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La formation des enseignants et les enjeux de l'enseignement de l'histoire de 1880 à  1905 et leurs héritages.

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par Sophie VAN-WAESBERGE
URCA - Master 2 MEEF HG 2015
  

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SECONDE PARTIE :

LES FINALITÉS ET LES OUTILS DE L'ENSEIGNEMENT DE L'HISTOIRE EN FRANCE DANS LE PREMIER ET SECOND DEGRÉS DEPUIS LA IIIÈME RÉPUBLIQUE

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II- LES FINALITÉS ET LES OUTILS DE L'ENSEIGNEMENT DE L'HISTOIRE EN FRANCE DANS LE

PREMIER ET SECOND DEGRÉS DEPUIS LA IIIÈME RÉPUBLIQUE :

Après s'être intéressés à l'évolution de la formation des enseignants depuis la IIIème République et après avoir vu que la mission première des enseignants est aujourd'hui de transmettre et partager les valeurs républicaines, nous allons désormais nous intéresser aux moyens mis à la disposition des enseignants pour remplir cette mission. Pour les aider à réaliser cette mission, les enseignants du premier et second degrés ont à leur disposition des programmes scolaires, ainsi que des manuels dans lesquels il est intéressant d'analyser la place accordée à l'histoire depuis l'époque de Jules FERRY, et notamment la place accordée à l'école de la IIIème République. Cette thématique constitue, aujourd'hui encore, l'un des principaux moyens utilisés par les enseignants pour faire découvrir aux élèves l'idéal républicain et pour les sensibiliser à ses valeurs.

1) La place de l'enseignement de l'histoire dans les programmes scolaires depuis la III ème République :

Les programmes scolaires sont des textes officiels qui regroupent l'ensemble des compétences, et connaissances devant être enseignées par les professeurs et devant être maîtrisées par les élèves à la fin de leur scolarisation. Ces compétences sont classées par discipline et par année scolaire. Toutefois, à partir de la rentrée 2016, des programmes organisés non plus par année scolaire, mais par cycle scolaire seront appliqués.

Le rôle de l'enseignant, les finalités de l'enseignement et son contenu dépendent d'une commande institutionnelle, comme nous l'avons vu pour les référentiels de compétences notamment. Les programmes scolaires ne dérogent pas à cette règle. Depuis leur instauration, l'élaboration des programmes scolaires, quelque soit la discipline, relève du Ministère de l'Instruction Publique, devenu Ministère de l'Éducation Nationale en 1932.

Le premier programme scolaire national d'histoire est établi sous la Restauration, lorsque ROYER-COLLARD était Président de la Commission de l'Instruction Publique. Auparavant, le contenu des cours d'histoire n'était pas encadré. Rappelons que l'histoire a été pendant longtemps une discipline rejetée, car considérée comme dangereuse. L'histoire permet une ouverture d'esprit et un développement de l'esprit critique de la part du peuple, chose qui a longtemps inquiété les dirigeants français. Au XVIIème siècle, quelques cours d'histoire étaient prodigués dans les

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établissements parisiens comme le collège Louis-Le-Grand. L'histoire était, à cette époque, réservée à une élite. Il s'agissait davantage d'une histoire sainte. Sous le Premier Empire, l'enseignement de l'histoire se limite à la mythologie, à l'histoire ancienne et à l'histoire de France, histoire axée sur l'histoire sainte. Il a donc fallu attendre la Restauration pour qu'un système national de l'enseignement de l'histoire se mette en place. Toutefois, cet enseignement de l'histoire était réservé au second degré. Sous la Restauration, deux heures sont réservées chaque semaine à l'enseignement de l'histoire dans le secondaire. Le champ d'étude s'élargit lui aussi, tout en accordant le monopole à l'histoire ancienne et histoire sainte. Sous la Monarchie de Juillet, François GUIZOT introduit l'enseignement de l'histoire dans les programmes du primaire supérieur. Ses programmes de 1833 prévoient deux heures d'histoire hebdomadaires pour les plus petites classes contre quatre heures pour les plus hautes. Selon lui, il est important de développer l'enseignement de l'histoire afin modérer le peuple :

« Chez un peuple curieux de son histoire, on est presque assuré de trouver un jugement plus sain et plus équitable, même sur ses affaires présentes, ses conditions de progrès et ses chances d'avenir ».

L'histoire est donc utilisée à cette époque pour développer le jugement, l'esprit des élites.

L' histoire nationale, omniprésente sous la IIIème République, fait son apparition dans les programmes scolaires du IInd Empire. L'histoire nationale est, selon Suzanne CITRON, une histoire qui permet de rassembler la Nation autour d'une histoire, et de valeurs communes. Sous le IInd Empire, l'histoire est présentée dans les programmes comme devant être une histoire politique et économique. En réalité, il en ressort une histoire qui se réduit à une accumulation de faits et de dates, méthode qui ne suscite pas la curiosité des élèves. Le nombre d'heures d'histoire dans le secondaire est réduit à deux heures hebdomadaires. Le Ministre Victor DURUY introduit l'histoire contemporaine dans ses programmes en 1866. Cette historie contemporaine portant sur le Second Empire jusqu'en 1863 est étudiée en classe de Terminale.

Après la défaite de 1870 face à la Prusse, l'enseignement de l'histoire de la France à l'école primaire et dans le secondaire s'impose. Rappelons que selon Paul BERT,

« C'est l'infériorité de notre éducation nationale qui nous a conduit au revers. Même dans les conflits modernes c'est l'intelligence qui reste

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maîtresse »34.

Pour remédier à ce problème, les membres du gouvernement républicain choisissent d'attribuer une place plus importante à l'histoire dans les programmes scolaires. L'histoire, qui était jusqu'à présent une histoire sainte, devient une histoire laïque et patriotique. Cette modification des finalités de l'enseignement de l'histoire entraîne une refondation des programmes scolaires au début des années 1880. L'histoire devient une discipline à part entière.

a- La place de l'histoire dans les programmes scolaires sous la III ème République.

Sous la IIIème République, l'élaboration des programmes scolaires est supervisée par le Ministre de l'Instruction Publique. Après avoir réformé le système scolaire français et rendu la scolarisation obligatoire pour les enfants de six à treize ans, Jules FERRY a réformé l'ensemble des programmes scolaires par l'arrêté du 27 juillet 188235. L'article 16 de cet arrêté fixe le nombre d'heures hebdomadaires consacrées à chaque discipline. Trente heures d'enseignement sont prévues dans l'emploi du temps des élèves de primaire, du cours élémentaire au cours supérieur. Rappelons que les élèves travaillent cinq jours par semaine. Le jeudi est chômé pour permettre aux parents d'assurer l'instruction religieuse à leurs enfants. L'article 14-2 précise que : « l'enseignement de l'histoire et de la géographie comportera une heure de leçons tous les jours ».

Grâce à cette répartition horaire, cinq heures sont consacrées à l'histoire-géographie chaque semaine. L'article 16 de l'arrêté du 27 juillet nous permet d'établir une grille du volume horaire pour chaque discipline à l'époque de Jules FERRY.

Discipline

 

Volume horaire hebdomadaire

Français

 

10 h

Enseignement scientifique

 

5 h

Histoire-géographie

 

5 h

Instruction civique et morale

 

5 h

Travaux manuels

 

2 h

Chant

 

1 h

Dessin

 

1 h

Gymnastique

 

1 h

 

TOTAL

30 h

34 DALISSON, Rémi, Paul Bert, l'inventeur de l'école laïque, Paris, Armand Colin, 2015,

35 Arrêté du 27 juillet 1882 : Programmes scolaires de Jules FERRY : http://jl.bregeon.perso.sfr.fr/Programmes_primaire1882.pdf

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Ainsi, en observant le nombre d'heures consacré à chaque discipline, nous pouvons remarquer que l'histoire-géographie ainsi que l'instruction civique et morale occupe une place importante dans l'emploi du temps des élèves de l'école primaire. À l'époque, 1/3 du volume horaire était consacré à ces trois disciplines. Le programme de 1882 préconise aux enseignants de consacrer 3 heures hebdomadaires à l'histoire, soit 10 % du volume horaire, et 2 heures hebdomadaires à la géographie. Par comparaison, aujourd'hui, les élèves de cycle 2 et cycle 3 (élèves de primaire) ont vingt-deux heures de cours hebdomadaires dont trois heures réservées à l'histoire-géographie et EMC réunis. Aujourd'hui, 4% du volume horaire hebdomadaire est consacré à l'enseignement de l'histoire.

Après s'être interrogés sur la place de l'histoire parmi les disciplines enseignées à l'école primaire de la fin du XIXème siècle, intéressons-nous aux formes que prend l'histoire. Rappelons, que les programmes scolaires établis par Jules FERRY en 1882 répartissent les différentes disciplines en trois catégories : l'éducation physique et la préparation à l'éducation professionnelle, l'éducation intellectuelle et l'éducation morale. Dans ces programmes, l'histoire, tout comme la géographie, le français, le dessin, le chant et les sciences, appartiennent à la catégorie « éducation intellectuelle ». Les programmes de 1882 se divisent en trois parties : l'objet de l'éducation intellectuelle, la méthode, et le contenu du programme. D'après la commande institutionnelle, l'éducation intellectuelle doit :

« Donner un nombre limité de connaissances. Mais ces connaissances sont choisies de telle sorte, que non seulement elles assurent à l'enfant tout le savoir pratique dont il aura besoin dans la vie, mais encore elles agissent sur ses facultés, forment son esprit, le cultivent, l'étendent et constituent vraiment une éducation »36.

Les programmes scolaires de 1882 demandent donc aux instituteurs et institutrices du premier degré de ne pas réaliser des cours d'histoire qui seraient une accumulation de thématiques, événements et personnages. Au contraire, les programmes d'histoire de Jules FERRY recommandent aux enseignants de procéder à une sélection des éléments étudiés en cours. D'après Didier CARIOU37, maître de conférences en sciences de l'éducation, l'enseignant d'histoire doit

36 Programmes scolaires de 1882 : http://jl.bregeon.perso.sfr.fr/Programmes_primaire1882.pdf

37 CARIOU, Didier, Ecrire l'histoire scolaire. Quand les élèves écrivent en classe pour apprendre l'histoire. Rennes, PUR, 2012.

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sélectionner ses informations afin de leur donner du sens. Selon lui, lorsque nous étudions l'histoire, il ne s'agit pas d'étudier l'histoire dans ses moindres détails, mais il s'agit d'étudier les événements, les personnages marquants et révélateurs de leur époque. La sélection d'informations permet de mieux questionner l'histoire. Les programmes établis par Jules FERRY permettent cette interrogation de l'histoire puisqu'ils se basent sur une sélection des informations étudiées en classe.

Par ailleurs, d'après le programme de 1882, l'histoire doit « former les esprits ». Cette expression est très révélatrice du caractère que prend l'histoire dans les programmes et dans les salles de classes sous la IIIème République. Dans son ouvrage publié en 200738, l'historienne Laurence de COCK relève la fonction de formation de l'esprit critique permise par l'enseignement de l'histoire.

En réalité, les travaux de recherches menés sur l'école de Jules FERRY montrent que la « formation des esprits » se décline sous trois formes. Tout d'abord, l'enseignement de l'histoire a pour vocation, depuis Jules FERRY, de contribuer à la formation de l'esprit critique des futurs citoyens. À cette époque, lorsque le Ministre de l'Instruction Publique parle d'esprit critique de la patrie, il sous-entend que l'école doit permettre au peuple de se méfier des opposants politiques. Rappelons le contexte dans lequel les programmes de Jules FERRY sont publiés en 1882. À cette date, le souvenir de la défaite militaire de la France face à la Prusse en 1870 est encore très présent. L'école de Jules FERRY s'est construite sur ce souvenir et a été notamment créée pour apprendre au peuple français à se méfier de leurs ennemis de 1870. Rappelons également que la IIIème République connaît des débuts difficiles dans les années 1870. Elle devient véritablement républicaine à partir le 30 janvier 1879 lorsque Jules GREVY, premier Président de la République républicain, est élu. L'école de Jules FERRY, et plus particulièrement l'enseignement de l'histoire, doit permettre aux futurs citoyens de se méfier des opposants au régime. De plus, la IIIème République nouvellement installée a besoin d'un outil pour s'affirmer. C'est ainsi que l'école primaire républicaine devient un moyen d'ancrage de la IIIème République.

Par ailleurs, l'enseignement de l'histoire au sein des écoles républicaines a pour vocation de former des soldats. Nous pouvons le remarquer au sein des programmes de 1882. En effet, dans ces programmes, nous pouvons remarquer que les « exercices militaires » sont mentionnés au même titre que l'histoire, le français ou encore les sciences. Lors de ces exercices militaires, les élèves garçons apprennent à former des pelotons, apprennent des marches militaires, le mécanisme des

38 DE COCK, Laurence, Mémoires et histoire à l'école de la République, Paris, Armand Colin, 2007.

armes... Toutefois, cette formation de futurs soldats ne se cantonne pas uniquement à ces exercices militaires. Elle transparaît également dans le programme d'histoire. Elle passe notamment par l'enseignement d'une « histoire militaire » et d'une « histoire-bataille ». En effet, au sein des programmes de 1882, l'accent est mis sur les grandes batailles historiques menées par la France, sur les personnages historiques guerriers tels que Jeanne d'Arc étudiée au cours moyen.

Enfin, les programmes scolaires établis par Jules FERRY en 1882 montrent que l'histoire doit permettre de former des citoyens patriotes. Cette ambition se traduit par l'enseignement d'une histoire qualifiée de « roman national »39. Dans son ouvrage publié en 1987, Suzanne CITRON souligne le fait que l'histoire scolaire doit servir le politique et notamment sous la IIIème République. Comme le décrète Ernest LAVISSE, l'histoire doit « s'apprendre par le coeur ». Pour ce faire, le programme de 1882 recommande aux instituteurs et institutrices de l'école primaire de s'appuyer sur :

« le récit des plus grands personnages et les faits principaux de l'histoire nationale »40.

Le Ministère demande donc aux enseignants de travailler à partir de héros français, souvent masculins. Ces personnages sont choisis pour leur dévouement pour la France et leurs actions en faveur de leur patrie. Les défauts de ces héros sont passés sont silence. L'objectif de cette méthode d'enseignement est une identification des élèves à ce personnage héroïque. À l'inverse, les enseignants peuvent choisir des exemples de personnages considérés comme ennemis de la France pour, cette fois-ci, mettre en valeur leurs failles.

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39 CITRON, Suzanne, Le mythe national, L'histoire de France revisitée, Paris, 1987.

40 Programmes scolaires de 1882 : http://jl.bregeon.perso.sfr.fr/Programmes_primaire1882.pdf

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"Nous voulons explorer la bonté contrée énorme où tout se tait"   Appolinaire