WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Culture et football au Cameroun. le cas du canon sportif de Yaoundé dans la région du centre; une contribution à  l'anthropologie du football

( Télécharger le fichier original )
par Mouafo Nopi ARNOUX
Université de Yaoundé I - Master en Anthropologie 2014
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

IV.1.1.2 Les joueurs

En tant qu'acteurs principaux d'un club de football, les joueurs du CSY de façon individuelle font recours au fait religieux. Nous avons observé le comportement des joueurs entre eux quelques jours avant les matches et nous avons réalisé que les uns ont l'intention de nuire physiquement les autres par les conflits de mains et de pratiques mystiques. Un autre informateur signale que son co-équipier dont il préfère taire le nom lui avait dit une fois ceci : « je ne suis pas simple mais je le fais pour ma protection juste dont n'est pas peur [...] » car affirme-t-il « il a une chaine aux deux pieds qu'il couvre avec les chaussettes. « Quant à moi, je suis chrétien catholique. Je fais mes prières en lisant la Bible par exemple Luc 1 Verset 29-31 et verset 69-78, Psaumes 90 et 91 du nouveau testament et en buvant l'eau bénite ». « J'obtiens satisfaction quand je prie en lisant Luc». Selon ce même informateur, il existe un homme porte-malheur dans le club car quant il vient au stade, l'équipe perd toujours. Les Jeudis et Vendredis, nous avons observé un climat conflictuel entre les joueurs occupant un même poste spécifiquement ceux jouant soit en attaque soit en défense voire au goal. Ces conflits sont dus à la sélection des onze entrants de la rencontre du week-end, puisqu'il faut prouver son efficacité au sélectionneur. En ce qui concerne les gestes et cris des joueurs, nous en avons observé plusieurs aux vestiaires, lors de l'entrée au stade, au stade et lors d'une action de but concrétisée. Ces mêmes gestes se font parfois lors des entrainements au stade Adolph MBIDA.

Lors des rencontres officielles, les joueurs une fois descendus du bus se rendent aux vestiaires où ils s'habillent en équipement de match ; une prière générale est dite par joueur et les dernières consignes sont données par le coach. Peu après, une entrevue a lieu entre les officiels d'équipes (présidents et coaches des deux clubs) et les officiels de match (trio arbitral). Auparavant, le maillot de chaque jour lui a été remis à la veille du match : se fut une suggestion d'un encadreur du club qui pensait que chaque joueur doit bénir son maillot à sa guise. A l'entrée du stade, après avoir aspergé de l'eau bénite au banc de touche, les joueurs entrent dans l'air de jeu et font regroupement les deux bras de l'un sur les épaules des autres, la tête baissée et prononcent ceci : « Canon ! Bombarbe ! (3 fois) A nous la victoire ! Être ! Vaincre ! Convaincre ! ». Ainsi ces joueurs vont occuper leurs postes respectifs et là, chacun fait sa prière personnelle.

Certains joueurs font le signe de croix à l'entrée du stade, au stade ainsi qu'à la sortie du stade. Lors d'un but marqué, certains buteurs vont pointer le doigt sur le co-équipier, sur le coach au banc de touche ou à la tribune ou encore les deux doigts (index) au ciel, d'autres font le signe de croix ou poussent un cri fort « wouooooo !», « goooooaaaaallll » ; d'autres enlèvent le maillot et pointent du doigt le numéro du dossard. Egalement, un joueur a refusé de jouer avec le dossard 23 parce qu'il en a l'habitude jouer avec le n°7, utilisant pour prétexte que le dossard 23 ne lui porterait pas de chance comme c'est le cas avec le dossard 7. Il semblerait qu'il aurait établi un pacte en s'appuyant sur le numéro de son maillot.

L'envie de réussir sa carrière et le désir de la gloire amènent des joueurs à recourir à des pratiques magiques. Si pour les uns c'est pour se protéger, pour d'autres c'est sans doute pour nuire ou déstabiliser ses coéquipiers rivaux du même poste. Cet état des choses ne favorise pas toujours le climat de sérénité et l'esprit d'équipe tant visé par le staff au sein du CSY. Bien plus, tout le monde se méfie de tout le monde. Pour certains informateurs, la situation actuelle du club est peut être la conséquence de tous les conflits magico-religieuses qui en fin de compte n'attire pas toujours la gloire.

Dans la plupart des clubs ou des équipes de football, l'on parle de pratiques magico-religieuses. Au sein de l'Aigle Royal de la Menoua, il existe un certain joueur qui selon ses co-équipiers, ne lave jamais sa godas parce qu'elle a été « configurée par un tradipraticien à Bali dans le Nord-ouest ». Le CSY quant à lui regorge des joueurs qui portent des chaînes au pieds et chapelet au cou pour se protéger des coéquipiers et de l'adversaire. Dans l'équipe nationale du Cameroun, plusieurs cas de sorcelleries ont été décriés dans la tanière des Lions Indomptables lors de la CAN 2010 et lors de leur élimination le 4 Juin 2011 pour le compte de la CAN 2012. Au sein du CSY, chaque joueur à son maître spirituel qui peut être un membre de sa famille ou non. C'est alors qu'un joueur de champ du CSY déclare : « je vais passer la nuit, deux jours avant une rencontre par semaine chez ma grand-mère pour qu'elle me masse les pieds et me oigne avec une poudre rouge». Nous nous sommes rapproché du joueur en question et il nous a montré ces chaînes sur ses deux pieds, qui dit-il lui ont été offertes par un sorcier de son village afin d'éviter toutes tentatives. Ces chaînes dit-il, « je les cache avec les chaussettes pour que les officiels ne voient pas». Dans le CSY il y a quelques années, les joueurs se faisaient laver avec une décoction issue des os du chimpanzé et de l'eau de source pour solidifier le tibia de ces derniers. Cette pratique se faisait quant le club était presque homogène c'est-à-dire en majorité béti.

Les acteurs sont depuis longtemps gagnés par une sorte de contagion de la pratique magico religieuse. Ils pratiquent les gris-gris de toute sorte, ont leurs chaussures-fétiches et embrassent la pelouse après un but. Ceci n'est pas l'apanage des joueurs camerounais ou africains car Bernard LACOMBE, ancien international français poussait le fétichisme très loin. Une révélation de Dieudonné DIBOUE (2013), un ancien footballeur, affirme en des termes ci -dessous :

« Pendant le match, le match, lorsque j'avais le ballon, les joueurs de l'équipe adverse qui venaient me barrer, voyaient le serpent. En lieu et place du ballon. Ça dépend des totems, lorsque ton totem est le tigre, les joueurs adverses voient le tigre devant eux. C'est cela le football. Tu ne peux rien sans cela. Regardez mes photos que je vous ai données. J'ai toujours une chaîne autour du cou. C'était mon totem. Certains footballeurs louent les cadavres à la morgue pour faire des pratiques à la veille des matches. D'autres trempent leurs maillots dans les urines traitées par des sorciers pour jouer au football. »

La veille du match, ses chaussures trônaient au bout de son lit. Arrivé au stade, il suivait scrupuleusement un rituel compliqué, touchait plusieurs objets qu'il emportait invariablement, massait ses chaussures avant de les enfiler, et achevait ce rituel par une sorte de signe du pied au moment d'engager. Des anecdotes innombrables pourraient être citées, notamment pour le choix des chaussures. Les gardiens semblent particulièrement concernés par ces pratiques, comme s'ils pouvaient, plus que d'autres, interdire l'accès du but au ballon par une quelconque manipulation. Pour un des nos informateurs clés, les relations entre les gardiens de but du CSY ne sont pas toujours bonnes faute de gris-gris.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Aux âmes bien nées, la valeur n'attend point le nombre des années"   Corneille