007 du 12 juillet 2016, portant code pénal camerounais, journal officiel de la République du Cameroun du 08 août 2016, p.5.

5. Loi n°2005/007 du 27 juillet 2005, portant code de procédure pénale camerounaise, journal officiel de la République du Cameroun du 01 janvier 2007, Pp.104 et Ss.

6. Projet d'articles sur la responsabilité de l'État pour fait internationalement illicite-CDI, 2001, sur le site, hrlibary.umn.edu/instee/Fwrongfulacts.pdf.

7. Règlement de la cour, Adopté par les juges de la Cour lors de la cinquième session plénière, 26 mai 2004, N°ICC-BD/01-01-04.

8. Règlement du Greffe, Adopté par le greffier, 06 mars 2006, N°ICC-BD/03-01-06.

9. Règlement de preuve et de procédure, Adopté par l'Assemblée des États parties lors de la première session à New York, 10 septembre 2002, N°ICC-ASP/1/3.

10. Statut de Rome de la CPI, Adopté par la conférence des plénipotentiaires des Nations Unies sur la création d'une cour criminelle internationale, 17 juillet 1998, N°A/CONF.183/9.

V- JURISPRUDENCE

Affaire, Le procureur c. Simone Gbagbo, Décision de la Chambre préliminaire I de la CPI, sur l'exception d'irrecevabilité soulevée par la Côte d'Ivoire, 11 décembre 2014,icc02/1101/12,47RedtFRA,para65 : http://icccpi.int/iccdocs/doc/doc/1882724.pdf.

TABLE DE MATIÈRES

AVERTISSEMENT i

DÉDICACE ii

REMERCIEMENTS iii

RÉSUMÉ v

ABSTRACT vi

SOMMAIRE vii

INTRODUCTION GÉNÉRALE 1

2 - Les limites à la souveraineté des États 19

Section 2 : Le contenu de la priorité 28

Paragraphe1 - L'obligation d'extradition ou de poursuite 28

Paragraphe2 - Le devoir de coopération des États 33

CONCLUSION DU CHAPITRE 38

CHAPITRE II : LA SUBSIDIARITÉ DE COMPÉTENCE DE LA COUR 40

Section 1 : Le refus des États de poursuivre ou de juger les auteurs des crimes graves. 40

Paragraphe1-Le déni de justice : une notion implicite contenue dans le Statut de Rome 41

Paragraphe2- La notion de manque de volonté et le Statut de Rome 44

Section 2 : L'incapacité de poursuite ou de jugement des États 46

Paragraphe1-La notion d'incapacité des juridictions nationales 46

Paragraphe2-La problématique de l'interruption de l'action de la CPI par un État jadis incapable de connaître une affaire 49

CONCLUSION DU CHAPITRE 53

CONCLUSION DE LA PREMIÈRE PARTIE 55

SECONDE PARTIE : LA COLLABORATION ENTRE LA COUR ET LES JURIDICTIONS NATIONALES EN MATIÈRE DE POURSUITES 56

CHAPITRE I : LES MÉCANISMES D'ENTRAIDE RÉPRESSIVE VERTICALE 58

Section 1 -La participation des États à la procédure devant la Cour : l'assistance judiciaire et policière et l'exécution des sentences 58

Paragraphe 2- L'exécution des sentences 61

Section 2- La spécificité de la participation des États parties au fonctionnement de la Cour 62

B- L'adaptation par les États de leurs législations nationales 64

Paragraphe 2- Les heurts de la collaboration entre la Cour et les États parties 66

A- Les exceptions au principe de la coopération entre les États et la CPI 66

B- Les difficultés liées à la coopération des États et la CPI 67

CONCLUSION DU CHAPITRE 69

CHAPITRE 2: LES SANCTIONS POSSIBLES DE LA NON COLLABORATION DES ÉTATS AVEC LA COUR 70

Section 1 : Le droit international général et la responsabilité des États 70

Paragraphe1-La responsabilité internationale de l'État en cas de non coopération avec la Cour au regard du droit international général sur la responsabilité. 71

1- La réparation du préjudice par l'État fautif 76

2- Les réactions possibles des autres États à un fait internationalement illicite 77

a- La détermination l'État pouvant invoquer la responsabilité internationale 78

b- Les actions possibles de l'État lésé et des États autres que l'État lésé contre l'État responsable 79

Paragraphe2-La mise en oeuvre de la responsabilité internationale dans le cadre de la Cour Pénale Internationale 80

A- Les arguments de la non coopération 80

1- Les obstacles juridiques à la coopération des États avec les juridictions pénales internationales 81

a- Les immunités internationales 81

b- Les Incompatibilités avec d'autres obligations internationales 82

2- Les raisons d'ordre politique 84

a- La situation du Soudan 84

b- L'attitude des États -Unis face à la Cour 85

B- Les implications de la responsabilité internationale de l'État pour le non respect des engagements envers la CPI 86

1- L'absence de règles spécifiques sur la mise en oeuvre de la responsabilité des États dans les textes régissant la Cour 86

2 - Le recours au droit international général en matière de responsabilité 87

Section 2 : Les sanctions collectives possibles 88

Paragraphe1- Les mesures envisagées par la Cour 89

A- Pas de sanctions prévues dans le Statut de Rome ! 89

B- Le recours à l'Assemblée des États Parties 90

Paragraphe2- L'intervention du Conseil de Sécurité des Nations Unies 92

A- La Cour et le Conseil de sécurité : Une plus grande probabilité de sanctions effectives 92

B- La nature des mesures du Conseil de Sécurité 94

CONCLUSION DU CHAPITRE 96

CONCLUSION DE LA SECONDE PARTIE 97

CONCLUSION GÉNÉRALE 98

ANNEXES 101

TABLE DE MATIÈRES 124

* 1 Propos de l'ex-Secrétaire Général des Nations Unies au sujet de l'avènement de la Cour pénale internationale cités dans le journal le Monde du 04 août 1998.

* 2 Gordon, Gregory S, the trial of Peter Von Hagenbach : Reconcilling history, historiography, and international criminal law, February 16, 2012. Available at SSRN: http//ssrn.com/abstract=2006370 or http://dx.doi.org/10.2139/ssrn.2006370, p.3.

* 3 ou Pierre de HAGENBACH ou Pierre d' ARCHAMBAULT.

* 4 Au Moyen Age, dans la France du Nord, cette expression désigne un officier remplissant les fonctions judiciaires, militaires et financières au nom du Roi. Elle désigne également le titre que portaient certains magistrats, en Italie, en Suisse, en Allemagne. (V. Le Dictionnaire Universel francophone)

* 5 Région historique de France. Au IVèmes, les Alamans s'en emparent. Après le traité de Verdum en 843, la région revient à l`Allemagne en 870. Dès le XIIèmes., elle connait une prospérité économique, puis culturelle. La guerre de Trente Ans la dévaste et elle est réunie à la France en 1648. En 1871, elle devient allemande, entre 1919 et 1940 elle devient française, puis allemande, et enfin française en 1945.

* 6 Gordon, op cit, p.10.

* 7 Le Tribunal Militaire International pour l'Extrême-Orient a été créé le 19 janvier 1946 par la proclamation spéciale du général américain Marc Arthur, Commandant suprême des puissances alliées. Mais des considérations politiques ont empêché la mise en accusation de l'empereur du Japon HIRO-HITO comme criminel de guerre (décision motivée par la nécessité de préserver son image, du moment où il avait accepté sans condition la capitulation du Japon. En revanche, pour des raisons quasi personnelles liées à la guerre aux Philippines, le général Marc Arthur ordonna le procès du général japonais Tomoyuki Yamashita, tenu pour responsable et condamné pour les actes de ses subordonnés dont il n'avait pourtant pas eu connaissance.

* 8 TINE (A.), La Cour pénale internationale, l'Afrique face au défi de l'impunité, Dakar, Ed. Raddho, P13.

* 9 SZUREK (S.), La formation du droit international pénal, Ascensio (H.), DECAUX (E.) et PELLET (A.) (dir), Droit international pénal, Paris, Ed. Pedone, 2000, P.7.

* 10 Un Tribunal Pénal International ad hoc est un tribunal qui dispose d'une compétence limitée à une situation de crise spécifique. Le conseil de sécurité de l'ONU en a créé deux. Un pour l' ex-Yougoslavie en 1993 et l'autre pour le Rwanda en 1994. Voir en ce sens MAHOUVE (M.), in les juridictions pénales internationales, Juridis périodique n° 59, juillet-août-septembre 2004, p.13.

* 11 La Rosa (A-M.), Juridictions pénales internationales : La procédure et la preuve, PUF, mars 2003, p.11.

* 12 La Rosa (A-M.), ibid. p.12.

* 13 Voir l'art. 227 du Traité de paix de Versailles.

* 14 Les Pays-Bas ont refusé d'extrader Guillaume II de HOHENZOLLERN, ex-Empereur d'Allemagne et principal responsable de la guerre. Ils ont soutenu que l'infraction était de nature politique et ne figurait pas dans la loi néerlandaise.

* 15 Ce projet est amorcé depuis le 08 août 1948 mais abandonné. La Commission est à nouveau requise alors qu'elle est en ce temps (1992) commise pour élaborer un projet de code des crimes contre la paix et la sécurité de l'humanité.

* 16 Il s'agit des crimes relatifs à l'épuration ethnique et les viols érigés comme armes de guerre en ex-Yougoslavie perpétrés entre 1991-1993.

* 17 LOMBOIS (C.), Droit pénal international, 2ème édition, Paris, Dalloz, 1979, n°415, p.13.

* 18 GLASER (S.), Introduction à l'étude du droit international pénal. P.11. cité par TAKAFO Léon, La répression des infractions internationales matérielles, Mémoire de Master II, Université de Dschang, 2011, p.3.

* 19 KEUBOU (Ph.), Les crimes contre l'humanité en droit camerounais, Annales de la Faculté des Sciences Juridiques et Politiques de l'Université de Dschang, édition spéciale « droit de l'homme », t4, 2000, p.77 et Ss.

* 20 Art. 7 al.1 du CPC : « La loi pénale de République s'applique à tous les commis sur son territoire ».

* 21 Art. 11 du CPC : « La loi de la République s'applique à la piraterie, au trafic de personnes, à la traite des esclaves, au trafic des stupéfiants commis même en dehors du territoire de la République ».

* 22 V. Convention de l'ONU du 10 décembre 1984 contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ; Convention du 25 septembre 1926 sur la traite des esclaves et celle du 07 septembre 1956 relative à l'abolition de l'esclavage.

* 23 KEUBOU (Ph.), Le droit pénal Camerounais et la criminalité internationale, Thèse de doctorat/ PhD, en cotutelle entre l'Université de Dschang et l'Université de Poitiers, octobre 2012, p.38.

* 24 BAUCHOT (B.), Sanctions pénales nationales et droit international, Thèse de Doctorat, Université de Lille, décembre 2007, p.11.

* 25 Art.6 du Statut de Rome.

* 26 Art.7 du Statut de Rome.

* 27 Art.8 du Statut de Rome.

* 28 La Cour exerce sa compétence au regard de ce dernier crime depuis la définition du crime d'agression dégagée d'après l'al.2 l'art.5 du Statut, par la conférence de révision du Statut tenue à Kampala en 2010.

* 29 LOMBOIS (C.), Droit pénal international, 2ème édition, Paris, Dalloz, 1979, n°415, p.537

* 30 -Huet (A.) Koering Joulin (R.), Droit pénal international, 3ème édition, Paris, PUF 2005, n°1, p.1.

* 31 « Mécanisme juridique par lequel un État (l'État requis), sur le territoire duquel se trouve un individu, remet ce dernier à un autre État (l'État requérant) afin qu'il le juge (extradition à fin de jugement) ou lui fasse exécuter sa peine (extradition à fin d'exécution). Voir Huet A., op.cit, n°255, p.397

* 32 Voir en ce sens Dongmo Tiodon (P.P), La coopération policière dans la zone CEMAC, Thèse de Master, Université de Dschang, 2012.

* 33 Parmi ces 121 pays on compte 31 pays membres du groupe des États d'Afrique ; 19 sont des États d'Asie et du Pacifique ; 18 sont des États d'Europe Orientale ; 28 sont des États d'Amérique Latine et des Caraïbes et 25 sont membres du groupe des États d'Europe Occidentale et autres états.

* 34 Art.17 (1a.) du Statut de Rome.

* 35 Le Statut de Rome fait référence aux juridictions « d'un État ayant compétence en l'espèce » (art.17).

* 36 Art.18(1) du Statut de Rome.

* 37 Art.19(2) du Statut de Rome.

* 38 Guillien (R.) et Vincent (J.), Lexique des termes juridiques, 10ème éd., Paris, Dalloz, 2010, p.520.

* 39 N'guyen (Q. D.), Daillier (P.) et Pellet (A.), Droit international public, 7ème éd., Paris, LGDJ, 2002, p.423.

* 40 Cf. La sentence arbitrale du 04 avril 1928, dans l'affaire l'île de Palmas, USA vs Espagne. RSA, 1928, Vol. II, Pp. 829 et Ss.

* 41 Lattanzi (F.), La compétence de la Cour pénale internationale et le consentement des états, in Revue Générale de Droit International Public, Paris, Pedone, 1999, n°2, p.425.

* 42 Cf. les observations de Bennouna (M.), « La création d'une juridiction pénale et la souveraineté des États », in Annuaire français de droit international, Paris, CNRS éditions, 1990, Pp.299-306.

* 43 Cf. Kirsch (Ph.), « La Cour pénale internationale face à la souveraineté des états » in Delmas-Marty (M.) et Cacesse (A.) (dir.), juridctions internationales et crimes internationaux, Paris, PUF, 2002, p. 353.

* 44 Cf. Romando (C.) et Boutruche (Th.) « Tribunaux pénaux internationalisés : état des lieux d'une justice hybride » in Revue Général de Droit International Public, Janvier-Mars 2003, n°1, Paris, Pedone, p.124.

* 45 Les termes ont été confondus dans un arrêt rendu par la CIJ en date du 09 avril 1949 sur le détroit de Corfou.

* 46 Cf. Noel (J.), Le principe de non-intervention : théorie et pratique dans les relations interaméricaines, Bruxelles, Bruylant, éd. De l'Université de Bruxelles, 1981, Pp.45 et Ss.

* 47 Refus de la Grande-Bretagne d'aider la Sainte-Alliance à réprimer des mouvements insurrectionnels en 1820, affirmation de la doctrine de Monroe en 1823.

* 48 Cf. Calvo (C.), Manuel de droit international public et privé, Paris, 1892, pp. 108-109 ; Heffter (A.G.), Le droit international public de l'Europe, Paris, 1866, Paragraphe44 ; Nys (E.), Le droit international, Bruxelles, 1905, t. II, p.191.

* 49 Batchom (P. E. J.), Les États, les organisations non gouvernementales et la transparence des industries extractions : la dialectique de la souveraineté et de la responsabilité, Thèse de doctorat /PhD, Université de Yaoundé II/ SOA, 2010, Pp.15 et Ss.

* 50 Cf. art.9 (2) du Statut du TPIY et art.8 (2) du Statut du TPIR.

* 51 Cf. le préambule, alinéa 10 et l'article 1 du Statut.

* 52 V. à ce sujet Dellamorte (G.),  Les frontières de la compétence de la Cour pénale Internationale : observations critiques, in Revue Internationale de Droit Pénal, Toulouse, Erès, vol. 73, 2002, pp. 23 - 57.

* 53 Ce principe recommande aux États de juger (tout au moins d'engager des poursuites sérieuses) ou, à défaut, d'extrader vers un État en mesure de le faire, les responsables des crimes internationaux se trouvant sur leur territoire. Cf. LA Rosa (A.-M.), Dictionnaire de droit pénal international, Termes choisis, Paris, P.U.F., 1998, pp. 1-5.

* 54 Ces raisons se retrouvent à l'article 17 du Statut.

* 55 Cf. l'article 17 (2).

* 56 V. à propos Dellamorte (G.), Les frontières de la compétence de la Cour pénale internationale : observations critiques, op.cit., pp.23-57.

* 57 Ibidem.

* 58 Arts. 25 et 103 de la Charte des Nations Unies.

* 59 L'amnistie est une «mesure qui ôte rétroactivement à certains faits commis à une période déterminée leur caractère délictueux (ces faits étant réputés avoir été licites, mais non pas ne pas avoir eu lieu) », Cf. Cornu (G.), Vocabulaire juridique, Association Henry CAPITANT, 7è Edition, Paris, PUF, 2005, p. 54. Les lois d'amnistie ne sont pas du ressort du pouvoir judiciaire mais plutôt du pouvoir législatif, mais elles ont une incidence directe sur l'activité et les décisions des tribunaux. C'est l'exemple de la loi algérienne dite de "concorde civile" (Loi n° 99-08 du 29 Rabie El Aouel 1420) adoptée par le parlement et promulguée en 2000, après le référendum de septembre 1999. Présentée comme une solution unique et inédite pour une issue de la crise, elle propose d'alléger les peines pénales, et de surseoir sous certaines conditions aux sanctions infligées aux personnes reconnues coupables d'exaction sur les populations civiles durant les années de crise. V. la loi en ligne, http://www.el-mouradia.dz/francais/algerie/histoire/loi_sur_la_concorde_civile.htm.

* 60 Cf. article10 de la loi n°65/LF du 24 novembre 1965 portant code pénal (1erlivre), PUA, Yaoundé, mai 2006.

* 61 Art. 695 de la loi n°2005/007 du 27 juillet 2005 portant code de procédure pénale, PUA, Yaoundé, 2010.

* 62 Voir en ce sens Hobbes (Th.), Le Léviathan, 2000 (1ère édition 1651), Paris, Gallimard, p. 1027. ; Rousseau (J.J.), Du contrat social, 1993 (1ère édition 1762), Paris, Gallimard, p.535.

* 63 Donnedieu de Vabres, Les principes modernes du droit pénal international, Paris, Recueil Sirey, 1928, p.86.

* 64 Voir en ce sens la résolution sur le droit pénal international adoptée à Varsovie du 1er au 5 novembre 1927, in Actes de conférence, Paris, Recueil Sirey, 1929, p.132.

* 65 Voir Affaire Lotus, Recueil des arrêts de la CPJI, Série A, N°10, arrêt du 7 septembre 1927 ; l'article 105 de la Convention de Montego Bay du 10 décembre 1982.

* 66 Voir en ce sens les quatre conventions de Genèvre du 12 août 1949, Art.49 de la Convention (I) ; Article 50 de la Convention (II) ; Art.129 de la Convention III et Art. 146 de la Convention IV.

* 67 On peut lire en effet, à l'article 6(c) du statut du Tribunal de Nuremberg, la définition des crimes contre l'humanité, c'est-à-dire : L'assassinat, l'extermination, la réduction en esclavage, la déportation, et tout autre acte inhumain commis contre toutes populations civiles, avant ou pendant la guerre, ou bien les persécutions pour des motifs politiques, raciaux ou religieux lorsque ces actes ou persécutions, qu'ils aient constitué ou non une violation du droit interne du pays dans lequel ils ont été perpétrés, ont été commis à la suite de tout crime rentrant dans la compétence du Tribunal, ou en liaison avec ce crime.

* 68 On peut les résolutions telles que : les résolutions n°3 (I) du 13 février 1946 et n°95 (I) du 11 décembre 1946 de l'Assemblée générale des Nations unies.

* 69 L'article 7 du Statut de Rome en définissant les crimes contre l'humanité dispose en effet que « Aux fins du présent Statut, on entend par crime contre l'humanité l'un quelconque des actes ci-après lorsqu'il est commis dans le cadre d'une attaque généralisée ou systématique lancée contre toute population civile et en connaissance de cette attaque :

a. Meurtre ; b. Extermination ; c. Réduction en esclavage ; d. Déportation ou transfert forcé de population ; e. Emprisonnement ou autre forme de privation grave de liberté physique en violation des dispositions fondamentales du droit international ; f. Torture ; g. Viol, esclavage sexuel, prostitution forcée, grossesse forcée, stérilisation forcée ou toute autre forme de violence sexuelle de gravité comparable ; h. Persécution de tout groupe ou de toute collectivité identifiable pour des motifs d'ordre politique, racial, national, ethnique, culturel, religieux ou sexiste au sens du paragraphe 3, ou en fonction d'autres critères universellement reconnus comme inadmissibles en droit international, en corrélation avec tout acte visé dans le présent paragraphe ou tout crime relevant de la compétence de la Cour ; i. Disparitions forcées de personnes ; j. Crime d'apartheid ; k. Autres actes inhumains de caractère analogue causant intentionnellement de grandes souffrances ou des atteintes graves à l'intégrité physique ou à la santé physique ou mentale

* 70 Cf. ILR, 36, p. 298.

* 71 Voir 612 F. Supra. 544 (N.D. Ohio 1985.)

* 72 Voir l'affaire Bosnie-Herzégovine c/ RFY, CIJ, Paris, Recueil Sirey, 11 juillet 1996, p.53.

* 73 Voir en ce sens la lecture de la loi sur le site : http://www.ulb.ac.be/droit/cdi/competence.html.

* 74 Huet (A.) et Koering-Joulin (R.), Droit pénal internationale, précité, n°139, p.26.

* 75 Cité par Henzelin (M.), Op. cit., p.130.

* 76 Bassiouni, (M.) Cherif & Wise, Edward (M), Aut Dedere Aut Judicare: The Duty to Extradite or Prosecute in International Law, Martinus Nijhoff Publishers, 1995, pp.3-5.

* 77 Ibid., p.40.

* 78 Ibid., p.5.

* 79 La maxime aut dedere aut judicare «correspond mieux au sens contemporain car, à strictement parler, elle n'implique pas l'obligation de «punir» mais plutôt celle de juger, ou même simplement de «prendre des mesures de poursuite» ». A/CN.4/571, Rapport préliminaire sur l'obligation d'extrader ou de poursuivre (« aut dedere aut judicare ») M. Zdzislaw Galicki, Rapporteur spécial, 12 juillet 2006.

* 80 Convention de la Haye pour la répression de la capture illicite d'aéronefs, 16 décembre 1970.

* 81 Bassiouni, M. Cherif & Wise M. Edward, Op. cit, p.15.

* 82 L'article 49, Convention de Genève pour l'amélioration du sort des blessés et des malades dans les forces armées en campagne, le 12 août 1949; L'article 50, Convention de Genève pour l'amélioration du sort des blessés, des malades et des naufragés des forces armées sur mer, le 12 août 1949 ; L'article 129, Convention de Genève relative au traitement des prisonniers de guerre, le 12 août 1949; L'article 146, Convention de Genève relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre, le 12 août 1949. Voir aussi: L'article 85 du Protocole additionnel aux Conventions de Genève du 12 août 1949 relatif à la protection des victimes des conflits armés internationaux, le 8 juin 1977.

* 83 Questions d'interprétation et d'application de la convention de Montréal de 1971 résultant de l'incident aérien de Lockerbie (Jamahiriya arabe libyenne c. États-Unis d'Amérique), mesures conservatoires, Ordonnance du 14 avril C.I.J, Recueil 1992, Opinion dissidente de M. Weeramantry, p. 179.

* 84 Selon l'article 7 de cette Convention: «L'État contractant sur le territoire duquel l'auteur présumé de l'une des infractions est découvert, s'il n'extrade pas ce dernier, soumet l'affaire, sans aucune exception et que l'infraction ait ou non été commise sur son territoire, à ses autorités compétentes pour l'exercice de l'action pénale. Ces autorités prennent leur décision dans les mêmes conditions que pour toute infraction de droit commun de caractère grave conformément aux lois de cet État». Convention pour la répression d'actes illicites dirigés contre la sécurité de l'aviation civile, signée à Montréal le 23 septembre 1971.

* 85 Questions d'interprétation et d'application de la convention de Montréal de 1971 résultant de l'incident aérien de Lockerbie, op.cit., Opinion dissidente de M. El-Kosheri, p. 214.

* 86 Questions d'interprétation et d'application de la convention de Montréal de 1971 résultant de l'incident aérien de Lockerbie, op.cit., Opinion dissidente de M. Bedjaoui, p.148

* 87 International Law Commission: The obligation to extradite or proscute «aut dedere aut judicare», Par Amnesty International, 3 février 2009, N° d'index: IOR 40/001/2009, disponible sur : https://www.amnesty.org/fr/documents/IOR40/001/2009/en/, (dernière consultation le 29 juillet 2015); Voir aussi: Audiencia Nacional, Juzgado Central de Instrucción Uno, D. Previas 331/1999 of 16 January 2008, Judge Santiago Pedraz, consideran do quinto.

* 88 LATTANZI (F)., « Compétence de la Cour Pénale Internationale et consentement des États », Op. cit, pp. 425- 444.

* 89 Cf. article 12 du Statut. A moins de la saisine par le Conseil de Sécurité qui agirait en vertu du chapitre VII de la Charte des Nations Unies. Il faudrait pour ce faire que la situation en cause rentre dans les conditions de l'article 39.

* 90 REY-DEBOVE (J.) et REY (A.) (dir.), Le petit Robert, Paris, Dictionnaire le Robert, 2002, p. 543.

* 91 Mochochoko (P.), « International cooperation and judicial assistance », in LEE S. R., The ICC, the making of the Rome statute. Issues, negociations, results, Kluwer law international, The Hague, London, Boston, 1999, p. 306.

* 92 Conformément à l'article 26 de la Convention de Vienne de 1969 sur le droit des traités.

* 93 Le préambule du Statut reconnaît les États comme responsables de la répression des crimes internationaux dont ceux qui figurent dans ses dispositions. Cf. le préambule du Statut alinéa 6.

* 94 Cet avis ne fait pas l'unanimité, certains estiment en effet que l'obligation de coopérer n'existe à l'égard des États non parties que sur la base d'un accord séparé entre ces derniers et la Cour. V. par exemple LAUCCI C., « Compétence et complémentarité dans le Statut de la future Cour Pénale Internationale », précité note 54, p. 141.

* 95 Cf. les arrêts du TPIY, Tadic, arrêt du 07 mai 1997, paragraphe 577; kupreskic et consorts, arrêt du 14 janvier 2000, paragraphe 520; Delalic et consorts, arrêt du 16 novembre 1998, paragraphe 306, sur le site http://www.un.org/icty/ (Visité le 30 décembre 2005); V. encore BOISSON DE CHAZOURNES L. et CONDORELLI L., << Quelques remarques à propos de l'obligation des États de « respecter et faire respecter » le droit international humanitaire « en toutes circonstances >>, in SWINARSKI C., Études et essais sur le droit international humanitaire et sur les principes de la Croix Rouge en l'honneurde Jean Pictet, CICR, Martinus Nijhoff, Genève, La Haye, 1984, pp. 17-35.

* 96 V. le Rapport du Secrétaire général des Nations Unies du 3 mai 1993 sur la création d'un Tribunal pénal international pour l'Ex-Yougoslavie (Document ONU S/25704, ch. 45), ainsi que l'Avis consultatif de la CIJ du 8 juillet 1996 sur la licéité de la menace ou de l'emploi d'armes nucléaires, Rec., 1996, para. 81-83. http://www.icj-cij.org/cijwww/ccases/cunan/cunanframe.htm (Visité le 30 décembre 2015).

* 97 Cf. l'article 1er commun aux conventions de Genève du 12 Août 1949.

* 98 Boisson de Chazournes ( L.) et Condorelli (L.), « Common article 1 of the Geneva Conventions revisited : Protecting a collective interests », in Revue Internationale de la Croix Rouge, n°837, Genève, CICR, 2000, pp. 67-87.

* 99 LA ROSA (A.-M.), Op. cit., p. 84. Cette affirmation devrait tout de même être nuancée selon la qualité d'État partie ou non au Statut.

* 100 Ce point de vue est partagé par PALMISANO (G.), « The ICC and Third States », in LATTANZI (F.) et SHABAS (W.), Essays on the Rome Statute of the international criminal court, précité note 72, pp. 419 et Ss; ou encore du même auteur «Cooperation by non-States parties», in LATTANZI F., The International Criminal Court, Comment On The Draft Statute, Naples, Editoriale Scientifica, 1998, pp. 339-366 ; également TRIFFTERER (O.), Commentary of the Rome Statute of the international Criminal Court : Observer's notes article by article, Baden Baden, Nomos Verlagsgesellschaft, 1999, p. 1061

* 101 Cf. art. 1er du Statut de Rome.

* 102 Cf. Hans W. Spiegel, Origin and Development of Denial of Justice (1938) 32 A.J.I.L.

* 103 Hans W. Spiegel, Origin and Development of Denial of Justice (1938) 32 A.J.I.L. 63.

* 104 Voir les nombreuses sources citées, notamment à l'article 20 (3b), dans Olivier J. Lissitzyin, « The Meaning of the Term Denial of Justice in International Law » (1936) 30 A.J.I.L. 633 [Lissitzyin].

* 105 Comme le soulignait l'arbitre Van Vollenhoven dans l'affaire Chattin, si la définition large du déni de

justice devait primer « there would exist no international wrong which would not be covered by the

phrase «denial of justice» and the expression would lose its value as a technical distinction » dans

Chattin (États-Unis c. Mexique) (1927), 4 R.S.A. 282 à la p. 286 [Chattin]. De même, pour De

Visscher, « appliquer ce terme à toute infraction quelconque de l'État à ses devoirs envers les étrangers, c'est lui enlever toute signification technique définie. Ainsi employée, l'expression perd toute valeur propre et n'est plus qu'une source de confusions ». Voir De Visscher, supra note 16 à la p. 386.

* 106 Plusieurs théories s'affrontent au sujet du fondement du déni de justice. Pour certains, l'État qui tolère certaines violations du droit des étrangers se fait le « complice » des crimes commis contre eux. Mais cette approche paraît trop large. Elle est peu à peu abandonnée au profit d'une vision qui fait de l'inefficacité des juridictions nationales une cause de responsabilité internationale spécifique. Voir Charles Cheney Hide, «Concerning Damages Resulting from a Duty to Prosecute » (1928, Pp. 140-142.

* 107 Typiquement, les crimes dont avaient à connaître les commissions arbitrales étaient des crimes crapuleux ou passionnels, plus rarement des crimes mettant en jeux directement des agents de l'État.

* 108 Witenberg (J-C), La recevabilité des réclamations devant les juridictions internationales (1932) 41 Rec. des Cours 1 à la p. 51.

* 109 Montefiore Borchard (E.), The Diplomatic Protection of Citizens Abroad, New York, Banks Law, 1915 aux pp. 28 et 354.

* 110 Dumas (J.), « Du déni de justice considéré comme condition de la responsabilité internationale des États en matière criminelle » (1929) 10 R.D.I.L.C. 277 à la p. 288.

* 111 Edwin D. Dickinson (E.D) et al. « Article 12. Aliens: Prosecution and Punishment » (1935) 29 A.J.I.L. Supp. 596 aux Pp. 596-597.

* 112 Andronico (O.) Adede, A Fresh Look at the Meaning of the Doctrine of Denial of Justice under International Law (1976) 14 Can. Y.B. Int'l Law 73.

* 113 Article 17(2 a) du Statut de la CPI: « La procédure a été ou est engagée ou la décision de l'État a été prise dans le dessein de soustraire la personne concernée à sa responsabilité pénale pour les crimes relevant de la compétence de la Cour visés à l'article 5 ;»

* 114 Article 17(2 b) : b) La procédure a subi un retard injustifié qui, dans les circonstances, est incompatible avec l'intention de traduire en justice la personne concernée...

* 115 Article 17 (2 c) : « La procédure n'a pas été ou n'est pas menée de manière impartiale ou indépendante mais d'une manière qui, dans les circonstances, dément l'intention de traduire en justice la personne concernée ».

* 116 BASSIOUNI (C.), « ICC Ratification... », op.cit., p.61.

* 117 Telle que la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme (article 9, 10, 11), le Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques (article 4, 6, 9, 14, 15), la Charte Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples (article 7), la Convention Américaine des Droits de l'Homme (articles 4, 7, 8, 9, 27), la Convention Européenne des Droits l'Homme (article 2, 5, 6, 7, 15), la 3ème Convention de Genève de 1949 (article 84-86, 99-107), la 4ème Convention de Genève de 1949 (article 33, 64-107), le Protocole Additionnel I de 1977 (article 6), les Principes Directeurs des Nations Unies applicables aux rôles des Magistrats et du Parquet et les Principes de base des Nations Unies relatifs au rôle du Barreau.

* 118 Cf. Mégret (F.), « Qu'est-ce qu'une juridiction incapable ou manquant de volonté au sens de l'article 17 du Statut de Rome ? Quelques enseignements tirés des théories du déni de justice en droit international », Revue québécoise de droit international, Québec, 2004, Pp.187-188.

* 119 Yirsob Dabire (D.), Le rôle et la place des États dans le fonctionnement de la Cour pénale internationale, DEA de droit public, Université de Genève, 2006, p.35.

* 120 Le Cameroun pour sa part a reconnu ces principes d'abord dans le préambule de la constitution du 18 janvier 1996 ensuite dans son code pénal précité: art.17 pour le principe de la légalité des délits et des peines « les peines et les mesures sont fixées par la loi et ne sont prononcées qu'à raison des infractions légalement prévues ; et l'art.3 pour le principe de la non rétroactivité : « Ne sont pas soumis à la loi pénale les faits commis antérieurement à son entrée en vigueur ou ceux qui n'ont pas été jugés avant son abrogation expresse ou tacite. »

* 121 Art. 53 (3 a) : « A la demande d'un État qui a déféré la situation (...) la chambre préliminaire peut examiner la décision de na pas poursuivre prise par le Procureur en vertu des paragraphes 1 et 2 et demander au Procureur de la reconsidérer. ».

* 122 Cf. l'article 127(2) du Statut.

* 123 Voir sur cette question en droit Français, G. LEVASSEUR, A.CHAVANNE ; J.MONTREUIL et B. BOULOC, Droit pénal général et procédure pénale, Paris, Sirey, 1999, p.112.

* 124 Les crimes poursuivis sont en effet « Les plus graves qui touchent l'ensemble de la Communauté Internationale », Cf. article 5 du statut de la CPI.

* 125 Article 42 in fine du Statut de la CPI.

* 126 YIRSOB (D.D.), op. cit, p.18. 

* 127 Article 16 du Statut de la CPI : « Aucune enquête ni aucune poursuite ne peuvent être engagées ni menées en vertu du présent Statut pendant les douze mois qui suivent la date à laquelle le Conseil de sécurité a fait une demande en ce sens à la Cour dans une résolution adoptée en vertu du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies ; la demande peut être renouvelée par le Conseil dans les mêmes conditions. »

* 128 Cette résolution positive doit être prise par un vote unanime de tous les membres permanents du Conseil de sécurité pour la suspension c'est-à-dire qu'il ne doit pas y avoir de veto contraire d'un membre permanent. Pour plus de détail, voir SHABAS (W.), An introduction to the International Criminal Court, 2ème édition, Cambridge University Press, 2004, pp.82 et Ss.

* 129 Luis Moreno OCAMPO cité par POITEVIN (A.), Les enquêtes et la latitude du Procureur, Droits fondamentaux, n°4, janvier- décembre 2004, p.1, disponible sur le site internet www. droits fondamentaux. Org

* 130 Cf. l'article 53(3) alinéa b du statut de la CPI.

* 131 Il s'avère souvent difficile d'une part d'obtenir l'arrêt des hostilités entre les différentes parties au conflit lorsque certains responsables sentent peser sur eux le risque de poursuites judiciaires pour leurs actions durant le conflit. D'autre part, il est difficile pour les victimes d'admettre une impunité totale des responsables même en contrepartie de l'arrêt du conflit ou des tensions. Voir à ce sujet NSANZUWERA (F.),  Les juridictions gacaca, une réponse au génocide rwandais ou le difficile équilibre entre châtiment et pardon  in BURGOGUE LARSEN (L.) (dir.), La répression internationale du génocide rwandais, Bruxelles, Bruylant, Pp.109-120.

* 132 Lombois (C.), Droit pénal international, Op.cit.

* 133 Cassese (A.), « Y a-t-il un conflit insurmontable entre souveraineté des États et justice pénale internationale ? », in CASSESE (A.) et DELMAS-MARTY M., Crimes internationaux et Juridictions internationales, Paris, P.U.F., 2002, p. 17.

* 134 Cf. article 15 de l'Accord sur les privilèges et immunités de la Cour Pénale Internationale (ICC-ASP/3/Res.1).

* 135 Cf. le Règlement de procédure et de preuve des TPIY et TPIR, règle 40. Ce pouvoir découle du mode de création de ces tribunaux. Les résolutions du Conseil de sécurité confèrent en effet une force obligatoire aux actes et décisions de ces tribunaux envers les États.

* 136 Cf. article 97 du Statut.

* 137 Cf. article 93(6) du Statut.

* 138 Cf. l'article 61 du Statut.

* 139 Cf. l'article 63 du Statut

* 140 Cf. l'article 59 du Statut.

* 141 Cf. Règlement de procédure et de preuve devant la CPI, règle n°103.

* 142 Cf. article 105 du Statut.

* 143 Cf. les articles 103(2) et 104(1) du Statut. Pour plus de détails sur cet aspect, V. LAMBERT-ABDELGAWAD E., « L'emprisonnement des personnes condamnées par les juridictions pénales internationales, les conditions relatives à l'aménagement des peines », in Revue de Science Criminelle et de Droit Pénal Comparé, (RSC), (Paris), janvier/mars 2003, pp. 162-171.

* 144 Il a en effet été créé un fond d'indemnisation des victimes des crimes relevant de la compétence de la CPI, et ce fond est alimenté en partie par les biens (et les produits de leur vente) appartenant aux coupables. Cf. le site http://www.icc-cpi.int/vtf.html .

* 145 Article 115 du Statut.

* 146 Le budget prévisionnel de la Cour pour 2005 s'élève à 70 millions d'euros, contre 56 millions d'euros de budget en 2004. www.icc-cpi.int .

* 147 Cf. Sassòli (M.), Droit pénal international et droit pénal interne : le cas des territoires se trouvant sous administration internationale , in ROTH R. et HENZELIN M., Le droit pénal à l'épreuve de l'internationalisation, Paris LGDJ, Genève GEORG, Bruxelles Bruylant, 2002, p. 121.

* 148 En Suisse par exemple, un service spécial appelé Service Central, a été créé pour assurer cette fonction (Cf. article 3 de la loi suisse citée à la note 124), ce qui constitue une avancée par rapport à la coopération avec les tribunaux ad hoc, qui conférait cette fonction à l'office fédéral de la justice (Cf. Arrêté fédéral relatif à la coopération avec les tribunaux internationaux chargés de poursuivre les violations graves du droit international humanitaire du 21 décembre 1995 ( RS 351.20), V. le site http://www.admin.ch/ch/f/rs/3/351.20.fr.pdf (visité le 30 mars 2015).

* 149 Cf. Henzelin (M.), «La compétence pénale universelle : une question non résolue par l'arrêt Yerodia », in Revue générale de droit international public, précité note 76, 2002, p. 833. Il est convenable d'insister ici sur la distinction qui existe entre l'obligation d'adapter la législation nationale et la souhaitable identité dans la définition des crimes dans la législation nationale avec celle du Statut. La première est une exigence du Statut tandis que la seconde n'est une manière de mettre en oeuvre cette exigence qui est laissée au libre arbitre des États parties.

* 150 Revue de droit militaire et de droit de la guerre, N° 42, Vol. 1 et 2, 2003, Bruxelles, p. 45 et Ss.

* 151 Ce sont les pays au sein desquels le droit interne et le droit international forment une source unique et sont applicables conjointement par les organes nationaux. Les règles internationales intègrent directement l'ordre juridique interne, sans une loi nationale d'insertion, dès qu'elles sont valablement acceptées. Cette thèse s'oppose à celle du dualisme. Le besoin de hiérarchiser se présente en cas de conflit entre ces deux droits. Dans ce cas la primauté peut être accordée au droit interne ou au droit international selon les systèmes. V. à ce sujet N'guyen (Q. D.), Daillier (P.) et Pellet (A.), Droit international public, Op. cit., p. 93 ; Combacau (J.) et SUR (S.), Droit international public, 6è éd., Paris, Montchrestien, p. 178.

* 152 La révision devait avoir en 2009, mais après plusieurs reports, elle a eu lieu plutôt en 2010 à Kampala. Et l'un des sujets qui était sur la table était la définition du crime d'agression comme le souligne l'article 5(2) du Statut.

* 153 Cf. le bulletin d'information n°7, mai-août 2005, de l'association Track Impunity ALways (TRIAL). L'Union Européenne reproche en effet à la Croatie de ne pas avoir encore livré au TPIY, le général Ante Gotovina se trouvant sur son territoire et qui est l'objet d'un mandat d'arrêt pour crime de guerre depuis 2001. Il faut rappeler que cette décision a été levée et la Croatie fait partie de l'Union européenne depuis le 1er juillet 2013, date de son adhésion.

* 154 Les règles de la responsabilité internationale de l'État sont essentiellement contenues dans le projet d'articles de la Commission du droit international de l'ONU (CDI) (Cf. DAVID E., VAN ASSCHE C., Code de droit international public, Bruxelles, Bruylant, 2è éd., 2004, pp. 431- 443), réaffirmé par la résolution de l'Assemblée Générale de l'organisation lors de sa séance plénière du 12 décembre 2001 (A/RES/56/83). V. également sur cette question, ALLAND (D.), Droit international public, Paris, P.U.F., 2000, pp. 399 et ss ; N'GUYEN Q. D., DAILLIER P. ET PELLET A., Droit international public, précité note 66, pp. 760 et ss ; CASSESE A., International Law, Oxford University Press, 2005, pp. 245 et Ss ; EVANS (D. M.), International Law, Oxford, Oxford University Press, 2003, pp. 445 et Ss. V. encore les commentaires du projet de la CDI, par la Commission elle-même dans son rapport de 2001 à L'AGNU, Doc. A/56/10, pp.29-365 (en ligne http://www.un.org/law/ilc/reports/2001/2001report.htm); et aussi CRAWFORD J., Les articles de la C.D.I. sur la responsabilité de l'État, introduction texte et commentaires, Paris, Pedone, 2003, 462 p.

* 155 Cf. Article 1 du projet d'articles de la CDI.

* 156 Cf. Article 2 du projet d'articles de la CDI.

* 157 Cf. Article 4 du projet d'articles de la CDI, Op. cit.

* 158 CASSESE (A.), International Law, précité note 179, p. 251.

* 159 Ibid.

* 160 Par exemple dans les conditions de l'article 72, si l'inexécution consiste en une rétention d'informations par l'État.

* 161 Cf. le rapport de AGO (R.) sur la responsabilité internationale des États, Annuaire de la Commission du Droit International, 1979, II, para. 55, p. 31.

* 162 Pour des développements sur les définitions et les conditions des circonstances excluant l'illicéité, v. CRAWFORD (J.), Les articles de la C.D.I. sur la responsabilité de l'État, introduction texte et commentaires, précité, Pp. 190-224.

* 163 Pour un exposé des deux thèses en présence, V. BOLLECKER-STERN (B.), Le préjudice dans la théorie de la responsabilité internationale, Paris, Pedone, 1973, pp. 36 et Ss.

* 164 Exemple de dommage immédiat, dans l'affaire du personnel diplomatique entre les États-Unis et l'Iran, où l'ambassade- territoire étatique par définition- des États-Unis a été violé et son personnel notamment les diplomates, pris en otage. V. sur la question des dommages EVANS (D. M.), International Law, précité, pp. 459 et Ss ; DUPUY (P.- M.), Droit international public, Paris, Dalloz, 2004, pp. 480 et Ss.

* 165 Dans une telle situation, le dommage se déduit de la règle primaire qui définit l'obligation de coopérer, ou du moins du non-respect de celle-ci. En conséquence, il n'est pas besoin de rechercher ailleurs que dans ce non-respect, un préjudice en plus des conditions objective et subjective pour que soit fondée la responsabilité. Cette idée est conforme à celle développée par la CDI au paragraphe 6 des commentaires de l'article 30 du projet d'articles.

* 166 Exemple du droit Camerounais avec les articles 1382 et Ss. Du code civil sur la responsabilité civile.

* 167 Cf. Article 31 du projet d'articles de la CDI.

* 168 « (L)a responsabilité internationale est aujourd'hui multiforme et comporterait, dans le cas général, cinq aspects différents : maintien de l'obligation de respecter la règle violée (article 29), cessation de la violation (article 30.1), assurances et garanties de non-répétition (art. 30(2)), réparation (art. 31) autorisation donnée à l'État lésé d'adopter des contre-mesures (article 49). », cf. STERN B., « Le concept de préjudice juridique », Op. cit, p. 9.

* 169 Arrêt du 13 Septembre 1928, CPJI, Série A, n°17, Pp. 4-65.

* 170 Le droit international reconnaît en effet le dommage moral depuis une sentence arbitrale de 1928, rendue dans l'affaire dite des veuves du Lusitania entre l'Allemagne et les USA, R.S.A. vol. VII, pp. 35-37.

* 171 Cf. article 34 du projet d'articles de la CDI.

* 172 Cf. article 37 du projet d'articles de la CDI. Cette constatation peut émaner de l'État responsable lui-même, ou encore d'une instance internationale. C'est le cas dans cette dernière hypothèse dans l'affaire du Rainbow Warrior entre la France et la Nlle Zélande, point 8 de la sentence arbitrale du 30 avril 1990. V. Revue Générale de Droit International Public, 1990, p. 878 ; ou encore dans l'affaire du mandat d'arrêt, en ligne http://www.icj-cij.org/cijwww/cdocket/cCOBE/ccobejudgment/ccobe_cjudgment_20020214.PDF, para. 75.

* 173 Il existait aussi la notion de mesures de rétorsion. Elles sont observées par exemple en cas de manquement à des règles de courtoisie internationale et non des obligations juridiques. En outre, elles ne sont pas illicites à la base contrairement aux mesures de représailles, qui sont des actions illicites prises en réponse à des actes eux-mêmes illicites. Sur la question des mesures de rétorsion, v. VERHOEVEN J., Droit International Public, Bruxelles, Larcier, 2000, p. 658.

* 174 Dans le cas particulier de l'ONU, le recours au Conseil de sécurité par la Cour en cas de non coopération, intervient lorsque la saisine émane de ce dernier. C'est donc dans ces cas de saisine que le Conseil pourra prendre des sanctions éventuelles (toujours sur la base du Chapitre VII de la Charte) contre l'État fautif, que celui-ci soit partie ou non au Statut. Dans ces cas en effet, la distinction État partie et État non partie est sans importance. Cependant, il peut tout aussi bien être envisagé, lorsque la non coopération d'un État intervient dans des situations ou entraîne la survenance de circonstances entrant dans le champ du chapitre VII de la Charte, que le Conseil de sécurité puisse intervenir directement sans être saisi par la Cour.

* 175 Entrée en vigueur en 1964.

* 176 V. sur la question des immunités, VERHOEVEN J., Droit International Public, précité note 203, pp. 736-746 ; FRULLI (M.), Le droit international et les obstacles à la mise en oeuvre de la responsabilité pénale pour crimes internationaux , in CASSESE (A.) et DELMAS-MARTY (M.) (dir.), Crimes internationaux et Juridictions internationales, Op. cit., p. 253.

* 177 Cf. DOMINCE (C.), Quelques observations sur l'immunité de juridiction pénale de l'ancien chef d'État, in Revue Générale de Droit International Public, Paris, Pedone, 1999, p. 301.

* 178 Article 98(1) du Statut de Rome.

* 179 CAZALA (J.), Est-il risqué pour les États de coopérer avec les juridictions pénales internationales ? in Revue de Science Criminelle et de Droit pénal comparé, (RSC), (paris), 2003, Pp. 721-732.

* 180 Le principe de complémentarité est applicable pour les États parties au Statut, ce qui n'est pas le cas du Soudan. De plus, ce n'est pas la Cour qui le déclare dans l'incapacité d'exercer des poursuites mais une commission extérieure à la Cour, même si cette décision a été confirmée par elle (décision qui lui permit de déclarer l'affaire recevable). Cependant la saisine de la Cour par le Conseil de sécurité, qui met ce pays dans une situation semblable à celle d'un État partie, et le contenu de la décision de la commission d'enquête constituent des éléments qui permettraient à la situation de ce pays d'illustrer cette hypothèse de non coopération.

* 181 En effet, selon l'article 13 de son Statut, la Cour peut être compétente même sur le territoire d'un État non partie dès lors qu'elle est saisie par le Conseil de sécurité des Nations Unies.

* 182 Cf. le Rapport de la commission des Nations Unies au Darfour du 25 Janvier 2005 (S/2005/60). V. http://www.un.org/News/dh/sudan/com_inq_darfur.pdf

* 183 Pour un aperçu détaillé de la position américaine, v. SEWAL (S. B.) et KAYSEN (C.), The United States and the International Criminal Court, Lanham Boulder, New York Oxford, Rowman & Littlefield Publishers, 2000, 206 p.

* 184 En vertu de l'article 98, la Cour se refuse à faire exécuter par un État une demande qui lui ferait violer ses obligations envers un autre État en matière d'immunité. L'accord d'immunité constituerait donc la base de cette obligation de l'État qui ne lui permet pas d'exécuter la demande de la Cour

* 185 V. un exemple d'Accord proposé par les États-Unis en ligne, exemple de l'Accord signé par le Timor Oriental, http://www.hrw.org/campaigns/icc/docs/bilateralagreements-fr.pdf (Visité le 8 novembre 2014).

* 186 Certains de ces Accords proposent en effet que les États-Unis s'engagent à leur tour à ne pas transférer les ressortissants de l'État co-signataire. Si ce dernier est partie au Statut de Rome, ce sera comme s'il retirait la compétence de la Cour à son égard, chose qui est tout à fait contradictoire. Cf. le site, ibid.

* 187 Cf. Articles 1 et 2 du projet de la CDI.

* 188 Article 97 du Statut.

* 189 Le paragraphe 5 de l'article 72 précise en effet dans cette hypothèse, que l'État « prend (...) toutes les mesures raisonnablement possibles en vue de trouver une solution par la concertation », en outre le même paragraphe propose de manière non limitative, en ses lettres a), b), c), et d) des solutions en vue de réaliser le transfert des informations requises.

* 190 Selon cet article, « Si un État Partie n'accède pas à une demande de coopération de la Cour contrairement à ce que prévoit le présent Statut, et l'empêche ainsi d'exercer les fonctions et les pouvoirs que lui confère le présent Statut, la Cour peut en prendre acte et en référer à l'Assemblée des États Parties ou au Conseil de sécurité lorsque c'est celui-ci qui l'a saisie ».

* 191 V. SPINEDI (M.), Les crimes internationaux de lHYPERLINK "http://opac.unige.ch/uni?host=ganga.rero.ch+8871+DEFAULT&search=SCAN&function=INITREQ&SourceScreen=COPVOLSCR&sessionid=2006010517314484132&skin=rero71&conf=./chameleon.conf&lng=fr-ch&itemu1=4&u1=4&t1=crimes internationaux de l'Etat dans les travaux de codification de la responsabilitédes Etats entrepris par les Nations Unies / Marina Spinedi&pos=1&prevpos=1&EnhancedFilters=1&flocb=1&ffrmtb=1&flangb=1&fpdb=1&fplaceb=1&floc=500000&beginsrch=1"'HYPERLINK "http://opac.unige.ch/uni?host=ganga.rero.ch+8871+DEFAULT&search=SCAN&function=INITREQ&SourceScreen=COPVOLSCR&sessionid=2006010517314484132&skin=rero71&conf=./chameleon.conf&lng=fr-ch&itemu1=4&u1=4&t1=crimes internationaux de l'Etat dans les travaux de codification de la responsabilitédes Etats entrepris par les Nations Unies / Marina Spinedi&pos=1&prevpos=1&EnhancedFilters=1&flocb=1&ffrmtb=1&flangb=1&fpdb=1&fplaceb=1&floc=500000&beginsrch=1"Etat dans les travaux de codification de la responsabilité des Etats entrepris par les Nations Unies, San Domenico di Fiesole, Badia Fiesolana, 1984, Pp. 45 et Ss ; et plus récemment le premier rapport de la CDI sur la responsabilité des États de 1998, sur le site http://www.onu.org/temas/derint/comision/acn4490a2r1.pdf (visité le 08 novembre 2015). En outre, le fait que le projet d'articles de la CDI sur la responsabilité internationale des États dans sa version adoptée en 2001, emploie dans ses dispositions l'expression « fait internationalement illicite » en lieu et place de «crime» (précité note 179), marque le désir de la CDI de faire la distinction.

* 192 Cf. arrêt de la Chambre d'appel du TPIY, du 29 octobre 1997, le procureur c/ Tihomir Blaskic, sur le site http://www.un.org/icty/blaskic/appeal/decision-f/71029JT3.html

* 193 Article 87(7) du Statut.

* 194 Les décisions sont prises à la majorité qualifiée des deux tiers des membres. Cf. article 112(7) du Statut. V aussi Règle 60 du Règlement intérieur de l'AEP.

* 195 V. le commentaire de l'article 25 de la Charte. Cf., COT (J.P.), PELLET( A.) et FORTEAU (M.), La Charte des Nations Unies, Commentaire article par article, Paris, Economica, 3è éd., Vol.1, p. 909.

* 196 C'est-à-dire les cas qui entrent dans le champ du Chapitre VII de la Charte.

* 197 Il convient d'ajouter aussi que la CPI n'est pas la première juridiction internationale à faire référence au Conseil de Sécurité. Ainsi, en vertu de la Charte (art. 94), un État peut recourir au Conseil pour obtenir de la partie adverse l'exécution de la décision rendue par la Cour internationale de justice à son encontre. Les circonstances sont certes différentes (La CIJ en un organe des NU, et c'est un État qui demande l'intervention du Conseil pour l'exécution d'un arrêt), mais ces deux situations se recoupent en ce sens que le Conseil est sollicité pour permettre le fonctionnement efficace d'une juridiction auquel l'application effective des décisions participe grandement.

* 198 Article 41 de la Charte.

* 199 Cf. la résolution 678 du 29 novembre 1990, para 2, dans le cadre de la première crise du Golf. (Cf. le site http://www.un.org/french/documents/sc/res/1990/cs90.htm

* 200 Art.112 du Statut.

* 201 Art.121 du Statut.

* 202 Art.86 du Statut.

* 203 Arts.20 et 86(2) du Statut.

* 204 Art.94 du Statut

* 205 Art.95 du Statut.






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