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Réflexions sur la problématique du coup d'état en Afrique.

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par Koffi Afandi KOUMASSI
Université de Lomé - Master 2 en Droit Public Fondamental 2015
  

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CHAPITRE DEUXIÈME : UNE PERSISTANCE DOMMAGEABLE

Les coups d'État ont une mauvaise réputation en Afrique. Ils sont un des facteurs de désolation du continent sur le plan politique, économique et social. Cette épidémie semble donner de l'Afrique l'image d'un continent infertile incapable de produire la démocratie, le développement économique et encore moins la stabilité politique.

Aujourd'hui, les semences démocratiques susceptibles de mettre les peuples africains sur les rails de la prospérité et de la dignité sont étouffées par la tempête des prises inconstitutionnelles et violentes du pouvoir. Les effets dévastateurs du coup d'État sont perceptibles quant à leurs conséquences sur la stabilité du pays victime et en raison de la menace qu'il représente pour la sécurité régionale et internationale. Pour tout résumer, la persistance de la pathologie du coup d'État altère la démocratisation des États (section I) et fragilise le continent tout entier (section II).

Section I : L'altération des efforts de démocratisation

La résurgence et la récurrence couplées de la prolifération et la persistance des prises inconstitutionnelles du pouvoir constituent une sorte de pesanteur qui tire dangereusement les États africains hors du jeu démocratique. Quelles que soient les causes et les finalités, les coups d'État contreviennent à l'idée même de la démocratie et de l'État de droit en ce qu'il rompt avec l'ordre politique et juridique existant. Ils constituent de ce fait une négation certaine du constitutionnalisme. Ils obèrent sérieusement les compromis démocratiques en cours d'élaboration sur le continent en faisant subir aux États des préjudices juridiques (paragraphe I) et en les plongeant dans des remords politiques (paragraphe II).

Paragraphe I : Les préjudices juridiques

Dans un régime démocratique, l'organisation et le fonctionnement du pouvoir politique reposent sur deux principes phares : la légitimité démocratique136(*) et la légalité constitutionnelle137(*).

En règle générale, le coup d'État heurte frontalement ces deux principes parce qu'il est d'abord perpétré en dehors, si ce n'est en violation, des procédures constitutionnelles de dévolution du pouvoir et ensuite, il s'accompagne de la suspension ou le plus souvent de la disparition totale ou partielle de la constitution. Le coup d'État constitue ainsi un mépris du constitutionnalisme (B), mais avant tout une violation du principe de la légitimité populaire (A).

A-) LA VIOLATION DE LA LÉGITIMITÉ POPULAIRE

Au frontispice de la démocratie, la souveraineté du peuple est inscrite en lettre d'or. La volonté populaire, exprimée à travers les élections libres et transparentes, est la source exclusive du pouvoir d'État. Logiquement, l'anormalité constitutionnelle de chaque coup d'État (1) réside dans l'atteinte qu'il porte au principe de la souveraineté populaire (2).

1-) L'illicéité des coups d'États

Le caractère illicite des coups d'État est avéré en droit interne et conforté en droit international. Le constituant africain des années 1990 a consacré le principe du « règne de la loi »138(*) en faisant de la constitution la racine pivotante qui doit stabiliser les États.

C'est pourquoi la plupart des constitutions africaines ont répudié le recours aux procédés anticonstitutionnels de changement des gouvernements. Elles ont proscrit les coups d'État militaires et tout coup de force quelconque en les qualifiant de crime ou de délit imprescriptible sanctionné conformément à la loi. Dans ce sens, il est exemplatif de considérer l'Art. 121 de la Constitution malienne du 25 février 1992 qui dispose que « le peuple a le droit à la désobéissance civile pour la préservation de la forme républicaine de l'État. Tout coup d'État ou putsch est un crime imprescriptible contre le peuple malien ». Le constituant togolais s'est inscrit dans cette même trajectoire d'incrimination du coup d'État car aux termes de l'Art. 148 de la Constitution du 14 Octobre 1992, « toute tentative de renversement du régime constitutionnel par le personnel des forces Armées ou de Sécurité publique, par tout individu ou groupe d'individus, est considérée comme un crime imprescriptible contre la Nation et sanctionnée conformément aux lois de la République ».

En l'absence d'un texte dans le droit international général prohibant expressis verbis les coups d'État, la communauté internationale a fondé leur illicéité sur le principe de légitimité démocratique. En effet, le dégel des relations internationales a contribué à l'éclosion d'« une obligation internationale coutumière d'être démocratique »139(*). Devenue ainsi le leitmotiv de la communauté internationale, la légitimité démocratique sert de soubassement aux réactions internationales contre les coups d'État. On relève avec le professeur Sicilianos que « tant sur le plan régional qu'au niveau universel, le coup d'État contre un régime démocratiquement élu est déclaré « illégal » et « inacceptable ». Il s'agit là, apparemment d'une illégalité au regard du droit international »140(*). Plus explicite encore, R. Ben Achour affirme que « toute action perpétrée contre un régime issu d'élections libres et honnêtes constitue un fait illicite international »141(*). Dès lors, il n'est d'États, ni d'organismes intergouvernementaux qui n'aient érigé en principe l'interdiction des procédés autocratiques de succession au pouvoir.

A titre illustratif, l'Organisation Internationale de la Francophonie (O.I.F) a adopté la Déclaration de Bamako le 3 Novembre 2000. Cette déclaration porte en elle le principe de la condamnation du procédé consistant à renverser un gouvernement démocratique. En substance, « Francophonie et démocratie sont devenues indissociables. Par conséquent, elle (la Francophonie) rejette clairement toute prise du pouvoir par la force »142(*). Pareillement, l'Union Européenne (UE) marque une aversion pour les gouvernements illégitimes en Afrique sur le fondement de l'Accord ACP-UE de Cotonou. L'Art. 96 de cet Accord a prévu la possibilité pour les parties prenantes d'entreprendre des contre-mesures en cas de « violation par l'autre de ses obligations en matière de Droits de l'homme, de respect des principes démocratiques et de l'État de droit ». De la sorte, l'UE condamne systématiquement toute violation de la constitution qu'elle qualifie de « coup d'État » 143(*) en ce qu'elle porte atteinte à la souveraineté du peuple en tant que fondement du pouvoir politique (2).

* 136 Le mot « légitimité » est ignoré par le droit constitutionnel « positif » parce que la question posée par la notion de légitimité est d'ordre métajuridique. Elle porte sur les raisons de l'obligation politique, c'est-à-dire de l'obéissance au pouvoir. De ce fait, la légitimité est définie « comme la qualité du pouvoir qui fonde l'obéissance qu'il exige, la conformité de ce pouvoir aux croyances des gouvernés quant à son origine et à ses formes ». Elle permet donc d'aller au-delà de l'effectivité du pouvoir et de réfléchir sur sa justice. Ainsi, la légitimité démocratique exprime « l'idée selon laquelle le régime démocratique est le seul dont la capacité à dicter des ordres auxquels on doit obéir est acceptée ou reconnue de tous. Elle signifie que seul un gouvernement démocratique est bon ou encore que la seule valeur politique est la démocratie ». D. KOKOROKO, « Souveraineté étatique et principe de légitimité démocratique », Revue Québécoise de Droit International, Vol 16.1, 2003, p. 43.

* 137Au centre de la légitimité démocratique et de l'État de droit, le principe de la légalité est « la conformité des actes de l'État et de l'administration au droit tel qu'établi par les organes habilités ». Parfois appelé principe de juridicité, il se confond à la hiérarchie des normes. Le « droit » dont il est fait référence dans la définition de ce principe n'est pas seulement la loi au sens strict du terme. Ainsi, la constitution étant également une loi, d'une force particulière d'ailleurs, des auteurs tirent argument pour intégrer la constitutionnalité dans la légalité. De la sorte, employé l'expression « légalité constitutionnelle » peut paraître redondant. Mais nous avons osé l'employer par soucis de préciser le type de légalité ou de normativité sur lequel le renouveau démocratique a entendu fonder les régimes politiques.

* 138 Selon ce principe, « les organes ou représentants de l'État sont soumis à la loi, en ce sens qu'ils doivent être investis de leurs fonctions conformément aux règles prescrites par la constitution ou les lois (...) » K. AHADZI-NONOU, Essai de réflexion sur les régimes de fait : le cas du Togo, op.cit., p. 15.

* 139 J. D'ASPREMONT, « Émergence et déclin de la gouvernance démocratique en droit international », Revue Québécoise de Droit international, Vol 22.2, 2009, p. 58.

* 140 L. A. SICILIANOS, L'ONU et la démocratisation de l'État, op. cit., p. 215.

* 141 R. B. ACHOUR, « Le Droit international de la Démocratie », Cours Euro-méditerranéens Bancaja de Droit international, Volume IV, 2000, p. 359.

Mais la doctrine n'épouse pas à l'unanimité le caractère illicite des coups d'État en droit international au regard des règles de la responsabilité internationale de l'État. Lire à ce sujet J. D'ASPREMONT, « La licéité des coups d'État en droit international », op.cit. Selon cet auteur, les coups d'État ne constituent pas, per se, un fait internationalement illicite susceptible d'entrainer la responsabilité de l'État en droit international.

* 142 Préface de M. B. BOUTHROS GHALI, Secrétaire Général de l'OIF à l'époque, « Francophonie et Démocratie », Symposium international sur le bilan des pratiques de la démocratie et des libertés dans l'espace francophone, Paris, Pédone, 2001. La Déclaration est disponible sur http://www.francophonie.org.

* 143 Cf. Déclaration de la Présidence au nom de l'Union [6172/1/05 REV 1 (Presse 22) P 009/05] en condamnation des évènements de 2005 au Togo. La Déclaration a été publiée le 9 février 2005 sur le site Internet officiel de l'Union Européenne ( www.ue.eu.int).

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"Tu supportes des injustices; Consoles-toi, le vrai malheur est d'en faire"   Démocrite