Chapitre III : De la soutenabilité du secteur
minier burkinabè
Introduction
Le secteur minier occupe une grande place dans
l'économie burkinabè. Du fait de sa concentration autour de
l'exploitation aurifère et autres minerais non renouvelables, le boom
minier peut être assimilé a une destruction de capital naturel.
Analyser la soutenabilité du secteur minier burkinabè implique
donc de définir dans un premier temps les conditions d'une politique
d'exploitation soutenable, puis d'identifier les indicateurs a même de
mesurer le phénomène et enfin de procéder a une analyse
empirique permettant d'avoir une idée sur le niveau de ces
indicateurs.
Dans le cadre de notre analyse, nous avons retenu la
définition du développement soutenable du rapport Brundtland.
Pour être soutenable, le développement doit pouvoir
perpétuer indéfiniment le bien-être de
génération en génération. Cela suppose donc par
rapport à la soutenabilité forte que tous les stocks de capitaux
soient constants au fil du temps, et selon la soutenabilité faible, que
le stock total de capital soit au moins constant dans le temps. Dans notre
travail, nous considérons l'hypothèse de soutenabilité
faible, tout en admettant qu'elle comporte des limites. Dans ces conditions, la
règle de Solow-Hartwick est celle qui définit le mieux les
conditions de soutenabilité de la croissance dans les économies
de rentes : la règle de soutenabilité consiste à investir
toute la rente des ressources non renouvelables dans d'autres types
d'actifs.
Dans quelle mesure l'usage de la rente au Burkina Faso
satisfait-il la règle de Solow-Hartwick ?
Pour répondre à cette question, nous
considérons l'hypothèse d'un changement de régime
d'accumulation du capital physique et humain depuis le boom minier au Burkina
Faso. Si la destruction de capital naturel s'accompagne d'une accumulation de
capital physique et humain plus élevée que celle d'avant le boom
minier, alors le Burkina Faso se serait engagé sur une trajectoire plus
ou moins soutenable. Si tel n'est pas le cas, le Burkina Faso est
nécessairement sur une trajectoire non soutenable, car au terme de
l'épuisement de la ressource, les générations futures
disposeront d'un stock total de capital inférieur à celle de la
génération actuelle.
Nous discuterons dans un premier temps des indicateurs
couramment utilisés pour mesurer le développement soutenable en
ses trois dimensions : économique, sociale et
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environnementale. Ensuite nous nous pencherons
particulièrement sur l'aspect économique en justifiant le choix
des indicateurs retenus pour mesurer le capital physique et humain du Burkina
Faso, et enfin nous testerons dans le cas du Burkina Faso, l'hypothèse
d'un changement de régime d'accumulation de capital physique et
humain.
I. A la quête d'un indicateur de
développement soutenable
Le choix d'un indicateur dépend fondamentalement de ce
que l'on veut mesurer, des moyens techniques et de son
opérationnalité. Aussi, pour mesurer la capacité d'un Etat
comme le Burkina Faso à transformer la rente de son secteur minier en
d'autres types de capitaux, nous ne nous attarderons pas sur des indicateurs
composites de bien-être, de bonheur ou de dimensions
environnementales.
Il existe déjà une grande diversité
d'indicateurs de développement, nous ne nous vanterons donc pas
d'inventer un nouvel indicateur, mais plutôt d'identifier celui qui
s'approche le mieux de notre conception du développement soutenable, de
tenter d'apporter les ajustements nécessaires pour qu'il s'adapte au
contexte de notre étude. Nous passerons donc en revue quelques
indicateurs couramment utilisés dans la littérature en retenant
leur mérite, mais surtout en isolant les aspects opérationnels
nous permettant de répondre à la problématique de notre
étude. Il s'agit notamment de l'IDH, et de l'épargne nette
ajustée, l'objectif étant de nous inspirer de leur fondement
théorique et empirique afin d'en dériver des substituts
permettant de mesurer le capital physique et humain, pour vérifier notre
hypothèse d'un changement de régime d'accumulation de ces
facteurs au Burkina Faso.
1. De l'IDH à la mesure du capital humain
L'IDH est un indicateur composite créé par le
Programme des Nations Unies pour le Développement afin de mesurer
l'évolution d'un pays selon les trois critères du
développement humain que sont la santé, l'éducation et le
niveau de vie. En tant qu'indicateur composite, l'IDH opère une
pondération de ses trois dimensions. Cela suppose donc une
substituabilité entre ses trois composantes, une simplification
excessive de la réalité qui veut que l'espérance de vie
à la naissance permette d'appréhender la santé de la
population, que le taux d'alphabétisation des adultes et de
scolarisation des primaires capte la seconde dimension du capital humain,
notamment l'éducation. Le niveau de vie quant à lui est
mesuré par le PIB par habitant en parité de pouvoir d'achat en
dollars.
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Dans notre contexte, l'IDH apporte enseignement sur
l'accumulation de capital humain. Malgré les limites de la
simplification, l'IDH permet d'appréhender les variations du taux
d'accumulation de capital humain (l'éducation et la santé) d'une
période à l'autre en faisant la différence directe entre
deux périodes. Par contre l'IDH n'apporte aucun enseignement sur
l'accumulation de capital physique. L'intégration du PIB par habitant
semble biaiser les données car ce dernier capte positivement la
destruction de capital naturel que représente la production d'or, aussi
en pondérant le PIB par habitant avec l'accumulation de capital humain,
on se retrouve dans une double comptabilité. En effet, en supposant que
l'Etat ait convertit l'intégralité de la rente en capital humain,
pondérer l'éducation et la santé au produit
intérieur reviendrait à comptabiliser la rente et son
équivalent en capital humain.
L'IDH n'est donc pas un indicateur permettant de mesurer
l'accumulation de capital humain et physique, néanmoins en diminuant du
PIB par habitant, on obtient un indicateur non exhaustif, mais suffisamment
robuste pour apprécier le niveau du capital humain.
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