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Le graffiti à  Beyrouth: trajectoires et enjeux d'un art urbain émergent

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par Joséphine PARENTHOU
Sciences Po Aix-en-Provence - Aix-Marseille Université - Diplôme de Sciences Politiques 2015
  

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3. Un développement récent de la visibilité par les réseaux sociaux et circuits de diffusion officiels

Outre ces questionnements divers sur ce que devrait ou ne devrait pas être art, les problèmes de reconnaissance posés par l'espace urbain peuvent être surmontés grâce au développement progressif, et très récent, des stratégies de visibilités sur les réseaux sociaux et circuits de diffusion officiels - entendons par-là les journaux, émissions, documentaires ou travaux, dans leur version originale ou internet. Bien que représentant une extraordinaire opportunité, ces médiums requièrent la maîtrise d'un certain nombre de compétences et ressources communicationnelles. La gestion d'une page sur les réseaux sociaux devient préférable. Il faut savoir la rendre attrayante et gérer la temporalité des publications : publier son travail assez souvent pour « fidéliser » l'observateur virtuel, mais pas trop pour ne pas inonder son fil d'actualités, au risque de ne plus rendre visible les oeuvres que l'on souhaite valoriser. Spaz fait preuve d'une compétence indéniable en la matière, à la différence de Kabrit, dont l'activité et la visibilité sur internet sont quasi-inexistantes. Dans leurs relations avec des médiums plus officiels, en particulier les journaux et sites internet, c'est la capacité à s'exprimer et faire valoir ses idées, sa personnalité, son talent, de manière concise et claire qui importent, soit la nécessaire adaptation du discours à la forme médiatique. Eps, Meuh ou encore Ashekman se distinguent positivement par cette mise en scène de soi - ce qui ne correspond pas à une perte d'authenticité pour autant. Ils sont capables de rendre clairement des propos plus homogènes et cohérents que lors des entretiens ou des débats entre pairs. La comparaison entre la forme de l'interview et celle de l'entretien est particulièrement constructive, d'autant plus avec les graffeurs habitués à s'exprimer en direction des médias. Cette comparaison traduit également la difficulté d'accéder à un niveau supérieur dans la conversation avec ces graffeurs. Avec Phat2, l'entrée dans une discussion plus profonde s'avérait ardu : premièrement, parce que la différence entre entretien sociologique et interview pour un journal restait ténue selon lui. Deuxièmement, parce qu'habitué à fournir des réponses claires et concises, adaptées au format médiatique, il était compliqué d'obtenir des réponses plus détaillées sans détailler nous-mêmes nos questions - au risque d'influencer ses réponses. Il a donc fallu un certain temps, l'élaboration d'une relation de confiance et la confirmation par ses pairs que nous n'étions pas là pour critiquer ses propos dans les médias, avant d'obtenir des réponses plus détaillées et des réflexions plus spontanées.

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L'utilisation du virtuel rend possible, facile et rapide l'extension de sa reconnaissance, dans des dimensions qui eurent été impensables autrement. Ces réseaux permettent, avec un investissement relativement faible, de développer la reconnaissance d'un artiste en dehors des frontières nationales et des réseaux de sociabilité ordinaires. Cela est, en revanche, compensé par une concurrence accrue sur les réseaux sociaux face aux autres graffeurs, beyrouthins comme internationaux. De plus, cela crée une dichotomie entre reconnaissance virtuelle et reconnaissance réelle, sur le terrain, d'un même artiste. Ainsi, des graffeurs peu reconnus par les pairs et peu présents dans l'espace urbain acquièrent une renommée considérable sur ces réseaux et dans les journaux, à l'instar de Potato Nose. Retombées positives et négatives sont à prévoir : d'un côté, Potato Nose a été vivement et publiquement critiqué par le photographe et historien de l'art Gregory Buchakjian, qui avoue de son propre-chef ne pas l'avoir fait s'il n'était pas tombé « par hasard sur le net », sur un article parlant des graffitis réalisés par ce graffeur sur le Holiday Inn Hostel de Beyrouth, et qu'il ne le connaissait pas avant. De l'autre, cette reconnaissance médiatique et virtuelle a permis à Potato Nose d'organiser une exposition dans la galerie Cynthia Nouhra de Beyrouth en septembre et octobre 2015. Le passage d'une reconnaissance virtuelle à une reconnaissance de fait, réintégrée à l'espace beyrouthin, semble rappeler que ces niveaux de visibilité et de reconnaissance peuvent dialoguer et se compléter dans le but

SAGOT-DUVAUROUX Dominique, MOUREAU Nathalie, « De la
qualité artistique à la valeur économique » in Le marché de l'art
contemporain
, Paris, La Découverte, « Repères », 2010, 128 p.

d'une reconnaissance plus générale.
L'allocation de la réputation ne procède pas d'une voie « royale » et immuable, mais plutôt d'interactions constantes entre différents niveaux de visibilité au sein et entre lesquels les graffeurs restent relativement libres de construire des passerelles et stratégies de reconnaissance diversifiées et non figées.

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"Les esprits médiocres condamnent d'ordinaire tout ce qui passe leur portée"   François de la Rochefoucauld