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Un geste multidimensionnel


par Florent Aillaud
Université Paris VIII - Master 1  2014
  

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Introduction

Le terme « geste » - qui plus est dans le domaine de l'Art - fait montre d'une certaine ambiguïté, certainement provoquée par la richesse sémantique liée à ce vocable, c'est pourquoi le définir n'est pas tâche aisée. Pour autant, cette complexité et cette diversité peuvent nous permettre d'appréhender de manière pertinente la chaîne de la création artistique, de la production de l'oeuvre à sa réception. Ainsi, la réflexion articulée au sein de ce mémoire de recherche prendra justement comme point de départ la richesse sémantique contenue dans la notion de geste, transposée en musique, afin d'expliciter les enjeux auxquels le musicien-interprète, et plus particulièrement le guitariste soliste, se confronte dans sa relation avec l'oeuvre.

Le mot « geste » est issu, d'une part, du nom commun gestus et, d'autre part, du verbe gestere en latin, le premier signifiant « mouvement » mais également « contenance », et le second renvoyant à l'acte de « porter ». Il est intéressant de remarquer que l'étymologie même de ce mot renferme déjà en elle son ambiguïté ; en effet, mis à part le mouvement corporel auquel il est communément associé, celui-ci est aussi un moyen de « porter », de véhiculer quelque chose, c'est-à-dire du sens, des sens, même, et ce de manière tacite.

En matière de geste associé au domaine artistique, Giorgio Agamben propose la définition suivante :

Geste est le nom de cette croisée où se rencontrent la vie et l'art, l'acte et la puissance, le général et le particulier, le texte et l'exécution. Fragment de vie soustrait au contexte de la biographie individuelle et fragment soustrait au contexte de la neutralité esthétique : pure praxis. Ni valeur d'usage, ni valeur d'échange, ni expérience biographique, ni événement impersonnel, le geste est

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l'envers de la marchandise.

Le philosophe italien va même plus loin en présentant le geste en tant que médialité pure, agir communicationnel4. De la même manière en musique, nous nous refuserons de définir le geste de l'interprète comme un acte unique ou solitaire, mais plutôt comme

3 Giorgio Agamben, Moyens sans fins, notes sur la politique, Paris, Rivages, 2002, p.90

4 Le laboratoire du geste, Le geste comme médialité, consultable via : http://www.laboratoiredugeste.com/spip.php?article3

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un lieu de rencontre entre technique, intellect et expression. Puisque le geste « concrétise l'abstrait et symbolise le concret »5 comme a pu l'écrire Geneviève Calbris, notre réflexion cherchera par conséquent à proposer une typologie du geste musical reflétant cette diversité sémantique. Ainsi trouverons-nous du concret dans les mouvements digitaux et plus globalement corporels, répétés et travaillés en amont par l'instrumentiste soucieux de présenter une performance techniquement parfaite, mais de l'abstrait également dans l'imaginaire intellectualisé par ce même interprète souhaitant réaliser tout le potentiel expressif de l'oeuvre à travers le monde sonore adressé à son auditoire ; du concret encore dans la succession formelle et temporelle des pièces qui composent son programme de concert et, parallèlement, de l'abstrait au travers de la portée esthétique, sociale, ou encore ludique de ce même enchaînement.

D'autre part, proposons sans plus attendre une première définition du musicien-interprète sur laquelle nous pourrons baser notre réflexion dans la suite de notre propos - et que nous tâcherons, d'ailleurs, de réviser plus tard au cours de notre argumentation. Il semble intéressant, et d'autant plus dans notre société moderne où l'information est de plus en plus accessible, de considérer ce dernier comme un relais entre ce qu'Antoine Hennion appelle les traces de l'oeuvre (partition, littérature, échanges éventuels avec le compositeur, enregistrements préexistants, expériences de concert) et l'auditeur, que le musicien soit présent de manière physique ou non, selon que nous nous placions dans le cadre du spectacle vivant ou de l'écoute sur support enregistré. Ce relais étant un individu pensant et non une simple « machine » automatisée, il manifeste nécessairement sa propre subjectivité dans cette oeuvre, tant dans sa réalisation purement instrumentale et technique (choix des doigtés, par exemple), dans ses paramètres musicaux (dynamiques, timbres, tempi) ou que dans ses dimensions historiques, sociales, musicologiques ou encore esthétiques. Son discours, ou princeps, doit être à la fois intelligible pour le récepteur, mais également fidèle aux items et à l'ensemble des unités sémantiques et techniques couchées sur la partition par le compositeur. Pour ce faire, l'interprète effectue des choix, fruits de son expérience et de sa conscience musicale :

5 Geneviève Calbris, Geste et parole, In Langue française, vol. 68, n° 1 (1985), p.83

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L'exécution ne saurait être pur respect dans la mesure où elle ajoute nécessairement à l'oeuvre écrite : l'exécution musicale ne peut éviter d'être créatrice, et le problème pour l'exécutant sera d'harmoniser avec l'essence de l'oeuvre l'apport original de sa réalisation.6

Gageons d'ailleurs que ce sont précisément ces choix qui permettent à l'artiste de produire une performance véritablement unique, s'inscrivant dans, ou plutôt comme un moment « rare et inattendu »7.

Suite à ces quelques considérations préalables, plusieurs questions qui alimenteront notre réflexion tout au long de ce mémoire de recherche sont d'ores et déjà soulevées : quelles différentes formes peut prendre la relation entre musique et geste chez le musicien-interprète dans sa transmission de l'oeuvre, entre restitution et recherche d'originalité ? Par quels moyens celui-ci stimule-t-il sa conscience artistique, entre objectivité et subjectivité, au service du monde sonore proposé à l'auditeur ? A quelles contraintes le musicien se confronte-t-il, en particulier lorsque l'oeuvre qu'il souhaite interpréter ne fait pas partie de son répertoire instrumental, nécessitant de réaliser un arrangement, modifiant donc le texte même, c'est-à-dire le princeps originel ? Enfin, qu'ont l'oeuvre, l'exécutant et l'auditeur à gagner ou à perdre dans l'utilisation de l'analyse musicale par ce musicien-interprète ?

L'organisation de ce mémoire s'articulera selon trois axes de réflexion : les deux premiers mettront en évidence l'existence de deux dimensions de la gestique de l'interprète guitariste, que nous nommerons respectivement geste musicien et geste musicologique.8 Notre troisième partie, quant à elle, proposera une analyse personnelle du second mouvement « Dark » d'All in Twilight du compositeur japonais Tôru Takemitsu. En nous appuyant sur les concepts présentés dans les deux premiers axes, il s'agira ainsi d'appliquer véritablement notre argumentation théorique au cas particulier d'un interprète qui se confronte à cette oeuvre en vue d'un enregistrement sur support enregistré9.

6 Gisèle Brelet, L'interprétation créatrice : l'exécution et l'oeuvre, Paris : P.U.F., 1951, p.40

7 François Nicolas, L'analyse musicale du concert : quelles catégories ? In Le Concert. Enjeux, fonctions, modalités, Françoise Escal et al., Paris, L'Harmattan, 2012, p.9

8 Notons que cette proposition de typologie ne se veut pas exhaustive dans ce mémoire de recherche, mais aura besoin d'être complétée lors d'un futur mémoire de Master 2, lequel visera à rendre compte d'un autre aspect du geste, à savoir le geste esthétique. Nous nous focalisons exclusivement ici sur le geste musicien et le geste musicologique afin d'aborder au terme des deux mémoires de Master l'ensemble de ces trois aspects du geste dans les meilleures conditions de recherche et de rédaction.

9 Cf. DVD en annexe du mémoire

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