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La problématique des marchés publics de travaux et l'approche du partenariat public privé au Bénin.

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par Souleymane ASSOUMA MAMA
Université dà¢â‚¬â„¢Abomey Calavi - Dplôme dà¢â‚¬â„¢Etude Approfondie en Droit Public Fondamental 2014
  

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B. Les surcoûts liés à l'indemnisation du titulaire du marché

Mise à part les travaux supplémentaires qui occasionnent l'établissement des avenants, l'exécution d'un marché public peut être confrontée à de grande perturbation qui hypothèquent la réalisation de l'ouvrage. Ces perturbations sont souvent dues à des éléments d'ordre technique, naturel, économique ou du fait du maître d'ouvrage ou de l'entrepreneur. Ces différentes surprises entraînent la rupture de l'équilibre financier du contrat. Dans ce cas, le titulaire du marché a droit à une indemnisation pour rétablir l'équilibre financier du contrat. A cet effet, un système d'indemnisation fondé sur trois théories jurisprudentielles permet à l'administration d'accorder au titulaire du marché, soit une indemnité pour sujétion imprévue, soit une indemnité pour fait de prince soit encore une indemnité pour travaux supplémentaires indispensables, soit enfin une indemnité de réparation de faute du maître d'ouvrage.

S'agissant de l'état d'imprévision en matière de marché public, il se rapporte à l'une des théories jurisprudentielles les plus illustres du droit administratif. Elle trouve son origine dans le célèbre arrêt du Conseil d'Etat français en date du 30 Mars 1916, Compagnie générale de gaz de Bordeaux149(*). Elle impose au pouvoir adjudicateur l'obligation d'aider financièrement le titulaire du marché à exécuter le contrat, lorsqu'un évènement imprévisible et étranger à la volonté des parties150(*) a provoqué le bouleversement de l'économie du contrat151(*).

L'application de la théorie d'imprévision permet au maître d'ouvrage d'octroyer au titulaire du marché soit une indemnité pour sujétion imprévue, soit une indemnité pour les perturbations résultantes des aléas économiques imprévus. Les conditions d'octroi desdites indemnités dégagées par la jurisprudence, sont précises à savoir : le caractère imprévisible de l'aléa, la survenance d'un fait étranger à la volonté des parties et enfin un bouleversement suffisant de l'économie du contrat. L'octroi de l'une ou l'autre des deux indemnités devrait conduire les parties à rechercher objectivement si les conditions ci-dessus sont réunies. C'est ce pouvoir d'appréciation laissé à la discrétion des acteurs qui est à l'origine des excès de révision de prix. Certes, l'indemnité pour sujétion technique imprévue couvre normalement l'intégralité des conséquences de la sujétion152(*)

Par ailleurs, l'indemnité pour fait de prince est absente ou rarement applicable dans la pratique administrative béninoise. Cette notion est née d'une décision du Conseil d'Etat en date du 11 mars 1910153(*), et elle désignait à l'origine toute mesure qui, prise par une autorité publique, provoque un renchérissement du coût d'exécution des prestations contractuelles. La doctrine avec René CHAPUS et surtout F. P. BENOIT, limite l'application de la théorie du fait de prince à deux hypothèses154(*). La première hypothèse est celle où la modification des conditions d'exécution du contrat a été décidée par l'administration contractante agissant en tant que partie au contrat. La seconde hypothèse correspond à la situation où les charges du cocontractant de l'administration sont aggravées du fait d'une mesure prise par la personne publique contractante, mais en une autre qualité que celle des parties au contrat. Il apparaît donc, au regard de la doctrine que l'application de la théorie du fait de prince pour réajuster les prix des marchés en cours d'exécution au Bénin, au moment de la dévaluation du franc CFA, est illégale155(*).

Enfin, les fautes du maître d'ouvrage ou de son délégué (le maître d'oeuvre), sont non négligeables dans le réajustement des coûts, que ces fautes soient contenues dans les ordres de service intempestifs auxquels l'entreprise a dû se soumettre ou qu'elles soient la conséquence d'un comportement et des carences éventuelles du maître d'ouvrage ou de son délégué. Le retard du maître d'ouvrage à donner l'ordre de commencer les travaux, a été considéré par le juge administratif comme étant susceptible de perturber le bon déroulement du chantier et de déjouer les prévisions des calculs de l'entreprise156(*). Le titulaire du marché a droit, lorsque la faute est constituée à une indemnité couvrant l'intégralité du surcoût engendré157(*).

Le juge administratif béninois, dans l'affaire ARTICO-80 contre l'Etat béninois, s'est curieusement démarqué de cette jurisprudence158(*). La désignation tardive par l'Etat du bureau de contrôle technique, a certes retardé le démarrage du chantier, mais l'entreprise ARTICO-80 n'avait pas pu évaluer les surcoûts engendrés. Le juge, de son côté, s'est borné à évoquer sans les préciser, « les multiples dysfonctionnements et incohérences dans la gestion des prérogatives de puissance publique dont jouissait l'administration pour mener à bonne fin » l'exécution du marché querellé. Curieuse encore est la condamnation de l'Etat béninois au paiement de dommages et intérêts sans que le juge ait évoqué une seule fois la responsabilité contractuelle du ministre de la santé publique. Enfin, le juge a condamné pour « toute cause de préjudice confondus l'Etat béninois a verser la somme de trois (03) milliards de francs CFA à l'entreprise ARTICO-80 alors que le prix initial du marché querellé, tel qu'il résultait de l'offre financière de l'entreprise était de (02) deux milliards159(*). La peine de trois milliards infligée correspondait, selon le juge pour deux milliards à « la faille et les dettes de la société ARTICO-80 à l'occasion de ce marché » résultant « des dysfonctionnements et incohérences », et pour un milliard, au « discrédit jeté sur l'entreprise ARTICO-80 du fait du marché ».

Avec les CPPP, il est prévu le recours par le partenaire privé aux différentes théories ci-dessus évoquées en cas de bouleversement de l'économie générale du contrat de partenariat afin qu'il puisse se voir indemniser. Mais l'indemnité ne répare que rarement l'ensemble des surcoûts correspondant au bouleversement subi par le partenaire privé car la jurisprudence estime que le cocontractant doit prendre en charge une partie du risque d'imprévision, généralement 10% de surcoût.

Somme toute, la pratique dans les marchés publics de travaux au Bénin révèle des manipulations de procédures. Ces manipulations ont été démontrées dans les deux grandes phases des marchés publics. La première phase qui est la passation des marchés publics de travaux, a décrit le système de passation des marchés publics entachés de vice et de violation des règles régissant ces marchés publics. Cela a permis d'observer des entraves à l'évaluation des soumissionnaires et des entraves de l'attribution du marché. Ces mêmes entraves se sont poursuivis jusqu'à l'exécution du marché.

Tout cela a occasionné des interruptions provisoires et définitives des travaux. De même, des manques à gagner, pour l'Etat ont été observés. Ces manques à gagner sont surtout sous-tendus par des surévaluations des travaux. De ce qui précède, l'on peut affirmer que la pratique des marchés publics de travaux occasionne d'énormes pertes pour l'Etat béninois. Au nombre de ces pertes on peut retenir les pertes de deniers publics et les pertes en infrastructures et équipements. Or de nos jours, les infrastructures publiques jouent un rôle important dans la croissance économique160(*).

Face à tout cela, il urge d'envisager d'autres approches de la commande publique. Parmi celles-ci, les partenariats public-privé (PPP) méritent d'être expérimentés.

* 149CE, 30 mars 1916, Compagnie générale d'éclairage de Bordeaux, GAJA, 15ème éd., p.184.

* 150CE, 30 mars 1916, Compagnie générale d'éclairage de Bordeaux, op. cit.

* 151CE, 2 juillet 1982, Société Routière Colas, Rec. Lebon, p.261.

* 152CE, 17 février 1992, Société Générale d'Entreprise Sainrapt et Brice,annexé in CHABANOL D. et JOUOGUELET J. P. Marchés public de travaux,3ème éd., Le Moniteur, 1999,p.202.

* 153CE, 11 mars 1910, Compagnie française de tramways, GAJA, 15ème éd., p.130.

* 154CHAPUS (R.) Droit administratif général, Tome 1, 15ème éd., Montchrestien, Paris 2001, p.1209 à 1211. Dans le sens de la conception stricte du fait de prince, voir Benoit F. P., Le droit administratif français, 1968, n°1137 et s.

* 155MFE, mesure d'accompagnement de la mise en oeuvre du changement de parité du franc CFA, Cotonou août 1994.

* 156CE, 18 mai 1990, ville de Nice, Rec. Lebon, 1990, p.130.

* 157CE, 11 février 1983, Société entreprise CARONI, Rec. Lebon, p.60.

* 158Cour suprême, CA, 18 février 1999, Société ARTICO-80 c/Etat béninois, Rec. des arrêts de 1999, p.179 à 187.

* 159E. ADJOVI, le visage de la corruption au Bénin, op. cit. p.45.

* 160Dieter BIEHL, « Equipements collectifs, développement économique, croissance et plein emploi », in le « Financement des équipements publics de demain », ss dir. Guy TERNY et Rémy PRUD'HOMME, Economica, Paris, p.83-109.

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