c) L'éviction permanente du secteur
manufacturier
Les ressources naturelles sont néfastes à la
croissance par ce qu'elles induisent des effets d'éviction sur des
activités et des déterminants clés de la croissance. Sachs
et Warner (2001) évoque notamment l'hypothèse selon laquelle
l'abondance de ressources naturelles crée un excès de demande sur
le marché des produits non marchands. Cette hausse de
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demande entraine une hausse du prix des intrants et de la main
d'oeuvre qui réduisent le profit du secteur manufacturier national dont
la compétitivité n'est plus garantie sur le marché
international. Ils ont ainsi pu montrer l'existence d'une corrélation
entre abondance de ressources et prix élevés dans ces pays
même après contrôle de la relation positive entre niveau de
revenu des pays et prix élevé observé par Ricardo, Balasa
et Samuelson. Un deuxième test dans le même article a permis aux
auteurs de vérifier que sur la période 19701990, la baisse de
compétition du secteur manufacturier a surtout eu pour effet une
compression de la contribution de ce secteur à la croissance.
La logique d'éviction ne s'applique pas uniquement au
secteur non manufacturier. L'abondance de ressource naturelles à des
effets négatifs sur l'entrepreneuriat et l'innovation, de sorte que
l'Etat et les entrepreneurs se tournent vers ce secteur qui offre des rentes
plus élevés au détriment des autres secteurs. Si les
salaires sont plus élevés dans le secteur de la ressource, les
entrepreneurs et les innovateurs potentiels sont encouragés à
travailler dans ce secteur et se transforment en chercheur de rente. Gylfason
et al. (1999) et Gylfason (2000) ont pu établir un lien négatif
entre ressources naturelles et éducation. Sachs et Warner (2001)
soutiennent que les variantes de la logique d'éviction sont apparemment
les théories qui expliquent le mieux la malédiction par ce
qu'elles survivent plus aux investigations empiriques.
Le syndrome hollandais s'inscrit également dans la
logique d'éviction. Historiquement, le syndrome hollandais apparait
lorsque l'augmentation des revenus provoquée par l'exploitation de la
ressource entraine une appréciation du taux de change réel avec
pour conséquence une contraction du secteur marchand et une
désindustrialisation. C'est ce qu'on a observé autour des
années 1960 au Pays Bas avec la découverte du gaz naturel. Le
syndrome hollandais regroupe maintenant un certains nombre d'effets pervers
liés à l'afflux de devise, notamment une augmentation des
dépenses publiques, une augmentation du prix des biens non
échangeables, un déplacement de la main d'oeuvre du secteur
manufacturier vers le secteur de la ressource et parfois un déficit du
compte courant.
Davis et Tilton (2005) critiquent la théorie de la
maladie hollandaise en soutenant qu'elle ne fait que refléter les
mécanismes par lesquelles l'économie nationale s'ajuste pour
tirer avantage du secteur de la ressource. Elle ne devient une maladie qu'a
partir du moment où la ressource s'épuise et que
l'économie échoue à reproduire le processus inverse pour
transférer la main d'oeuvre vers les secteurs traditionnels.
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