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à‰quilibre géopolitique entre les Etats-Unis et la Chine

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par Alfred Lushimba
Université de Lubumbashi - Licence 2016
  

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§3. Le triangle stratégique : Etats-Unis, Russie et Chine

Le terme triangle stratégique trouve son origine dans le système international marqué par la guerre froide. Un programme élaboré par le président américain Richard Nixon et son conseiller à la sécurité nationale Henry Kissinger, avec le projet plus vaste en tête: triangle centré sur l'équilibre des grandes puissances et des calculs géopolitiques au sens large.

Pour mieux piger sur les lignes de ce triangle, Bobo Lo ayant à sa direction une étude consacrée audit triangle. Il précise que le terme même stratégique va au-delà des seules capacités militaires nucléaires et leurs caractéristiques (posture, dissuasion, etc.) et que l'expression se réfère d'abord à l'influence globale d'un pays qui comprend plusieurs dimensions. Un arsenal nucléaire est certainement un atout stratégique, mais c'est également le cas de l'autorité politique internationale, de la force économique, des performances technologiques ou de l'influence des valeurs culturelles normatives. Lorsqu'on traite de buts et de priorités, le terme « stratégique » implique les concepts de « structurel », « essentiel » et de « long terme », à l'inverse de « tactique » qui décrit des considérations à court terme, généralement opportunistes. Stratégique suppose une pensée planificatrice à long terme, par opposition aux politiques réactives et ad hoc. Le terme sert également à souligner le statut particulier des relations entre les acteurs. La Russie par exemple, déclare systématiquement qu'elle entretient des relations stratégiques avec la Chine, l'Inde et l'UE157(*).

Cetauteur dit que même si, à force d'être fréquemment employée, cette expression est galvaudée, elle peut servir de « baromètre » des relations bilatérales. En outre, stratégique mais non pas le partenariat stratégique, est certainement un terme adéquat pour caractériser les interactions distinctes existant entre les Etats-Unis et la Chine, les Etats-Unis et la Russie, la Russie et la Chine. de façon similaire, dit cet auteur, l'idée de triangle stratégique va au-delà d'une relation nucléaire à trois. En effet, le triangle nucléaire Russie-Etats-Unis est déséquilibré. Etant donné l'asymétrie de capacités entre, d'un côté, les deux superpuissances nucléaires et de l'autre, la Chine.

La quasi-totalité des triangles sont virtuels, plus que réels, et encore moins stratégiques. La Russie souhaiterait, par exemple, exploiter la carte chinoise dans ses relations avec l'occident, tout en utilisant ses relations avec le Japon, l'Inde ou les Etats-Unis afin de contrebalancer l'émergence de la Chine, et ses relations avec l'Europe pour contenir la puissance américaine. Ce ne sont là que des projets mort-nés, naïfs et irréalistes. Un triangle pertinent a besoin de trois côtés qui, à défaut d'être égaux, soient suffisamment puissants et profondément impliqués dans les relations trilatérales pour pouvoir les influencer d'une manière significative. Dans le système international contemporain ce type de triangle n'existe pas.

a. L'évolution du triangle

Le triangle stratégique entre la Russie, la Chine et les Etats-Unis date de la décision prise par Mao Zedong, en 1949, de pencher d'un côté vers l'URSS et contre les Etats-Unis. le choix de Mao, en partie idéologique et historique, reflétait la fraternité des liens entre les partis communistes soviétiques et chinois. Cependant, sa motivation principale restait d'ordre pratique. La dépendance de la République populaire de Chine à l'égard de l'économie soviétique et de son assistance militaire, ainsi que l'absence de pays protecteur alternatif lui laissaient peu de choix. Par la suite, la guerre de Corée et l'intervention militaire chinoise pour le compte de Pyongyang ont plongé la RPC et les Etats-Unis dans l'hostilité pendant les deux décennies suivantes.

La confrontation stratégique sino-américaine ne s'est toutefois pas traduite en relations triangulaires opérationnelles entre Moscou, Pékin et Washington. Au moins trois raisons permettent de l'expliquer : premièrement, au cours de la guerre froide, la politique était essentiellement centrée sur la bipolarité américano-soviétique. Le déséquilibre notable des capacités politico-militaires entre les deux superpuissances et les autres puissances, révélait l'absence de la principale condition pour constituer un triangle stratégique : l'existence d'une troisième partie influente158(*).

Deuxièmement, la profonde faiblesse chinoise après un siècle d'humiliation sous la domination des puissances étrangères ne lui avait guère permis de mener une politique étrangère affirmée. Les principales préoccupations de Mao demeuraient forcement nationales et comprenaient la consolidation du gouvernement communiste. La reconstruction d'une économie anéantie par des décennies de guerre civile et d'occupation japonaise et la refondation des relations sociales. Mao n'avait ni l'envie ni les moyens d'être un partenaire stratégique actif de l'URSS contre les Etats-Unis. Même pendant la guerre de Corée (1950-1953), la Chine a davantage agi selon ses propres intérêts, inquiétudes sécuritaires sur la présence militaire américaine en Asie du Nord-Est, affinités idéologiques avec le régime de Kim II-Sung, que dans ceux de Moscou159(*).

Troisièmement, même durant leur âge d'or, les relations sino-soviétiques ont été compliquées. Alors que la RPC dépendait de l'aide soviétique pour la reconstruction nationale, des tensions politiques sérieuses subsistaient entre Moscou et Pékin. Celles-ci se sont considérablement aggravées à la fin des années 1950, culminant en 1960 avec le retrait de Chine par Nikita Khrouchtchev de 1390 conseillers soviétiques. Les soupçons de la Chine sur les motivations soviétiques et le mépris soviétiques vis-à-vis de ce pays, perçu comme arrière, ont anéanti toute possibilité de coordination stratégique efficace contre les Etats-Unis.

En raison de ces contradictions, le triangle s'est révélé une proposition davantage théorique que pratique au cours des deux premières décennies de l'existence de la RPC. Si jamais un triangle existait, il était constitué de pôles antagonistes : pendant la plus grande partie de cette période, la Chine, la Russie et les Etats-Unis ont fait preuve d'une hostilité comparable chacun pour les deux autres. La probabilité qu'une partie puisse en utiliser une autre pour faire pression sur la troisième semblait donc faible.

b. Le renouveau du triangle

Après de décennies de désespoir sur l'évolution du triangle, une nouvelle ère s'annonce avec des faits marquants, faisant trait à un réfusionnement du triangle. Bobo Lo écrit que, ces dernières années, le concept de triangle a refait surface dans l'analyse des relations internationales et e, particulier, des relations entre la Russie, la Chine et les Etats-Unis. Cette popularité renaissante est liée à la perception, depuis l'automne 2008, que les trois pays sont plus égaux que jamais. A travers sa gestion calamiteuse de la guerre d'Irak, l'administration Bush a donné l'impression d'une Amérique affaiblie et guidée par des prétentions démesurées. La Russie a tiré parti d'une combinaison associant des prix du pétrole élevés, un anti-américanisme rampant en Europe, une OTAN affaiblie et divisée et une impression générale que le centre de la puissance mondiale se déplaçait vers l'Est. Pour la première fois depuis 1991, Moscou pouvait revendiquer un rôle majeur dans les affaires internationales160(*).

Le changement le plus spectaculaire a été l'ascension rapide de la Chine qui s'est traduit par une politique extérieure plus affirmée. Dans la majeure partie des années 1990, Pékin avait adopté une approche circonspecte, tournée presque entièrement vers ses priorités intérieures : modernisation économique et retour de Taiwan dans le giron de Pékin. A la suite de la crise financière asiatique de 1997-1998, la Chine est devenue plus active sur le plan régional et a intensifié sa quête de ressources énergétiques et de matières. En parallèle, elle a cherché de nouveaux débouchés pour ses exportations de produits manufacturés. Cependant, ce n'est qu'au tournant du siècle que la Chine a commencé à élargir le champ de sa politique étrangère et à devenir un membre réellement influent de la communauté internationale.

Avec une Amérique affaiblie, une Russie renaissante et une Chine de plus en plus confiante en elle-même, il n'est guère surprenant que les idées de triangle stratégique aient refait surface. Pour évaluer leur crédibilité, il faut déterminer dans quelle mesure les politiques étrangères de Moscou, Pékin et Washington s'appuient sur le triangle.

1. Les attentes de Moscou sur le triangle

Buté par ses objectifs de regagner son statut de grande puissance, de redevenir un acteur indispensable dans le gestion de principaux dossiers internationaux et de jouer une carte dans sa sphère d'intérêts privilégiés, qui n'est rien d'autre que l'espace soviétique, Moscou a conscience d'importantes limites de son influence: ses capacités de projection de puissance n'égalent pas celle de l'URSS161(*).

Par conséquent, la Russie de Poutine et Medvedev est à la recherche de partenaires stratégiques qui l'aiderait à contenir l'hégémonie américaine. Le choix est très claire, la Chine est l'alliée la plus prometteuse dans cette entreprise, à cause du fait de son processus de modernisation et de sa mue en puissance mondiale; mais aussi ce choix est rationnel par rapport à celui de l'UE, qui reste trop proche et dépendante des Etats-Unis, trop divisée et insignifiante sur le plan politique pour jouer un tel rôle. La Chine parcequ'elle partage aussi des valeurs communes avec l'URSS: un Etat fort, capitalisme autoritaire et résistance aux normes et pratiques occidentales.

La potion de Moscou en faveur d'un ordre mondial multipolaire et du triangle est motivée par la perception d'un intérêt stratégique. Moscou ne cherche pas tant à se dissocier de l'Ouest qu'à redéfinir. Sur le long terme, selon la vision de Poutine, la Russie doit devenir le troisième pôle du monde émergent multipolaire, ou plutôt tripolaire. Elle conserverait une identité stratégique distincte, « indépendante » et contribuerait à garder l'équilibre entre les Etats-Unis et la Chine, tout en restant un partenaire essentiel et égal pour les deux. La concrétisation d'une telle vision permettrait l'accomplissement du triangle dans sa forme la plus pure.

Cependant, des nombreux obstacles empêchent la réalisation, les plus importants étant la transformation de la Chine en acteur affirmé sur les plans régional et mondial, et le déséquilibre croissant dans les relations sino-russes. Dans le pire des scénarios pour Moscou, la Russie serait reléguée au statut de « partenaire junior » de la Chine, des USA ou de ces deux pays.

Enfin, l'occidentalo-centrisme de l'élite russe constitue un obstacle majeur à une diplomatie triangulaire effective. Cette tendance va bien au-delà d'affinités historiques, civilisationnelles ou linguistiques. Alors que Moscou vante l'essor de l'Est, de la Chine en particulier, elle continue de croire implicitement à la perpétuation de la domination occidentale sur la scène internationale. Les intérêts vitaux de la Russie sont supposés être liés à l'occident. Le fait que les préoccupations actuelles russes en matière de politique étrangère concernent presque toutes l'occident n'est pas une coïncidence: conclure un nouvel accord de désarmement stratégique avec Washington, consolider la position dominante russe dans l'ancien espace soviétique, affermir son rôle dans l'architecture de sécurité européenne, empêcher l'élargissement de l'OTAN et le déploiement de la défense antimissile, renforcer le contrôle de Gazprom sur les exportations de gaz et les pipelines vers l'Ouest, et jouer un rôle moteur à côté des Etats-Unis dans les négociations sur le nucléaire iranien.

2. Vue de Pékin sur le triangle

La Russie comme la Chine bien qu'ayant les mêmes ambitions d'endiguer la puissance américaine, la Chine ne trouve pas du tout intéressant le triangle. Maintes raisons lui en sont concrètes. Pékin a en outre une conscience aigüe des limites du partenariat sino-russe. La Russie et la Chine perçoivent très différemment leur relation. Même si leurs objectifs coïncident parfois, la plupart du temps ils divergent. Par exemple, le régime chinois comprend que Moscou n'offrirait qu'un soutien politique symbolique dans l'hypothèse d'une confrontation sino-américaine. L'expérience des années récentes a montré où se situaient les véritables priorités de Moscou. Poutine n'a pas informé, encore moins consulté Pékin avant d'approuver le déploiement de troupes américaines en Asie centrale après le 11 septembre 2001. En 2002, Moscou a aussi accepté sans protester le retrait américain du traité ABM de 1972. Plus généralement, les dirigeants et chercheurs chinois se font peu d'illusions concernant l'occidentalo-centrisme de l'élite russe. Dès que les relations russes avec l'occident traversent une phase difficile, Moscou joue la carte du « partenariat stratégique » avec la Chine et d'autres acteurs non occidentaux. En revanche, lors des phases d'améliorations des relations avec les USA, par exemple, dans le sillage du 11 septembre ou aujourd'hui, avec une nouvelle relance « reset button » proposée par l'administration Obama, les relations sino-russes tendent à se marginaliser.

Plus généralement, les chinois ont poursuivi une politique d'inclusion stratégique plus que d'équilibre stratégique. Leurs efforts pour être « amis avec tout le monde » s'accordent totalement avec la logique d'un « monde harmonieux ». La Chine est consciente des appréhensions que suscitent son ascension et ses ambitions. Pékin s'est par conséquent efforcé de s'engager à la fois avec l'occident et l'orient, le monde développé et en voie de développement. Le triangle stratégique est un cadre trop étroit et restrictif pour une politique étrangère chinoise qui préconise une approche compréhensive, multisectorielle des relations internationales. Il conduirait Pékin à des choix trop contraignants et non nécessaires à un moment où le système mondial est en pleine évolution et où la Chine possède le luxe de la flexibilité stratégique, tous les Etats étant désireux de l'avoir pour alliée.

3. La perception américaine du triangle

L'attitude américaine face au triangle stratégique varie de l'indifférence à l'ennui, en passant par la peur et l'hostilité. L'époque où les Etats-Unis ont grandement oeuvré à populariser le concept (dans les années 1970) est révolue. Le contexte international et la pensée stratégique américaine ont profondément changé.

L'effondrement de l'URSS et l'incapacité ultérieure de la Russie à se réinventer comme puissance mondiale ont été les évènements les plus frappants. Presque d'un seul coup, le triangle a perdu sa raison d'être. La Russie restait une superpuissance nucléaire, mais cela importait bien moins dans un monde où nature même de la puissance et de l'influence avait été métamorphosée162(*).

Washington percevait dorénavant la menace russe en des termes très différents; non plus comme un redoutable adversaire stratégique, mais comme un Etat dont les dysfonctionnements le menaçaient d'implosion. Dans ces conditions, la principale menace pour la sécurité américaine et mondiale était la faiblesse de la Russie : obsolescence des ogives nucléaires, contrôle peu rigoureux des exportations d'armes de destruction massive, revanchisme ultra-nationaliste et impérialiste, et politique étrangère imprévisible.

Toutefois, la Russie n'est pas à écarter sur la scène, la décision de l'administration Obama de « remettre les compteurs à zéro » (press the restbutton) dans les relations Etats-Unis-Russie reflète l'espoir que Moscou peut contribuer de façon constructive à la résolution de plusieurs dossiers préoccupant Washington : désarmement, Iran, Afghanistan, contre-prolifération d'armes nucléaires et sécurité européenne. Cependant, les limites de la capacité russe à projeter sa puissance au-delà de son voisinage, sans même espérer qu'elle le fasse de façon à aider les intérêts américains révèlent que Washington ne voit pas l'utilité (ou la possibilité) de schémas triangulaires ou d'autres schémas géopolitiques artificiels.

La raison majeure expliquant le manque d'intérêt américain pour le triangle est l'essor de la Chine et sa transformation en superpuissance émergente. Si la Chine a encore un long chemin à parcourir avant de rivaliser avec les Etats-Unis, nombre d'observateurs américains la perçoivent d'ores et déjà comme le principal « autre » dans le système international. Certains prévoient des tensions et rivalités sino-américaines croissantes. D'autres, plus optimistes, pensent que Pékin et Washington peuvent coopérer efficacement pour gérer les problèmes régionaux et mondiaux ; une telle pensée sous-entend l'idée très discutée d'un G2. Ces deux scénarios, toutefois, envisagent un monde essentiellement bipolaire, pas triangulaire. Leur idée sous-jacente est que la Chine deviendra bientôt suffisamment puissante et influente pour traiter d'égal à égal avec les Etats-Unis (comme partenaire, challenger ou les deux), ce qui limiterait la capacité russe à jouer le rôle qui rendrait pertinent le triangle.

* 157 Lo, B., op.cit., p.7

* 158 Lo, B., op.cit., p. 9

* 159Fenby, J., cité par Lo, B., op.cit., pp. 9-10

* 160 Lo, B., op.cit., p. 14

* 161 Lo, B., op.cit., pp.15-16

* 162Gaddis, J.L., cité par Lo, B., op.cit., p.20

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"Soit réservé sans ostentation pour éviter de t'attirer l'incompréhension haineuse des ignorants"   Pythagore