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Réflexions sur la problématique du coup d'état en Afrique.

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par Koffi Afandi KOUMASSI
Université de Lomé - Master 2 en Droit Public Fondamental 2015
  

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PARTIE II

LE COUP D'ÉTAT, UN FLÉAU A ÉRADIQUER

Les élites africaines ont pris conscience de l'échec de leurs États respectifs au test de la démocratie. En conséquence, l'Afrique est un continent où le coup d'État se retrouve facilement et y déferle constamment ses maux alors que la démocratie se cherche tristement. D'où viendra le secours ? D'en haut bien sûr. Mais non du ciel, plutôt des instances supranationales africaines.

La conjoncture géopolitique de la dernière décennie du XXème siècle aidant, les Africains ont ardemment oeuvré à la recherche du remède approprié au mal du coup d'État. Sous les auspices de l'OUA, des pas non négligeables ont été franchis dans ce processus. Sa Décision d'Alger de 1999 et sa Déclaration de Lomé en date du 12 juillet 2000 ont posé les jalons en la matière. La naissance de l'UA le 9 juillet 2002 à Durban a permis de parachever la construction du « laboratoire anti coup d'État » désormais garni d'arsenal normatif et institutionnel effectif en Afrique192(*). Ainsi donc, « la condamnation, le rejet et l'interdiction des changements anticonstitutionnels de gouvernement » est inscrit comme un principe fondamental à l'Art. 4(p) de l'Acte constitutif de l'UA.

Mais tout semble démontrer que la réalité des engagements tranche nettement avec l'immensité du défi. Aussi encourageantes soient-elles, il faut se garder de voir le printemps dans les quelques avancées de l'UA en matière de lutte contre les coups d'État. L'enthousiasme et l'optimisme suscités par l'engagement des organisations africaines (l'UA et les Communautés sous-régionales) à combattre les coups d'État ne satisfont pas encore les attentes. Il reste bien d'obstacles à surmonter et assez d'écueils à dégager. Il convient alors d'interroger les variables manquantes afin de suggérer les arrangements adéquats pouvant produire les résultats escomptés. Même si tout paraît pour l'heure difficile au regard des échecs successifs (chapitre I), le pari d'éradiquer les coups d'État de la vie politique africaine ne semble pas impossible à gagner si les réglages convenables sont effectués (chapitre II).

CHAPITRE PREMIER : UNE ÉRADICATION DIFFICILE

Il serait manichéen de prétendre qu'il n'y a pas eu d'efforts en matière de lutte contre les coups d'État. Dans la dynamique d'endiguer définitivement ce fléau, l'Afrique a innové et imité. Mais « autre chose est le principe, autre chose est le fait », a prévenu Emmanuel Kant.

En effet, le cadre normatif voué à la promotion de la culture démocratique en tant que remède efficace contre les coups d'État recèle bien de brèches. Le régime coercitif du chapitre VIII de la CADEG brille par sa complaisance et sa précarité dans la pratique. Aussi le système opératoire tant adulé, avec la création du CPS et l'innovation du droit d'intervention193(*), est pourfendu par des épreuves multiples qui rendent son fonctionnement assez complexe. A y regarder de près, le principe du rejet des coups d'État n'est pas aussi significatif qu'on le croirait ; tant les précautions pour contrer le fléau sont inefficaces (section I), tant la gestion des situations de crise se révèle fort ambiguë (section II).

Section I : L'inefficacité des précautions de l'UA

A l'espoir sublime d'une UA forte capable de combattre irréprochablement les coups d'État se substitue le triste constat d'une organisation affaiblie par les défaillances et contraintes multiples. Ses mécanismes comportent des lacunes intestines qui desservissent leur efficacité. Leur appropriation ne fait pas encore l'unanimité des États membres. L'UA manque du soutien consistant de ses partenaires régionaux et internationaux pour mener à bien sa lutte. En résumé, les mécanismes destinés à lutter contre les coups d'État souffrent de tares congénitales (paragraphe I) aggravées par les difficultés existentielles (paragraphe II).

Paragraphe I : Des mécanismes desservis par des tares congénitales

L'introduction des changements inconstitutionnels de gouvernement dans l'agenda de l'UA constitue une nouvelle pratique pour la défense de la démocratie. Apparemment, tout paraît parfait pour reléguer le fléau du coup d'État dans les souvenirs lointains des Africains. Or en scrutant tour à tour le cadre normatif et l'architecture institutionnelle voués à cette mission, nous nous apercevons que le premier est atteint de vices (A) tandis que la seconde est timorée par les défaillances fonctionnelles (B).

A-) LES VICES NORMATIFS

Le principe du rejet des coups d'État en Afrique repose sur un ensemble de textes issus aussi bien du droit déclaratoire que du droit conventionnel et dérivé de l'UA. La CADEG constitue la poutre maitresse de l'architecture normative de l'UA en cette matière. Elle a défini le régime des situations constitutives de changements anticonstitutionnels de gouvernement en identifiant les cas et les causes. Toutefois son caractère novateur ne fait que mal cacher son laconisme (1) et son mutisme (2) sur bien de questions essentielles.

1-) Des imprécisions préjudiciables

Entrée en vigueur le 15 février 2012 grâce au quinzième instrument de ratification déposé par le Cameroun, la CADEG fait l'objet d'une appréciation relative. En réalité, la Charte avait cherché à instaurer une nouvelle façon de gouverner en Afrique en accordant une grande importance aux gouvernements démocratiques. Mais elle traine assez de clair-obscur ; toute chose de nature à faire obstacle à la réalisation de ce noble objectif.

En son Art. 5, la Charte énonce que « les États parties prennent les mesures appropriées afin d'assurer le respect de l'ordre constitutionnel, en particulier le transfert constitutionnel du pouvoir ». Cependant, elle n'a pas déterminé les critères à l'aune desquels on doit pouvoir définir un « ordre constitutionnel ». Or l'évidence s'est établie qu'il ne suffit pas de disposer d'une constitution pour conclure qu'elle est démocratique. Sinon, le « constitutionnalisme se réduirait au seul respect de son apparence, avec comme conséquence un État de droit à faible densité démocratique »194(*). En conclusion, ce silence de la Charte sur le label identitaire de l'ordre constitutionnel exigé constitue une ouverture à toute forme subtile d'accessions illégales au pouvoir.

Cette première brèche est aggravée par la confiance trop expéditive que la Charte fait en son Art. 10 aux constitutions africaines en tant que soubassement à la démocratisation de la vie politique et sociale des États. Sans en préciser la définition ni les caractéristiques indispensables, la constitution peut être n'importe quoi pourvu qu'on l'appelle ainsi. C'est pourquoi « aujourd'hui, on peut conclure, sous quelques réserves, que la plupart des États continuent d'être formellement régis par une constitution. Ce n'est que pour se donner une bonne image internationale car en réalité, la constitution n'est qu'une façade derrière laquelle se cache un régime politique peu soucieux du constitutionnalisme en tant qu'idéologie et technique de limitation du pouvoir »195(*). De ce fait, la Charte semble perdre de vue l'idée que « le renforcement du principe de la suprématie de la constitution n'aurait pas de sens si la constitution elle-même n'est pas de nature d'une part à assurer le respect des droits et libertés fondamentaux et d'autre part à garantir celui des principes démocratiques »196(*).

Une autre faiblesse essentielle de la CADEG est son imprécision sur la nature des « gouvernements démocratiquement élus » dont elle assure la défense et en fait la promotion. Cette question est complexe pour la simple raison que la légitimité de la plupart des élections en Afrique est contestée. Mais la CADEG n'a nulle part résolu la sempiternelle question de savoir pourquoi les élections en Afrique sont essentiellement entachées de violences. De même, les indices à partir desquels on doit pouvoir conclure au caractère libre, transparent et équitable des processus électoraux ne sont guère précisés.

Ces imprécisions sont préjudiciables au pari de la CADEG de rendre à la démocratie son trône en Afrique afin qu'y soit chassé le coup d'État. Elles se trouvent d'ailleurs empirées par des insuffisances incommodantes (2).

* 192 Sans que nous n'ayons une connaissance réductrice des différents mécanismes africains de lutte contre les coups d'État, nous les passons sous silence pour les besoins de notre étude. Mais pour y voir plus clair, nous proposons de consulter avec intérêt, K. AFOGNON SÉDAMINOU, L'Union Africaine face aux changements anticonstitutionnels de gouvernement en Afrique , Mémoire pour le D.E.A en Droit public fondamental, Université de Lomé, 2004-2005, 89 p. ; JOSEPH K. MPIANA, « L'Union Africaine face à la gestion des changements anticonstitutionnels de gouvernement », RQDI, 2012, pp. 101-141 ; A.-J. ADÉLOUI, « L'Union Africaine et la reconnaissance des gouvernements anticonstitutionnels », RBSJA, n° 29, 2013, p. 5-57.

* 193 Art. 4-h de l'Acte Constitutif de l'UA dans sa version amendée par l'Art. 4 du Protocole sur les amendements à l'Acte Constitutif adopté par la 1ère session extraordinaire de la Conférence de l'Union à Addis-Abeba le 3 février 2003 et sa 2ème session ordinaire le 11 juillet 2003 à Maputo.

* 194 J. DU BOIS DE GAUDUSSON, « Constitution sans culture constitutionnelle n'est que ruine du constitutionnalisme : Poursuite d'un dialogue sur quinze années de « transition » en Afrique et en Europe », in Démocratie et liberté : tension, dialogue, confrontation, Mélanges Slobodan Milacic, op. cit., p. 339.

* 195 K. SOMALI, Le parlement dans le nouveau constitutionnalisme en Afrique. Essai d'analyse comparée à partir des exemples du Bénin, du Burkina Faso et du Togo, op. cit., p. 22.

* 196 S. SAUNGWEME, « Un regard critique sur la Charte Africaine de la Démocratie, des Élections et de la Gouvernance », Open Society Institute, Africa Governance Monitoring and Advocacy Project, AfriMAP, mai 2007, p. 3.

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"Je ne pense pas qu'un écrivain puisse avoir de profondes assises s'il n'a pas ressenti avec amertume les injustices de la société ou il vit"   Thomas Lanier dit Tennessie Williams