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La souveraineté des états face à  l'ingérence humanitaire.

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par Jean Baptiste SAHOKWASAMA
Université Sagesse dà¢â‚¬â„¢Afrique, Bujumbura-Burundi - Licence en Droit 2015
  

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Section 2. L'ingérence humanitaire en Libye

L'intervention militaro-humanitaire conduite par l'Organisation de l'Atlantique Nord « OTAN » et ses alliés, a débuté officiellement le 19 mars 2011 pour se boucler le 31 octobre 2011 sous le nom de Protecteur Unifié. Ce code remplaçait ceux des Etats intervenants : opération Harmattan pour la France, opération Ellamy pour le Royaume Uni, opération mobile pour le Canada et Aube de l'Odyssée pour les Etats Unis.104

§1. La base juridique de l'intervention en Libye

L'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord « OTAN » a répondu à l'appel des Nations Unies exprimé à travers ses résolutions 1970 du 26 février 2011 et 1973 du 17 mars 2011 qui disposent que le Conseil de Sécurité « autorise les États Membres

104 Intervention militaire de 2011 en Libye : http://fr.wikipedia.org/wiki/Interventionmilitairede2011enLibye (consulté le 14 avril 2015)

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qui ont adressé au Secrétaire général une notification à cet effet et agissent à titre national ou dans le cadre d'organismes ou d'arrangements régionaux et en coopération avec le Secrétaire général, à prendre toutes mesures nécessaires, nonobstant le paragraphe 9 de la résolution 1970 (2011), pour protéger les populations et les zones civiles menacées d'attaques en Jamahiriya arabe libyenne, y compris Benghazi, tout en excluant le déploiement d'une force d'occupation étrangère sous quelque forme que ce soit et sur n'importe quelle partie du territoire libyen, et prie les États Membres concernés d'informer immédiatement le Secrétaire général des mesures qu'ils auront prises en vertu des pouvoirs qu'ils tirent du présent paragraphe et qui seront immédiatement portées à l'attention du Conseil de sécurité ».105

Il importe de souligner que lors du vote de la Résolution 1973, cinq Etats se sont abstenus. Il s'agit entre autres du Brésil, de la Russie, de la Chine, de l'Allemagne et de l'Inde.

La résolution 1970 du 26 février 2011 n'est pas aussi tendre avec le Gouvernement de l'Etat Libyen. Le Conseil de Sécurité avait préalablement organisé un embargo sur les armes à destination de la Libye. Dans le titre concernant l'embargo sur la Libye, il est clairement indiqué que le Conseil de Sécurité « décide que tous les États Membres doivent prendre immédiatement les mesures nécessaires pour empêcher la fourniture, la vente ou le transfert directs ou indirects à la Jamahiriya arabe libyenne, à partir de leur territoire ou à travers leur territoire ou par leurs nationaux, ou au moyen de navires ou d'aéronefs battant leur pavillon, d'armements et de matériel connexe de tous types - armes et munitions, véhicules et matériels militaires, équipements paramilitaires et pièces détachées correspondantes -, ainsi que toute assistance technique ou formation, et toute aide financière ou autre en rapport avec les activités militaires ou la fourniture, l'entretien ou l'utilisation de tous armements et matériel connexe, y compris la mise à disposition de mercenaires armés venant ou non de leur territoire, et décide également que cette mesure ne s'appliquera pas :

105 Point 4 de la Résolution 1973 contre la Libye du 17 mars 2011.

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a) Aux fournitures de matériel militaire non létal destiné exclusivement à un usage humanitaire ou de protection et à l'assistance technique ou la formation connexes qui auront été approuvées à l'avance par le Comité créé en application du paragraphe 24 ci-après ;

b) Aux vêtements de protection, dont les gilets pare-balles et les casques militaires, temporairement exportés en Jamahiriya arabe libyenne, pour leur usage personnel uniquement, par des personnels des Nations Unies, des représentants des médias et des agents humanitaires et du développement ou des personnels connexes ;

c) Aux autres ventes ou fournitures d'armements et de matériel connexe, ou à la fourniture d'une assistance ou de personnel, qui auront été approuvées à l'avance par le Comité ».106

Au point 4 de la résolution 1973, il ressort clairement que le Conseil de Sécurité des Nations Unies renonce à prendre le commandement des opérations. Il délègue ses compétences aux États Membres qui ont la latitude d'agir à titre national ou dans le cadre de coopération régionale pour venir à la rescousse de la population libyenne menacée par le régime en place. Sans pour autant évoquer les mobiles qui ont conduit à l'intervention militaire, la résolution 1973 lâchait la Libye dans les dents des Etats puissants.

Le caractère sournois de la résolution taillé sur mesure par les initiateurs ne pouvait pas rester sans conséquences sur la souveraineté de l'Etat Libyen. Quadrillée de partout, interdit de vols, de survols et restriction de déplacements, le Gouvernement était asphyxié et ne disposait plus de moyens d'agir. Son droit d'exercice de la souveraineté était donc parti en fumée.

Comme déjà susdit, la résolution livrait l'Etat libyen aux prédateurs, qui n'attendaient qu'un moment propice pour se venger. C'est dans ce même contexte que cette intervention militaro-humanitaire par procuration a vite débordé son cadre normatif.

106 Conseil de Sécurité des Nations Unies, Résolution 1970 contre la Libye, point 9.

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§2. La strangulation de la souveraineté de l'Etat libyen

Contre toute attente et en moins de 10 jours d'insurrection, l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord « OTAN » et ses principaux alliés dont la France, la Grande Bretagne et les Etats Unis, ont délégitimé le gouvernement en place et ont reconnu le Conseil National de Transition « CNT », créé le 27 février 2011, comme le seul interlocuteur valable au niveau international. Au regard du droit international, cette attitude est plus que surprenante puisque les conditions de reconnaissance d'insurgés comme puissance belligérante doit remplir certaines conditions.

Hans Kelsen s'exprime en ces termes : outre celle des Etats et des gouvernements, la reconnaissance d'insurgés comme belligérants revêt une importance majeure pour le droit international. Elle suppose une guerre civile. Or, dans certaines conditions définies par le droit international, une guerre civile peut revêtir le caractère d'un conflit international sous certaines conditions.

- Les insurgés doivent avoir un gouvernement et leur propre organisation militaire,

- L'insurrection doit respecter les formes habituelles des techniques de guerre : plus qu'une simple révolte, le conflit doit présenter les véritables caractéristiques d'une guerre au sens où on l'entend communément ;

- Le gouvernement des insurgés doit exercer son autorité sur une partie du territoire de l'Etat où a lieu la guerre civile : l'ordre établi par les insurgés doit être effectif sur une partie du territoire de l'Etat.

L'acte juridique de reconnaissance de belligérance sous-entend que les faits énoncés ci-dessus, déterminés de façon générale par le droit international, existent dans un cas donné. L'acte de reconnaissance peut être le fait du gouvernement légitime contre lequel est organisée l'insurrection, ainsi que par les gouvernements d'autres Etats.107

De ce fait, la guerre civile en Libye venait de transfigurer. Elle devenait internationale permettant ainsi l'intervention du Conseil de Sécurité des Nations Unies, sur base de l'article 39 qui dispose que « Le Conseil de sécurité constate l'existence d'une

107 H., KELSEN, op. cit, pp.280-281.

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menace contre la paix, d'une rupture de la paix ou d'un acte d'agression et fait des recommandations ou décide quelles mesures seront prises conformément aux articles 41 et 42 pour maintenir ou rétablir la paix et la sécurité internationales ».108

Ainsi, au 14 septembre 2011, 86 Etats reconnaissaient le CNT comme l'autorité légitime de la Libye. Le 16 septembre 2011, l'Assemblée générale des Nations Unies vote en faveur de l'attribution au CNT du siège de la Libye à l'Organisation des Nations Unies.

Il s'agissait là d'une percée significative du Conseil National de Transition sur la scène internationale puisqu'il devenait de facto sujet de droit international. Bien plus, « l'acte de reconnaissance a pour principales fonctions de transformer une guerre civile en conflit international, avec toutes les conséquences juridiques que cela suppose, et en second lieu, d'établir, pour les gouvernements aux prises, légitime et insurrectionnel, les règles portant sur la responsabilité internationale de façon à tenir compte du changement de pouvoir politique dans l'Etat en proie à la guerre civile. La reconnaissance décharge de toute responsabilité le gouvernement légitime que l'insurrection a pris pour cible à l'égard des événements qui viendraient à se produire sur le territoire occupé par les insurgés ».109

Dans sa globalité, la résolution 1973 était ambigüe et l'intervention dite « humanitaire » s'est vite détournée de ses objectifs au fur et à mesure que la situation de guerre tournait en faveur des « légitimés » par la communauté internationale.

Les droits les plus élémentaires de la population étaient systématiquement bafoués. Sans aucune assistance, coupée du reste du monde à cause de l'embargo et de la zone d'exclusion aérienne,110 interdite de fuir par quelques moyens que ce soient, la population des zones sous contrôle de l'armée du guide libyen ont vécu un enfer. Elle a vécu d'indicibles souffrances et ne pouvait que s'en remettre à Dieu en attendant, dans l'angoisse, la désolation et l'incertitude la fin de ses jours. Il y avait donc institutionnalisation de la discrimination par les puissances intervenantes.

108 Charte des Nations Unies, Chapitre VII, Art. 39.

109 H., KELSEN, op. cit, p.281

110 Résolution 1970 du 26 février 2011 contre la Libye.

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L'intervention militaire en Libye a duré huit mois et n'a cessé qu'avec l'exécution sommaire du guide libyen Mouammar Kadhafi. La fin de cette intervention a marqué le début d'une Libye chaotique divisée. Depuis lors, il coexiste deux gouvernements et deux parlements, tous rivaux, qui sont sous le contrôle des milices qui se disputent la légalité et la légitimité. Le gouvernement reconnu par la communauté internationale est installé à Tobrouk (Est) tandis que l'autre ne bénéficiant d'aucune reconnaissance est installé à Tripoli.111

L'ingérence humanitaire en Libye a donc assené un coup létal à sa souveraineté. Les intervenants ont légué aux oubliettes la Charte des Nations Unies qui dispose que « les parties à tout différend dont la prolongation est susceptible de menacer le maintien de la paix et de la sécurité internationales doivent en rechercher la solution, avant tout, par voie de négociation, d'enquête, de médiation, de conciliation, d'arbitrage, de règlement judiciaire, de recours aux organismes ou accords régionaux, ou par d'autres moyens pacifiques de leur choix »112.

Foyer de tension et sanctuaire des groupes terroristes incontrôlables le danger de partition, de dislocation et de disparition pure et simple de l'Etat libyen n'est pas à écarter. L'on peut alors se poser la question de savoir ce qu'aura servi la mise en oeuvre de la résolution 1973 (2011) du Conseil de Sécurité des Nations Unies puisque la situation des droits de la personne humaine n'a cessé d'évoluer de mal en pis.

111 Libye: huit mois d'insurrection et de guerre civile: http://www.arte.tv/fr/libye-huit-mois-d-insurrection-et-de-guerre-civile/3733356,CmC=4220448.html (consulté le 15 avril 2015).

112 Charte des Nations Unies, Art. 33, point 1.

Dans ce genre de situation, l'ingérence immatérielle précède toujours l'ingérence matérielle. Mario Bettati souligne que la défense internationale des droits de l'homme

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"Il y a des temps ou l'on doit dispenser son mépris qu'avec économie à cause du grand nombre de nécessiteux"   Chateaubriand