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Réflexions sur la problématique du coup d'état en Afrique.

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par Koffi Afandi KOUMASSI
Université de Lomé - Master 2 en Droit Public Fondamental 2015
  

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INTRODUCTION

« Au lieu de coups d'État et de changements anticonstitutionnels de gouvernement, efforçons-nous de faire en sorte que la démocratie prospère en Afrique ». Tel est le souhait exprimé par Monsieur Ban Ki-Moon le 3 février 2009 lors du sommet de l'Union Africaine à Addis Abeba. A l'évidence, le coup d'État constitue un problème lancinant pour une Afrique en plein processus de consolidation démocratique et de maturation politique. Il est un mystère inattendu et une énigme inexpliquée. Le vent de la démocratie qui souffle sur ce continent depuis 1990 n'a pas pu enrayer les causes sous-jacentes de ce fléau. Au contraire, le coup d'État en tant que « mode naturel de conquête du pouvoir »1(*) dans l'Afrique postcoloniale est omniprésent dans l'Afrique post-transition démocratique comme par transplantation.

Dès lors, le constat de ce contraste importe que l'on mène des réflexions sur la problématique du coup d'État en Afrique et tel est l'objet de la présente étude. Pour la crédibilité du travail, une démarche diachronique et synchronique s'impose. Et pour cause, le phénomène a suffisamment évolué. Ainsi, notre étude abordera les coups d'État aussi bien dans leur dimension classique constituée des coups d'État militaires que dans leurs aspects contemporains composés de toute forme de changement anticonstitutionnel de gouvernement dont les putschs électoraux et les coups d'État à la constitution constituent les manifestations essentielles.

Inauguré par le Togo avec l'assassinat du président Sylvanus Olympio le 13 janvier 19632(*), le phénomène du coup d'État militaire s'est rapidement répandu dans toute l'Afrique indépendante. En effet au lendemain de leur accession à l'indépendance survenue pour la plupart autour des années 1960, les États africains ont très vite fait volte-face aux mécanismes d'organisation et d'exercice démocratiques du pouvoir politique. Ils ont mis sous le boisseau les préceptes démocratiques du jeu de la conquête et du transfert pacifiques du pouvoir d'État. Dans ce contexte où la référence à la démocratie et ses principes traditionnels qui le caractérisent en occident relevait de l'exception, les munitions se sont substituées aux bulletins de vote pour faire basculer les gouvernements. Par conséquent, le mode par excellence de dévolution du pouvoir était la force et le coup d'État la technique la plus usitée. Sans ambages, le professeur G. Conac a écrit que « les relèves au pouvoir ont été plus fréquentes par coups d'État et révolutions que par transfert de pouvoir pacifique »3(*).

Des années 1964-1965 jusqu'à la fin des années 1980, les coups d'État militaires ont endeuillé le continent noir. La plupart des chefs d'État accédaient au pouvoir à la faveur du crépitement des armes. Une fois au pouvoir, ils instaurent des régimes monolithiques fortement militarisés et empreints de logiques autoritaires par crainte de « se faire mesurer de la mesure dont ils s'étaient servis »4(*). Ils confisquent le pouvoir et verrouillent le jeu politique. De la sorte, la succession à la tête de l'État n'allait jamais de soi ; elle ne pouvait s'opérer que par un renversement par l'armée. A vrai dire, « les coups d'État militaires ont été pratiquement érigés en mode courant de changement des gouvernements et considérés comme un procédé de droit commun de conquête du pouvoir »5(*). Le coup d'État, ce moyen constitutionnellement hérétique de conquête et d'accession au pouvoir, était l'expression mais aussi la raison de l'extrême militarisation des systèmes politiques de cette époque. Il semblait aussi être la manifestation de la convoitise outrée dont le pouvoir d'État fait l'objet en Afrique. La situation était telle qu'on a fini par croire qu'en Afrique le pouvoir ne s'arrache plus qu'il ne se donne.

Sous les fourches caudines des évènements nationaux et internationaux survenus autour des années quatre-vingt dix, l'Afrique va renouer avec la troisième « vague de démocratisation »6(*). Ce retour à la démocratie libérale et pluraliste a laissé entrevoir l'espoir d'un bannissement de la violence dans les relations sociétales. Les leçons du chaos socio-politique du passé ont fortement instruit les Africains. Ceux-ci ont donc ambitionné soumettre le jeu politique à la « force du droit », le droit de la constitution notamment, en le soustrayant au « droit de la force » des années de plomb. C'est à cet égard que de nouvelles constitutions vont essaimer à travers l'Afrique. Dans ce processus, la démocratisation du système de gouvernement des États reste le point saillant du changement amorcé. En fait, le dessein d'une constitution est d'être l'instrument qui tient l'État en équilibre en encadrant et en limitant les pouvoirs publics. Comme telles, presque toutes les constitutions de la transition démocratique ont énoncé les règles, les principes et les mécanismes juridiques et institutionnels nécessaires pour encadrer l'organisation et l'exercice du pouvoir de l'État. Cette fièvre constitutionnelle qui s'est emparée de l'Afrique allait à terme rendre le climat politique des États répulsif au coup d'État. Cette démarche est appréciable sous la pesanteur d'une double attractivité.

Primo, en rupture avec l'ordre ancien, l'on a consacré des mécanismes devant favoriser l'alternance démocratique au pouvoir. Dans cette perspective, les élections concurrentielles sont érigées en mode normal de dévolution et de légitimation du pouvoir politique. La presque totalité des États africains ont adopté ce postulat qui sert de référentiel aux démocraties occidentales. Désormais, c'est l'expression libre du suffrage universel qui mène les jeux de succession et d'alternance à la tête des États. A ceci, s'est ajoutée la technique de la limitation du nombre des mandats présidentiels en tant que mécanisme d'alternance automatique au pouvoir. L'objectif est de démocratiser la compétition politique en substituant le dialogue au recours à la force.

Secundo, les juridictions constitutionnelles vont être consacrées « la clé de voûte du système politico-juridique »7(*) de ces États en renaissance constitutionnelle et politique. Pouvant être considérées comme le cordon ombilical de l'« État de droit constitutionnel »8(*) en gestation sur le continent, elles ont reçu pour mission de « soumettre l'action de l'État à la discipline et à la primauté du droit (...) »9(*) et d'arbitrer les crises politico-institutionnelles entre les pouvoirs publics et entre les acteurs politiques. Par cette mesure, le constituant sonne le glas des recours à l'armée en tant qu' « instrument et source principale du pouvoir d'État »10(*) pour décanter de telles crises. On a ainsi voulu répudier la tendance généralisée de l'ingérence des militaires dans le domaine politique sous le prétexte du « salut public »11(*). De surcroit, certains constituants se sont clairement opposés aux coups d'États militaires. Ainsi, soit dans le préambule ou dans le corps de la constitution, ils ont proclamé directement leur illégalité et prévu des sanctions sévères pour leurs auteurs12(*).

Malheureusement, la pratique n'a pas donné raison aux principes. L'euphorie des transitions démocratiques n'a duré que l'instant d'un feu de paille et les coups d'État ont repris aussitôt avec une constance surprenante. Leur actualité est encore patente après un peu plus de deux décennies d'apprentissage de la démocratie. La quarantaine de putschs recensée depuis 1990 jusqu'à nos jours, sous réserve des multiples tentatives échouées, est assez illustrative pour s'en convaincre. Ce fléau est d'une force saisissante telle qu'il a ébranlé des régimes qui ont longtemps présenté une stabilité politico-institutionnelle et sociale. C'est le cas de la Côte d'Ivoire qui n'a jamais connu de putsch jusqu'aux évènements politico-militaires de décembre 1999. Pour les seules années 1999 et 2003, on a même pu parler d'une « marée de coups d'État »13(*). Aujourd'hui, le coup d'État peut être décrit comme une « sorte de pathologie politique »14(*) dont la persistance constitue un dangereux paradoxe pour une Afrique en plein processus de démocratisation.

Par définition, le terme coup d'État est « un changement de gouvernants opéré, hors des procédures constitutionnelles en vigueur, par une action entreprise au sein même de l'État au niveau de ses dirigeants ou de ses agents. Cette action, le terme « coup » le suggère, est soudaine et sollicite généralement la force »15(*). En d'innombrables cas, cette force est celle des armes. Yves Mény et Olivier Duhamel ont d'ailleurs écrit que « par nature, l'armée est au premier chef concernée par le coup d'État. Sans armée, la probabilité du coup d'État disparaît »16(*). Dans cette mesure, le coup d'État est, selon la formule de Raymond Aron, « une saisie de l'État par un groupe d'hommes armés »17(*). Il est une rapide prise de contrôle physique et politique de l'appareil d'État par une minorité conspiratrice s'appuyant sur la menace ou le recours à la violence.

Dans sa version contemporaine, le coup d'État est aussi l'usage de la force du droit contre le droit lui-même. Ici, l'initiateur du coup d'État est un acteur issu du monde politique même. Il s'agit du Chef de l'État. Avec l'avènement de la démocratie, nul ne doit conserver ou transférer le pouvoir d'État sans se parer de la moindre légitimité populaire ou en méprisant ouvertement la légalité constitutionnelle. Les chefs d'État africains ont donc trouvé des stratégies leur permettant de se servir de l'habillage constitutionnel pour opérer des changements politiques anticonstitutionnels. Appréhendé comme tel, le coup d'État est alors « une violation du droit interne et une atteinte brusque et réfléchie aux règles juridiques qui ont pour objet l'organisation et le fonctionnement des autorités constituées dans un pays, la police des libertés publiques et le maintien de l'ordre sur le territoire »18(*). Par ailleurs, on a défini également le concept du coup d'État à travers la notion de l'État de droit. Pris dans sa dimension formelle, l'État de droit est une exigence relative à une prise et un exercice non arbitraires du pouvoir basés sur des règles préalablement définies19(*). Ainsi, le coup d'État est-il, selon le professeur J. d'Aspremont, « l'accession au pouvoir d'un individu ou d'un groupe d'individus en méconnaissance des procédures existantes relatives à la désignation des détenteurs effectifs du pouvoir politique »20(*).

Au regard de cette dynamique définitionnelle, la formule « coup d'État » désigne dorénavant la catégorie générale des changements anticonstitutionnels de gouvernement. Ses modalités sont désormais variables. Mais il s'agit toujours pour ceux qui le fomentent d'accéder au pouvoir hors des procédures constitutionnelles prévues et démocratiques requises. Succinctement, le coup d'État désigne de façon générique l'ensemble des manoeuvres politiciennes destinées à accéder au pouvoir, à le transférer et/ou à le conserver contre la volonté du peuple, seul dépositaire de la légitimité du pouvoir en démocratie.

Face à la résurgence des coups d'État, des solutions concertées ont été proposées et expérimentées surtout au niveau régional. Ces initiatives sont favorisées voire imposées par « l'émergence du principe de légitimité démocratique en droit international »21(*) d'autant plus que la fin de la bipolarisation du monde a permis de rompre avec le principe de « l'équivalence des régimes politiques »22(*). Elles visent donc à intégrer les États africains à un ordre international public désormais intimement attaché au respect de la légalité constitutionnelle. De la sorte, différents mécanismes ont été mis en oeuvre pour tenter d'exorciser l'Afrique des coups d'État. Amorcée par l'Organisation de l'Unité Africaine (OUA)23(*), la lutte des Africains contre cette espèce de malédiction politique est systématisée par l'Union Africaine (UA)24(*). Contrairement à son aïeule, cette jeune organisation a posé des pas de géant dans le processus de lutte contre cette pathologie politique. Sans atermoyer, elle a érigé en principe fondateur « la condamnation et le rejet des changements anticonstitutionnels de gouvernement »25(*).

Ainsi progressivement mais fermement, l'organisation panafricaine a institutionnalisé la prohibition des régimes antidémocratiques. Elle s'est dotée à cet effet d'un arsenal normatif et institutionnel anti-coup d'État. La Charte Africaine de la Démocratie, des Élections et de la Gouvernance (CADEG)26(*) constitue la charpente de l'arsenal normatif. Cette Charte est la forme la plus achevée du régime préventif et coercitif de l'UA en matière de coup d'État. De plus, elle est appréhendée comme « une sorte de constitution politique internationale »27(*) à l'échelle africaine. A travers elle, les coups d'État font désormais objet d'une incrimination et d'une pénalisation manifestes en droit africain. Son Chapitre VIII a élaboré un éventail de sanctions on ne peut plus contraignantes à l'encontre des États mis en cause et surtout contre les putschistes pris individuellement. Aussi, les mécanismes institutionnels témoignent plus ou moins de l'hostilité de l'Union à l'égard des coups d'État. Le Conseil de Paix et de Sécurité (CPS)28(*) se présente comme la clé de voûte de l'attelage institutionnel de l'UA consacré aux coups d'État. Il est à ce titre la main agissante du système africain de réaction contre les changements anticonstitutionnels de gouvernement.

Sur cette lancée, il est clair que l'UA a fait de la lutte contre les coups d'État son cheval de bataille. Cependant, ses multiples efforts continuent d'endurer des défis importants à travers le continent. Malgré l'appui des Communautés économiques régionales (CER) et le secours de la communauté internationale dans une certaine mesure, la lutte engagée par l'UA ne produit pas pour l'heure les résultats à la mesure des espérances. Les mêmes causes produisant les mêmes effets, le mal persiste.

Dès lors, comment expliquer cette image paradoxale entre la proscription des coups d'État et leur persistance aussi inquiétante ? Quels sont les facteurs qui rendent encore le climat politique des États propice aux coups d'État ? Qu'est-ce qui explique l'inefficacité des mécanismes de l'UA destinés à endiguer définitivement ce fléau du continent africain ? Concrètement, il s'agit d'identifier le chaînon manquant entre la prohibition des prises illégales du pouvoir et leur prolifération. L'on a tendance à considérer certaines interventions de l'armée sur la scène politique comme salutaires. Sous cet angle, les coups d'État contribueraient à l'amorce de la démocratie et à l'ancrage ou à la sauvegarde des acquis démocratiques. Mais les coups d'État ont-ils un impact réellement vertueux sur la démocratisation, la stabilité politique, la sécurité et le développement de l'Afrique ? A bien considérer la résurgence couplée de la prolifération des coups d'État, ce phénomène serait-il devenu une fatalité dont les États africains ne peuvent se défaire ? En clair, c'est toute la problématique du coup d'État en Afrique qui se trouve ainsi posée.

Il y a un risque majeur pour tout travail de recherche. C'est celui de trop embrasser et de mal étreindre. Pour esquiver ce piège, nous n'étudierons pas le phénomène du coup d'État depuis les indépendances. La présente étude prendra alors en compte la période de 1990 à nos jours. En fait, l'année 1990 symbolise « non seulement le départ d'une marche vers la démocratie mais peut être la véritable fin de l'époque coloniale »29(*). Les États africains ont ainsi opéré des réformes politiques, constitutionnelles et institutionnelles susceptibles de mettre fin aux coups d'État. Quel est le constat plus de deux décennies après ? On pourrait dire que tout a semblé bouger pour que grand-chose ne change. La persistance des coups d'État démontre que la transition vers l'ancrage de la démocratie est peut être encore à ses débuts ou du moins n'est pas tout à fait close. Compte tenu de leur constante variabilité, nous ne pourrons prétendre aborder tous les changements politiques inconstitutionnels dans toutes les régions d'Afrique de façon exhaustive. Pour l'essentiel, il s'agira d'évoquer les plus illustratifs des dysfonctionnements du système de gouvernement des États et ceux qui ont le plus assombri l'histoire politique du continent.

Le Professeur El Hadj Mbodj estimait en 1991 que les coups d'État ne doivent pas retenir l'attention du juriste. Celui-ci doit se préoccuper de la stabilisation du droit plutôt que de sa destruction30(*). En revanche à l'orée de ce troisième millénaire, l'étude des coups d'État en Afrique est une réflexion sur une thématique aux intérêts tant théoriques que d'actualité pour le juriste en droit public.

D'abord parce qu'il est inconcevable de connaitre encore des coups d'État à l'ère du néo-constitutionnalisme et de l'essor démocratique. Le coup d'État est aux antipodes de la démocratie quelles qu'en soient les motivations. Sans doute, sa persistance en Afrique est tributaire du tâtonnement de la plupart des États africains à s'engager dans la voie de la démocratie constitutionnelle effective. L'étude des coups d'État s'inscrit alors dans la problématique plus large des tendances à la dénaturation des principes démocratiques observée dans la pratique constitutionnelle africaine.

Ensuite, il est unanimement admis que les coups d'État « constituent l'une des causes essentielles d'insécurité, d'instabilité, de crise et même de violents affrontements en Afrique »31(*). Ce constat ne saurait laisser le juriste indifférent parce qu'il établit l'évidence que le refus de la démocratie équivaut au rejet de la paix et de la sécurité. Il convient alors de détecter les retombées perverses des changements antidémocratiques de gouvernement afin de faire la promotion des vertus démocratiques comme gage de stabilité de toute société.

Enfin, les espérances suscitées par la noblesse du cadre anti-coup d'État de l'UA contrastent avec la maigreur des expériences vécues. D'aucuns ont même parlé de « l'illusoire interdiction des coups d'État »32(*). C'est à dire que la lutte enthousiasmée de l'UA pour sortir l'Afrique de l'infâme auberge des coups d'État se heurte à des insuffisances et contraintes multiformes. Le juriste a un rôle majeur à jouer dans le recensement de ces écueils afin de suggérer des correctifs pour rendre l'organisation continentale plus performante.

Pour cerner les tenants et les aboutissants de la problématique du coup d'État en Afrique, le présent travail sera conduit sous les auspices d'une confrontation entre les déclarations de principe et les réalités observées. L'observation attentive du paysage politique des États révèle que le coup d'État est un fléau qui a conservé son droit de cité sur le continent malgré tout (première partie). Il semble être une véritable épine profondément enfoncée dans le talon de l'Afrique faisant pâtir les Africains dans les domaines politique, social, économique et sécuritaire. Les exemples récents du Mali et de la Centrafrique en sont évocateurs. D'où le souhait légitime que ce mal soit conjuré de la vie politique africaine (deuxième partie).

* 1 Y. VIGNON, « Les coups d'État en Afrique noire francophone », in Les voyages du droit, Mélanges Dominique Breillat, Paris, L.G.D.J., 2011, p. 613.

* 2 Il faut cependant noter que le coup d'État est un phénomène à la fois ancien et récent dans l'histoire politique de l'Afrique. Pour remonter au Moyen Age, le premier coup d'État en Afrique eut lieu sous l'empire du Mali. Il fut l'oeuvre de Sakoura, l'esclave de la famille royale. Préoccupé par la survie de l'empire confronté à une lutte successorale, celui-ci prend le pouvoir pour rétablir l'ordre entre 1285 et 1300. Voir R. CORNEVIN, Histoire des peuples de l'Afrique noire, Paris, Berger-Levrault, 1962, p. 248 ; D.T. NIANE, Recherches sur l'empire du Mali au Moyen Age, Recherches Africaines, n°.1, janvier-mars 1960, pp. 17-36.

* 3 G. CONAC, « Portrait du chef d'État », Les pouvoirs africains, Revue Pouvoirs, n° 25, 1983, p. 123.

* 4 Evangile selon Saint Luc chapitre 6 verset 38, in fine « (...) car on vous mesurera avec la mesure dont vous vous serez servis », La Bible en français courant, Nouvelle édition révisée en 1997.

* 5 I. M. Fall, Le pouvoir exécutif dans le constitutionnalisme des États d'Afrique, Paris, L'Harmattan, 2008, p. 14.

* 6 L'expression est de Samuel Huntington. Voir S. HUNTINGTON, The Third Wave. Democratization in the Late Twentieth Century, Norman, university of Oklahoma press, 1991; Cité par B. GUEYE, « Démocratie en Afrique: succès et résistances », La démocratie en Afrique, Revue Pouvoirs, n° 129, 2009, p. 5.

Il faut se rappeler que la troisième vague de démocratisation a démarré au Portugal et s'est étendue en Amérique latine, puis en Europe de l'Est. Elle a enfin posé ses valises en Afrique en 1990 conformément à la prédiction du Président François Mitterrand. En fait, ce dernier a déclaré à la Baule que « le souffle de la démocratie fera le tour de la terre ; les évènements qui ont emporté en Europe centrale ces régimes considérés comme les plus forts n'épargneront pas l'Afrique ».

* 7 M. GLÈLÈ-AHANHANZO, « Le renouveau constitutionnel au Bénin : une énigme ? », Un passeur entre les mondes. Le livre des Anthropologues du Droit disciples et amis du Recteur Michel Alliot, Paris, Publications de la Sorbonne, 2000, p. 328.

* 8 L'idée de l'État de droit constitutionnel suppose la construction d'un État de droit par le règne de la constitution. Voir L. HAMON, L'État de droit et son essence, RFDC, 1990/4, pp. 699 et ss. ; D. TURPIN, Contentieux constitutionnel, Paris, PUF, 1994, p. 34.

Mais aujourd'hui, les pensées juridiques tournent plutôt en faveur de l'idée de l'État de droit démocratique dans la mesure où « si l'État de droit n'était qu'un dispositif technique soumettant la loi à la constitution et manifestant le triomphe de la hiérarchie des normes, il n'aurait guère d'autre vertu que d'assurer la satisfaction intellectuelle des disciples de Hans Kelsen ». D. COLAS, « L'État de droit : une contradiction ? », in Mélanges Eisenmann, Paris, Cujas, 1974, p. 78. Qui plus est en Afrique, la constitution qui devrait assurer la soumission de l'État au droit est devenue, d'après Stéphane Bolle, « le jouet des politiques ». Maintenir l'idée d'un État de droit constitutionnel dans ces conditions nuirait à l'esprit et à l'essence même du constitutionnalisme parce que tous les États seront régis par un texte, pourvu qu'on l'appelle constitution. C'est pour éviter de tomber dans ce travers que l'État de droit n'est désormais conçu que dans sa seule version qui soit réaliste et reconnue des démocraties libérales occidentales ; un État de droit démocratique. Ainsi, un État ne saurait être étiqueté « État de droit » que si l'ensemble des normes juridiques auxquelles il est soumis et qui régissent le fonctionnement des pouvoirs publics et acteurs politiques favorisent effectivement la réalisation de la démocratie par la garantie et la protection des principes démocratiques. C'est dans ce sens que le professeur Slobodan Milacic affirme que « même si l'histoire offre des exemples de régimes représentatifs libéraux, avec un système juridique rigoureux qui s'apparente, toute proportion gardée, à l'État de droit moderne, on peut affirmer, sans trop de risque, qu'aujourd'hui l'État de droit crédible et durable ne se conçoit que démocratique (...) C'est la démocratie qui donne vie et âme à l'État de droit libéral ». S. MILACIC, « L'État de droit, pour quoi faire ? L'État de droit comme logistique d'une bonne gouvernance démocratique », in Constitutions et Pouvoirs, Mélanges Jean Gicquel, Paris, Montchrestien, Lextenso éditions, 2008, p. 284 ; Voir aussi K. TUORI, « Four models of the Rechtstaat », in M. SAKSLIN, The finish Constitution in Transition, Hermes-Myiynti Oy, 1991, pp. 31-41. Cet auteur a identifié quatre modèles d'État de droit dans la pensée juridique allemande à savoir les modèles libéral, matériel, formel et démocratique. Les insuffisances des trois premiers modèles ont rendu salutaire l'adoption du quatrième modèle dans le système juridique allemand. Ce dernier modèle porte sur une exigence explicite de démocratie en ce sens que l'État de droit doit être la garantie de la démocratie. En clair, « L'État de droit doit être paré de vertus positives aptes à réaliser la démocratie et à protéger les libertés ».

* 9 P. BON, F. MODERNE, Y. RODRIGUEZ, La justice constitutionnelle en Espagne, Paris, Economica, 1984, p. 9.

* 10 M. BENCHENANE, Les armées africaines, Publisud, 1983, p. 11.

* 11 K. AHADZI-NONOU, Essai de réflexions sur les régimes de fait : Le cas du Togo, Thèse de Doctorat en Droit, Université de Poitiers, 1985, p. 1.

* 12 En guise d'illustration, on peut citer le préambule et l'Art. 167 de la Constitution burkinabé, les Art. 65 et 66 de celle du Bénin, l'Art. 121 de celle du Mali, l'Art. 19 de la Constitution de Guinée, l'Art. 150 de celle du Togo etc. Cf. D. SY, « De quelques dispositions atypiques dans les constitutions africaines », in La Constitution béninoise du 11 décembre 1990 : un modèle pour l'Afrique ?, Mélanges Maurice Ahanhanzo-Glèlè, L'Harmattan, Études Africaines, 2014, p. 274.

* 13 A. J. ADÉLOUI, « L'Union Africaine et la reconnaissance des gouvernements anticonstitutionnels », Revue Béninoise des Sciences Juridiques et Administratives (RBSJA), n° 29, 2013, p. 11.

* 14 R. OTAYEK, « Après le coup d'État du 15 octobre 1987: retour à la case départ au Burkina Faso », Revue Année Africaine, 1987-1988, p. 239 ; Cité par K. IDRISSA (sous la dir.), Armée et politique au Niger, CODESRIA, 2008, p. 11.

* 15 O. DUHAMEL ET Y. MÉNY, Dictionnaire de droit constitutionnel, PUF, 1992, p. 240.

* 16 O. DUHAMEL ET Y. MÉNY, Dictionnaire de droit constitutionnel, op. cit., p. 241.

* 17 R. ARON cité par Y. VIGNON, « Les coups d'État en Afrique noire francophone », op. cit., p. 614.

* 18 TH. HOLO, Étude d'un régime militaire, le cas du Dahomey (Bénin), Thèse de Doctorat en droit public, Université Paris I, 1979, p. 17.

* 19 J. CHEVALLIER, L'État de droit, 2ème édition, Paris, Montchrestien, 1994, p. 55.

* 20 J. D'ASPREMONT, « La licéité des coups d'État en droit international », L'État de droit en droit international, Paris, A. Pedone, 2009, p. 123.

* 21 V. HUET, « Vers l'émergence d'un principe de légitimité démocratique en droit international ? », Revue Trimestriel des Droits de l'Homme, n° 67, 2006, pp. 547-573.

* 22 Nous assistons désormais, comme l'affirme à juste titre le Professeur R. J. Dupuy, au « rejet de la règle du libre choix par l'État de son régime politique, économique et social au profit de la démocratie libérale fondée sur les droits de l'homme et les libertés fondamentales ». R. J. DUPUY, « Concept de démocratie et action des Nations Unies », Bulletin du centre d'information des Nations Unies, décembre 1993, n° 7-8, p. 61.

* 23 Les premiers pas vers la condamnation ferme des formes non constitutionnelles d'accession au pouvoir sur le plan continental sont à mettre à l'actif de deux instruments juridiques majeurs de l'OUA. Il s'agit de la Décision d'Alger de 1999 sur les changements anticonstitutionnels de gouvernement adoptée à la 35ème session ordinaire de la Conférence des chefs d'État et de gouvernement (Doc. AHG/Déc. 141 (XXXV) et de la Déclaration de Lomé sur le cadre pour une réaction de l'OUA face aux changements anticonstitutionnels de gouvernement adoptée à la 36ème session ordinaire de la Conférence des chefs d'État et de gouvernement tenue du 10 au 12 juillet 2000 à Lomé (Doc. AHG/Décl. 5 (XXXVI). http://www.ua.org.

* 24 Les jalons de l'Union Africaine sont posés le 11 juillet 2000 par l'adoption de son Acte constitutif à la 36ème session ordinaire des chefs d'État et de gouvernement de l'O.U.A. à Lomé. Après une période transitoire de deux ans, elle a pris corps le 9 juillet 2002 à Durban, en Afrique du Sud, à la 38ème session ordinaire des chefs d'tat et de gouvernement de l'OUA.

* 25 Cf. Art.4(p) de l'Acte constitutif de l'Union.

* 26 La Charte Africaine de la Démocratie, des Élections et de la Gouvernance est adoptée le 30 janvier 2007 à Addis-Abeba à la 8ème Session ordinaire de la Conférence de l'Union Africaine. Elle est entrée en vigueur le 15 février 2012 suite au dépôt du 15ème document de ratification par le Cameroun le 16 janvier 2012.

* 27 B. TCHIKAYA, « La Charte Africaine de la Démocratie, des Élections et de la Gouvernance », Annuaire Français de Droit International, L. IV, 2008, p. 516.

* 28 Le Protocole portant création du Conseil de Paix et de Sécurité de l'Union africaine (CPS-UA) est adopté à la 1ère session ordinaire de la Conférence de l'Union Africaine tenue le 9 juillet 2002 à Durban. Il est entré en vigueur le 26 décembre 2003. L'organe est officiellement inauguré le 25 mai 2004.

* 29 MM. BELOTTEAU ET GAUD, « La marche vers le multipartisme », Afrique contemporaine, n° 158, 1991, p. 53.

* 30 EL H. MBODJ, La succession du chef d'État en droit constitutionnel africain (Analyse juridique et impact politique), Thèse de Doctorat en Droit, Université Cheikh Anta Diop de Dakar, 1991, p. 11.

* 31 Cf. Paragraphe 8 du Préambule de la CADEG.

* 32 A. AYISSI, « L'illusion de la fin des coups d'État en Afrique », Manière de voir, n °51, mai-juin 2000, 5 p.

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"Là où il n'y a pas d'espoir, nous devons l'inventer"   Albert Camus